Moins connu que Robert Peary, Matthew A. Henson reste l’un des aventuriers les plus importants de l’histoire de l’exploration polaire. Véritable pionnier, celui-ci est resté le fidèle second du commandant Peary durant près de deux décennies. L’accompagnant dans l’ensemble de ses aventures, Henson devient même le premier homme à poser le pied au Pôle Nord (même si encore aujourd’hui, la conquête du Pôle Nord par l’équipe de Peary est controversée). Ses connaissances maritimes et son amour pour le monde inuit lui permettent de jouer un rôle central lors des multiples expéditions auxquelles il a pris part.
Descendant d’esclaves afro-américains, Matthew Alexander Henson est un homme dont l’histoire est tout simplement fascinante. Orphelin, il grandit du côté de Washington DC avant de rejoindre Baltimore, dans le Maryland. Il quitte l’école peu avant ses 12 ans, afin de partir vivre la grande aventure. Garçon de cabine, il apprend à naviguer au contact d’un homme qui devient son mentor. Très technique, Henson se complaît dans cet univers et tire bénéfice de cette nouvelle éducation. Rapidement, il devient un marin accompli et, à la fin de sa carrière, il aura voyagé un peu partout à travers le monde, en Orient, en Afrique du Nord ou encore en Mer Noire.
Matthew Henson a vécu une enfance quelque peu compliquée. Dès l’âge de 4 ans, il quitte sa maison d’enfance pour Washington D.C. Selon son père, y trouver du travail y est bien plus simple. Malheureusement, ce dernier décède quelques années plus tard, obligeant le jeune Matthew Henson et ses frères, à entretenir la famille. Alors âgé de 11 ans, le petit garçon décide de tout quitter et part à l’aventure. Henson se rend du côté de Baltimore, dans le Maryland. Il y travaille dans un restaurant avant de devenir garçon de cabine. Il officie sous les ordres du Capitaine Childs, sur le Katie Hines. Une expérience hors du commun, qui lui permet d’apprendre absolument tout ce qu’il y a à savoir sur le monde de la navigation.
En 1884, Henson apprend le décès de Childs. Pour le jeune homme, le coup est dur. C’est ainsi qu’il décide de revenir chez lui, à Washington D.C. Quittant le Katie Hines, il enchaîne les petits boulots avant de devenir chapelier. Pensant que sa carrière maritime est terminée, il ne s’attend alors pas à ce que, 10 ans plus tard, son expérience en tant que marin lui serve à nouveau. En effet, alors qu’il est âgé de 22 ans, Robert Peary entre dans la boutique dans laquelle Henson travaille. Très vite, les deux hommes échangent. Impressionné par ses connaissances et son enthousiasme, Peary l’engage sur-le-champ afin d’en faire son valet. Son statut va toutefois évoluer, Henson prenant dès lors part à toutes les expéditions de son commandant. Une rencontre qui change le cours de sa vie.
18 années durant, Henson et Peary vont travailler ensemble. Rapidement, les deux hommes se fixent pour objectif, d’atteindre le Pôle Nord, un exploit encore jamais réalisé. Après de multiples tentatives, les deux compères y parviennent finalement le 6 avril 1909. Matthew Henson pourrait même être le premier homme à y avoir posé le pied ! Parti en éclaireur, il revient en affirmant qu’il pourrait bien être le premier homme à s’être assis sur le toit du monde. Toutefois, le chef d’expédition n’est autre que Robert Peary et c’est bien lui qui récupère tous les honneurs lorsque vient le temps des célébrations.
Cette incroyable épopée, Matthew Henson décide de la raconter dans son ouvrage, « A Negro Explorer at the North Pole » paru en 1912. Très détaillé, ce livre raconte l’ensemble de l’aventure de 1908-1909. Un ouvrage qui permet d’en apprendre beaucoup plus sur Henson, son commandant, mais aussi et surtout, sur le rôle joué par l’explorateur dans la réussite de cette mission. Capable de maîtriser les chiens de traîneau, Matthew Henson était également un véritable couteau suisse, disposant de multiples qualités, dont celle de parfaitement comprendre et parler l’inuit. De quoi lui ouvrir de nombreuses portes chez les locaux. « Je vois les Inuits comme des amis et me voient de la même façon » explique-t-il d’ailleurs, avant d’évoquer Akatingwah, celle qui sur place, partagea sa vie, ainsi que leur fils, Ahnaukaq.
Né une année seulement après l’abolition de l’esclavage aux États-Unis (1865), Matthew Henson reste un descendant d’esclaves dont la famille a dû lutter contre les préjugés et la pauvreté. Toutefois, après s’être décidé à tout quitter très jeune, ce dernier prend beaucoup de recul et profite d’une vie pleine au point de devenir l’une de ces figures qui comptent. Son portrait, dans lequel nous le voyons en gros plan, visage emmitouflé dans un manteau fait de fourrure, fera le tour du monde. À l’époque, Henson bouscule les codes et prouve qu’un afro-américain peut parfaitement voyager au bout du monde. Une manière pour lui, de challenger l’opinion alors que la question du racisme est encore bien présente aux États-Unis de l’époque.
Malheureusement, si son rôle a été vital pour l’expédition, il ne sera reconnu que bien plus tard. Si Robert Peary obtient très vite la plus haute distinction de la Société Américaine de Géographie, Henson lui, doit attendre 27 ans après la mort de son commandant, survenue en 1920, avant de se la voir décerner. Un rôle majeur, qui ne sera célébré que très tard. Cette distinction marque, par la même occasion, son retrait définitif du monde de l’aventure. Après être rentré et avoir écrit son livre, Henson, travaille aux douanes américaines. Marié à deux reprises, il n’aura qu’un seul enfant, Ahnaukaq Henson, qui à l’âge de 80 ans, en 1987, réalise le rêve d’une vie en se rendant aux États-Unis afin de visiter le pays d’origine de son père. Un an avant, Matthew Henson est commémoré en apparaissant sur un timbre-poste américain.
À son retour d’expédition, Henson prend un peu de temps pour lui, mais, dès 1912, débute le récit de ses mémoires. Très détaillé, son ouvrage, lui permet de revenir sur sa rencontre avec le commandant Peary, mais également sur l’ensemble de l’expédition de sa vie. Un livre écrit à une période ou la question raciale était encore très présente. Ainsi, si le vocabulaire peut parfois surprendre, cet ouvrage reste un véritable trésor d’informations. La préface, écrite par Robert Peary tend d’ailleurs à confirmer la forte relation que les deux individus ont su créer et développer tout au long de leur carrière.
Ce livre, long de 21 chapitres démontre à quel point cette expédition fut difficile. Les détails donnés sur les rencontres, les dialogues et les épreuves à surmonter sont saisissants. Cependant, la question du succès réel de cette aventure se pose aujourd’hui. En effet, aux yeux de nombreux experts, les aventuriers ont été relativement proches du but mais n’ont jamais réellement franchit la « frontière » avec le Pôle Nord. De retour aux USA, l’équipage fait alors face à une incroyable polémique.
Au même moment, Frederick A. Cook, explorateur ayant participé aux premières aventures de Peary revendique lui aussi la paternité de l’exploit avant que le Congrès américain ne vienne trancher en faveur de Peary, qui dispose de plus de preuves. En effet, la boite dans laquelle les données de Cook étaient enregistrées et répertoriées, a mystérieusement disparu après avoir embarqué sur le Lincoln, le navire de Robert Peary et ses hommes. Si Henson ne revient pas sur ce passage, il évoque avec passion son retour à la civilisation. Celui-ci s’est effectué du côté d’Indian Harbor, au Labrador (Canada). Ce jour-là Peary envoie son télégramme aux autorités, affirmant que le « Stars and Stripes » (le nom du drapeau américain) était bien planté au Pôle Nord.
La fin de son ouvrage elle, fait la part belle aux esquimaux, peuple ami de Henson, pour qui il voue un véritable culte. Maîtrisant leur langue, ce dernier vit une véritable passion avec l’une d’entre elles, une certaine Akatingwah. Ensemble, ils auront un enfant, Ahnaukaq. Véritable passionné, Henson s’est également intéressé aux esquimaux d’un point de vue sociologique. Habitudes et coutumes, ce dernier dresse un portrait détaillé de cette civilisation. Il raconte comment les hommes agissaient afin de faire régner l’autorité et souligne la place peu importante de la femme dans leur société. Considérées comme des « meubles », elles étaient, à l’époque, vendues, échangées ou abandonnées sans explications. Dans son ouvrage, Henson revient également sur la religion et les croyances esquimaudes, notamment leur approche à la mort, jugée très directe. À l’époque, lorsqu’une personne mourrait, sont corps était déplacé en dehors de l’igloo, de peur que la mort ne vienne prendre place au sein du foyer.
Peu connu, au contraire de Robert Peary, Matthew Henson n’en reste pas moins l’un des piliers de l’aventure polaire et surtout, des exploits de celui qu’il a toujours appelé, « son commandant ». Considéré comme le premier homme à avoir posé le pied au Pôle Nord, quelques minutes, heures, avant Peary, Henson est un homme de l’ombre, qui aura voué une grande partie de sa vie, à comprendre et assimiler la culture des esquimaux. Fasciné par cette civilisation, ce dernier a même eu un fils avec l’une d’entre elles. Son ouvrage, « A Negro Explorer at the North Pole » reste à ce jour, l’un des livres les plus explicatifs et complets sur le sujet de l’exploration polaire.
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