Lors de la croisière « Des 3 frontières » en Amazonie, du 17 au 31 juillet 2022, les passagers de la Jangada ont eu la chance d’assister au rituel Ticuna ; un rite ancestral pour chaque jeune fille « pubère ».
Justine, notre conseillère voyage et présente sur cette croisière, revient sur ce moment fort et nous fait part de son ressenti :
« La population amérindienne du Brésil est estimée à moins d’un million de personnes. Un effectif en constante augmentation. De nombreuses ethnies sont en relation permanente avec le reste de la civilisation ce qui n’empêche pas le maintien d’une culture singulière. C’est le cas des Ticuna localisés le long du Solimoes et de quelques-uns de ses affluents. Malgré 400 ans de contacts, les Ticuna ont conservé le bien le plus précieux : la langue. Dans le village de Campo Alegre qui nous accueille ce matin, il n’y a pas une personne ticuna qui ne parle pas la langue maternelle. Pourtant à première vue, cette agglomération de 5000 âmes ressemble à tous les autres villages croisés sur notre chemin. Tous laissent à penser que le mode de vie amérindienne s’est dilué. Et bien, on se met le doigt dans l’œil. Certes, les habitations, l’alimentation, l’usage de téléphones portables, etc, sont adoptés depuis longtemps. Or, l’appartenance à une moitié (société divisée en clans et sous-clans) est toujours la règle sociale qui oblige par exemple une personne à se marier à un partenaire affiliée à l’autre moitié.
Après une visite du village, une surprise nous attend derrière le marché. Quelques personnes ont revêtu des vêtements traditionnels et des masques pour nous offrir une performance culturelle.
En effet, nous allons avoir l’honneur d’assister à une partie du rituel de la « fille pubère ». Au sein de cette communauté, une jeune fille qui a ses premières règles entre en réclusion pour une durée de plusieurs semaines.
Les Amérindiens prétendent que cet isolement est une transformation ou une renaissance analogue à celle de la métamorphose de la chrysalide en papillon. Le rite a pour fonction de réactualiser le passé et joue également un rôle de reproduction sociale. En plus d’être un rite de passage, la fête de la jeune fille est un rite de la fertilité. La jeune fille est la cible d’entités surnaturelles masquées qui désirent la capturer pour avoir une relation avec elle.
Cette mise en scène se déroule normalement durant trois jours avec des chorégraphies spécifiques. Le moment culminant est atteint lorsque les entités masquées prennent d’assaut l’enclos de la jeune fille. Tout semble indiquer un désordre social. L’ordre est rétabli quand la jeune fille aura eu la totalité de sa chevelure arrachée par tous les participants. Cet acte douloureux symbolise ainsi la reproduction de vie sociale ticuna. Très peu de personnes non Ticuna ont eu le privilège d’être invitées à cette cérémonie. Ce privilège nous permet de constater la complexité d’une société amérindienne d’Amazonie.
Au début du rituel, je sens un réel désordre social et chorégraphique mais aussi paradoxal que cela puisse paraître une intensité particulière règne, comme s’il se jouait là quelque chose de crucial, une transformation inévitable pour être accueilli dans la société des « grands ».
C’est particulièrement beau et fascinant à observer. Leur implication totale me rend curieuse. Ils sont vêtus d’ornements divers, de feuillages, de costumes représentants les esprits et animaux, etc.
Je réalise après quelques minutes que je suis dans le cercle vertueux d’une transmission, d’un rite de passage important.
J’essaie de profiter du moment présent, de réaliser le privilège qui s’offre à nous aujourd’hui. L’attitude de la jeune femme est plutôt hésitante mais elle doit accorder sa confiance à l’existence.
Je suis alors émue, à l’idée d’être entourée de ces personnes, de bénéficier de leur sourire, dynamisme et traditions. Nous vivons dans un monde aride et ces moments m’interpellent.
C’est comme une parenthèse lointaine d’un contexte culturel qui diffère du nôtre et qui a tant à nous apprendre. »
Crédits photos :
© Justine Forest
© Jabiru Prod
*Les prix indiqués sont ceux des cabines les moins chères. Le descriptif des programmes est donné à titre indicatif.