Sophie Tuchscherer
Guide
27 juillet
7 août 2023
Sophie Tuchscherer
Guide
Certaines photos photos d’illustrations ont été prises lors de précédentes croisières au Spitzberg. Lorsque le voyage sera terminé, nous publierons les photos de la croisière. Le manque de connexion internet nous empêche de recevoir les photos en temps réel.
Après notre rencontre à Paris, nous embarquons pour cette destination lointaine et exotique que nous aurons enfin la chance de connaître : le Svalbard. Nous faisons la connaissance de Marie, notre guide qui nous accompagne sur les vols vers le grand nord. À l’atterrissage, nous découvrons la vallée de l’Advental et ses installations, sa ville moderne et ses environs. Vient le temps de la montée à bord où nous rencontrons notre autre guide Sophie qui nous fait une présentation du bateau avant d’assister à l’exercice de sécurité. Nous découvrons nos cabines et un pot de bienvenue nous est offert, et nous faisons plus ample connaissance les uns des autres et de nos guides avant le repas du soir. Nous quittons la civilisation en naviguant à la sortie de l’Isfjord, prêts et disposés à vivre nos nouvelles aventures polaires.
Quel beau paysage est le cadre de ce matin ! Des blocs de glace entourent le bateau, ancré dans la grande Baie du Roi ponctuée de nombreux glaciers et devant la haute falaise d’Ossian Sarsfjellet où tournoient de nombreuses mouettes tridactyles. Leurs cris nasillards se font entendre à la ronde et les taches de toundra claires montrent la présence de guano fertile.
Les couleurs sont vives malgré un ciel gris et après le petit déjeuner, nous partons pour un tour en zodiac au pied de la falaise. La vie déborde déjà et nous assistons à une scène de chasse digne d’un documentaire : un goéland attrape un poussin de guillemot qu’il gobe tout cru… le malheur des uns fait le bonheur des autres.
Soudain apparaît un renard arctique et nous pouvons observer tous les détails de son pelage bicolore qui se confond avec son environnement. Il marche sur la plage et se rapproche puis s’arrête et se couche tout juste là où nous souhaitions débarquer. Nous l’observons depuis les zodiacs avant de débarquer un peu plus loin, le laissant tranquille sur la grève.
Nous descendons pour une marche à terre et avons en quelques pas une fabuleuse introduction au Spitzberg : mousses, rocs, fleurs, oiseaux, glaciers, tout est là, un condensé de l’archipel dont nos guides nous informent grâce à ces nombreux exemples à portée de main. Nous montons entre les fleurs et lichens jusqu’à un point de vue formidable sur la baie où mouille l’Explorer que nous voyons aussi petit qu’une maquette. Nous atteignons le sommet de la falaise à pic où mouettes tridactyles et guillemots nichent sur des hauteurs vertigineuses avec vue sur la mer. Leur odeur forte et acide frappe nos narines et leurs cris stridents percent le silence ; nous sommes si près que nous voyons les brindilles qui tapissent le nid qu’elles ont construit.
À la descente, nous avons même la chance de voir un renne paître paisiblement et passer à quelques mètres à peine de nous en broutant, si près que nous entendons le « clic » de ses pattes au sol.
Les céraistes sont en pleine floraison, la cassiope tétragone déjà sur le déclin et les saules nains, petits arbres de quelques centimètres à peine, mais arbres quand même, se parent déjà des chaudes couleurs d’automne. Nous sommes ébahis par la richesse de la faune et la flore ici. Nous rejoignons le chemin bordé de mousses pour retrouver les zodiacs et le bateau avant de naviguer vers le fjord voisin pour le repas.
Nous déjeunons dans la quiétude paisible des montagnes sédimentaires imposantes aux couleurs bigarrées bordées de glaciers aux tons de bruns et gris de moraine tranchant avec le blanc des glaces et des nuages.
L’après-midi, alors que le soleil se lève de plus en plus, nous naviguons devant l’imposant glacier de Kronebreen aux eaux baignées de blocs de glace. L’un d’eux abrite un phoque barbu dont nous pouvons faire une approche au plus près ; ses grosses pattes griffues et son nombril se distinguent dans la lumière et il est bercé par le léger ressac de l’eau.
Sur le glacier, les tons bleus vifs témoignent de vêlages récents et massifs. Nous en avons l’exemple par l’image : alors que nous contemplons les glaces, une forte détonation nous surprend et un gros bloc tombe avec fracas en faisant un bouchon au milieu de l’onde de choc qu’il génère. Soudain, un immense pan du glacier se détache, suivi en effet boule de neige par un mur entier du front glaciaire qui s’écroule. Le spectacle est presque terrifiant.
En fin d’après-midi, nous quittons cet endroit magnifique et, en sortant de la baie, nous assistons à une conférence sur le Svalbard. À peine celle-ci est-elle terminée que Jacques, un passager, trouve un ours à la jumelle. Il marche sur la plage d’un pas nonchalant mais rapide. Nous l’observons alors qu’il longe la plage, s’arrêtant à une cabane dont il renifle chaque recoin, se levant même pour inspecter toiture et fenêtres. Nous sommes tout excités par cette apparition et surpris de la richesse de cette première journée !
On nous présente ensuite l’équipage, du chef mécanicien au steward, cuisinier et matelots, électricien, tous ceux qui, avec professionnalisme et gentillesse font marcher ce bateau qui sera notre maison pour les prochains jours. Nous dînons ensuite devant le sublime front glaciaire de Blomstrand qui choisit de vêler au moment du dessert. Une incroyable journée !
Ce matin, nous nous réveillons au cœur de la baie de la Madeleine, mise en valeur par un doux soleil estival de l’Arctique ainsi qu’une mer calme offrant un parfait reflet des montagnes pointues, ces fameuses montagnes pointues qui ont marqué et inspiré un certain W. Barents en 1596, ainsi que de ses glaciers qui perdurent encore. Cette baie abritée de la côte nord-ouest est depuis longtemps prisée par les bateaux, pour son mouillage idyllique et les nombreux points d’intérêt qu’elle abrite : nous débutons par la découverte d’un site chargé d’histoire : Gravneset.
Nous débarquons sur cette petite plage de sable blanc, l’eau turquoise, le soleil, le calme nous invitent à la baignade, mise à part la température de l’eau qui ne dépasse pas les 5°C. Nous faisons quelques pas guidés par Sophie qui nous conte les terribles conditions de vie des marins venus chasser la baleine pendant plus de 3 siècles dans les eaux du Svalbard. Tous ne reviendront pas en Europe, en témoigne les 130 tombes de cette butte de sable aujourd’hui protégées et encerclées par des petites chaînes métalliques. Tandis que les récits détaillés de Sophie nous plongent au cœur du XVIIe, quand les baleiniers venaient échouer leurs baleines pour en prélever le précieux lard, nous nous rapprochons pour comprendre à quoi ressemblaient ces chaudrons dans lesquels il fallait faire fondre le lard pour en extraire l’huile…
Malheureusement notre visite guidée historique est interrompue par une attaque de Sterne Arctique. En effet, ce courageux et déterminé petit oiseau de 150g n’hésite pas à viser le sommet des crânes des visiteurs pour défendre le périmètre de son nid…
Il y en a trop, impossible de longer la plage, nous abdiquons et remontons dans le zodiac pour débarquer un peu plus loin… Où cette fois nous sommes accueillis, après quelques pas, par un labbe parasite peu chaleureux… Pas de point de vue pour cette fois, nous laissons ces oiseaux en paix et reprenons le zodiac pour filer dans le fond de la baie pour aller rendre visite aux joyeux petits Mergules.
Après une petite montée raide, mais amortie par les épaisses mousses du pierrier, nous passons un long moment de pur émerveillement sensoriel à écouter le sympathique ricanement de ces petits oiseaux noirs et blancs, tenter de capturer leur vol en nuée en photo, la vue sur les glaciers est magique, on pourrait rester là toute la journée, mais nous repérons une colonie de phoques communs, en position banane sur leurs cailloux, de plus l’heure du déjeuner approche.
Nous redescendons de notre observatoire panoramique. Après un bon repas, on met le cap au nord, la navigation sinueuse entre les îles est propice à l’observation en passerelle. Nous atteignons finalement Smeerenburgbreen, qui se prête à une belle sortie en zodiac au milieu des glaces, pour aller à la rencontre des icebergs turquoise surréalistes, des petites têtes de phoques barbus surgissent de temps en temps entre les growlers.
Finalement, nous décidons de débarquer encore une fois, pour prendre un peu de hauteur, s’approcher d’une langue glaciaire et découvrir sous nos pieds la texture inédite du glacier, sans pour autant partir faire une randonnée d’alpinistes. Encore quelques photographies panoramiques pour la route, et nous redescendons, pour retrouver l’Explorer, et reprendre la route toujours plus loin vers le nord.
Une heure plus tard, alors que notre chef nous présente les entrées, un souffle de baleine surgit à quelques mètres de la proue du l’Explorer ! Aussitôt le bateau est stoppé et nous sortons sur les ponts pour avoir la chance de photographier cette gracieuse baleine à bosses ! Incroyable la générosité de la Nature.
Après le dîner, Sophie poursuit ses récits historiques qui ont marqué les lieux depuis la passerelle ; en effet, nous avons jeté l’ancre pour la soirée devant Virgo Hamna, une petite baie bien connue au nord de Danskøya, l’île des Danois. Face à nous, on devine les vestiges du point de départ de l’expédition du Suédois Salomon August Andrée qui a tenté à plusieurs reprises, mais en vain, d’atteindre le pôle Nord en ballon en 1896 et 1897. Mais il n’a pas été le seul à tenter sa chance, un journaliste américain, Walter Wellman, se lancera aussi dans cette infructueuse aventure à trois reprises des années plus tard en 1906, 1907 et 1909 ! Encore des histoires passionnantes, qui nous transportent au cœur de l’aventure polaire !
Au petit matin, changement de décor : nous entrons dans le Sorgfjord, ambiance arctique, dramatique et minérale. De vastes plages et des étendues de toundra plates s’étendent devant nos yeux avec quelques petites montagnes striées de névés, cependant on aperçoit un petit monticule de pierres granitiques, surmonté par une grande croix en bois sur notre tribord, c’est Eoluneset, et nous avons l’intention d’en savoir un peu plus sur les tragiques événements qui ont eu lieu dans ce fjord en 1693. En effet, cet endroit, lui aussi très fréquenté par les baleiniers, fut le théâtre d’une bataille navale entre 3 navires de guerre français et une quarantaine de navires hollandais. Les enjeux économiques autour des barils d’huiles de baleine étaient tellement importants à l’époque que l’on n’hésitait pas à attaquer et détruire la concurrence. 13 navires « ennemis » furent ainsi coulés. L’histoire devient réalité lorsque nous découvrons la trentaine de tombes en très bon état au sommet de la colline. Nous décidons de commémorer cet événement et de profiter du silence arctique.
Sur la rive d’en face, à Crozierpynten, une structure en triptyque nous rappelle qu’une expédition suédoise scientifique en 1899 a pu démontrer que la terre n’était pas une parfaite sphère en mesurant les latitudes et longitudes d’un méridien depuis l’Europe jusqu’au Svalbard. Nous décidons ensuite de redescendre voir d’un peu plus près les ruines d’une cabane de trappeurs du XXe siècle, en chemin, petite démonstration du mécanisme des pièges à renards de l’époque, sous l’œil inquisiteur d’un labbe.
Sur le chemin du retour, un ramassage spontané de déchets s’impose, parmi cette quête de plastique, nous trouvons un vieux squelette d’ours ! On lève l’ancre direction pour s’engouffrer dans le détroit d’Hinlopen, Marie nous présente le renard polaire grâce à une mini-conférence, nous découvrons alors Nordaustland sur notre bâbord, la deuxième plus grande île de l’archipel. Le vent soulève la mer qui moutonne et agite notre bateau.
Après le déjeuner, changement de programme, on s’adapte, et on part s’abriter dans le Lomfjorden. Nous mouillons à De Geerbukta pour une petite ascension de 160m, dans une ambiance minérale, parfaite pour étudier la géologie arctique et sa microflore…. Arrivée au point culminant de notre petite balade, on peut admirer les méandres des rivières qui serpentent dans le delta d’une vallée glaciaire. Les paysages portent les stigmates du dernier âge glaciaire de notre terre, on peut voir des anciennes moraines frontales, latérales, une calotte glaciaire, des pingos… À la descente, une déjection d’ours est détectée, et l’on admire la beauté discrète, mais très artistique des lichens.
Retour à bord, on décide de passer la nuit au calme au mouillage, c’est donc le moment idéal de visiter la salle des machines en petit groupe avec notre chef mécanicien : Tiger et sa traductrice Sophie. Pendant ce temps, Marie termine avec l’autre partie du groupe sa présentation des phoques du Svalbard.
Aujourd’hui, nous jetons l’ancre au petit matin devant l’île de Wahlbergøya, au paysage épuré.
À 9h, nous embarquons dans les deux zodiacs pour nous rapprocher des falaises afin d’observer de plus près ces étonnantes formations géologiques : des strates sédimentaires surmontées d’orgues de dolérite. Deux couples de goélands bourgmestres avec poussins nichent dans les interstices rocheux. On prend le temps de les photographier et d’écouter les cris aigus des petits. On poursuit notre navigation en longeant la côte vers l’Est.
Au détour de la pointe rocheuse, surprise : un énorme ours polaire est endormi sur un névé ! On se rapproche doucement, mais il ne bouge pas d’une griffe, sa position tellement détendue nous met un doute sur son état de santé… Enfin, au bout de 5 minutes, il se met enfin à bouger en relevant la tête. Nous restons à l’observer à distance respectueuse depuis les zodiacs pendant une vingtaine de minutes, mais il ne se lèvera pas. Il semble en pleine sieste digestive.
Justement, un peu plus loin sur la plage, une carcasse de baleine, de type petit rorqual, bien entamée est recouverte de goélands bourgmestres et de deux mouettes ivoires, toujours friandes de charogne. Un deuxième ours est alors repéré à l’autre extrémité de la plage ; en hauteur, lui aussi semble absorbé par une sieste digestive sur un névé. Il semble moins massif que le premier, difficile à déterminer puisqu’il ne bougera que la tête à notre passage.
Nous décidons d’aller voir la colonie de morses un peu plus loin sur la langue de sable, puis de revenir voir les ours. Les morses nous offrent le plaisir de superbes observations. Très curieux et agiles dans l’eau, ils viennent vers nos zodiacs, tournent autour et nous observent de leurs yeux rouges en soufflant… Il ne leur manque plus que l’appareil photo, on ne sait plus qui observe qui ! C’est fascinant. Le groupe compact « échoué » à terre nous offre aussi de belles interactions : certains individus remontent avec efforts sur le sable, d’autres redescendent vers la mer. Ils se chassent, se collent ou se piquent à l’aide de leurs défenses afin de défendre leur place. Ce sont vraiment des animaux grégaires aux codes sociaux sophistiqués. Leurs attitudes sont passionnantes et comiques ; on pourrait rester des heures à les observer, mais la quête des ours nous pousse à repartir.
Encore une heureuse surprise à notre arrivée : ce ne sont pas deux ours que nous retrouvons, mais trois ! Cette fois, l’ours qui se reposait en haut à droite de la plage est redescendu manger de la baleine. Au même moment, un jeune mâle obèse arrive par au-dessus de manière nonchalante, tandis que le troisième (sur notre gauche) poursuit sa sieste sur la neige, impassible. Le jeune ours sur la carcasse sent bien avant de voir le nouvel arrivant. Il semble immédiatement prendre la fuite en courant sur la plage puis en nageant. On comprend qu’il n’est pas prioritaire sur cette carcasse… Le nouveau et gros ours descend tranquillement vers la carcasse afin de nettoyer les vertèbres du cétacé. Son calme et la présence de nourriture en abondance nous permettent de faire de superbes photographies et observations au plus près. La mouette ivoire semble avoir le droit de partager ce repas avec l’ours, contrairement aux goélands qui doivent attendre leur tour au-dessus.
Les relations entre les animaux dans la Nature sont toujours très hiérarchisées, on est soit dominant, soit dominé…
L’appel du déjeuner nous fera regagner l’Explorer, ravis par la richesse et la diversité de cette matinée. Tout le monde est reconnaissant envers la Nature du Svalbard pour ce partage d’instants privilégiés en présence d’animaux rares et impressionnants.
Après un bon déjeuner, le navire met rapidement cap à l’est, direction l’immense front de glace de Bråsvelbreen, car plusieurs heures de navigation seront nécessaires pour atteindre un de nos objectifs : la lointaine île blanche : Kvitøya.
Nous passerons donc l’après-midi ainsi que toute la nuit en navigation. Sophie propose une conférence sur les morses en début d’après-midi, puis l’Explorer à plusieurs reprises et pour le plaisir de la photographie et des portraits souvenirs s’approche des impressionnantes cascades de 40m de haut qui chutent dans la mer depuis cette immense calotte qui recouvre 80% de cette grande île du Nord-Est : Nordaustlandet.
On aperçoit aux jumelles une mouette ivoire et deux phoques marbrés. Nous avons bien fait de sortir sur les ponts à ce moment-là, car en fin de journée, un brouillard s’abat sur ce décor glacé, nous plongeant alors dans une ambiance mystique et polaire…
C’est dans une ambiance glacée et mystérieuse que nous nous réveillons ce matin.
L’Explorer a navigué toute la nuit à bonne vitesse (8 nœuds en moyenne) entre les plaques de glace de banquise éparses. Nous sommes arrivés plus vite que prévu. La mer est calme, le soleil fait apparaître des arcs de brume féerique et uniques. Quelques phoques pointent leur nez. L’île blanche tant désirée est attendue, et l’on scrute son apparition aux jumelles en passerelle.
Enfin, un bout de terre est aperçu, surplombé par une immense calotte glacée ! Kvitøya, la bien nommée, est effectivement recouverte à 99 % de glace. Cette petite île de 700 km², tristement célèbre pour avoir été la dernière demeure des trois membres d’équipage de l’expédition d’Andrée, qui a tenté à deux reprises et en vain, à l’aide d’un ballon, d’atteindre le pôle nord.
Quelques jours après son départ en juillet 1897, il s’est écrasé sur la banquise. Ils avaient à peine parcouru 500 km en direction du nord. Une longue et difficile errance a suivi jusqu’à ce qu’ils atteignent l’île Blanche où ils trouveront la mort peu de temps après.
Sophie prendra le temps de nous raconter cette tragique histoire plus tard dans l’après-midi, mais pour l’instant, un ours lointain a été repéré depuis la passerelle. L’option débarquement à terre est donc automatiquement annulée, la brume se rapproche également, un petit vent frais de nord-nord-est souffle. Il faudra rester prudent et alerte, car la nature a toujours le dernier mot.
Mais nous prenons tout de même la décision de partir en expédition en zodiac pour aller voir cette île austère et tenter de voir l’ours d’un peu plus près. Nous longeons la côte en zodiac et nous nous échouons volontairement sur une petite plaque de glace afin d’observer de manière plus stable, de nouveau l’ours au loin.
Il semble se diriger vers l’ouest. On poursuit notre navigation dans cette direction vers une petite baie pour tenter de le revoir. Les paris sont lancés. Après une attente un peu fraîche, l’animal surgit enfin et se détache bien sur le fond blanc de la calotte. Cette fois, nous pouvons l’observer à l’œil nu, mais il ne s’approchera pas à moins de 200 mètres du rivage. Il préférera se coucher sur une butte rocailleuse et deviendra presque instantanément invisible dans ce paysage minéral et glacial.
Le retour pour le déjeuner sera plus agité et mouillé que les autres jours, un petit aperçu de l’hostilité de la météo polaire. À peine revenus à bord, et vu la distance à parcourir, il nous faut repartir sans tarder vers l’ouest par le même chemin, car la banquise dérivante s’est resserrée. Ici, les changements de décors et les ambiances sont toujours changeants pour le pire comme pour le meilleur. C’est ce qui rend chaque voyage unique et nous incite à saisir et savourer chaque opportunité et chaque observation.
Après la conférence de Sophie sur l’expédition Andrée, un atelier d’observation de lichens à la loupe binoculaire nous plongera dans un autre monde microscopique insoupçonné et pourtant sous nos yeux. Ces êtres hybrides (pour certains scientifiques issus d’une symbiose), colorés, ultra résistants au froid, dotés d’une longévité imbattable grâce à une croissance lente, sont très présents au Svalbard. On en dénombre plus de 500. Il est parfois bon de se concentrer sur le minuscule et l’immobile.
Traditionnellement, après l’excellent dîner de notre chef, un petit point cartes de fin de journée est diffusé au salon pour récapituler les événements du jour et présenter ceux de demain. S’ensuit un petit film sur les ours polaires du Svalbard en hiver, pour de beaux rêves garantis. Nous passerons toute la nuit bercés par la mer, plutôt clémente, car nous devons parcourir pas moins de 90 milles nautiques pour retrouver le détroit de Hinlopen.
C’est dans une brume épaisse qui, heureusement, se lève que l’Explorer entre ce matin dans le détroit de Hinlopen.
Nous ancrons devant Torellneset, cette pointe triangulaire, terrasse marine exposée après le rebond post-glaciaire qui témoigne d’un bouleversement géologique. Nous mettons les zodiacs à l’eau pour une navigation entre d’énormes icebergs photogéniques : l’un d’eux, un géant bleu aux formes complexes, est composé d’arches, de trous et de ponts, tels une architecture divine.
Après une dernière vérification des environs, nous débarquons en terre du Nord-est. Quelle belle sensation ! Nous découvrons ces paysages désolés, longues plages de pierres, pas encore galets ni plage, plus vraiment rochers, où les fossiles sont innombrables. Nos guides nous en montrent toute une panoplie et c’est à nouveau un défilé de reines de beauté : coquilles, algues, coraux et rameaux sont inscrits dans la pierre à jamais et leur abondance nous interpelle.
Nous cheminons sur la plage vers une colonie de morses pour une observation depuis la terre ferme d’où nous pouvons observer ces gros animaux marins en plein repos. Vautrés les uns contre les autres, ils ne semblent pas incommodés ni par leur proximité, ni par leur odeur. Ce ne sont pas les plus « glamours » de l’Arctique mais nous avons une certaine tendresse pour ces gros pinnipèdes et leur attitude tranquille et paisible. Nous les observons à loisir. Certains, repus, dorment profondément entre deux grognements contre un voisin trop pesant ; d’autres, dans l’eau, sont plus actifs et vadrouillent dans ces eaux peu profondes. Certains se chamaillent et des coups de défense ne sont pas rares.
Près du groupe se trouve une charogne en faible état de décomposition autour de laquelle furette un petit renard. Surprise : c’est un isatis, un de ces renards qui ne changera pas de couleur entre été et hiver, sa robe gris bleuté en faisant une rareté. Il s’agit d’un jeune, vite rejoint par un autre qui a cette fois sa robe bicolore d’été. L’un d’eux escalade la carcasse et tente de l’entamer d’un coup de dent en vain ; il est trop tôt, la peau est bien trop épaisse, il faut attendre.
Nous poursuivons notre observation d’un autre angle avant de monter vers les hauteurs pour une vue superbe sur le fjord depuis ces collines planes. La vue est sublime et prête au recueillement : nous observons un silence contemplatif avant de continuer notre marche facile sur ce sol aride et hostile mais beau. Quelques rares lichens et fleurs vaillantes survivent dans ce désert froid et nous les immortalisons avec les nombreux fossiles incroyablement faciles à trouver car ils sont nombreux.
Nous devons nous faire violence pour ne pas les emporter tant ils sont beaux, mais ici, loi absolue : on ne ramasse rien, tout est protégé. Nous ne laisserons que les empreintes de nos pas et ne prendrons rien d’autre que des photos. Sur le chemin du retour, nous croisons un os de baleine, planté dans ce terrain austère, comme perdu au milieu du vide arctique.
Nous remontons ensuite à bord pour le repas et poursuivons sous une mer d’huile jusqu’aux falaises de dolérite de Alkefjellet pour une sortie en zodiac sous ces hauts murs de roche abritant des colonies d’oiseaux. Notre surprise est à son comble lorsque nous constatons l’ampleur de cette dernière : des dizaines de milliers de guillemots de Brünnich nichent ici et se reproduisent. Ils volent en nuées et leurs acrobaties aériennes font notre bonheur. Les poussins sont encore bien cachés dans les plumes parentales et, à défaut de les voir, nous les entendons dans une cacophonie générale bruyante. Nous dérivons le long des falaises, témoins d’un spectacle unique. Goélands affamés et sans pitié, mouettes agiles et guillemots à miroirs virevoltant complètent le tableau.
Nous observons aussi un renard, incroyablement bien camouflé dans le décor, qui attrape un guillemot, énorme proie pour sa taille modeste et qui sera sans doute enterrée dans une cachette, réserve pour l’hiver à venir. La lumière est superbe et nous quittons cet endroit magique pour un autre, en face.
Nous avons seulement traversé le détroit que nous voilà dans un autre cadre somptueux : le glacier de Bragebreen. Le long front glaciaire est magnifique et une vaste langue le domine, plongeant sa masse gelée dans les eaux turquoises. L’équipe nous fait une surprise charmante : un barbecue a été organisé par notre chef Ed sur le pont et c’est en musique que nous sommes accueillis pour déguster ce festin. Un fabuleux moyen de clôturer cette journée pleine de rebondissements.
Le temps semble suspendu ce matin sous un brouillard épais qui ne veut pas se dissiper. Le capitaine et le second ont navigué entre les îlots de la baie de Murchison et nous espérons la clémence de la météo alors qu’il reste quelques milles à parcourir.
Notre vœu est exaucé : le brouillard se lève, révélant un paysage austère mais beau de la terre du Nord-Est. Le site de Kinnvika est un lieu particulier où ont éyé construites de nombreuses cabanes lors de l’année géophysique internationale en 1958 pour des expéditions scientifiques. Nous descendons à terre pour visiter le site et entrons dans les cabanes qui servirent de dortoirs, laboratoire, cuisine ou même sauna, alors que nos guides en retracent les histoires passées.
Puis nous montons dans les hauteurs pour une vue splendide sur la baie et ses environs jusqu’à un site singulier où des roches abritent un exemple de longévité exceptionnelle : des stromatolites ! Ces fossiles d’organismes vivants étranges sont extrêmement anciens et sont une rareté ici. Une découverte de plus en ces terres reculées. Nous continuons à marcher sur les cailloux arides et découpés de cette terre étrange et avons la sensation de marcher sur la lune. Même le crissement de nos bottes sur ces pierres rehausse cette impression.
De retour à bord, nous déjeunons entre ces îlots charmants avant de poursuivre une navigation panoramique dans ces paysages insolites. Quelle beauté ! Nos guides, postées en passerelle, scrutent les alentours aux jumelles… quand soudain : caillou ou « caillours » ? Le doute est levé : il s’agit bien d’un ours ! Nous le voyons cheminer dans le soleil sur les collines de l’île de Krossøya où gît un ours mort… celui-là même repéré plus tôt dans l’année. Il avance et renifle la dépouille mais revient sur ses pas et s’allonge sur un névé à quelques pas d’elle. Lorsque nous nous approchons avec les zodiacs, il se lève et vient plus près de nous, dominant la crête dans la lumière. Nous sommes impressionnés par sa prestance et sa force tranquille. Nous repartons après une observation respectueuse alors que celui-ci s’est recouché.
La houle et le vent ont forcit et nous restons à l’abri dans la baie. Notre halte est de courte durée : une colonie de morses est repérée à Nordre Russøya et nous ne pouvons résister à leur appel. Nous mettons les zodiacs à l’eau pour une observation de ces créatures marines incroyables. Ils sont une multitude et nous sommes ébahis par leur nombre et leur activité : ils sont plusieurs dizaines dans l’eau, roulent, s’ébrouent et se bousculent, avec quelques coups de défense et grognements, pêle-mêle dans des éclaboussures et gerbes d’eau. Ils nous font sourire et nous sont fort sympathiques, des escortes massives et curieuses en ces zones perdues.
Nous débarquons pour une promenade de fin d’après-midi et allons rendre une petite visite à leurs congénères sur la plage, indolents et somnolents tranquillement, un contraste surprenant avec ceux observés dans l’eau. Puis nous continuons vers l’intérieur des terres où se situent des ruines remarquables du site Pomor, ces chasseurs trappeurs qui ont laissé ici des traces inexistantes ailleurs : des croix orthodoxes de bois, encore parfaitement conservées. Ces repères, protections ou marques de chance pour ces navigateurs du XVIIe et XVIIIe siècle sont les seules traces de leur passage de tout l’archipel du Svalbard, une rareté. Nous contemplons le paysage superbe et désolé avant de remonter à bord pour une soirée agréable et un repas chaud où nous échangeons entre nos plats délicieux qui nous inspirent des idées de recettes et de spécialités culinaires du monde dans une ambiance conviviale et bon enfant.
Aujourd’hui, nous nous réveillons une fois de plus dans un lieu insolite et un décor de rêve : l’Explorer est à l’ancre dans la baie du 14 juillet devant un magnifique front glaciaire baptisé par le Prince Albert de Monaco lors de ses explorations scientifiques au siècle dernier. Le ciel est gris et bas mais la visibilité suffisante pour une sortie en zodiac dans les glaces et le long de la côte.
Un troupeau de renne est repéré et observé à la jumelle : ils sont une quinzaine dont un faon à paître le long de ces jardins suspendus, parfait garde-manger pour faire des réserves en vue de l’hiver qu’ils préparent déjà. Ils montent dans les hauteurs et croisent la route de deux renards polaires, vadrouillant près des entrées de leur tanière sur les pentes escarpées. L’un d’eux est un renardeau à la robe sombre. Il peine à suivre l’adulte qui gambade entre les rochers et nous suivons leurs galipettes à la jumelle avant de continuer vers le cap rocheux où de superbes formations de roches sédimentaires métamorphisées attirent notre attention : leur dessin en lignes torturées témoigne de la force titanesque des transformations qu’elles ont subi et on peut suivre l’histoire de la terre et son évolution au fil de millions d’années.
Aujourd’hui érodées, ces pages géologiques abritent aussi de parfaits nichoirs pour les oiseaux : depuis les hautes falaises de mouettes tridactyles jusqu’aux pentes douces où se reposent des oies à bec court et bernaches, des replats où s’entassent des guillemots en brochettes, aux crevasses où se terrent de timides guillemots à miroir, des buttes aux goélands jusqu’aux recoins où nous débusquons de nombreux macareux! Avec leurs gros ventre et bec colorés, il nous font sincèrement sourire lors de leurs atterrissages et décollages épiques.
L’atmosphère change du tout au tout à mesure que nous avançons vers le front glaciaire : la brume de plus en plus dense coiffe le glacier d’un voile léger et les teintes rosâtres des eaux troubles de la rivière chargées en hématite tranchent avec le bleu turquoise des icebergs parfois échoués tant leur masse est imposante.
Nous nous croyons dans un autre monde, un rêve fantasmagorique, un tableau de peintre du romantisme allemand. Tout est calme, féerique, et la brume ne laisse entrapercevoir l’énorme front de glace que par instants, nous cachant avec pudeur ses vêlages dont nous entendrons le fracas sans les voir. Un instant suspendu dont nous nous délectons, perdant la notion du temps et du réel.
De retour à bord, nous redevenons commun des mortels (à l’appétit aïguisé) devant les plats de notre chef et quittons ce lieu magique pour le sud. Notre faible tirant d’eau nous permet de franchir le scénique mais étroit passage de Forlandsundet dont la crique de Engelskbukta sera notre prochain arrêt. Avant cela, Marie notre guide nous présente une conférence fournie sur les ours blancs et leur mode de vie, assortie d’images et de vidéos. Nous ancrons et sortons dans cette vaste baie où les eaux boueuses ne laissent pas deviner des hauts-fonds. Sur la plage, un renne paisible broutte (mais quoi?) et se rapproche franchement de nous, ses hauts bois larges se détachant sur le fond beige de la baie. Trois plongeons catmarins tournoient au dessus de nos têtes et percent le silence de leurs cris rauques caractéristiques.
Nous débarquons pour une promenade sur la moraine glaciaire et le sable beige, le ciel gris et le sol sec et minéral des buttes pierreuses font penser à des paysages lunaires. Seule la présence d’eau, sous forme d’un joli petit lac et d’un glacier au dôme gris , nous rappellent que nous sommes bien sur terre. La quantité de bois flotté sous forme de troncs imposants pêle-mêle nous laisse imaginer la violence des tempêtes hivernales.
Sur ces hauteurs, nous apercevons au loin un groupe de phoques que nous souhaitons approcher mais la passe et ses courants, additionné de la baisse de la marée nous incitent à la prudence après une tentative d’exploration où le bon sens a finalement le dernier mot. Un phoque commun se joue de nous et semble nous narguer, à l’aise entre les vagues, dansant en acrobaties narquoises, poussant même jusqu’à surfer les vagues sous nos yeux ébahis! La nature est sans limite et nous surprend ici chaque jour.
Nous regagnons le bateau et profitons du calme de la baie pour le dîner avant de sortir du fjord où nous naviguons sous une mer d’huile et un ciel clair, profitons encore des lumières infinies de cette période de l’année dans ces paysages incroyablement beaux…
Suivez nos voyages en cours, grâce aux carnets de voyages rédigés par nos guides.
Messages
Bonjour Valérie et Dimitri, Vous allez rentrer avec de très jolis souvenirs et beaucoup de photos à nous montrer. C’est vraiment un très joli voyage et j’espère que vous profitez de chaque instant. Nous aimerions venir pendant le week-end du 15 août êtes vous là ? Bonne fin de voyage. A bientôt. La team Manu
Eurêka !💡
Bonjour à toutes et tous
J ai enfin trouvé le moyen de vous faire parvenir un message…😬
Comment vous allez les touristes ? 🤠🤠
Toujours en vie ? 😁
Si malheureusement 😭 ce n est pas le cas et qu il y a un survivant ou mieux des survivants à l expédition , je vous demande de chercher parmi les effets personnels de mon vieil ami Dimitri 🐻❄️ Normalement vous y trouverez son couteau Corse ,il ne s en
sépare jamais…
Merci de me le faire parvenir au plus vite 💨…
Je le garderai précieusement et penserai à lui à chaque fois que je me couperai une tranche de saucisson ou un bon morceau de fromage ! 😁
Ja , må hon leva ! 🎂
Ja , må hon leva !🥳
Ja , må hon leva uti hundrade år
Javisst ska hon leva !🍺
Javisst ska hon leva !🇸🇪
Och när hon har leva !🎊
Och när hon har leva !🎈
Ja, då ska hon skjutas !🇸🇪
Ja , då ska hon skjutas på en skottkärra Fram !🎆🇸🇪
HURRAH Dimi ! 🍻
HURRAH Dimi ! 🍻
HURRAH Dimi ! 🍻
HURRAH Dimi ! 🍻