Nous sommes en 982, lorsque la première vague de colonisation nordique déferle sur le Groenland. En effet, après avoir été banni de Norvège puis d’Islande, le Viking Erik le Rouge décidé de poser le pied sur ces terres du Nord, dont il a toujours été persuadé de l’existence. Durant près de cinq cent ans, de 3 à 5.000 colons vont vivre au Groenland, avant de subitement disparaître, laissant ensuite place aux Inuits. Cependant, plusieurs siècles plus tard, entre le 17 et le 18e, le pays scandinave vont tenter de reprendre la main sur cette région, afin de confirmer leur domination dans le Grand nord européen.
Des années après l’arrivée des Vikings, les inuits posent le pied au Groenland après avoir traversé le détroit de Smith, au Canada, qui sépare le Groenland à la terre d’Ellesmere. Nous sommes alors en 1250. Très rapidement, ces derniers s’acclimatent aux conditions climatiques compliquées et continuent de développer leurs propres techniques de pêche et de chasse. Rapidement cependant, les inuits vont être obligés de faire route vers le sud du Groenland, chassés par un petit âge glaciaire, qui débute vers les années 1300. Les températures chutent de 1 degré environ et les chauds étés nordiques deviennent rapidement froids et rugueux. Une chute des températures assez faible, mais largement suffisante pour pousser l’ensemble des populations concernées, par cette baisse, à revoir leur façon de vivre.
Sur place, la vie s’organise tant bien que mal. Du côté du Danemark, de la Norvège et de la Suède, l’union de Kalmar est proclamée et un seul roi gouverne l’ensemble du Royaume. Les regards se tournent alors vers le Groenland. Toutefois, de réelles actions y sont entreprises à partir de 1536, quelques années après que le Danemark et la Norvège aient décidé de se rapprocher, laissant la Suède de côté. Copenhague affirme alors sa souveraineté sur la région et, peu à peu, tente de le faire comprendre au reste du monde. En 1666, l’ours polaire devient par exemple, l’un des emblèmes des armoiries du royaume du Danemark. Un ours polaire qui, s’il est également l’emblème du Groenland (un ours sur un fond bleu qui représente l’Atlantique et l’Arctique) figure toujours sur le blason de la famille royale danoise. Seule différence notable, sur le blason groenlandais, l’ours polaire lève la patte avant gauche, tandis que sur le blason danois, il lève la patte avant droite.
Si la symbolique est réelle et prouve que le Danemark a bien des vues sur le Groenland, la situation va considérablement évoluer à partir du 18e siècle. Nous sommes en 1721, lorsque Hans Egede, missionnaire norvégien, est envoyé sur l’île, afin d’y effectuer un véritable état des lieux. À l’époque, nul ne sait réellement si une civilisation est toujours sur place et, dans le cas où il y en aurait une, si celle-ci est de religion catholique ou païenne. Ces questions idéologiques sont accompagnées d’un réel intérêt économique. En effet, de par sa situation géographique, le Groenland pourrait permettre au Danemark de développer certaines activités, piscicoles notamment, puisque le Groenland jouit d’une situation exceptionnelle, entouré de l’Atlantique et de l’Arctique. L’industrie de la pêche et de la chasse aux baleines intéressent fortement les autorités qui vont donc d’étudier les possibilités qui se présentent à elles.
Rapidement, Regede découvre qu’il existe bel et bien une civilisation inuite qui s’est installée sur place. Ce dernier, soucieux d’imposer les vues danoises et le mode de vie occidental, commence ainsi à travailler en ce sens. La toute première colonie qu’il forme, s’établit du côté de Godthåb. Une ville aujourd’hui connue sous le nom de Nuuk, qui n’est autre que la capitale officielle du Groenland. Un véritable travail de christianisation est mis en place par les colons. Les inuits, forcés de suivre les préceptes de Regede, tendent à mettre de côté leur propre culture et se sédentarisent peu à peu. À l’époque, cette façon de faire était alors saluée.
En 1774, la société Den Kongelige Grønlandske Handel est implantée au Groenland et obtient, deux années plus tard, le monopole commercial sur l’ensemble de la région. La société va alors profiter de l’essor économique du Groenland. Ces activités permettent au Groenland de connaître une période dorée, tout comme le Danemark qui voit ses échanges se multiplier. Aujourd’hui, celle-ci existe toujours et gère diverses activités, comme l’enseigne de supermarché Pilersuisoq ou encore les stations services Polaroil. Le port de Flensbourg, ville passée sous pavillon allemand en 1866, devient au cours de cette période, le second plus important du Royaume. Les Scandinaves profitent ainsi de ces nouvelles ressources bienvenues. Toutefois, c’est le Danemark, au moment de la scission prononcée avec la Norvège en 1814, qui en gardera le contrôle, date à laquelle le Traité de Kiel sera signé.
Dès lors, Copenhague décide de diversifier l’économie groenlandaise. Les activités commerciales ne plus les seules autorisées et c’est tout un écosystème socio-culturel qui se met en place. Des explorateurs de renom, comme Knud Rasmussen, traversent la région alors qu’un premier journal officiel en langue groenlandaise voit le jour en 1861. Il s’agit du Atuagagdliutit, qui est publié tous les mardis et les jeudis. D’un point de vue politique, de véritables avancées sont enregistrées en 1862 et en 1863, lorsque sont organisées les premières élections démocratiques du Groenland. Les votants sont invités à élire des assemblées de districts. Malheureusement, cette faste période va prendre fin aux alentours des années 1865, lorsque les colons décident de quitter en masse le Groenland, usés et appauvris par un net ralentissement des échanges et de l’économie.
D’un point de vue financier, la situation se veut donc délicate. Toutefois, cela n’empêche pas les peuples autochtones et les locaux, de continuer à enregistrer de nouvelles avancées sociales. Près de 50 ans après ces premières élections locales, est annoncée en 1911, la création de deux assemblées, l’une représentant le Nord du Groenland, l’autre, le Sud. 14.000 habitants allaient alors être représentés politiquement. Ce ne sera qu’en 1951, que ces deux assemblées se réuniront avant que le Landsraad, (conseil constitutif) ne voit le jour. Celui-ci sera remplacé quelques années plus tard, par l’Inatsisartut, parlement groenlandais, composé de 31 élus, réélus tous les quatre ans.
Malgré tout, la région reste une source de conflits et de tensions, notamment avec la Norvège qui, après avoir obtenu son indépendance totale en 1905, refuse de reconnaître le Groenland comme étant partie intégrante du Danemark. Si la situation se calme assez rapidement, au cours du 20e siècle nombreux ont été les pêcheurs norvégiens à organiser de petits coups d’éclat. En 1931, après que le Groenland fut une nouvelle fois fermé aux personnes de nationalité étrangère, ces derniers décident d’occuper les côtes inhabitées de la région, soutenus par le gouvernement. Deux années plus tard, en 1933, la Norvège accepte toutefois de reconnaître la souveraineté danoise sur le Groenland.
Véritable figure de la seconde colonisation scandinave du Groenland, Hans Regede est vu par beaucoup, comme celui par qui les inuits ont été forcés de se soumettre au mode de vie occidental. Dans le but de rétablir la souveraineté du Danemark au Groenland, le roi Frédéric IV accepte en 1720 qu’une mission soit organisée. Celle-ci permettrait au Royaume de vérifier si le Groenland est toujours habité et si, d’autre part, il y aurait des intérêts économiques, sociaux et culturels, à imposer une véritable domination sur place.
En arrivant, Egede découvre alors qu’il ne reste plus grand-chose, si ce n’est rien, de la période Viking. Toutefois, il rencontre les inuits, dont il étudia et apprit la langue. Il est, dès lors, considéré comme étant le premier véritable interprète de la langue groenlandaise. Dans un contexte particulier, ses premiers travaux consistent ainsi à traduire des textes chrétiens, afin de les faire lire, comprendre et assimiler aux inuits. C’est également lui qui fonda la ville de Nuuk, autrefois baptisée, Godthåb. Son travail ne se cantonne toutefois pas à ça et il commence, dès 1724, à baptiser les premiers enfants groenlandais.
Il fut rappelé par le roi Christian VI, en 1730, mais décide finalement de rester sur place. Quelques années plus tard, en 1734, sa femme meurt des suites d’une épidémie de variole. Il rentre alors au Danemark avant de revenir en 1739, en tant qu’évêque du Groenland. Il y pose alors les fondations du catéchisme. À l’époque, ses travaux et la christianisation entreprise au Groenland, étaient loués par les décideurs du Royaume du Danemark, qui voyaient dans les religions païennes, un manque de respect à la couronne. Dès lors, son entreprise fut soutenue de très longues années durant.
Toutefois, avec plus de recul, la façon dont Hans Regede traita les inuits est vite apparue comme étant brutale et irrespectueuse. En effet, ce dernier a participé au déclin de leur culture au profit d’une culture plus européenne. Rapidement, au contact de Regede, les inuits vont ainsi laisser de côté leurs traditions, notamment en ce qui concerne la nature, la pêche ou la chasse et vont peu à peu se sédentariser. En outre, ces derniers sont forcés à se tourner vers le christianisme. Depuis, les relations entre le gouvernement Danois et les inuits restent particulièrement fraiches concernant la façon dont les inuits ont été traités entre les années 1720 et les années 1950, lorsque ces derniers furent forcés à l’exil afin de permettre aux Américains d’agrandir leur base militaire de Thulé.
Sous l’impulsion d’un Hans Regede qui s’était donné pour mission, d’imposer la vision occidentale aux inuits du Groenland, la seconde scandinave a été marquée par de nombreux bouleversements. Les esquimaux par exemple, ont été forcés de modifier l’ensemble de leur culture et croyances. Toutefois, la domination danoise s’est également manifestée par un essor économique et social important au Groenland. Le développement d’une politique locale a permis de créer un véritable Parlement. Ensuite, les relations entre l’île et le Danemark, ont favorisé les échanges commerciaux. Toutefois, l’histoire entre le Groenland et le Danemark reste marquée par de nombreuses polémiques, que nous étudierons dans un prochain article.