Sylvain Mahuzier
Oiseaux et Mammifères
8 mars
21 mars 2015
À bord du yacht EcoGalaxy, mars 2015
Sylvain Mahuzier
Oiseaux et Mammifères
Arrivés en fin d’après-midi à Quito, capitale de l’Équateur nichée à 2850 mètres d’altitude, nous nous installons à l’hôtel « Patio Andaluz », qui porte bien son nom. Les patios et nombreux balcons et passages donnent à l’édifice un charme certain. Dîner de cuisine locale à l’extérieur, puis tentative de repos après une longue journée de voyage.
La journée s’annonce bien, la lumière est déjà belle. Nous partons tôt en direction de « l’Allée des Volcans », à quelques dizaines de kilomètres au sud de Quito. Premier arrêt à l’hosteria « La Cienega », splendide hacienda vieille de quatre siècles. Sa longue allée bordée de grands eucalyptus, ses murs de pierre épais et sa vieille chapelle lui confèrent allure et charme. De plus, elle a accueilli des hôtes de marque, comme la mission géodésique française avec Charles-Marie de La Condamine, en 1736, ainsi que l’illustre géographe Alexander Von Humboldt. Puis nous faisons une halte dans une belle roseraie dont les employés nous livrent tous les secrets. L’exportation des fleurs – et à 80 % des roses – fait partie des 5 revenus les plus importants de l’Équateur, après le pétrole, les crevettes, les bananes, et juste avant le tourisme.
Le volcan Cotopaxi joue à cache-cache avec les nuages, nous livrant parfois tout ou partie de son cône de neige. Peu après l’entrée du Parc National, nous effectuons notre premier « palier » à 3600 m, petit bistrot d’altitude où la plupart d’entre nous buvons un « mate » de coca, boisson reconnue pour prévenir le mal d’altitude. Nous découvrons ensuite la grande plaine du « Paramo », vaste steppe où le vent souffle avec force. Deuxième palier au bord d’un petit lac où quelques Mouettes des Andes et d’autres oiseaux n’ont pas l’air gênés par l’altitude de 3900 m. Dernier palier à 4000 m, pour une halte botanique qui nous permet d’observer quelques plantes des hauteurs parfaitement adaptées. Puis, nous atteignons notre objectif : 4600 m, juste sous le refuge à partir duquel l’ascension au Cotopaxi est possible. La température est fraîche, le vent furieux et la végétation absente. Nous nous déplaçons avec circonspection, nos mouvements sont lents car l’oxygène se fait plus rare. Puis, descente tranquille jusque vers l’auberge de Tambopaxi, encore située à 3700 m. Malgré l’altitude, des colibris volètent entre les mangeoires garnies de l’eau sucrée dont ils raffolent. Au retour, le somptueux volcan Cotopaxi, 2ème volcan d’Équateur avec ses 5897 m (après le Chimborazo), se dévoile. Il est aussi l’un des volcans actifs les plus hauts du monde.
Nous revenons suffisamment tôt à la capitale pour profiter de la lumière de fin d’près-midi qui illumine le vieux Quito, la première ville classée au patrimoine mondial de l’Unesco (en même temps que Cracovie) en 1978. Accompagnés par notre guide Leonardo qui ne tarit pas d’explications passionnantes, nous déambulons à travers le centre historique : nos pas nous mènent sur la Plaza Grande, que bordent la cathédrale, le palais du Gouverneur ou encore le palais de l’Archevêché. Puis nous découvrons la magnifique Plaza San Francisco, vaste place pavée entourée de maisons coloniales colorées. Nous visitons la remarquable église du monastère San Francisco, emplie de sculptures et de décorations de style baroque. Dîner typique et en musique à « La Choza », pour clôturer une journée bien remplie…
Encore une journée ensoleillée. Départ tôt le matin pour l’aéroport et toutes les formalités à accomplir. Escale de trente minutes à Guayaquil, grand port et ville la plus importante d’Équateur (2,5 millions d’habitants) puis cap sur l’archipel des Galapagos. Nous sommes accueillis par une habitante pure souche des Galapagos, Marcela, qui sera notre guide et nous conduit jusqu’au Galaxy 2, notre élégant et spacieux yacht. Pour nous mettre directement dans l’ambiance, de nombreux Lions de mer des Galapagos – sous-espèce endémique du Lion de mer de Californie -, se reposent jusque sur les bancs situés sur les quais, pendnat que les frégates font des cercles au dessus du port. Après le déjeuner à bord, nous ne tardons pas à entrer dans le vif du sujet : navigation accompagnée par les Puffins d’Audubon, oiseaux de mer bruns et blancs aux ailes effilées, puis débarquement sur une plage de l’île San Cristobal à l’aide des deux pneumatiques. Les frégates sont là, ainsi que nos premiers Fous à pieds bleus, perchés sur des ressauts de la falaise ou plongeant comme des fusées, et quelques Pélicans bruns. Sable blanc, lave ébène et eaux turquoises contrastent merveilleusement, et commencent à nous livrer leurs premiers trésors : Iguanes marins, Lézards des laves, Mouettes obscures (également appelée Mouette des laves), et notre premier géospize, l’un des fameux « pinsons » de Darwin… Cinq espèces endémiques des Galapagos dès la première sortie !
Au petit matin nous sommes en vue des côtes de Santa Fe. Dès le lever du soleil, le lagon bleu paradisiaque resplendit, le fond sablonneux blanc n’est qu’à quelques mètres sous la surface. Nous débarquons au fond du lagon pour une promenade parmi les cactus à raquettes « Opuntia », au pied desquels nous faisons la connaissance de deux iguanes terrestres endémiques, dont un ne vit qu’à Santa Fe. Le Moqueur des Galapagos nous accompagne, et la délicate Tourterelle des Galapagos, aux yeux cerclés de bleu et aux pattes rouges, fait quelques apparitions. Il fait déjà bien chaud, et justement la suite du programme est rafraîchissante : « Snorkeling » dans les eaux exceptionnellement claires du lagon. Requins à pointes blanches, Requins des Galapagos, raies, poissons colorés de toutes sortes, le spectacle est grandiose et se termine en apothéose avec quelques tortues marines que nous approchons de très près, et dont la natation gracieuse nous émeut. Sur les rochers au dessus de la surface, un Pélican brun et un Fou à pieds bleus nous observent, tandis qu’un jeune Héron strié est immobile, à l’affût d’une proie. Juste après le déjeuner, exercice de sécurité, puis cap sur la petite île de South Plaza, à l’ouest de Santa Cruz. La végétation aride est spécifique ; des tapis interminables et rougeoyants de « Sesuvium », plantes grasses annuelles de la famille des succulentes, au milieu desquelles poussent les cactus Opuntia. Le tout sur la lave, comme d’habitude. Nous observons de très nombreux Iguanes terrestres tirant sur le jaune, pigment qu’ils tirent des fleurs de cactus dont ils se nourrissent abondamment. Les Iguanes marins sont présents aussi, et, fait rare, nous apercevons un hybride d’Iguanes marin et terrestre. Côté oiseaux, quatre nouvelles rencontres : le Fou de Nazca, à la livrée noire et blanche et au masque caractéristique ; la Mouette à queue d’aronde, particulièrement élégante avec son cercle orbital rouge que souligne la tête noire ; le Noddi brun, parent sombre des sternes ; le Phaéton éthéré au vol d’autant plus gracieux qu’il « traîne » deux brins de queue très longs et très fins derrière lui. Journée à nouveau marquante, clôturée par le cocktail de bienvenue du commandant. Après le dîner, quelques dernières observations dignes d’intérêt : des Requins des Galapagos chassent autour du bateau, tandis que les Mouettes à queue d’aronde s’adonnent à la pêche nocturne.
Au nord de Baltra, il y a une île plate de 2 km2, Nord Seymour. C’est là que nous accostons ce matin, avec un temps un peu plus nuageux que d’habitude qui va se dégager un peu plus tard. Petite par la taille mais grande par son intérêt faunistique, l’île de Nord Seymour est elle aussi un paradis pour les naturalistes. Dans un paysage aride où dominent les arbustes « Palos Satos » et les cactus Opuntia, vivent en bonne harmonie les Grandes Frégates et les Frégates magnifiques. Elles construisent leurs nids de branchages sur les Palos Santos ainsi que dans les buissons salés en bordure de plage. Mâles au jabot écarlate resplendissant, femelles au cercle orbital bleu ou rouge selon l’espèce, poussins encore en duvet et juvéniles, nous avons droit à un tableau très complet et passionnant de la reproduction des deux espèces de frégates, et de leurs différences. Autre espèce remarquable, le Fou à pieds bleus. C’est la saison des amours, et nous assistons aux parades nuptiales : le mâle danse avec ses pattes bleu turquoise, les levant l’une après l’autre, déploie ses ailes en arrière et siffle longuement en pointant son bec vers le ciel. Pendant ce temps-là, la femelle se pâme en rentrant son bec dans son poitrail blanc… Les nids des Fous à pieds bleus seront simplement installés au sol, dans une dépression. Régulièrement, nous croisons un Iguane terrestre, souvent à proximité d’un cactus. La côte sud, qui présente une falaise d’orgues basaltiques de quelques mètres, héberge les Mouettes à queue d’aronde et de nombreux Puffins d’Audubon. C’est le long de cette côte que nous nageons un peu plus tard, avec une eau moins claire qu’hier, ce qui ne nous empêche pas de croiser poissons chirurgiens, poissons perroquets et bien d’autres.
Après le repas, nous nous approchons de l’îlot de Mosquero et débarquons sur sa grande plage de sable blanc. Les Lions de mer des Galapagos vivent tout autour de l’îlot. De nombreux jeunes et femelles s’activent en bord de plage ou se reposent sur la dune ou les rochers, et les allaitements vont bon train. Un mâle alpha parcourt le rivage en se manifestant bruyamment. Plusieurs limicoles vadrouillent sur la plage ou dans les rochers : Bécasseau Sanderling, Pluvier semi-palmé, Chevalier errant, Tournepierre à collier, Huîtrier d’Amérique… , tandis qu’une jeune Mouette obscure nous observe. La promenade naturaliste se termine par une baignade rafraîchissante, au milieu des otaries (lions de mer). Juste avant le dîner, nous nous réunissons pour un sympathique apéritif anniversaire.
Dans la nuit nous avons navigué plein nord-ouest, et nous trouvons au petit matin devant l’île de Genovesa, grande caldeira ouverte sur la mer. Débarquement à Darwin Bay, sur une petite plage corallienne d’un blanc éclatant. À peine arrivés, nous apercevons à quelques mètres un Fou de Nazca perché sur un ressaut de la petite falaise. Puis en cheminant le long des buissons salés, l’excitation croît : nous observons notre premier Fou à pieds rouges, puis des dizaines et des centaines d’autres. La plupart ont le corps couleur café au lait, quelques-uns ont le plumage blanc. Tous ont le bec bleu. Dans les endroits un peu plus découverts, ce sont les Grands Frégates qui paradent, et les jabots rouge vif des mâles sont autant de spots lumineux sur la végétation bien verte. Quelques lagunes sont fréquentées par le Courlis corlieu et d’autres limicoles. Sous la végétation ou dans des creux de rochers, de nombreux couples de Mouettes à queue d’aronde sont installés pour la reproduction, et nous entrevoyons quelques œufs. Deux « pinsons » de Darwin s’activent à rechercher leur nourriture dans les buissons : le Géospize à gros bec, qui comme son nom l’indique est muni d’un appendice aussi long que haut, et le Géospize fuligineux, au bec plus modeste. Quelques Iguanes marins, plus petits sur Genovesa – environ 60 centimètres -, se chauffent sur la lave noire, ton sur ton. Une baignade avec « snorkeling » dans les eaux turquoise de la baie de Darwin nous rafraîchit après les heures bien chaudes de la matinée. En après-midi, une promenade en annexe (canot pneumatique) le long de la falaise nous permet de rencontrer nos premières Otaries à fourrure des Galapagos, encore une espèce endémique des Galapagos. Puis nous débarquons dans les « Pas du Prince Philippe », partie de la falaise appelée ainsi en l’honneur du prince de la couronne britannique qui a visité le site. Après avoir grimpé de 25 mètres, on arrive sur un plateau aride couvert d’arbustes Palos Santos où nichent frégates et Fous à pieds rouges, tandis que les Fous de Nazca nichent au sol. La lave est omniprésente, et nous arrivons sur un vaste champ de lave qui suit une longue fracture. Marcher au milieu de cette multitude d’oiseaux qui se manifestent sans cesse, dans un paysage quasi-lunaire, est une expérience vraiment forte. Au bord de la falaise opposée, des centaines d’Océanites de Castro et d’Océanites des Galapagos volent. Un de leurs prédateurs, le Hibou des marais, parcourt le champ de lave, et nous finissons par avoir la chance inouïe de l’observer longuement dans une faille, à quelques mètres seulement… Une journée forte en émotions naturalistes, assurément !
Sur la route de retour de Genovesa, nous repassons la ligne de l’équateur dans la nuit. Sortie du matin en annexe à Punta Carrion, au nord-ouest de l’île de Santa Cruz. En longeant la falaise, nous retrouvons quelques Otaries à fourrure des Galapagos se reposant sur les rochers. Les murs de lave torturée sont spectaculaires, oscillant entre le noir, le gris et le rouge, et criblés de grottes, de fractures, de trous composant d’étonnants motifs. Les Noddis bruns font des allers-retours incessants, tandis que Fous à pieds bleus et Pélicans bruns sont juchés sur des corniches ou des blocs. Un Héron des laves, bien camouflé grâce à sa couleur cendrée qui se fond avec le bloc de lave sur lequel il est perché, est immobile, en arrêt l’oeil fixe, attendant de détendre son cou de manière foudroyante pour prélever le petit poisson qui passera.
Quatre heures supplémentaires de navigation, accompagnés par une formation de Grandes Frégates, nous conduisent au sud de l’île, à Puerto Ayora, capitale des Galapagos (15000 habitants). Nous nous dirigeons directement vers la Station de Recherche Charles Darwin, inaugurée au début des années 60. Ses fonctions principales : fournir des informations scientifiques, principalement sur les Tortues géantes des Galapagos, aider le Parc National avec des programmes d’éducation, et former les étudiants équatoriens. Marcela nous explique les programmes de protection, de conservation et d’élevage des Tortues géantes ici. Chaque année, les gardes du parc vont récolter les œufs sur différentes îles, puis les rapportent à la Station Darwin, où ils seront incubés. Les jeunes tortues seront ensuite élevées pendant 4 à 5 ans, avant d’être ramenées sur leur île d’origine. Aujourd’hui, plus de 1000 tortues ont été réintroduites dans les différentes îles des Galapagos. Le reste de l’après-midi est consacré à la visite de Puerto Ayora, puyis nous regagnons le Galaxy II car la journée de demain s’annonce chargée…
Nous sommes arrivés sur l’île d’Isabela. Lever à 5h30, départ à 5h45. Le jour commence à se lever quand nous embarquons sur les annexes, frégates et Fous à pieds bleus commencent à se manifester, et un Grand Héron fait des effets de cou sur fond de premières lueurs. Débarquement sur Tintoreras, petite île entièrement recouverte de coulées de lave bien noire qui contrastent avec les plages de corail blanc. L’obscurité faisant place au jour, nous ne tardons pas à apercevoir les Iguanes marins, pourtant bien camouflés. Ils sont dix, cent, mille, il y en a partout. De nombreuses femelles, des jeunes mâles rayés de vert, un groupe de mâles – une grappe devrait-on dire – qui se reposent et « éternuent » de temps à autre pour excréter le sel par leurs narines, ou pour nous signifier leur mécontentement lorsqu’involontairement nous passons trop près d’eux. Une bande de mangrove occupe une petite portion de l’île, et nous observons deux petits hérons : le Héron des laves et le Héron strié.
De retour au Galaxy II, nous effectuons notre première observation du Manchot des Galapagos, en train de nager dans les eaux turquoise de la baie. Après le petit déjeuner départ pour le village de Puerto Villamil non loin duquel nous avons jeté l’ancre, puis nous prenons le bus, notre objectif est le volcan Chico. Ce transfert de 20 minutes nous permet de nous rendre compte de l’évolution des paysages et de la végétation au fur et à mesure que nous avançons vers l’intérieur de l’île. En marge des coulées de lave, des cultures vivrières défilent : manguiers, canne à sucre, bananiers, papayers, ananas, goyaviers, manioc… Arrivés à l’altitude de 800 mètres, nous continuons à pied. Tout est très vert, et nous progressons parmi les hautes herbes, les fougères et les arbustes garnis de chevelures de lichen brun. Plusieurs passereaux chantent dont le Géospize olive, un nouveau « Pinson » de Darwin pour nous. 200 mètres de dénivelé nous suffisent pour atteindre le sommet du volcan, nous découvrons en contrebas une immense et spectaculaire caldeira de 10 kilomètres de diamètre, emplie de lave ancienne. À la descente, un curieux cri nous fait identifier le Râle des Galapagos.
Dans l’après-midi, deux lagunes nous offrent Flamants roses, Echasses d’amérique et Canards des Bahamas. Nous visitons la station de recherche et de reproduction des tortues d’Isabela, qui se répartissent en 5 variétés, probablement isolées les unes des autres par les volcans qui sont entrés en éruption les uns après les autres. En fin de journée, baignade pour les uns, visite de Puerto Villamil pour les autres, comprenant l’église originale décorée de vitraux représentant les animaux des Galapagos
Pendant la nuit, nous avons navigué autour de la partie sud de l’île Isabela, et nous nous retrouvons ce matin plein ouest, en baie Elisabeth. Nous allons explorer cette baie avec les annexes, afin d’approcher la faune autant que possible. Première destination : un gros rocher autour duquel nous croisons, à distance respectable néanmoins pour éviter le dérangement. Dans les eaux avoisinantes, Pélicans bruns et Fous à pieds bleus sont très actifs, un banc de poissons les accapare et ça plonge dans tous les sens. Parmi les pêcheurs, deux nouveaux-venus pour nous : les Manchots des Galapagos, que nous n’avons aperçu que furtivement hier, et le Cormoran aptère. Tous deux sont des nageurs et plongeurs remarquables. Sur l’îlot, largement repeint au guano et dont le sommet est tout de même garni d’arbres, nous observons sur les corniches fous, pélicans et cormorans. Ces derniers sont appelés « aptères » car ils ont perdu la faculté de voler, qui ne s’avérait plus nécessaire en l’absence de prédateurs terrestres. Quelques manchots se tiennent à l’entrée de cavités au sein desquelles ils sont susceptibles de nicher tout au long de l’année, selon la disponibilité alimentaire. Nous nous dirigeons ensuite vers la mangrove littorale de la baie, havre de paix où les rencontres sont cependant multiples : tortues marines, raies, murènes, lions de mer, hérons… Quelques groupes de Manchots des Galapagos finissent l’éducation des jeunes suffisamment matures pour être dotés d’un plumage étanche leur permettant de nager. Adultes et jeunes échangent des cris afin de rester en contact, qui ressemblent à des braiements.
Pendant le déjeuner, deux heures de navigation plein nord pour arriver à Urbina Bay, près du volcan Alcedo. Nous commençons par l’activité nautique, dans des eaux un peu plus fraîches que d’habitude. Clou du spectacle : quelques minutes d’observation d’une Tortue verte en train de brouter paisiblement des algues de rocher en rocher. Elle est tellement à l’aise, tellement gracieuse dans ses déplacements sous-marins que nous avons du mal à nous en détacher.
Puis, nous effectuons une marche à travers une forêt d’arbustes sur un champ de lave surélevé par un gigantesque soulèvement de terrain volcanique dans les années 50. Le sol est mélangé de cendres volcaniques et de corail, et nous arrivons un kilomètre après le trait de côte, à un endroit où les traces de l’ancien rivage sont manifestes. Tout au long de la randonnée, nous rencontrons cette fois des tortues terrestres, ces géantes que nous n’avions observées jusqu’à présent qu’en captivité. Certaines dorment, d’autres se déplacent à la recherche de nourriture, de leur pas lent mais déterminé. Spectacle impressionnant, « cadeau de la nature » comme aime à le dire notre guide !
Nous voici à l’ancre, en vue de Punta Espinoza, située sur Fernandina, l’île à l’ouest immédiat d’Isabela et 3e plus grande île des Galapagos par sa taille. La première activité nous conduit à la rencontre des Iguanes marins, une fois encore en harmonie avec leur milieu, noir de lave. Dès le débarquement, il est difficile de se frayer un chemin à travers les centaines de reptiles rassemblés par groupes. Nous évoluons sur les plaques de laves, cordées pour la plupart, en oreillers par endroits (« pillow lavas »), et qui témoignent du passé géologique tumultueux de la région. Les légions d’Iguanes marins ne se révèlent à nous qu’au dernier moment, le ton sur ton fonctionne bien. À certains endroits nous n’avons affaire qu’à des mâles, à d’autres nous trouvons des femelles avec mâle dominant, ou encore des femelles et quelques « nurseries » de très jeunes iguanes. Certains iguanes adultes laissent un lézard des laves se percher sur leur tête. Les zones sablonneuses sont interdites d’accès en raison des nombreux nids creusés dans le sable. Sur l’une des plages, nous apercevons plusieurs Cormorans aptères. Deux femelles sont sur leur nid, et laissent de temps à autre apparaître les œufs qu’elles couvent.
Un peu plus loin, nous assistons à une, puis deux parades nuptiales, véritables chorégraphies. D’abord sur l’eau, puis à terre, mâle et femelle se tournent autour, inclinent la tête à tour de rôle, et poussent des cris rauques. Le mâle offre des branches à la femelle, avec force démonstrations. À la fin de la danse a lieu l’accouplement. Un peu plus loin, la reproduction est plus avancée, et l’un des conjoints couve dans un nid essentiellement fait d’algues. Régulièrement, le partenaire apporte au nid de nouveaux matériaux pour le garnir. Juste avant de quitter le site, deux Buses des Galapagos (encore une espèce endémique !) se manifestent en criant, perchées au sommet des arbres de la petite forêt derrière la mangrove. sans transition, nous profitons du temps clair pour aller nager près d’une barre rocheuse qui nous paraît intéressante. L’eau nous semble fraîche, mais cette sensation disparaît rapidement au profit d’émotions naturalistes sous-marines : nous avons la chance d’accompagner plusieurs tortues vertes qui broutent à quelques mètres de fond.
L’eau est claire, et un rayon de soleil illumine la scène. Les tortues, apparemment pas importunées par notre présence, semblent voler au ralenti, et leur élégance est infinie. Pour ajouter encore au charme du moment, une otarie curieuse vient nous rendre visite et nous regarde avec beaucoup d’intérêt. Le début de l’après-midi nous voit de retour à l’île Isabela, après deux heures de navigation. Punta Vicente Roca, falaise de lave vertigineuse et multicolore – gris, rouge, brun – accueille notre deuxième sortie aquatique de la journée.
L’eau est moins claire, le soleil moins présent, mais les Tortues vertes sont là, nombreuses à se nourrir. Nous passons à nouveau de bons moments à nager avec ces créatures étonnantes, pas trop longs néanmoins compte tenu de la fraîcheur de l’eau… Puis, nous partons en pangas (nos bateaux pneumatiques) pour longer cette côte éminemment volcanique. Dykes, coulées de laves, couches de cendres, caldeira, le cadre est spectaculaire. Et la faune n’est pas en reste. Otaries à fourrure et Iguanes marins se prélassent sur de gigantesques blocs de basalte, Pélicans bruns et Fous à pieds bleus occupent les corniches et anfractuosités pour nicher. Un Manchot des Galapagos, tout seul, et quelques Cormorans aptères se laissent observer. Nous terminons notre petite navigation par un détour dans une gigantesque grotte, sur les parois de laquelle nichent les Noddis bruns, apparentés aux sternes.
Dès notre retour à bord, le capitaine appareille pour le nord, afin que nous fassions le tour d’Isabela et atteignions demain matin l’île Santiago. Juste après le coucher du soleil, deux derniers cadeaux de la nature : une bande de Dauphins communs sur bâbord, ainsi que l’énorme et étrange Poisson-lune…
Egas Port, à l’ouest de l’île Santiago, nous accueille avec un temps semi-couvert, qui reste lumineux. Le sentier que nous empruntons est volcanique à souhait, comme chaque jour… Cendres volcaniques, laves cordées, pont de lave et cavités dans lesquelles la mer pénètre. Nous sommes à marée basse et la mer a laissé dans les nombreuses vasques naturelles que forme la lave, de véritables piscines d’eau chaude où les Iguanes marins peuvent se chauffer confortablement. Héron des laves et Héron strié sont à l’affût d’organismes marins de passage. La végétation est assez fournie dans l’intérieur, et fréquentée par quelques passereaux (parulines, géospizes, moqueurs) et la Buse des Galapagos.
Revenus aux plages (l’une de sable blanc, l’autre de sable sombre), nous revêtons palmes et masques et partons à la découverte de la faune sous-marine autour de quelques rochers. Certains d’entre nous aperçoivent des Requins à pointes blanches dormant sur le fond. Pour le reste, Poissons chirurgiens, perroquets, Napoléon et bien d’autres sans oublier les Oursins crayons, suffisent à nous ravir. En milieu de journée, cap au sud pour atteindre l’est de l’île Rabida. Ici, le sable et la falaise dont il est issu sont rouge brique foncé. Il s’agit d’un matériel volcanique très poreux qui a été oxydé par la pluie, l’eau salée et les vents marins. Cette couleur brique contraste avec l’écume des vagues qui viennent lécher la plage, et avec la végétation bien verte de l’arrière-plage.
Une petite balade en panga nous permet d’admirer de plus près les laves bien noires et les parois brique. Pélicans, fous et quelques otaries, ainsi que des Iguanes marins agrémentent notre découverte. Derrière le cordon littoral, une lagune entourée d’arbres a pris elle aussi la dominante brique. Un couple d’Huîtriers américains et un Chevalier errant se montrent, et deux Moqueurs des Galapagos extrêmement curieux nous rendent visite, se perchant sur nos sacs ou nos chaussures. Puis nous remettons palmes et masques, et investiguons la bordure sous-marine de la paroi brique. Une poignée de Requins à pointes blanches, une raie et quelques nouvelles espèces de poissons colorés nous enchantent une fois encore.
Quelques gouttes de pluie se mettent à tomber, le ciel s’entrouvre et nous avons juste le temps de regagner l’Odyssée II et d’assister, abrités, à notre première vraie pluie tropicale, petit déluge en soi. La journée se termine par une heure et demie de navigation secouante, car nous progressons par vent de travers.
Après une nuit bien agitée à cause d’une forte houle, nous arrivons au petit matin à Bahia Tortuga negra, au nord de l’île Santa Cruz. En réalité, il s’agit d’une vaste et magnifique mangrove, que nous partons explorer avec les annexes. L’intérêt réside essentiellement dans la faune subaquatique. La profondeur est faible et la visibilité bonne, cela nous permet d’apercevoir de petits Requins à pointes noires, et plusieurs espèces de raies comme la Raie dorée ou la Raie aigle. Nous avons également de la chance avec les tortues. De nombreuses Tortues vertes évoluent tranquillement dans la mangrove pour se nourrir.
Au détour d’un chenal bien caché dans la végétation, nous découvrons une très jolie Tortue Carrée aux reflets orange dans la lumière qui filtre à travers les palétuviers. Pour ce qui est des oiseaux, c’est assez calme ce matin. Pélicans bruns, de nombreux petits Hérons des laves à l’affût, et un majestueux Grand Héron qui se laisse admirer en nous proposant profil droit puis profil gauche… Retour au Galaxy II pour assister à la conférence sur Darwin promise depuis le début du séjour. Sylvain nous raconte le voyage de Charles Darwin sur le Beagle entre 1831 et 1835, en insistant bien sûr sur son escale fondamentale aux Galapagos. Puis il nous explique le cheminement qui a conduit Darwin à élaborer sa fameuse théorie de la sélection naturelle qu’il expose en 1859 dans son ouvrage « L’origine des espèces » qui fit tant de bruit à l’époque, et conduisit à reconsidérer la place de l’homme dans la nature.
L’après-midi, non loin de Bahia Tortuga negra, nous randonnons sur la plage blanche de Bachas où de vastes trous creusés par les Tortues vertes abritent des dizaines d’œufs. Les frégates survolent sans relâche la plage, à l’affût du moindre mouvement de sable susceptible de révéler la sortie imminente à l’air libre d’un bébé tortue. Une petite lagune arrière-littorale accueille un Flamant rose, un Iguane marin et quelques limicoles – échasse, tournepierre, pluvier, bécasseau. Avant de quitter Bachas, nous piquons une tête avec masque et palmes afin de visiter un groupe de rochers qui nous inspirent. Pas grand chose de plus que d’habitude en matière d’espèces de poissons, sinon une raie presque enfouie dans le sable.
De retour à bord, nos guides nous parlent cette fois des manchots, et passent en revue les 18 espèces et leurs adaptations étonnantes, avec, à tout seigneur tout honneur, une mention spéciale pour le Manchot des Galapagos !
Sullivan, c’est ainsi qu’a été nommée la baie où nous débarquons aujourd’hui pour une excursion sur un vaste champ de lave noire. Cette coulée date de 1892, et les laves cordées à l’épanchement visqueux déclinent de multiples motifs très graphiques. Parfois, nous croyons apercevoir la silhouette d’une tortue, d’un iguane, ou, avec encore plus d’imagination, des personnages.
La chaleur est déjà étouffante, nous avons bien fait d’effectuer cette promenade volcanologique en début de matinée. Quelques rares plantes ont commencé à coloniser ce milieu hostile, et nous n’apercevons en tout et pour tout qu’un tourterelle, un moqueur et un Lézard des laves. Un peu plus tard, nous nous rafraîchissons dans les eaux de la baie, en essayant comme toujours d’observer quelques créatures marines. Un Iguane marin est en train de brouter des algues à faible profondeur, la luminosité est bonne et de nombreux poissons circulent. Plusieurs espèces de térodons (poissons coffre) se montrent furtivement, relativement farouches. Près de la plage, une partie d’entre nous a la chance de nager avec des Manchots des Galapagos !
Cet après-midi, cap sur Bartolomé, en face de la baie de Sullivan, à quelques centaines de mètres seulement. Tout d’abord, une baignade masque/tuba/palmes au pied du pinacle de Bartolomé, sorte de « tour de Pise » de lave autour de laquelle nous croisons poissons divers et nous trouvons nez à nez avec quelques otaries.
Puis, nos pangas nous déposent au pied des 365 marches qui mènent au sommet de cette petite île. Panorama somptueux assuré, vue sur le système volcanique de l’île et les différents cônes et bombes. Au-delà, on aperçoit l’immense champ de lave que nous avons foulé ce matin. Au nord, les îles de Marchena et Pinta sont bien visibles grâce au temps très clair. Pour finir, bref « zodiac tour » le long de la plage et du pinacle – piton volcanique – où nous retrouvons enfin le Manchot des Galapagos tant attendu. C’est un adulte, il fait sa toilette consciencieusement sur un rocher, et se laisse observer et photographier aimablement…
Justement, Marcela et Sylvain nous redisent un mot de ce manchot septentrional ce soir, juste avant le « cocktail de l’au revoir » du capitaine. Tout l’équipage est présent, en grande tenue, sauf le capitaine lui-même qui est resté aux commandes du Galaxy II !
C’est le jour du départ, mais nous n’avons pas pour autant terminé notre programme d’activités ! Lever à 5h30, petit-déjeuner, et nous quittons le Galaxy II à 6h45. Les valises partent d’abord en annexe, puis c’est notre tour. Un bus nous attend à Puerto Ayora, et nous fait traverser les « hautes terres », où la végétation exubérante et bien verte contraste avec les paysages volcaniques récents dont nous avons profité jusqu’à présent.
Première halte dans une grande ferme/parc où de nombreuses Tortues géantes des Galapagos évoluent dans les prairies et sous les goyaviers, en toute liberté. Certaines dorment encore. D’autres prennent un bain de boue, ou s’alimentent. Elles se nourrissent d’une cinquantaine de plantes différentes, qu’elles n’ont pas de mal à trouver sur place.
Au milieu du domaine, nous parcourons un tunnel de lave dans lequel apparaissent clairement différentes couches correspondant aux éruptions successives. Dernière étape, « Los Gemmelos », les jumeaux, site ainsi appelé car deux impressionnants cratères d’effondrement se côtoient, l’un profond de 80 mètres et l’autre de 60. La végétation est dense jusqu’au fond des cratères.
Nous roulons ensuite vers le chenal qui sépare Santa Cruz de Baltra où se trouve l’aéroport. Un petit traversier nous emmène sur l’autre rive avec nos bagages. Dernière observation naturaliste avant de prendre le bus ultime qui nous conduira vers nos vols de retour : une bande de Fous (à pieds bleus, bien sûr !) alterne repos sur un rocher tout près de l’embarcadère et séances de pêche en groupe avec piqués vertigineux.
Un clin d’oeil, et un final en beauté pour clore cette croisière riche en émotions naturalistes dans cet archipel du bout du monde qui ne ressemble décidément à aucun autre !
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Messages
Merci à Sylvain pour cet excellent compte rendu qui nous rappelle avec précision jour après jour les noms des sites visités et des espèces animales rencontrées, si nombreuses.
Juste un petit détail, à rectifier peut être: le 21 mars, nous avons quitté l’Eco Galaxy sur l’ile de Santa Cruz à Puerto Ayora, et non Puerto Villamil (situé sur Isabela).
Bien amicalement
Annie