L’Antarctique couvre environ 25 fois la superficie de la France. Ce continent est recouvert à 99% par 1800 mètres de glaces en moyenne, avec le pôle Sud qui se situe à 2835 mètres d’altitude. C’est la plus grande réserve d’eau douce du monde. La calotte de glace est séparée par la cordillère antarctique, prolongement de la chaîne andine, et depuis ces montagnes les glaces coulent en fleuves titanesques vers la mer. Elles se brisent alors sur les roches, formant des glaciers aux dessins chaotiques faits de séracs et de crevasse, ou quand le relief est plus plat, elles s’écoulent en mer, formant des barrières gigantesques. C’est ainsi que la plus grande, la barrière de Ross, mesure environ 800 kilomètres de largeur, pour une superficie totale d’environ 470 000km2, soit environ deux fois la superficie du Royaume-Uni.
Ce flux permanent de glace provenant des neiges tombées sur le continent amène ces barrières à se biser (« vêler ») des icebergs dits « tabulaires » car leurs sommets ne sont pas en pics comme en péninsule antarctique, mais plats, comme le dessus de la calotte. Ils glissent alors et dérivent en mer. Rien à voir avec la banquise, car celle-ci est de la glace de mer, de l‘eau de mer gelée, alors que ces icebergs sont de la glace de terre, d’eau douce. Les colonies de manchots empereurs se reproduisent sur cette glace de mer, la banquise. Ils dérivent des années avant de se désagréger.
Entre le 13 et le 16 mai derniers, la barrière, ou plateforme de Filchner-Ronne située au Nord du continent en mer de Weddell, a libéré un iceberg géant de 4 320 km² soit la moitié de la Corse. De 173 kilomètres de longueur, il est plus petit que celui libéré par une autre barrière en 2005 et qui mesurait 11 000 km². Ces icebergs géants sont nommés par lettres et chiffres. Celui-ci répond au doux nom de « A76 ». Il a été repéré par satellites et va probablement se fracturer en plusieurs morceaux, puis dériver durant 5 à 10 ans, comme le A23A (3380 km²) ou le A74 ( 1270km²).
En janvier dernier, c’est l’iceberg géant A68, qui faisait parler de lui. Il s’était échoué non loin des côtes de la Géorgie du Sud.
Ces vêlages apparemment de plus en plus réguliers marquent probablement une accélération inquiétante du flux glaciaire. Mais par ailleurs, ils libèrent la côte, pouvant ainsi accélérer par le verrou qu’ils constituaient, ce flux de glaces vers la mer. Depuis les dernières années, l’Antarctique, ce continent qui est aussi considéré comme le grand régulateur climatique mondial, est impacté par le réchauffement du climat sur ses marges, tel un immense congélateur que l’on ouvrirait, ne fondant de suite de toute sa glace, mais libérant celle-ci sur ses bords. Même si les spécialistes ne peuvent à ce jour établir la relation directe de cause à effet avec le réchauffement climatique, ces signaux sont plus qu’inquiétants, et donnent hélas une dimension encore plus exceptionnelle à ce continent des extrêmes.
Article rédigé par Christian Kempf