Dès la fin du 19e siècle et au début du 20e, le monde se prend de passion pour les grandes découvertes. De grands aventuriers vont ainsi se lancer d’incroyables défis et braver d’extrêmes conditions afin de voyager en Antarctique, au Groenland et toutes ces régions alors inexplorées. Robert Peary est l’un d’eux. En effet, entre 1893 et 1909, ce dernier tente l’incroyable exploit de poser le pied au Pôle Nord. Ce ne sera qu’au cours de sa toute dernière aventure qu’il y parviendra. Sa réussite aura toutefois une saveur particulière, d’autres, comme Frederick A. Cook, en revendiquant la paternité.
Robert Peary ne s’attendait probablement pas à devenir l’un des héros du début du 20è siècle. Né le 6 mai 1856, à Cresson, en Pennsylvanie, il perd son père à l’âge de 3 ans. Sa mère l’emmène alors du coté de Portland, en Oregon. Le reste de son enfance se déroule de manière classique. À l’Université, il décroche un diplôme d’ingénierie civile et s’engage au sein des forces armées de la Navy, en 1881. Il est alors âgé de 25 ans. Nommé lieutenant, il s’occupe en 1884 et 1885, de l’étude des travaux à mener au canal du Nicaragua, pays où il reste durant la totalité de ses opérations. C’est au cours de cette période que son intérêt pour le Pôle Nord se développe. Dans le journal qu’il tient, il affirme vouloir tout faire, afin de devenir le premier homme au monde à franchir le cercle Arctique et à se rendre sur le toit du monde.
Ambitieux, Robert Peary s’attèle rapidement à mener à bien sa mission. Dès 1886, il propose à l’Académie américaine des Sciences, deux façons de traverser le Groenland, de franchir son cap gelé et de se rendre au Pôle Nord. Deux hypothèses qui retiennent alors toutes les attentions. Innovantes, qualifiée même de culottées, celles-ci paraissent irréalisables. La première idée consiste ainsi à partir depuis la cote Ouest du Groenland, pour une traversée longue de 640 kilomètres et ce, jusqu’à la côte Est du pays, avant de passer du côté du Pôle. La seconde, encore plus ambitieuse, consiste à partir depuis le point de Whale Sound, situé tout au nord de la mer de Baffin, avant de voyager jusqu’au nord du Groenland. Ce voyage permettra alors de déterminer si, oui ou non, le Groenland est un île et si, oui ou non, il est possible de passer de l’autre côté, à savoir du côté du Pôle Nord.
Fasciné par la possibilité de passer par le Pôle Nord, l’Académie américaine des Sciences souhaite que Peary parte en suivant le tracé de la première option. L’objectif est donc de parcourir les 640 kilomètres qui traversent le Groenland, en chiens de traineau. Autorisé par la Navy à mener à bien son projet, Peary obtient un congé de six mois, ainsi qu’une chèque de 500 dollars, offert par sa mère. Son voyage le mène donc des États-Unis, jusqu’à Godhavn. Le grand départ lui, a lieu le 6 juin 1886. Toutefois, très rapidement, la situation va prendre une tournure inattendue. Souhaitant partir seul, il se fait rattraper in extremis par Christian Maigaard, un jeune danois qui le convainc de le prendre avec lui. À ses yeux, une mission solo est beaucoup trop risquée et Peary risquerait de perdre la vie.
Les deux hommes débutent ainsi une expédition inédite dans l’histoire. Malheureusement, celle-ci n’arrivera jamais à son terme, la faute à une organisation bancale. En effet, les deux hommes ne parcourent que 160 kilomètres avant de se rendre compte qu’ils manquent de nourriture et, de fait, ne pourront pas continuer. Rebroussant chemin, Peary reste persuadé d’être en mesure de réussir à passer du côté du Pôle Nord. Cette expérience ratée va toutefois lui servir pour la suite. De retour aux USA, l’aventurier se tourne déjà vers l’avenir et prépare son retour au Groenland.
Avant de repartir, Peary doit toutefois se soustraire à ses impératifs militaires. C’est d’ailleurs grâce à l’armée qu’il rencontrera celui qui partagera ses aventures, Matthew Henson. Jeune afro-américain, vendeur de chapeaux, Henson est un habitué des longues traversées, lui qui a servi six ans en tant que chef de cabine. Impressionné par les projets de Peary, il accepte rapidement de devenir son valet personnel. Il deviendra, au fil des années, l’un des piliers de l’exploration polaire. Leur première expédition, a d’ailleurs lieu assez rapidement puisque les deux hommes repartent au Groenland, dès 1891.
Mieux organisée, financée par divers organismes comme la Société Américaine de Géographie, ou encore l’Académie des Sciences naturelles de Philadelphie, cette exploration est celle qui devrait permettre à Peary de confirmer si le Groenland est une île. Cette aventure sera également l’occasion pour Peary de rencontrer son futur meilleur ennemi, Frederick A. Cook, puisque ce dernier officie en tant que médecin sur le navire. Les caractères sensiblement différents des deux hommes vont faire des étincelles et très vite, une véritable inimité entre les deux va se faire ressentir.
Cette mission sera également l’occasion pour Peary de mettre en pratique les techniques de survie inuit qu’il a pu apprendre. Une mission finalement couronnée de succès puisqu’au mois de mai 1892, l’équipage confirme que le Groenland est une île. Sur terre, accompagné du skieur norvégien Astrup, Peary découvre le fjord de l’Indépendance. Les deux hommes rentrent sur leur navire au mois d’août et tous reprennent finalement la mer, en direction des États-Unis.
Ces deux aventures au Groenland, seront suivies de six autres explorations polaires, dont le seul et unique but de chacune, est la traversée jusqu’au Pôle Nord. Ce ne sera que le 6 juillet 1908, accompagné de 23 hommes, que Peary partira pour l’exploration de sa vie. Au départ de New York City, ce dernier vogue depuis le Roosevelt, un navire dirigé par Robert Bartlett. L’équipage est toutefois freiné dans ses avancées, lorsqu’il arrive du côté du Cap Sheridan, sur l’île Ellesmere. Pris dans les eaux froides, le Roosevelt passe l’hiver sur place. Ils ne repartent finalement que le 28 février 1909. Une fois à destination, Peary met en place son mode de fonctionnement et développe sa stratégie.
Le groupe de 23 hommes dispose de 15 traineaux et de 133 chiens. Il est alors divisé en 3. Le premier groupe a pour mission de créer les routes. Le second groupe part derrière, avec les vivres et, a pour objectif, de confirmer et retravailler le chemin tracé. Le troisième groupe, composé de Peary suit derrière. Ce dernier avance avec 5 hommes, dont 4 esquimaux et Henson. Le 6 avril, ils établissent le Camp Jesup, à 5 kilomètres seulement du Pôle. Henson est alors envoyé en éclaireur et devient, sans doute, le premier homme à avoir posé le pied au Pôle Nord. Sur le retour, il confirme d’ailleurs aux aventuriers, « Je pense être le premier homme à m’être assis sur le toit du monde ». De quoi causer beaucoup de peine à Peary qui aurait probablement voulu être lui aussi de la partie.
Le sentiment du devoir accompli, Peary tente, cinq mois durant, de confirmer son exploit aux autorités. Malheureusement pour lui, un autre homme, Frederick A. Cook, aurait réussi, avant lui, à franchir le Pôle Nord et aurait, là encore, quelques jours avant alerté les autorités. S’en suit alors une guerre entre les deux individus, qui se disputent la paternité de l’exploit réalisé. En 1909, par 4 voix contre 3, le Congrès confirme que Peary est bien le premier homme à avoir été au Pôle Nord. En effet, Cook n’a pas été en mesure de présenter de preuves concluantes. Ses documents de voyages ont tout simplement disparu dans de douteuses circonstances. En effet, les caisses renfermant ses annotations et ses découvertes, devaient embarquer à bord du Roosevelt, le navire de Peary. En apprenant que ce dernier avait envoyé des informations avant lui au sujet de son exploit, il refusera le chargement des documents de Cook sur son navire. La caisse elle, n’a jamais été retrouvée et aurait été laissée quelque part en terre d’Inglefield.
Si ses expéditions et ses découvertes ont permis d’en apprendre énormément au sujet de cette région du monde, Robert Peary a-t-il réellement découvert le Pôle Nord ? Mis à part la querelle qui l’a opposé à Frederick A. Cook, l’explorateur polaire Wally Herbert affirme avoir étudié le livre de données tenu par Peary au cours de sa dernière aventure. Selon lui, il manque ainsi des informations essentielles, ce qui le pousse à remettre en cause son exploit. A cela, s’ajoutent les querelles qui l’ont opposé à Cook. Querelles qui aujourd’hui encore animent de houleux débats entre les experts.