Le Svalbard (ou archipel du Spitzberg) est un petit paradis pour les géologues. Bien qu’une grande partie de l’archipel soit recouverte de glaciers, la couverture végétale très réduite et la présence de nombreuses vallées glaciaires permettent d’observer des couches géologiques anciennes voire très anciennes depuis la terre ferme, sans avoir recours à des forages ou autres méthodes géophysiques fréquemment utilisées dans l’industrie minière ou pétrolière par exemple.

Grands Espaces vous propose de répondre à vos 5 questions les plus brûlantes sur la géologie de cet archipel. Vous pouvez ainsi apprendre et découvrir des éléments passionnants sur cet ensemble d’îles situé à seulement 1000km du Pôle Nord ou tester et confirmer vos connaissances acquises lors de précédentes croisières-expéditions avec nous. 

Quels types de roches trouve-t-on au Svalbard ?

Alkefjellet falaise d'oiseaux - croisière Spitzberg
Correct! Wrong!

On trouve sur l’archipel les trois types de roches existant à la surface de notre planète. La carte géologique du Svalbard indique les zones où les différents types de roches (ainsi que leur âge) sont observables :
Carte Géologie du Spitzberg

Figure 1:Carte géologique du Svalbard publiée par l’Institut Polaire Norvégien en 2007.

Les roches magmatiques (ou ignées) sont indiquées dans les tons gris foncé et rouges et sont issues du refroidissement lent ou rapide du magma (roche en fusion provenant des profondeurs de la Terre). Lorsque le matériel magmatique pénètre dans les parties inférieures de la croûte terrestre, il se forme, à la suite d’un lent refroidissement, des roches plutoniques comme la dolérite, le granite et le gabbro. Lorsque le magma atteint la surface du globe sous forme de coulées de lave par exemple, un refroidissement relativement rapide du magma s’ensuit et des roches volcaniques se forment.

Les roches sédimentaires proviennent de l’altération de roches préexistantes. Ces produits d’altération subissent un transport plus ou moins long par l’eau, la glace, le vent ou les forces gravitationnelles entre l’emplacement de la roche d’origine et leur lieu de dépôt. S’ensuit alors la transformation d’un sédiment meuble en roche sédimentaire consolidée par compaction et cimentation. Les roches sédimentaires les plus communes au Svalbard sont : le grès, le schiste, le calcaire et le conglomérat. On trouve ces roches dans les zones colorées en orange, en vert, en violet, en jaune et en bleu sur la carte géologique ainsi que dans toutes les vallées et fjords de l’archipel. Les glaciers qui ont formé ces reliefs ont en effet érodé le socle sur lequel ils avançaient et redéposé sous forme de moraines les produits de leur érosion.

Les roches métamorphiques se forment lorsque des roches sédimentaires ou magmatiques sont soumises à des conditions de températures et de pressions très élevées, par exemple lors d’une collision entre des plaques tectoniques. Il en résulte une recristallisation des roches préexistantes, souvent accompagnée d’un développement de schistosité (i.e. débit de la roche en lamelles). Le gneiss, le marbre et le micaschiste sont quelques exemples types de cette famille de roches. Le Svalbard regorge de ces roches métamorphiques. On en trouve dans toutes les zones colorées en rose, orange pâle, gris clair et vert sur la carte géologique. Les roches les plus anciennes de font partie de cette catégorie de roches. Certains de leurs minéraux sont âgés d’environ 3,2 milliards d’années.

Y a- t- il des vestiges volcaniques au Svalbard ?

Alkehornet Spitzberg
Correct! Wrong!

La réponse à la question précédente a dû vous guider dans le choix de votre réponse ! Le Svalbard a connu plusieurs phases d’activités volcaniques dans son histoire. Des restes déformés de complexes volcaniques ont été observés à Hornsund et Torellbreen (ouest de l’île du Spitsberg) et sur l’île de Botniahalvøya (Nordaustlandet, Figure 1)). La dernière activité volcanique est datée entre un million d’années et 100 000 ans. Celle-ci s’est développée au nord-ouest du Spitsberg autour du Bockfjord (Figure 2). Les vestiges d’un volcan à Sverrefjellet (506 m) ainsi que des coulées de lave, des cendres volcaniques et les restes de cheminées (Halvdanpiggen) ont été identifiés à l’ouest du Bockfjord. Ces vestiges ont été datés d’environ 100 000 à 200 000 ans.

geologie Svalbard

Figure 2: Le cratère du volcan de Sverrefjellet situé dans le Bockfjord.

La forme typique de cône du volcan a été depuis altérée par l’érosion due à la glace pendant les différentes périodes glaciaires qui ont sévi sur l’archipel. Plusieurs sources thermales sont présentes près de Sverrefjellet. Attention, rien de comparable à celles qui peuvent être observées en Islande de nos jours mais la température de l’eau qui jaillit en surface atteint quand même les 24° C. Le site est de nos jours restreint d’accès afin de le protéger.

Pourquoi y a-t-il des mines de charbon au Svalbard alors que l’on n’y trouve de nos jours aucune forêt à proprement parler ?

Spitzberg - Pole Nord
Correct! Wrong!

Le charbon est une roche combustible (énergie fossile) riche en carbone issue de la transformation très lente de matières organiques végétales en l’absence d’oxygène et sous des températures basses. Cette transformation, appelée ‘carbonification’ ou ‘carbonisation’, a lieu au cours de l’enfouissement des sédiments et correspond à la désintégration des débris végétaux (Figure 3).

Cycle de formation du charbon

Figure 3:Cycle de formation des veines de charbon.

Il existe en réalité différents types de charbon suivant leur teneur en carbone : la tourbe (de 50 à 55% de carbone), la lignite (de 55 à 75%), la houille (de 75 à 93%), l’anthracite (entre 93 et 97%) et enfin le graphite (>97%). Le charbon du Svalbard contient de 75 à 90% de carbone ce qui en fait un charbon bitumineux, aussi appelé houille grasse. C’est un charbon d’excellente qualité : il a une teneur élevée en méthane et hydrogène ainsi qu’une faible teneur en phosphore et en soufre. Il est principalement utilisé comme source d’énergie, dans l’industrie métallurgique en Allemagne notamment et dans l’industrie du ciment.

Il faut des quantités considérables de matières organiques pour produire des filons de charbon. La couverture végétale actuelle du Svalbard est bien insuffisante pour y parvenir. L’étude des fossiles et des spores présents dans les roches sédimentaires permet de conclure que l’archipel avait une couverture végétale très dense durant deux périodes anciennes :

  • Période du Carbonifère (de -359 à -299 millions d’années) : c’est le charbon le plus ancien qui a été miné sur l’archipel. Au début du Carbonifère, le Svalbard était partiellement recouvert par d’immenses forêts tropicales composées de fougères géantes (Figure 4). Vers le milieu du Carbonifère (~330 millions d’années), l’archipel fut inondé par une mer tropicale peu profonde. Les mines situées dans la partie Nord du Billefjord (Pyramiden entre-autres) exploitent des filons de charbon provenant de cette période.

Foret tropicale de fougeres

Figure 4: Exemple d’une forêt tropicale de fougères.

  • Période du Paléogène (de -66 à -23 millions d’années) : A cette époque, la température annuelle moyenne de la Terre était estimée à +12 degrés Celsius par rapport à la moyenne annuelle actuelle. Les conditions climatiques en Allemagne du Sud étaient subtropicales et des palmiers poussaient à Paris et à Londres… Le climat au Svalbard était chaud, avec une forte humidité tout au long de l’année. Le développement des graminées, des fougères et des prêles a stabilisé les sols autour des lacs et des lagons permettant l’implantation tout d’abord de noisetiers et bouleaux, suivis par des ormes, des hêtres et des séquoias ou tout du moins leurs ancêtres.Il nous est aujourd’hui possible de prouver la présence de ces forêts et zones de marécages car les terrains enfouis ont été à nouveau poussés vers la surface. Des fossiles d’animaux et de végétaux sont visibles dans les parois des mines de charbon ainsi que dans les moraines des glaciers (Figure 5).

Feuille fossilisée

Figure 5: Feuille fossilisée trouvée dans les sables d’une moraine du glacier Longyear situé derrière la ville de Longyearbyen.

Les filons de charbon exploités à Longyearbyen, Grumantbyen, Barentsburg, Sveagruva et Ny-Ålesund proviennent de ces forêts de feuillus.
Le charbon apparaît sous forme de lentilles, de poches ou de couches dont l’épaisseur peut varier de plusieurs mètres d’épaisseur à seulement quelques centimètres d’épaisseur. Pour qu’un filon de charbon soit considéré rentable, il doit avoir une certaine extension, épaisseur, localisation et qualité, de sorte que son prix de vente soit supérieur à ses coûts d’exploitation et de transport. Il existe 5 filons de charbon dans les mines du Paléogène. Seuls deux de ces cinq filons sont exploitables d’un point de vue économique  :
Svea : jusqu’à 5m d’épaisseur dans la mine Svea située à 45 km au Sud de Longyearbyen,
Longyear : le filon principal pour les mines autour de Longyearbyen, toujours exploité dans la mine 7.

La présence de charbon est repérée au Svalbard dès 1610 par les baleiniers qui naviguent dans les fjords de l’archipel lors des saisons de chasse à la baleine à bosse. Les premiers chargements de charbon sont envoyés en Angleterre entre 1869 et 1871 mais il faudra attendre la fin des années 1890 pour assister aux premières tentatives d’exploitation commerciale. La première mine ouvre dans l’Isfjord et envoie 6 m3 de charbon de bonne qualité à Tromsø en 1899. Les besoins croissants de l’Europe en charbon amènent à une ruée vers le charbon (« coal rush ») sur l’archipel entre 1904 et 1925. 7 mines sont ouvertes entre 1906 et 1975 rien qu’à Longyearbyen. La ville tient d’ailleurs son nom d’un investisseur américain qui, en 1906, ouvrit la mine 1 : John Munro Longyear (Figure 7).

John Munro Longyear

Figure 7: Portait de John Munro Longyear, le fondateur de l’Arctic Coal Company à Longyearbyen.

L’exploitation du charbon au Svalbard n’est plus rentable depuis fin 2014. La production industrielle norvégienne est arrêtée depuis fin 2015. Seule la mine 7 est toujours en fonctionnement afin de produire du charbon pour la centrale électrique de la ville. Les Russes continuent d’exploiter les filons de charbon dans la mine de Barentsburg.

Y a-t-il eu des dinosaures au Svalbard ?

Correct! Wrong!


Les premières preuves de la présence de dinosaures sur l’archipel furent apportées en 1960 lorsqu’une expédition scientifique lancée dans le cadre du Congrès International Géologique de Copenhague mit à jour des empreintes d’un ornithopode (i.e. un dinosaure de type Iguanodon). Cette découverte fit sensation à l’époque car elle était la première preuve de l’existence de dinosaures dits polaires et mit à mal le concept de dinosaures en tant qu’animaux typiquement tropicaux.  Plusieurs fossiles et empreintes de différents types de dinosaures ont depuis été trouvés, datés d’environ 125-130 millions d’années (Figure 8).

Dinosaures Spitzberg

Figure 8: Localisation des différentes empreintes de dinosaures sur l’archipel du Svalbard et photographie des empreintes trouvées à Boltodden, Kvalvågen.

Si la présence d’empreintes sur l’archipel peut surprendre, il faut se remettre en tête la configuration de notre planète il y a 130 millions d’années. A cette époque, l’Océan Atlantique n’existait pas encore : il était dont possible de passer à pied sec du Groenland vers le Svalbard, voie que les dinosaures ont probablement suivie. A cette époque, le Svalbard se trouvait approximativement par 60°N de latitude. L’étude des fossiles de plantes présents dans les sédiments indique que le climat qui régnait sur l’archipel était doux et relativement humide. Les scientifiques pensent qu’à cette latitude la saisonnalité des conditions climatiques était élevée et que de longues périodes de nuit polaire régnaient. Un élément notable des découvertes est que tous les fossiles trouvés dans les régions arctiques correspondent à des restes de dinosaures. A ce jour aucun fossile d’autres reptiles comme des crocodiles ou des tortues n’a encore été observé. Ceci semble indiquer que les dinosaures avaient développé la capacité de vivre sous des climats relativement froids et que cette tolérance aux conditions climatiques froides était visiblement partagée par de nombreuses familles de dinosaures puisqu’une large variété de squelettes ou empreintes a été mise à jour lors des fouilles. Il existe plusieurs théories sur l’adaptation des dinosaures à la vie en hautes latitudes mais l’absence de connaissances sur le métabolisme de ces reptiles ne permet pas de conclure avec certitude. Leurs techniques de survie pendant les périodes de nuit polaire est inconnue. Deux hypothèses sont proposées : une sorte d’hibernation ou une migration vers des latitudes inférieures.

Que sait-on de l’évolution du climat au Svalbard au cours du temps ?

Correct! Wrong!

La succession sédimentaire du Dévonien au Quaternaire (de -420 millions d’années à nos jours) témoigne que le Svalbard a séjourné au cours de son histoire géologique dans toutes les zones climatiques possibles de notre planète (Figure 9). Lors du passage du Dévonien au Carbonifère (il y a environ 360 millions d’années), les conditions climatiques sur l’archipel étaient tropicales et les forêts de fougères qui ont donné les mines de charbon du nord du Billefjord s’y sont développées. Les sédiments de la fin du Carbonifère et du début du Permien reflètent un climat aride subtropical alors que les conditions climatiques sur l’archipel de -200 millions d’années à environ -60 millions d’années étaient tempérées, permettant le développement des forêts de feuillus qui ont des milliers d’années plus tard donné naissance aux filons de charbon de la région de Longyearbyen.
Ces changements climatiques sont liés au fait que le Svalbard, qui est situé sur le coin Nord-Ouest de la plaque eurasienne, s’est déplacé depuis l’hémisphère sud à travers la zone équatoriale, toujours plus vers le nord, jusqu’à atteindre sa position actuelle dans l’Arctique de 78°Nord … Un long voyage de 12 000 kilomètres, parcourus en un peu moins de 600 millions d’années !

Climats du Svalbard

Figure 9: Les différents climats du Svalbard au cours du temps.

Le climat actuel du Svalbard est polaire, caractérisé par des températures basses tempérées sur la côte Ouest par le Gulf Stream et des précipitations très limitées.
Le réchauffement climatique du dernier centenaire est particulièrement visible sur l’archipel : les fronts de nombreux glaciers ont reculé de plusieurs centaines de mètres comme documenté par exemple lors du centenaire de l’expédition du Prince Albert Ier de Monaco de 1906 au glacier de Lilliehöök :

Le glacier de Lilliehöök en 1906 et 2005

Notes quiz :

Entre 0 et 2 bonne(s) réponses : vous êtes un géologue débutant. Venez-nous rejoindre sur une de nos croisières d’introduction au Svalbard pour parfaire vos connaissances !

3 ou 4 bonnes réponses : vous êtes un géologue confirmé ! Venez-nous rejoindre sur une de nos croisières dédiées à des zones spécifiques du Svalbard pour parfaire vos connaissances !

5 bonnes réponses : vous êtes un expert en la matière ! Félicitations ! Nous sommes convaincus que nous pouvons encore vous apprendre des choses passionnantes sur cet archipel. Venez nous rejoindre sur une de nos croisières en 2022 !

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Article rédigé par Audrey Roustiau, géologue et géophysicienne, guide conférencière chez Grands Espaces.

Envie d’en savoir plus sur la géologie passionnante du Svalbard ? L’institut polaire norvégien a mis en ligne un petit livre très bien fait et très complet sur la géologie de l’archipel que vous pouvez télécharger en cliquant sur le lien ci-dessous :

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