Bruno Guégan
Grand Nord
13 novembre
18 novembre 2018
Novembre 2018
Bruno Guégan
Grand Nord
C’est un petit -14°C qui nous accueille ce matin à Winnipeg, pas de quoi effrayer notre guide local qui va nous faire découvrir la vie de cette ville canadienne méconnue. Philippe est un historien et un fin connaisseur de cette terre très particulière. Nous allons découvrir, d’abord, le parc Assiniboine, du nom de l’une des rivières qui encadrent Winnipeg, la seconde étant la rivière Rouge, ce parc, très planté, nous présente une collection de statues qui constitue un véritable musée à ciel ouvert. Une ambiance de parc anglais sous une atmosphère de froid canadien. Un peu plus loin, alors qu’un cerf traverse la route, tranquillement, en pleine ville, devant notre bus, nous rendons visite aux derniers bisons de cette région qui furent malheureusement célèbres en raison de la destruction massive de cette espèce. Puis, nous visitons le quartier en vogue de Winnipeg, très connu par sa succession de maisons imposantes et toutes d’architectures différentes et variées. Puis, nous visitons le célèbre palais du parlement du Manitoba où notre guide nous fait une véritable lecture franc-maçonnique de l’architecture. Nous parcourons le centre commercial de Winnipeg avec ses galeries marchandes toutes reliées les unes avec les autres afin d’éviter les lourdes chaleurs l’été et les froids saisissants l’hiver, et rejoignons la cathédrale Saint Boniface où notre guide se révéla là encore un fin connaisseur en nous décrivant l’ensemble des vitraux et leurs significations religieuses. Après le déjeuner, retour en ville pour regarder quelques autres bâtiments caractéristiques, puis longue visite du musée du Manitoba accompagné d’un autre guide francophone qui abordera beaucoup de sujets aussi divers que les découvertes paléontologiques, ou encore les Comptoirs de la baie d’Hudson, en passant par la vie de quelques animaux caractéristique du Manitoba. Il est l’heure de regagner notre hôtel, car le départ pour Churchill sera tôt demain matin.
De bonne heure, nous rejoignons l’aéroport de Winnipeg, où notre « chariot volant » nous attend. Nous survolons le lac gelé de Winnipeg en distinguant nettement les immenses propriétés céréalières qui font la richesse du Manitoba. Puis, nous nous enfonçons dans un profond voile blanc qui miraculeusement s’entrouvre à notre arrivée à Churchill, le froid nous saisit rapidement, il fait -20 °C et nous voilà enfin dans cette petite ville, mélange du far-west et de Grand Nord. Nous quittons l’aéroport, longeons les anciens bâtiments militaires qui nous rappellent que cette région était stratégique depuis le début de la Première Guerre, jusqu’à la fin de la guerre froide. Nous nous dirigeons vers Churchill et c’est un renard roux qui se donne en spectacle à la recherche de quelques nourritures, il se laisse approcher pour le plus grand plaisir des photographes. Nous nous enfonçons dans la pointe du cap Mery où se trouve le Fort-Prince-de-Galles, construit entre 1731 et 1771 à l’entrée de la rivière Churchill pour le commerce des fourrures et qui fut conquis sans combat par La Pérouse quelques années plus tard. Après le brunch du midi, nous nous dirigeons vers le chenil des chiens de traineaux. Là, un authentique métis né à Churchill et dont les ancêtres sont depuis plusieurs générations à Churchill nous accueille avec beaucoup de chaleur, nous expliquant ses exploits et les grands principes de sa vie avec ses animaux. Après quelques notions techniques, chacun eut le droit à une promenade en traineau en appréciant la fougue de ces chiens qui ne pensent qu’à partir et travailler. Ce fut aussi l’occasion de se confronter aux effets de la fraicheur de l’environnement local. Installation à notre hôtel et déjà plusieurs d’entre nous vont « magasiner ».
C’est un petit -20°C qui nous prend au saut du lit, la simple traversée de la route de l’hôtel au restaurant nous donne une bonne idée de l’ambiance de la journée. Notre guide pour la journée (Marc Hébert), nous transporte en bus jusqu’à la gare des buggies à quelque 15 km de la ville. Nous découvrons notre palace du jour, un véhicule, tout terrain aux immenses roues où chacun peut avoir sa fenêtre (spécial Grands Espaces). Après une brève explication des règles du jeu et des bonnes conduites à respecter, Marc se présente, et présente aussi une chercheuse de Polar Bears International qui va nous accompagner dans notre périple. Dès le départ, le blizzard souffle, et uniformise le paysage et nous déambulons lentement dans cet endroit constitué par la limite entre la taïga et la toundra. Chacun essaie de repérer, renard, lagopède, lièvre Arctique et bien entendu le maitre des lieux, l’ours polaire. C’est avant tout un renard roux qui se laisse observer, chassant tranquillement dans cette immense toundra. Puis nous parcourons des kilomètres dans ces chemins balayés par la neige. Le froid des derniers jours a formé la banquise, et le doute commence à se faire sentir, les ours seront-ils au rendez-vous ? Ou seront-ils tous déjà partis à la chasse au phoque ? Après quelques heures, nous décidons de procéder à notre devoir gustatif et calorifique à travers un brunch, d’une soupe, sandwich et gâteaux accompagnés du traditionnel café. À peine le repas terminé, une information nous parvient : une femelle et un jeune sont près du lodge de Frontier North. Nous rejoignons le lieu et grâce à l’habilité de notre chauffeur, nous pouvons admirer ces deux splendides créatures qui passeront à quelques dizaines de mètres de notre buggy. Nous resterons dans cet environnement, en espérant les revoir, car ils sont allés s’installer dans un buisson de saules. La jeune volontaire de Polar Bear International en profite pour présenter son association et les actions de protection des ours dans cette zone. Marc et Bruno complètent en présentant l’ours polaire et ses différentes caractéristiques. Mais nos ours se sont assoupis et c’est déjà l’heure de rentrer, accompagnés par un vent qui soulève la poudreuse le long du sol, et par des couleurs de fin de journée d’un pastel très particulier. Tout cela sera immortalisé grâce à quelques arrêts photos. Journée mémorable, dans un monde polaire de toute beauté.
Aujourd’hui, journée culturelle qui commence par une conférence de Bruno sur les ours et le monde Arctique. Puis, les plus courageux partent à pied en appréciant la fraicheur matinale (-24 °C ressentis) jusqu’au musée de la culture inuit, une occasion de découvrir une grande collection de sculptures et statuettes réalisées en ivoire de morse, ou en corne de bœuf musqué, ou en bois de renne et aussi dans cette pierre tendre très particulière appelée « pierre de savon ». Une occasion aussi de découvrir la faune locale naturalisée. Bref retour vers le restaurant en visitant la poste, seul fournisseur de timbre.
Cet après-midi, nous avons visité le centre des parcs du Canada. Nous y découvrons l’histoire de Churchill et des premiers peuples autochtones. Un garde du Parc nous fait une conférence sur le traité canadien qui a permis une coexistence pacifique entre les colonisateurs européens et les peuples premiers. Puis nous découvrons une salle présentant quelques scènes de la vie des Amérindiens et de l’histoire plus récente de la Compagnie de la Baie d’Hudson, avec notamment quelques escarmouches entre Français et Anglais. Des vidéos interactives nous permettent aussi d’accéder à des renseignements sur la faune et l’histoire locale. Traversée pédestre de Churchill pour « magasiner » et apprécier la fraicheur de cette fin de soirée, nous frôlons les -30 °C ressentis, dans un décor pastel de coucher de soleil.
Diner tôt ce soir et repos avant deux jours consécutifs de « chasse pacifique » à l’ours.
Hier soir, les plus téméraires sont allés affronter le froid pour essayer d’apercevoir des aurores boréales. Celles-ci se font attendre et ce n’est que vers 9h qu’une lueur un peu pâle dominée par l’éclairage d’une lune bien formée se laisse entrevoir. Mais l’incertitude et le froid ont raison des plus vaillants.
Aujourd’hui, deuxième journée à la recherche de l’ours. Le temps est clair et nous cheminons à un pas de sénateur à travers cette taïga recouverte de son manteau le plus blanc. De nombreuses traces apparaissent sortant des buissons de saules. Jean-Philippe installe son buggy face à l’immensité de la banquise. Cette banquise s’est formée d’une façon étonnamment précoce, il y a déjà un mois et les ours pour la plupart ont déjà rejoint leurs zones de chasse. Peu importe, le paysage est unique et nous continuons nos recherches. Comme il y a deux jours peut-être qu’une mère et ses petits ont été aperçus, voulant éviter les mâles… Sont-ils toujours dans cette toundra ? Et bientôt, nous sommes récompensés, non pas par un ours, mais par l’observation à quelques dizaines de mètres d’un harfang des neiges. Son plumage trahit sa jeunesse, en effet il s’agit d’un immature de l’année. Il se laisse photographier, puis va s’installer sur une butte quelques mètres plus loin, avant de s’éloigner dans un vol silencieux pour sans doute aller traquer quelques oiseaux ou lemmings. Belle observation qui nous fait oublier l’absence des ours. C’est déjà la fin de journée, le soleil tombe très vite et le ciel se pare de ses plus belles couleurs pastel. Mais ce n’est pas fini, un petit détour nous permet d’aller observer un lièvre arctique blotti dans un creux de terrain, dos à la banquise encore une fois une image magique que peu d’entre nous oublieront.
Dans la soirée, expédition aurores boréales, un guide nous conduit en bus en dehors de la ville pour échapper à la pollution lumineuse de cette petite ville. Malheureusement, une couverture nuageuse se lève et nous devons juste faire un constat d’échec. Mais fatigue et froid font que personne ne se plaint de pouvoir aller regagner son lit… (voyages aurores boréales : voir catalogue ou site Grands Espaces)
Déjà le dernier jour de terrain, il fait très froid, le ciel est clair, mais un vent de plus de 30 km/h souffle, une température de -27 °C donne un ressenti d’environ -40 °C. Pour beaucoup d’entre nous, c’est la première expérience de grand froid et nous constatons vite qu’il est difficile de se réchauffer. Mais, imperturbables, nous repartons avec Jean-Philippe et son fringant carrosse. Alors que nous scrutons la moindre trace, des formes blanches se profilent contre un bosquet d’arbres, ce sont des lagopèdes dans leur plumage blanc d’hiver, ils picorent les dernières graines qui tombent des épinettes noires. Puis ils s’envolent pour disparaitre dans les saules. Nous poursuivrons toute la journée cette recherche de traces et d’animaux, mais sans doute saisis par le froid, ceux-ci ne reviendront pas à notre rencontre. Le spectacle de la neige poudreuse glissant sur la glace est extraordinaire, les arbustes couverts d’une épaisse couche de neige qui s’accroche à leurs branches semblent aussi être pétrifiés par le froid. Le soleil commence déjà à pâlir et la température continuant à baisser, nous anticipons notre retour. Après un court voyage en bus qui nous semble plutôt être un congélateur, nous rejoignons l’aéroport de Churchill et Winnipeg pour notre dernière nuit au Canada.
Renard roux, ours polaire, Harfang des neiges, Lagopède, Sizerin blanchâtre, lièvre arctique, seul le petit renard arctique aura échappé à notre vigilance. Mais celui-ci subit de plein fouet l’évolution liée au réchauffement climatique et est maintenant plus rare, car fortement concurrencé dans son milieu par le renard roux. En sera-t-il bientôt de même entre l’ours polaire et le grizzly ?