Élodie Marcheteau
Géologie
14 septembre
23 septembre 2024
Élodie Marcheteau
Géologie
Certaines photos d’illustrations ont été prises lors de précédents voyages. Lorsque le voyage sera terminé, nous publierons les photos de ce voyage.
Nouvelle expérience : ces deux mots résument le début de notre voyage, qui démarre dans les latitudes fraîches de l’Europe en cette fin d’été. À travers les différents aéroports qui jalonnent notre route vers l’Afrique australe, notre groupe se forme progressivement, et c’est au complet que nous atterrissons à Kasane, après avoir survolé une partie du désert du Kalahari et la rivière Linyanti, où, depuis les airs, nous apercevons des hardes d’éléphants se déplaçant le long des berges.
Les températures fraîches de la veille sont déjà loin derrière nous : le changement de latitude est indéniable ! Les 36°C qui nous accueillent montrent que le printemps est déjà bien installé ici, alors que « l’été », c’est-à-dire la saison des pluies, approche, apportant chaleur et humidité.
Après quelques formalités aux postes-frontières, nous quittons Kasane, cette ville proche du seul endroit au monde où quatre pays se rejoignent : le Botswana, la Namibie, la Zambie et le Zimbabwe, en plein cœur du Zambèze, le quatrième plus grand fleuve d’Afrique. En traversant la rivière Chobé, une branche du fleuve Cuando qui rejoint le Zambèze à l’est de Kasane, nous passons en Namibie. Cette rivière sert de frontière naturelle entre la Namibie et le Botswana. Nous sommes désormais à l’extrémité orientale de la célèbre bande de Caprivi, un territoire long de 450 kilomètres et large de 30 kilomètres, hérité de l’accord de 1890 entre le chancelier allemand Leo von Caprivi et la couronne britannique. Cet accord visait à donner à la Namibie un accès à l’océan Indien pour exporter ses ressources minières. Toutefois, ce projet sera rapidement jugé irréalisable, en raison des courants rapides du Zambèze et des gorges profondes, notamment celles des célèbres chutes Victoria.
C’est dans la partie est de la bande de Caprivi que se déroule notre première aventure en Afrique australe : un safari sur une branche de la rivière Chobé. À chaque méandre, la nature nous offre un spectacle éblouissant. D’abord, nous observons un couple de Pygargues vocifères, des rapaces majestueux dont l’envergure peut atteindre près de 2 mètres. Ils se laissent approcher avant de prendre leur envol et de se poser sur un acacia. Ensuite, des oies d’Égypte, élégantes avec leurs ailes blanches et leurs yeux cernés de pourpre, s’ébattent sur une petite plage, aux côtés de vanneaux armés. Plus loin, un anhinga d’Afrique déploie ses ailes pour les sécher au soleil, justifiant son surnom d’oiseau-serpent en ne laissant dépasser que son long cou de l’eau. Nous apercevons aussi des guêpiers à front blanc, qui poussent leurs cris aigus tout en plongeant dans leurs terriers creusés dans les berges. Leurs couleurs éclatantes illuminent la lumière dorée de la fin de journée.
La nature continue de nous émerveiller. Nous observons trois crocodiles du Nil sur les rives, leur puissante mâchoire laissant apparaître leurs redoutables dents. Ces reptiles peuvent atteindre jusqu’à 6 mètres de long chez les mâles adultes et sont aussi fascinants que dangereux, tout comme les hippopotames, dont plusieurs têtes émergent de l’eau pour nous observer.
Après cette première rencontre avec la faune du Chobé, nous rejoignons notre lodge, niché sur les rives du Zambèze, où nous sommes accueillis par les chants chaleureux de nos hôtes namibiens.
La soirée est l’occasion de faire connaissance avec les membres de notre groupe et nos accompagnateurs pour les prochains jours.
La nuit est déjà tombée depuis longtemps lorsque chacun rejoint sa chambre pour un repos bien mérité après ce long voyage. Demain, la journée s’annonce bien remplie, dès les premiers rayons du soleil !
C’est aux premières lueurs du jour que nous nous réveillons ce matin, éclairant de leurs délicates teintes violacées le ciel au-dessus du Zambèze.
Le lodge cette nuit a été visité par des hippopotames, leurs empreintes énormes laissant les traces de leur passage dans le sable et les herbes en bordure de nos chambres. Il est vrai que leurs grognements caractéristiques la veille au soir laissaient présager leur présence dans les parages. Ces traces sont comme la signature de la Nature en plein coeur de laquelle nous nous trouvons depuis notre arrivée hier : pleine de surprises, de merveilleux et de découvertes ! Autant de mots qui vont nous accompagner tout au long de notre journée qui débute par notre premier safari, au sein du parc national de Chobé. Situé sur la rive sud de la rivière, ce parc de 11 700 km2, le 3ème plus grand parc du Botswana, a été inauguré en 1967, et est réputé pour la richesse de sa faune, et notamment pour l’abondance de ses éléphants des savanes.
Aux premières heures du matin, la température est agréable, et c’est dans un véhicule tout-terrain que notre groupe débute l’exploration de cette vaste étendue de savane arborée, avec de superbes points de vue sur le Chobé. Bien vite, nous observons les gracieuses impalas, rassemblées en petits groupes mixtes, accompagnées des pintades tachetées agitant leur cou bleu à la recherche de petits insectes.
Un calao à bec rouge attire soudainement notre regard par son cri « kuk kuk kuk » qu’il ponctue de mouvements d’ailes. Peut-être nous souhaite-t-il la bienvenue en ces lieux, ou nous invite-t-il à ouvrir notre cœur à tout ce que nous allons découvrir aujourd’hui ?
Nous avons peu le temps de chercher à comprendre car déjà les premières antilopes se dévoilent, à mesure que nous progressons vers les berges du Chobé : le grand koudou mâle, avec ses cornes triplement spiralées, nous contemple de ses yeux doux. Appelé le « fantôme gris » par les rangers, il se dissimule facilement par son poil gris et ses fines rayures blanches dans les teintes monochromes de la végétation de saison sèche, dépourvue de feuilles. Des hippodragues et des antilopes des sables croiseront aussi notre route, alors que nous approchons du plus grand mammifère terrestre : l’éléphant.
En hardes de 5 à plusieurs dizaines d’invidivus, les éléphants sont l’espèce animale la plus présente au Botswana avec près de 160 000 individus en 2024, dont une importante concentration dans le parc national de Chobé et le long de la rivière, entre Botswana et Namibie. Avec un poids pouvant atteindre 4 tonnes pour les femelles et 6 tonnes pour les mâles, l’éléphant impressionne par sa majesté et la tranquillité de son allure. Nullement dérangé par notre présence, il continue de gratter le sol pour préparer les herbes qu’il récupère avec sa trompe, parfait petit encas, ou à briser les branches d’arbres pour se nourrir de son écorce. D’autres en bordure de rivière s’enduisent de boue, parfois en s’y roulant, ou s’aspergent de poussière pour se protéger de la chaleur du soleil.
L’éléphant ne possède en effet ni glandes sébacées ni glandes sudoripares, rendant sa peau sèche et incapable d’évacuer sa chaleur interne : l’application de cette terre sur sa peau constitue donc une protection physique, l’isolant à la fois des rayons solaires et le débarrassant de certains parasites.
Des éléphants, nous en verrons près d’une cinquantaine au cours de la matinée !
Quel spectacle incroyable de ces pachydermes, souvent accompagnés de petits éléphanteaux, attendrissants par leur démarche et leurs gestes maladroits reproduisant ceux de leur mère !
Notre safari nous mène également vers des fourrés où des lionnes et leurs lionceaux se reposent à l’ombre.
Le soleil est haut maintenant dans le ciel, et les félins respirent rapidement pour dissiper la chaleur qui les accablent. Leur observation, si proche, est magique. Nous le savons maintenant, notre cœur est bien ouvert à recevoir les merveilles de la Nature, et notre activité de l’après-midi de navigation sur le Chobé va nous le prouver encore.
Notre croisière est ponctuée par l’observation de crocodiles se réchauffant en bord de rivière : pour ces animaux ectothermes, il est indispensable de sortir régulièrement de l’eau pour emmagasiner la chaleur du soleil et maintenir une température corporelle entre 19 et 29°C, notamment pour favoriser leur digestion. Tout près des crocodiles, nous retrouvons les éléphants qui eux se rafraichissent dans l’eau, passant d’une île à une autre, alors qu’autour des marabouts à l’allure mystérieuse marchent de leurs grands pas d’echassier. Alors que le soleil décroît sur le Chobé, les vols d’Anhinga et d’aigrettes invitent à toujours plus de contemplation, leur reflet s’étirant sur les eaux calmes. Un héron goliath nous offre le privilège d’une lente marche entre les papyrus, son long cou cuivré s’étirant gracieusement.
Le retour au lodge est le moment de réaliser la chance que nous avons eu d’observer une incroyable diversité de faune aujourd’hui, dans des conditions optimales. Après un rafraîchissement nécessaire, la fin de soirée se prolonge, chacun étant avide de partager ses ressentis et émotions relatives à cette journée mémorable.
La lune éclaire la nuit qui s’est couchée depuis longtemps, accompagnant notre repos. Une journée pleine de découvertes nous attend encore demain !
Les eaux tranquilles du Zambèze ont bercé notre nuit de leur doux murmure. Aux premières lueurs de l’aube, des reflets chatoyants dansent sur la surface du fleuve, présageant les découvertes qui nous attendent dans les prochains jours. Mais ce matin, une expérience unique nous attend : la rencontre avec les habitants de l’île d’Impalila, au cœur de la bande Caprivi.
Après un court trajet en bateau sur le Chobé, désormais familier, nous accostons sur cette île longue d’une quinzaine de kilomètres et large de trois. L’île appartient à la Namibie et abrite une trentaine de villages, dont le premier que nous visitons, Kamavozo, est celui de l’un de nos pilotes, membre de la tribu Masubiya. Les villages sont principalement constitués de familles élargies qui vivent de la pêche sur le Zambèze et travaillent dans le secteur touristique local.
Notre guide nous explique que les maisons sont de deux types : les traditionnelles, bâties avec des piliers de mopane, un bois résistant, recouvert de terre de termitière et coiffées de toits en zinc, une alternative plus sûre que le chaume d’autrefois. Les autres maisons, construites en basalte et ciment, bien que plus coûteuses, sont permanentes et ne nécessitent pas de réparations constantes après les premières pluies. Au-dessus de ces habitations, des baobabs millénaires veillent, leurs troncs imposants et leurs branches dénudées portant des fruits longs et caractéristiques. Certains d’entre eux, symboles vivants des villages, atteignent plus de 1300 ans, et le plus vieux a environ 1800 ans ! C’est au pied de l’un de ces géants que les villageois nous accueillent, dans une ambiance festive marquée par les percussions et les danses traditionnelles.
Le paon, ancien habitant de l’île, est célébré par une danse aux mouvements gracieux, et certains d’entre nous se laissent emporter par le rythme des tambours et les encouragements chaleureux des danseurs. Dans ce moment de communion, toutes les barrières s’effacent : nous ne sommes plus des voyageurs, mais simplement des humains partageant une même célébration, piétinant la terre rouge avec une joie simple et authentique.
La visite des trois villages s’achève par un passage à l’école locale, où 370 élèves sont encadrés par 16 enseignants. Malgré l’absence de transport scolaire, certains enfants parcourent jusqu’à 15 kilomètres à pied chaque jour pour venir étudier, témoignant d’une détermination qui force l’admiration. Sur le chemin du retour, nous passons près de la clinique de l’île, où trois infirmières fournissent les soins de base en l’absence de médecins réguliers. Les conditions de vie sur l’île, empreintes de simplicité et de résilience, nous invitent à la réflexion et à l’humilité face à ces hommes et femmes qui nous accueillent avec tant de générosité.
C’est le cœur rempli d’émotions que nous quittons Impalila pour regagner notre lodge, les hippopotames nous observant depuis les eaux du Chobé, leurs yeux et narines à peine visibles à la surface.
L’après-midi, nous retournons sur le fleuve pour une activité de pêche à la ligne, une première pour beaucoup d’entre nous. Le Chobé et le Zambèze sont des lieux prisés pour la pêche, et bien que la patience ne soit pas toujours récompensée, l’expérience restera gravée dans nos mémoires. Autour de nous, près d’une cinquantaine de dendrocygnes veufs occupent une petite plage, leurs plumages bruns contrastant avec leurs têtes blanches qui se reflètent élégamment dans l’eau.
Alors que le soleil décline à l’horizon, les couleurs typiques des couchers de soleil d’Afrique australe émergent, mêlant des nuances de rose et de violet à la brume qui flotte au loin. Ce spectacle invite au silence, une contemplation sereine que l’on souhaiterait éternelle. Mais la nuit finit par nous rattraper, nous rappelant qu’il est temps de regagner la sécurité du lodge pour éviter toute rencontre impromptue avec les hippopotames ou les crocodiles.
La soirée se termine par une histoire fascinante sur l’histoire de la Namibie, racontée par notre guide. Alors que nous vivons notre dernière nuit au Cascades Lodge, un sentiment de gratitude nous envahit. En seulement trois jours, nous avons déjà vécu tant de moments inoubliables… et ce voyage est loin d’être terminé !
Le lever de soleil ce matin est le dernier que nous verrons depuis le Cascades lodge, après trois jours passés dans ce petit paradis en bordure de Zambèze. Après des au revoir émouvants à l’équipe qui s’est si bien occupé de nous pendant ces quelques jours, le temps est venu de passer à la prochaine étape de notre voyage, au Zimbabwe.
Mais avant cela, une dernière matinée nous attend, au fil du Chobé. C’est sur un bras que nous n’avons pas encore exploré, côté namibien, que notre safari nautique s’organise ce matin. Le vent ce matin est particulièrement fort, et notre bateau navigue au gré des vagues, créant des embruns très appréciés au vu de la chaleur, même temps en ce début de journée.
Bien vite, les guêpiers carmins et leur ventre roses tournoient au-dessus de nos têtes, avant de rejoindre leurs nids dans les berges. Plus loin, ce sont des anhingas d’Afrique qui prennent la pose, faisant sécher au soleil leurs longues plumes noires. A proximité, un regroupement d’ibis sacrés et d’oies d’Égypte colore les petites plages de sables de blanc, de noir et de pourpre, pendant qu’en haut de la berge un juvénile d’aigle pêcheur nous dévoile son plumage bariolé de blanc et de brun. La diversité de ces oiseaux est à la hauteur de leur beauté : impossible de s’en lasser !
Il faut une autre observation pour nous en détourner : celle d’un groupe d’hippopotames d’une dizaine d’individus, dont seules dépassent les narines, les yeux et les oreilles. Plutôt calmes, nous réussissons à nous en approcher sans les déranger. L’hippopotame passe l’essentiel de sa journée à dormir dans l’eau peu profonde. Il alterne entre des immersions complètes permises par des valves bouchant ses oreilles et ses narines, et une présence à fleur d’eau qui ne laisse entrevoir de lui que ses narines, ses oreilles et ses yeux. Pourtant, il serait imprudent de se fier à son air placide et son lent déplacement dans l’eau. L’hippopotame est en effet l’un des plus gros mammifère terrestre, pouvant atteindre 3 tonnes pour un mâle adulte, et est l’animal le plus meurtrier d’Afrique : 200 personnes meurent chaque année des conséquences de ses attaques. Extrêmement territorial, il est capable de retourner une embarcation qui s’est trop approché des limites de son royaume, ou de courir à 30 km/h sur la terre ferme. Les familles sont constituées d’un mâle dominant et de son harem de femelles. S’il y a des petits, ce sont uniquement des femelles : le dominant est capable de tuer son petit de sexe mâle pour éviter la compétition. Les individus seuls sont généralement des mâles qui ont été battus lors de la saison de reproduction, qui se sont donc fait évincé, jusqu’à la prochaine saison où ils tenteront de nouveau leur chance. Bien qu’il se serve de ses lèvres préhensiles pour mâcher les herbes, les racines ou les plantes dont il se nourrit, il possède des canines et des incisives pouvant atteindre 40 cm servant uniquement au combat ou à embrocher un envahisseur… Avec lui, la méfiance est toujours de mise, et les pilotes de bateau tout comme les pêcheurs sur le Chobé le savent bien.
En poursuivant notre balade sur le Chobé, nous retrouvons au loin des éléphants se désaltérant en bordure de rivière, alors que sur la rive proche, un troupeau de buffles mange tranquillement. Sur ces petits îlots du Chobé se rencontrent des becs en ciseaux, des becs ouverts et des vanneaux armés, alors que dans le ciel, un marabout danse en cercle avec une cigogne. Quel tableau somptueux nous est offert pour clôturer notre immersion au coeur du Chobé !
Le soleil est au zénith lorsque nous retrouvons la terre ferme du Botswana, afin de rejoindre l’aéroport de Kasane. C’est de là que nous rejoignons le pays voisin, le Zimbabwe, et notre prochaine destination : le lac Kariba. A bord de petits avions à hélices, nous survolons toute la partie ouest du Zimbabwe, à commencer par les magnifiques et impressionnantes gorges de Batoka qui s’étirent sur près de 80 kilomètres en aval des chutes de Victoria, grande cicatrice marquant l’érosion progressive du Zambèze dans ce grand plateau volcanique. Le survol du lac Kariba nous fait prendre conscience de son étendue : avec près de 5600 km2, il s’agit du 5eme plus grand lac artificiel du monde par sa superficie, mais le premier par son volume faramineux atteignant près de 181 milliards de mètres cube. Ce magnifique lac sera notre terrain de jeu des deux prochains jours, et nous en réjouissons tous.
Sitôt atterri et remplies les formalités d’entrée sur le territoire zimbabwéen, nous rejoignons notre navire, l’African Dream, sur lequel nous allons découvrir la partie est du lac.
Notre navigation commence rapidement, les eaux calmes du lac accompagnant notre détente en cette fin de journée. Le soleil descend rapidement sur l’horizon, les couleurs violettes et roses sont au rendez-vous alors que les reflets du soleil dessinent une traînée enflammée sur les eaux grises. Alors que la lune est presque pleine, un éléphant solitaire flanqué de deux aigrettes profite des pentes herbeuses de bord de plage. La scène est parfaite, tout comme l’ambiance apaisante de cette fin de soirée.
Après une présentation de l’équipe du bord et un succulent dîner, chacun trouve le chemin de sa cabine. Le repos est de mise car demain encore nous réserve son lot d’émerveillement.
C’est dans la baie de Changa que nous nous réveillons ce matin, au sud-ouest de la ville de Kariba, où l’African Dream s’est amarré pour la nuit. Dans les premières lueurs du matin, le lac revêt des couleurs pastel, évoluant bientôt vers des teintes plus intenses à mesure que le soleil émerge de la brume à l’horizon.
Cette journée est consacrée à la découverte du lac Kariba, cette immense retenue artificielle sur le lit du Zambèze, réalisée entre 1955 et 1959, à cheval sur la Zambie et le Zimbabwe, alors encore colonies anglaises de Rhodésie du Nord et de Rhodésie du Sud. Conceptualisé par l’ingénieur des ponts et chaussées français René Coyne, également architecte du barrage de Serre-Ponçon, le barrage de Kariba fut mis en place pour fournir de l’électricité aux deux pays, grâce à la construction de deux centrales hydroélectriques souterraines, produisant actuellement près de 10 000 GWh par an. Pour atteindre un tel volume, la retenue a nécessité la construction d’un barrage-voûte en béton de 128 mètres de haut et 617 mètres de large, provoquant l’engloutissement de près de 5 600 km² sur les territoires zambien et zimbabwéen.
Les conséquences de cette montée des eaux furent multiples. La tribu bantoue des Tongas, traditionnellement éleveurs, vit ses terres inondées, et pas moins de 57 000 personnes de cette ethnie furent contraintes de se déplacer en amont du barrage, sur des terres peu fertiles où le bétail manquait de nourriture et d’eau. Pour survivre, les Tongas se reconvertirent en pêcheurs, le lac abritant une quarantaine d’espèces de poissons, dont le tilapia, le poisson-chat et le brème.
L’impact de la mise en place du barrage ne fut pas seulement humain, mais aussi animal : l’eau montant, la faune vivant sur ces plateaux se retrouva prise au piège, contrainte de se regrouper sur les îles épargnées par l’inondation, ou tentant d’accéder aux berges du lac. Refusant d’être des témoins impuissants de cet impact sur l’écosystème, Rupert Fothergill, ranger en chef du parc de Matusadona, lança l’opération Noé avec l’aide d’autres rangers. Leur mission était de secourir les animaux piégés par l’eau et sur les îles pour les relocaliser au Zimbabwe. Environ 6 000 animaux furent ainsi sauvés et placés autour du lac Kariba et dans le parc de Matusadona, dont une cinquantaine de rhinocéros noirs, une espèce déjà très menacée à l’époque. Malheureusement, certains animaux ne purent être secourus, mais cette opération demeure un magnifique exemple d’empathie et de coopération entre humains et animaux. En hommage à son initiative, une des 300 îles du lac Kariba fut nommée île Fothergill.
C’est à proximité de cette île que nous commençons notre safari nautique ce matin. Très vite, nous repérons un groupe d’hippopotames à terre, bien installés sur un petit îlot, tandis que d’autres se rafraîchissent dans l’eau. Des piques-bœufs s’occupent de débarrasser leur peau de parasites avant que les hippopotames ne retournent dans l’eau. À proximité, un éléphant mâle descend tranquillement vers la rive et s’arrête non loin de nous, attiré par l’herbe verte en bordure de plage. Nous assistons à la préparation méticuleuse de son repas : après avoir déterré une motte d’herbe, il utilise l’une de ses pattes avant pour secouer la terre et éliminer le sable, protégeant ainsi ses dents. En effet, l’éléphant possède six ensembles de dents qui mettent chacune une dizaine d’années à pousser ; il doit donc en prendre soin, sous peine de ne plus pouvoir se nourrir et de mourir prématurément.
D’autres éléphants rejoignent bientôt ce solitaire, ainsi qu’un troupeau d’impalas mâles, les femelles étant pleines à cette période de l’année.
La bordure du lac regorge de nourriture pour les oiseaux : insectes et vers pour les œdicnèmes vermiculés, vanneaux à tête blanche et bergeronnettes pies, tandis que les hérons à dos vert, ibis pourprés et martins-pêcheurs pies se régalent de petits poissons. C’est un vrai plaisir d’observer cette incroyable diversité d’oiseaux ! L’aigle pêcheur, quant à lui, est perché sur les branches mortes de mopanes vieux de plus de 65 ans. Ce paysage de forêt presque fossilisée, avec ses reflets parfaits dans les eaux calmes du lac, ajoute une touche de nostalgie et de magie.
Sur l’une de ces branches desséchées, nous avons la chance d’apercevoir un balbuzard pêcheur, rare dans cette région. Son masque noir et son plumage noir et blanc nous observent depuis les hauteurs. À terre, une nouvelle espèce fait son apparition : le cobe à croissant, typique des zones fluviales, reconnaissable à son cercle blanc orné sur son arrière-train.
Après cette matinée incroyablement riche, nous retournons à bord pour nous rafraîchir, la température avoisinant les 36°C à l’approche de midi, alors que l’African Dream met le cap vers une anse plus au sud.
En fin d’après-midi, nous repartons explorer le lac, cette fois-ci entourés de nombreux radeaux d’hippopotames, certains comptant jusqu’à vingt individus. Les grognements sont légion, ainsi que les bâillements à cette heure où le soleil commence à décliner. Aux côtés des cobes et des impalas, nous avons une belle surprise : deux zèbres des plaines, leurs rayures se détachant magnifiquement sur l’herbe verte. Les cœurs sont en joie pour cette première rencontre avec ces magnifiques équidés, bien que l’observation doive se faire à distance.
Encore une fois, l’abondance d’oiseaux est un pur émerveillement : les couleurs vives des guêpiers carmins et à front blanc, du martin-pêcheur géant et des oies d’Égypte nous fascinent. Que dire de la « danse » de l’aigrette ardoisée, une technique de chasse où elle déploie ses ailes comme un parapluie pour faire de l’ombre sur l’eau et attirer les poissons dans un faux sentiment de sécurité, avant de les attraper d’un coup de bec !
Le coucher de soleil s’enflamme progressivement en teintes de rose et de mauve, tandis que certains s’essaient à la pêche. Un poisson-chat est attrapé par l’un de nos pêcheurs amateurs, puis relâché dans les eaux du lac.
Lorsque la nuit tombe, nous sommes de retour à bord pour une soirée de détente, sous une pleine lune orangée. Le dîner est joyeux, chacun partageant le plaisir de vivre cette aventure ensemble. Puis, chacun prend congé, impatient de découvrir les merveilles que demain nous réserve.
Après une nuit paisible sur le lac Kariba à bord de l’African Dream, nous nous réveillons au moment où le soleil se lève lui aussi, prêts à profiter au maximum de cette journée de découverte des abords du lac. Car oui, aujourd’hui, nous allons mettre pied à terre pour réaliser notre premier safari au Zimbabwe, au sein du parc national de Matusadona.
D’abord interdite à la chasse en 1958, peu avant la finalisation du barrage de Kariba, la zone de 1470 km² située en rive sud du lac fut ensuite classée en tant que réserve naturelle en 1963, puis parc national en 1975. C’est au sein de ce parc qu’entre 1960 et 1962, les rangers menés par Rupert Fothergill, le ranger en chef, secoururent près de 6 000 animaux pris au piège par la montée des eaux du barrage, au cours de la bien nommée « Opération Noé ». Grâce à ce sauvetage, le parc abrita pendant des décennies le fameux « Big Five », avant la disparition des derniers rhinocéros en 2016. Nous nous réjouissons de cette nouvelle excursion dans la savane, impatients de découvrir quelles rencontres nous allons faire ce matin.
Notre sortie commence dans la savane herbeuse, verte sur cette bordure de lac, propice à l’alimentation des herbivores. Nous ne tardons pas à découvrir des dizaines d’impalas, mâles et femelles, organisés en groupes lâches, se rassemblant régulièrement après de gracieuses pointes de vitesse agrémentées de sauts impressionnants. Avec sa fine tête, ses pattes longilignes et ses taches noires ornant son visage, son arrière-train et ses chevilles, l’impala séduit par son élégance, sublimée chez les mâles par des cornes annelées légèrement torsadées.
Plus loin, notre guide, habitué du parc, nous montre les marques au sol laissées par le passage nocturne des hippopotames. La nuit, lorsqu’il fait moins chaud, les hippopotames sortent de leur royaume aquatique et parcourent parfois jusqu’à 10 kilomètres sur terre, passant de nombreuses heures à manger des herbes qu’ils écrasent avec leurs lèvres préhensiles. Pour retrouver leur chemin dans la pénombre, ils utilisent leurs déjections, qu’ils dispersent à l’aide de leur queue de part et d’autre du chemin emprunté. Gare à celui qui empruntera cet accès privé ! Une hyène n’a toutefois pas eu de scrupules à laisser ses empreintes dans le sable mou, témoignage de sa présence plus tôt dans la matinée. Nous ne verrons d’elle que ses traces et ses excréments, les plus anciens ayant pris une teinte blanche en raison du calcium issu des os que la hyène broie grâce à sa mâchoire extrêmement puissante, plus encore que celle des plus grands félins prédateurs.
En poursuivant notre chemin au sein du parc, près d’une rivière asséchée par l’absence de pluie depuis avril, nous repérons une agitation au loin : c’est un groupe de babouins chacmas, bien identifiables par leur taille imposante, pouvant atteindre 1 mètre chez les mâles, leur pelage gris et leur fessier rosé. Ici, c’est un groupe d’une vingtaine d’individus que nous avons le loisir d’observer, un mélange de mâles, de femelles et de jeunes, les petits jouant à se pourchasser. Le chacma se déplace vite, mais s’arrête régulièrement pour ramasser des graines ou des insectes, qui font partie de son régime omnivore. Sur leur chemin, le groupe croise plusieurs phacochères, eux aussi en pleine pause repas : se plaçant sur l’articulation de leurs pattes avant, les phacochères creusent le sol avec leurs défenses pour accéder aux racines dont ils raffolent. Ce labour du sol fait d’eux de bons contributeurs à l’entretien de l’écosystème de la savane.
Notre périple nous mène ensuite vers une savane arborée, où les mopanes aux feuilles en forme de papillon atteignent plus de 8 mètres de haut, grâce à l’humidité permanente du sous-sol, permise par la proximité d’une rivière.
En sortant de ce couvert végétal inhabituel, nous avons la chance d’apercevoir devant nous un groupe de zèbres des plaines qui nous observe de leurs grands yeux noirs. Leur robe rayée de blanc et de noir contraste avec les sables neigeux et rouges du Kalahari. D’autres couleurs apparaissent bientôt avec plusieurs rolliers à longs brins qui virevoltent d’arbre en arbre, leur vol magnifique sublimé par le dégradé de bleu sur leurs ailes, alors que le reste de leur corps est une harmonieuse palette de couleurs, allant du lilas de leur poitrine au cyan de leur ventre, en passant par le vert de leur tête. Un magnifique oiseau qui prend la pose pour notre plus grand plaisir !
En revenant vers le lac, des hardes d’éléphants sont au rendez-vous, cheminant lentement vers les berges alors que la chaleur de la fin de matinée se fait sentir.
La fin du safari nous permet d’observer d’autres oiseaux que nous n’avions pas encore rencontrés, comme le bateleur, des vautours à dos blanc, le courvite de Temminck ou encore les nids du mahali à sourcils blancs.
De retour à bord, nous nous rafraîchissons et visitons la passerelle de pilotage, alors que l’African Dream met le cap vers l’île d’Antilope, au sud-est de la ville de Kariba.
Avant notre sortie de fin de journée, notre guide zimbabwéen partage avec nous la passion de son pays, à l’occasion d’une table ronde se terminant par un retour sur la construction de notre navire à Harare, la capitale du Zimbabwe, et sur son transport extraordinaire jusqu’au lac Kariba.
Alors que le soleil décline, nous naviguons à proximité de l’île d’Antilope, site d’un nombre impressionnant d’échassiers, d’oies, de limicoles, de mouettes à tête grise, et surtout de pélicans gris, dont l’allure massive contraste avec celle des autres espèces qui cohabitent avec eux. Leur bec proéminent est adapté à la consommation de poissons comme le poisson-chat ou la tilapia, deux espèces fréquentes dans les eaux du lac. Alors que nous retournons vers notre navire au coucher du soleil, un radeau d’hippopotames se laisse approcher, soufflant bruyamment et nous observant du coin d’un œil presque immergé.
Le soleil rose a déjà plongé lorsque nous remontons à bord de l’African Dream. Notre guide nous familiarise avec la visite de demain, celle des magnifiques chutes Victoria, dans l’ouest du Zimbabwe.
Des chants et danses d’au revoir émouvants nous sont offerts par notre équipage, célébrant notre dernière soirée à bord. Nous nous souviendrons longtemps de ce fabuleux séjour sur le lac Kariba.
Très tôt ce matin, nous effectuons avec l’African Dream notre dernière traversée pour rejoindre le petit port près de la ville de Kariba.
Nous quittons avec émotion l’équipage de ce magnifique navire, qui fut le théâtre de moments inoubliables, tant à bord que lors de nos excursions à terre et sur les eaux du lac. Les reflets des milliers de mopanes aux troncs blanchis et desséchés, émergeant des eaux calmes, resteront gravés dans nos mémoires, tout comme la richesse de la faune terrestre, aquatique et ornithologique qui a jalonné notre périple.
Cependant, ce départ marque aussi le début d’une nouvelle étape dans notre découverte des merveilles de l’Afrique australe, et cette journée nous promet encore de grandes beautés.
Avant de rejoindre l’aérodrome, où nos avions pour Victoria Falls nous attendent, nous faisons une halte pour admirer le barrage de Kariba. Depuis ce point de vue, nous saisissons toute la grandeur de cette construction de béton : 128 mètres de hauteur et 617 mètres de long, capable de contenir les puissantes eaux du Zambèze pour alimenter deux centrales hydroélectriques, l’une en Zambie et l’autre au Zimbabwe.
Non loin, une statue imposante surplombe la structure, représentant Nyami Nyami, le dieu du Zambèze, mi-serpent, mi-poisson. Pour le peuple Tonga, majoritaire dans cette région, Nyami Nyami est le créateur et le protecteur de toutes les formes de vie liées au fleuve. Ce dieu veille sur les récoltes, la pêche et prévient les inondations. En 1955, la construction du barrage a suscité de vives inquiétudes chez les Tongas, qui craignaient de couper Nyami Nyami de sa déesse, résidant dans les gorges en aval. En 1956, des inondations dévastatrices firent des dizaines de victimes, convainquant les Tongas que leur dieu était en colère. Un sacrifice rituel fut réalisé, et il est dit que les corps des disparus furent miraculeusement retrouvés quelques jours plus tard. Malgré d’autres inondations, la construction fut achevée. Aujourd’hui encore, chaque année en septembre, les Tongas rendent hommage à Nyami Nyami lors de cérémonies.
Après cette dernière vue sur le lac, nous décollons pour notre prochaine aventure : les majestueuses chutes Victoria.
Découvertes par les Européens il y a moins de deux siècles, ces chutes sont connues sous le nom de Mosi-oa-tunya par les Makololo, signifiant « la fumée qui gronde ». Ce nom fait écho au bruit tonitruant des chutes que l’on entend bien avant de les voir.
Avec leurs 108 mètres de hauteur, elles figurent parmi les plus hautes du monde. Le Zambèze, creusant son lit dans des basaltes depuis plus de 20 000 ans, a façonné les spectaculaires gorges de Batoka. L’érosion continue aujourd’hui, et dans quelques milliers d’années, les chutes pourraient bien se trouver plus en amont.
Pour l’heure, nous admirons cette merveille naturelle, avec ses 1,7 kilomètres de large et son débit impressionnant, pouvant atteindre 500 millions de litres d’eau par minute. Les gouttelettes d’eau projetées par les chutes créent des arcs-en-ciel en se mêlant aux rayons du soleil de l’après-midi. C’est un spectacle à la fois grandiose et poétique.
Durant près de deux heures, nous nous promenons le long des chutes, observant la faune locale. Calaos trompette, cossyphes de Henglin, guibs harnachés et singes verts animent les lieux, se nourrissant des fruits et feuilles rendus abondants par l’humidité ambiante.
Au bout du sentier, près de la « marmite » où il est aujourd’hui possible de faire du rafting, nous apercevons le pont de chemin de fer, vestige du projet de relier Gaborone à Dar-es-Salam en passant par les chutes Victoria, inauguré en 1905.
Certains d’entre nous ont eu la chance d’admirer les chutes depuis les airs, grâce à un survol en hélicoptère, offrant une vue à couper le souffle sur les gorges et le canyon.
De retour à notre lodge en bordure du Zambèze, nous profitons d’un moment de repos bien mérité.
Le soir, nous avons la chance de dîner au bord de la rivière, bercés par les chants a capella d’artistes locaux aux tonalités envoûtantes d’Afrique. Fatigués mais comblés, nous rentrons, les yeux remplis d’images inoubliables de cette journée.
Demain, la dernière étape de notre voyage nous attend, au Botswana. Nous nous couchons, impatients de découvrir ce que la suite nous réserve !
La nuit fut courte pour certaines qui passèrent plusieurs heures à observer les hippopotames se nourrir, à quelques mètres seulement des chambres de l’A Zambezi lodge. Ces moments sont tellement exceptionnels, presqu’irréels, que l’on ne veut pas en perdre une goutte !
Juste après le lever du soleil, les valises sont prêtes. Nous quittons Victoria Falls et ses chutes fabuleuses pour nous rendre jusqu’à Kasane, au Botswana, en empruntant la route qui traverse l’Afrique du Nord au Sud, reliant la ville du Cap en Afrique du Sud au Caire en Egypte. En périphérie de cette route bordée de tecks et de mopanes, quelques éléphants sont visibles, ainsi que des impalas et des babouins chacma. L’observation est permanente, le dépaysement à chaque regard à l’extérieur.
Rapidement, nous arrivons à la frontière du Zimbabwe, et après diverses formalités, nous nous retrouvons de nouveau au Botswana. C’est à la ville frontalière de Kasane que nous prenons un avion taxi qui nous amène en une heure de vol au Sud-Est du delta de l’Okavango. D’avion, le contraste entre les zones de savane arbustive sèches et les marais permanents verts est magnifique. Plus nous descendons en altitude, plus se dessinent au sol des lignes reliant entre elles des zones grises arrondies : nous avons sous les yeux les chemins empruntés par les éléphants jusqu’aux points d’eau existants durant la saison des pluies, en ce moment asséchés. Notre atterrissage au milieu du bush est une expérience surprenante : ici pas de bâtiments ni de camion de pompier, juste une piste en terre, au bout de laquelle nous attendent les guides et pisteurs de notre lodge avec qui nous allons passer les deux prochaines journées.
Durant l’heure de trajet qui nous sépare du Mma Dinare lodge, nous sommes déjà en mode safari, et bien vite les premiers animaux font leur apparition : là des girafes occupées à manger les feuilles des arbres avec leur long cou pouvant atteindre 3 mètres de longueur se confondent parfois avec les teintes beiges des arbres secs et dépourvus de feuilles.
Puis ce sont des oiseaux comme le calao à bec rouge, le rollier à long brin et l’étourneau du Cap qui virevoltent autour de nous. Mais celui que tout le monde remarque aujourd’hui est le kori, l’oiseau emblème du Botswana, élégant avec ses pattes jaunes, son plumage brun tacheté et sa houpette grise, qui, avec ses 18 kg maximum, est aussi le plus gros oiseau du monde à voler.
Un steenbock se laisse approcher, ses petites cornes à l’image de son corps, frêle et fin. Notre présence ne semble pas l’affecter, et il continue d’adopter cette position typique des oreilles consistant à en ouvrir une vers l’avant et à plaquer l’autre sur son crâne vers l’arrière de manière à entendre dans différentes directions.
Après ce premier contact avec les sables du Kalahari, nous arrivons à notre lodge, accueillis par les chants de ceux qui vont s’occuper de nous pendant deux jours. Notre arrivée marque notre passage dans un autre monde : depuis la terrasse et les installations du lodge, nous contemplons un véritable paradis terrestre, de part ses couleurs verdoyantes et la diversité de sa faune. Devant nos yeux ébahis, ce sont des impalas, des buffles, des girafes, des phacochères, des grues qui se nourrissent paisiblement, leurs reflets se détachant dans l’eau de ce bras du delta de l’Okavango sur lequel est placé notre lodge. Le contraste avec la sécheresse de la savane que nous venons de survoler, puis de traverser en 4×4, est saisissant : l’Okavango est une oasis verte au milieu du désert, source de vie indispensable de milliers d’animaux comme d’oiseaux.
C’est cette configuration qui fait de l’Okavango un écosystème exceptionnel: il correspond en effet à un delta intérieur, le seul au monde avec celui du Niger, dont les eaux ne rejoignent jamais l’océan, disparaissant au beau milieu du désert du Kalahari. Cette particularité s’explique par la présence en profondeur de plusieurs failles en aval du delta, dans lesquelles l’eau s’infiltre massivement, interrompant le chemin de l’eau de manière brutale. Seul un bras nommé le Boteti poursuit sa route vers le Sud pour rejoindre le Limpopo puis l’océan indien.
Ces failles de décrochement sont encore actives aujourd’hui, avec un jeu de 3 à 5 millimètres par an.
Après un temps de repos aux heures les plus chaudes, nous partons pour un safari,nle coeur ouvert à ce que la Nature voudra bien nous montrer.
En bordure de rivière, nous apercevons un énorme nid dans un arbre : celui de l’ombrette africaine, un petit oiseau résident des lacs, dont la particularité est de construire ce nid en forme de boule bien plus grand que lui, avec son partenaire, y travaillant pendant près de deux semaines. Ce nid pourra par ailleurs être occupé par d’autres oiseaux lorsque la période de nidification de l’ombrette sera terminée.
Soudain, notre guide accélère : des lionnes sont aperçues au loin, se déplaçant à l’ombre des buissons. A notre arrivée, elles ont atteint un refuge à l’abri de nos regards et de nos objectifs, mais la chance est avec nous : l’un d’elles a choisi de rester sous le couvert d’un arbuste, à proximité de l’eau. Elle nous observe autant que nous la contemplons, nos regards se croisant parfois. Quelle rencontre sublime et touchante ! Bien que fabuleuse par la proximité d’observation qu’elle nous offre, des moments forts encore plus inattendus nous sont réservés aujourd’hui !
Tentant de retrouver les autres lionnes parties plus tôt, nous débouchons sur une prairie où déambulent sereinement des tsessebés. Cette antilope au pelage brun foncé est la plus rapide ici, échappant aux lionnes par sa course à près de 80 km/h. Tout comme l’hippotrague noir, mâle et femelle tsessebés portent des cornes, leur différence étant leur taille, plus importante chez le mâle.
Alors que nous tournons vers une zone plus sèche, de nouveau notre guide s’arrête en nous posant la question : « que voyez-vous? ». Les mots ont de la difficulté à sortir de nos bouches devant ce spectacle magique : sous un arbre du berger en grande partie asséché, les formes beiges qui se distinguent sont des lionceaux ! Quatre lionceaux, laissés à l’abri par leur mère partie chasser pour leur assurer suffisamment de lait. Ces petits ont environ trois semaines de vie, et restent bien sagement autour du tronc, nous offrant un spectacle touchant dont nous n’aurions même pas pu rêver !
La Nature est véritablement de notre côté, et notre dernière observation majeure de la journée le confirme : une famille de lions, une mère avec ses trois jeunes d’environ huit mois, une femelle et deux mâles, sont trouvés plus loin, appartenant certainement au même groupe que la mère et ses lionceaux. En cette heure avancée de la journée, nous assistons au rapprochement progressif mais furtif des lions vers leur cible: des zèbres. L’obscurité tombant, nous n’avons pas l’occasion de connaître l’issue de cette chasse, qui ne se courrone qu’une fois sur cinq d’un succès des lionnes. Celles-ci chassent en effet à l’affût, en groupe, de grandes proies qui ont bien souvent les ressources physiques pour s’échapper.
Notre après-midi a été incroyable, et alors que nous rentrons au lodge à la lumière des spots, les yeux des lièvres sauteurs dansant aux alentours, nous nous rendons compte de la chance merveilleuse que nous avons eu d’observer ses scènes de la nature sauvage.
Après un dîner délicieux et un temps de partage autour du feu, chacun se retire dans sa tente sur pilotis. Le temps est au repos car nous nous levons tôt demain matin, pour une journée encore pleine de surprises.
À peine les premières lueurs du jour pointent à l’horizon que nos guides viennent nous réveiller pour une nouvelle journée dans le delta de l’Okavango. Hier a été si prometteur que nous sommes impatients de voir ce que la nature nous réserve aujourd’hui. Ces réveils matinaux ont une double utilité : ils favorisent l’observation des prédateurs, tels que les lions, les léopards ou les hyènes, actifs à la fraîcheur de l’aube. C’est également un choix judicieux pour nous, car les températures deviennent rapidement étouffantes au cœur de la journée.
Assis sur la terrasse pour le petit-déjeuner, nous observons déjà des impalas, des buffles, et des jacanas évoluant dans les chenaux. Puis, les moteurs démarrent pour une nouvelle aventure qui, sans que nous le sachions encore, va dévier de son programme initial…
Aujourd’hui, nous partons explorer l’est de la concession. Très vite, les paysages luxuriants d’hier laissent place à une savane arbustive desséchée, presque lunaire. Les arbres, dénudés et parfois cassés par les éléphants, semblent sans vie. Pourtant, dès les premières pluies, cette terre grise se transformera en un paradis pour les herbivores. Même les arbres les plus meurtris par les pachydermes trouveront un moyen de renaître.
En traversant ce désert gris, quelques touches de couleur émergent grâce aux oiseaux : la cornivelle noire et blanche, le rollier à long brin, et la pie grièche. Puis, soudain, nos guides stoppent le véhicule. Ils ont repéré des empreintes dans le sable : celles de hyènes. Et en effet, après quelques minutes de route, nous apercevons une hyène adulte, allongée, tandis que d’autres trottinent dans les hautes herbes. Son pelage tacheté contraste avec son visage sombre. Bien que seul pour l’instant, cet individu rejoindra sûrement bientôt son clan, car les hyènes sont des carnivores nocturnes organisés en groupes sociaux, dominés par une matriarche.
Quelques minutes plus tard, de nouvelles empreintes attirent l’attention de nos guides : cette fois, ce sont celles de guépards. Nous les suivons avec une impatience grandissante, laissant tomber pour un temps notre balade en mokoro.
Quelle chance nous avons ! Quatre guépards apparaissent soudainement, quatre frères, avançant lentement entre les arbustes. Ces félins, les plus rapides sur Terre, sont des machines à courir, pouvant atteindre jusqu’à 112 km/h. Leur allure gracieuse et leur force sont hypnotisantes. Tandis que nous les admirons, la nature nous réserve un spectacle inattendu : un girafon, nouveau-né, se cache près de là, recroquevillé au sol. Mais un mouvement le pousse à se lever précipitamment, ses pattes tremblantes tentant de fuir. En un éclair, les guépards se jettent sur lui, et en quelques secondes, la chasse est terminée.
C’est un moment à la fois bouleversant et fascinant. Voir ces prédateurs en action, si près de nous, et comprendre la réalité brutale mais nécessaire de la vie sauvage laisse tout le monde sans voix. Nos guides nous expliquent que ce type de chasse est rarissime à observer : même eux, avec toute leur expérience, ne sont témoins de tels moments que quelques fois par an.
La journée se poursuit, toujours riche en émotions. Nous revenons vers l’endroit où nous avions observé quatre lionceaux la veille. Aujourd’hui, ils sont toujours là, blottis contre leur mère. Leurs petits jeux maladroits et l’affection de leur mère sont des scènes de tendresse qui contrastent avec la violence de la chasse à laquelle nous avons assisté plus tôt.
En fin d’après-midi, nous partons pour notre dernier safari, longeant les bras de l’Okavango. Les animaux sortent par dizaines pour s’abreuver à la rivière, offrant un spectacle sublime sous les couleurs rosées du ciel. Buffles, girafes, et zèbres se reflètent dans l’eau, tandis que le soleil décline doucement.
Alors que nous célébrons cette dernière journée, entourés par une faune abondante et la majesté des éléphants, nous réalisons à quel point ce voyage dans l’Okavango restera gravé dans nos mémoires. Ces deux jours auront été une expérience unique, et il faudra sûrement un moment pour redescendre de cette aventure hors du commun.
Pour l’instant, place au repos, avant de repartir demain pour notre dernier jour en Afrique australe.
À peine le soleil se lève que nos guides viennent doucement nous tirer du sommeil. C’est notre dernier réveil dans cet endroit magique qu’est le delta de l’Okavango. Ce matin, le ciel est voilé et la température est plus fraîche, mais cela ne nous empêche pas de profiter de notre rituel quotidien : le petit-déjeuner sur la terrasse, surplombant les eaux calmes du delta.
La nature semble vouloir nous offrir un dernier cadeau. Depuis la terrasse, nous apercevons des oreilles sortir des fourrés : une lionne se repose tranquillement à quelques centaines de mètres du lodge, probablement après une chasse nocturne. Un peu plus tard, un martin-pêcheur pie attire nos regards, planant avec précision avant de plonger en piqué pour capturer sa proie.
Mais soudain, l’atmosphère change. Un troupeau d’impalas s’agite et s’éparpille, cherchant refuge. Le mystère est rapidement résolu lorsque nous voyons apparaître un groupe de lycaons, aussi appelés « loups peints » à cause des tâches colorées qui ornent leur pelage. Ils courent furtivement le long de la rivière avant de disparaître sous les bosquets. Leur agilité est fascinante, et quelques chanceux les observent juste sous leur balcon.
Nous nous préparons alors pour notre dernière activité : la fameuse balade en mokoro, annulée la veille pour assister à la spectaculaire chasse des guépards.
Quelques minutes plus tard, nous voilà arrivés sur la rive d’un des canaux principaux de l’Okavango. Le mokoro, cette pirogue autrefois sculptée dans le bois de l’arbre à saucisse, est aujourd’hui fait de fibre de verre, plus légère et pratique. À deux par embarcation, nous glissons doucement sur l’eau, notre guide maniant la perche pour nous propulser à travers les chenaux peu profonds.
Le calme est absolu. Les jacanas d’Afrique trottinent sur les herbes flottantes, tandis que les grues entament leurs danses nuptiales non loin d’un marabout. Nous sommes immergés dans cet environnement paisible, en parfaite harmonie avec la nature.
Puis, l’apparition soudaine des lycaons ramène un peu d’agitation. Ces animaux, plus proches du loup que du chien dans leur comportement social, vivent en meute sous l’autorité d’un couple dominant. Leur présence est rare, car ils se déplacent constamment à la recherche de nouvelles proies. Nous les apercevons brièvement à la lisière des arbres avant qu’ils ne disparaissent de nouveau. C’est un privilège de les observer, car ils sont souvent invisibles pour les voyageurs.
Alors que notre balade en mokoro touche à sa fin, nous apercevons au loin un troupeau d’une quinzaine de zèbres, leurs rayures contrastant élégamment avec le vert des arbustes. Le soleil commence à percer à travers les nuages, créant des rayons de lumière qui illuminent ce tableau idyllique.
De retour sur la terre ferme, nous avons la chance d’observer des calaos terrestres du Sud, une espèce en voie de disparition en raison de la réduction de son habitat. Leur rareté ajoute une touche supplémentaire à ce dernier moment d’émerveillement.
Il est maintenant temps de faire nos valises et de dire au revoir à l’équipe du lodge, qui a pris soin de nous durant tout ce séjour. Sur le chemin du retour à la piste d’atterrissage, nous observons nos derniers impalas, gracieux, symboles de cette nature généreuse qui nous a accueillis pendant plus de dix jours.
À Maun, c’est l’heure des adieux à notre guide et à notre accompagnatrice, qui auront la chance de poursuivre leur aventure pour un autre séjour. Pour nous, il est temps de quitter cette terre sauvage et de reprendre le chemin vers l’Europe.
L’Afrique ne laisse personne indifférent. Nous repartons avec le cœur rempli de ces paysages grandioses, de cette faune majestueuse, mais aussi des rencontres humaines qui ont marqué notre voyage. Ce séjour exceptionnel laissera une empreinte indélébile en chacun de nous, une invitation à revenir, car comme le dit l’adage : « ce n’est qu’un au revoir. »
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