Nicolas Hanuise
Biologiste
8 juillet
19 juillet 2024
Nicolas Hanuise
Biologiste
Antoine Lochin
Guide naturaliste
Christian Kempf
Président Fondateur de Grands Espaces
Certaines photos d’illustrations ont été prises lors de précédents voyages. Lorsque celui-ci sera terminé, nous publierons les photos de la croisière.
Après être arrivés la veille de nos points de départ en France ou en Suisse, nous voici ce matin à Oslo. Dans l’après-midi, nous embarquons pour notre vol en direction du Spitzberg. Nous atterrissons en début de soirée au petit aéroport de Longyearbyen, où nos guides Antoine et Nicolas nous attendent pour nous mener jusqu’au port.
Là, nous embarquons sur l’Explorer où nous retrouvons Christian Kempf, le président fondateur de Grands Espaces, qui nous accompagnera tout au long du voyage pour nous faire profiter de sa grande connaissance du Svalbard, qu’il fréquente depuis plus de 50 ans !
À peine sommes-nous à bord que l’Explorer appareille, et nous assistons à l’instruction de sécurité obligatoire avant de rejoindre le large. Nous nous réunissons ensuite au salon pour une présentation générale de l’esprit de ce voyage de découverte : Christian nous fait part de son souhait de rejoindre l’est de la Terre du Nord-Est, et de nous faire visiter des lieux encore largement inexplorés.
Après dîner, nos guides procèdent à une présentation rapide de la vie à bord de l’Explorer, puis nous délivrent quelques consignes sur la sécurité et le respect de l’environnement local. Ensuite, c’est le moment de récupérer les équipements prêtés par Grands Espaces : combinaisons chaudes pour les sorties en zodiac, peignoirs pour le sauna et le jacuzzi, et bien sûr jumelles pour l’observation de la faune sauvage. Pendant ce temps, l’Explorer poursuit sa navigation vers la sortie de l’Isfjord, et tandis que la légère houle commence à faire rouler le navire, nous rejoignons prudemment nos cabines pour la nuit.
Après une douce nuit de navigation depuis le port de Longyearbyen, nous arrivons ce matin dans la Baie de la Croix. Il est encore tôt, quelques minutes avant le petit déjeuner, et déjà une annonce joyeuse résonne dans les coursives du navire : « Un ours vient d’être repéré ».
Quelle surprise ! Voilà moins de douze heures que nous sommes à bord, et nous apercevons déjà notre premier ours. De mémoire de nos guides, cela est absolument rarissime !
Pendant de longues minutes, nous avons l’immense plaisir d’observer ce plantigrade sur la plage. Il se repose à proximité d’une carcasse de morse, et après quelques instants, il se lève et commence à aller vers la mer. Il se met à l’eau et nous assistons à un festival de cabrioles ! Quel moment hors du temps !
Après cela, le navire remet le cap sur notre objectif initial : le majestueux glacier Lilliehöök !
Nous y sommes après une heure de navigation. Nos guides en profitent pour nous faire un briefing sécurité zodiac, et puis, c’est enfin l’heure de notre première sortie !
Nous partons d’abord en direction d’une petite baie à l’est du glacier et nous apercevons rapidement une colonie de phoques communs ! Ils sont plus d’une vingtaine à se reposer sur des rochers à fleur d’eau. Plusieurs nagent aussi autour de nous, notamment des jeunes de l’année !
Sur la plage qui surplombe la colonie, nous apercevons bientôt un renard polaire, évoluant rapidement, il semble chercher de la nourriture. Plusieurs oies à bec court partent bientôt, paniquées. Quel spectacle de la vie animale !
Nous partons ensuite pour le front du glacier, d’une hauteur imposante d’une cinquantaine de mètres. Nous sommes subjugués par sa splendeur ! Sur l’eau, quelques fulmars boréaux et mouettes tridactyles se reposent sur la glace dérivante : brash, bourguignons, icebergs. Il y en a de toutes les tailles et de toutes les formes !
De retour à bord, nous déjeunons en navigation. Rapidement, nous renfilons nos combinaisons chaudes et rembarquons en zodiac pour une nouvelle aventure. Notre yacht polaire nous dépose au pied de la falaise de Cadiopynten. Nous la longeons ainsi en zodiac et avons la chance d’apercevoir une grande quantité d’oiseaux, notamment des macareux moines, des bernaches nonnettes et des oies à bec court, ces dernières accompagnées de leurs jeunes oisons !
Ensuite, après un rapide transfert en zodiac, nous débarquons au pied de la cabane de Camp Zoé, vestiges de l’époque des trappeurs, notamment Henry Rudi, surnommé « the Polar Bear King » car ayant tué plus de 700 ours à lui tout seul. Nous grimpons ensuite sur les hauteurs et apercevons un groupe d’une quinzaine de rennes, dont un jeune de l’année. Autour de lui se trouvent des femelles. Nous passons de longues minutes à les regarder évoluer dans cette riche toundra composée de lichens et de mousses.
De retour aux zodiacs, nous prenons la direction du fond du fjord de Tinayrebukta pour y admirer un glacier suspendu ! En route, nous croisons un phoque barbu, un beau spécimen d’environ 300 kg se reposant sur un morceau de glace. L’approche est silencieuse et méticuleuse, nous pouvons ainsi l’observer en toute tranquillité !
De retour à bord, notre équipe d’expédition nous rassemble au salon, où tout l’équipage nous attend. Il est l’heure, après environ 24 heures de croisière intense, de faire de véritables présentations à l’occasion du cocktail du commandant.
Puis, après le dîner, Christian ainsi que Nicolas et Antoine nous donnent des informations concernant la journée de demain. Nous revenons ensemble, à travers différentes questions et échanges, sur les nombreuses observations de la journée.
Cette nuit, nous naviguons vers le nord, direction le Raudfjord pour demain !
Nous avons navigué toute la nuit vers le nord du Spitzberg, et c’est peu avant l’heure du petit-déjeuner que l’Explorer pénètre dans le Raudfjord. Le « fjord rouge » tient son nom des vieux grès rouges du Dévonien, qui colorent les reliefs de sa côte orientale, tandis qu’à l’ouest se dressent encore les montagnes pointues qui ont valu son nom au Spitzberg.
Nous embarquons dans les zodiacs pour rejoindre la presqu’île de Buchanan, qui divise le fjord en deux, et débarquons sur une petite plage jonchée de bois flotté. L’objectif de la matinée est de rejoindre un petit sommet situé à plus de 150 mètres d’altitude, et nous commençons aussitôt notre ascension. La marche se déroule sur un sol désertique parsemé de pierres fendues par le gel ou arrangées en remarquables sols polygonaux, dans une végétation pauvre néanmoins parsemée de quelques fleurs de saxifrages et de dryades, et de coussins de silène acaule. Peu de vie animale ici, à part les traces laissées par le passage des rennes et des oies. Près d’un petit lac, un labbe parasite observe les environs. Depuis le sommet voisin, c’est maintenant à nous de profiter du splendide panorama : la vue sur les pics triangulaires et les glaciers, sur les deux bras du fjord et sur l’Explorer qui au loin donne l’impression de n’être qu’un modèle réduit. Le vent a chassé les nuages du matin, et un beau soleil illumine maintenant ce décor incroyable !
La descente nous ramène vers les zodiacs, et nous rejoignons l’Explorer pour déjeuner au terme d’une traversée du Raudfjord pour le moins humide ; la brise a en effet levé quelques beaux rouleaux ! Notre yacht polaire se replace un peu plus au nord devant la baie d’Hamilton. Relativement abritée du vent, elle sera notre terrain de jeu de l’après-midi.
Nous voici partis vers le pied de la grande falaise à oiseaux qui marque l’entrée d’Hamiltonbukta, et après quelques instants à observer le va-et-vient continu des mouettes tridactyles et des guillemots de Brünnich, c’est un renard polaire qui attire notre attention ! Il est en maraude dans les rochers, et quadrille la zone avec méthode, reniflant chaque caillou et inspectant la moindre anfractuosité, en quête de quelque chose à se mettre sous la dent. Autour de lui, des bruants des neiges inquiets poussent des cris d’alarme.
À l’approche du majestueux front de glacier, quelques icebergs bleutés sont échoués sur un haut-fond. Nous partons ensuite explorer une petite baie annexe en observant les roches moutonnées caractéristiques des processus d’érosion glaciaire. Sous des langues de glace inactives, des bédières s’écoulent dans le fjord en un bourdonnement bruyant, tandis que des guillemots à miroir nagent tranquillement près de nos embarcations. Un peu plus loin, des îlots abrités accueillent des populations d’eiders à duvet et de sternes arctiques : nous avons ainsi l’opportunité d’observer ces espèces d’oiseaux à proximité de leurs sites de nidification.
De retour sur l’Explorer, Christian nous réunit au salon pour une introduction générale à l’Arctique et au Spitzberg. L’heure du repas vient interrompre ses explications, et nous nous retrouvons après dîner pour faire le point sur la météo et l’itinéraire de demain en direction d’Alkefjellet. Sur notre route, plus tard dans la soirée, nous longeons la côte de l’île de Moffen, où nous observons une échouerie d’une cinquantaine de morses.
Vient ensuite l’heure de rejoindre nos cabines tandis que l’Explorer continue sa navigation.
À la suite d’une nuit de navigation entre le Raudfjord et le détroit de Hinlopen, nous sommes à l’aube devant la spectaculaire falaise d’Alkefjellet.
Après un petit déjeuner avancé pour découvrir dès que possible ce site, nous embarquons en zodiac pour aller approcher cette falaise aux alcidés. Sur ces colonnes de dolérite érodées en nombreuses corniches nichent des dizaines de milliers de guillemots de Brünnich, un grand nombre d’entre eux sont aussi posés sur l’eau en immenses radeaux.
Nous admirons les guillemots, mais aussi les mouettes tridactyles et les goélands bourgmestres installés ici au milieu de leur garde-manger. Le spectacle de cette explosion de vie associée à la hauteur de ces falaises est impressionnant !
De retour à bord en fin de matinée, notre navire met le cap vers le fjord de Wahlenberg et plus précisément vers la baie de Palander. Des morses sont censés être présents ici, c’est pourquoi nous sommes plusieurs aux jumelles à chercher des traces de ces pinnipèdes.
En effet, après quelques instants de recherche, nous apercevons une importante échouerie de morses, agglutinés sur une plage ; ils sont plus d’une centaine ! Quel spectacle époustouflant !
Ainsi, rapidement, les zodiacs sont mis à l’eau et nous débarquons à terre afin d’approcher l’échouerie. Nous y allons avec toute la délicatesse possible. Sur notre droite, des dizaines de morses se prélassent dans l’eau, certains approchent pour assouvir leur curiosité. Nous prenons le temps d’observer la vie de ce groupe, principalement des femelles et des jeunes ; il y a toujours une étonnante effervescence lors d’immenses rassemblements comme celui-ci.
Après ce cadeau de nature sauvage et brute, nous retournons sur notre yacht polaire. Nous nous retrouvons ensuite au salon. Nicolas nous présente ainsi un récapitulatif sur les différents pinnipèdes, et Antoine enchaîne ensuite sur une présentation sur les morses. Nous connaissons ainsi tous les détails de leurs mœurs.
Nous poursuivons ensuite notre navigation dans le Wahlenbergfjord, en longeant ses côtes arides, paysage de désert polaire par excellence. Au loin se dresse la calotte glaciaire d’Austfonna ; elle recouvre une immense partie de la Terre du Nord-Est et se jette ici en mer, sous la forme d’un grand dôme de glace, nommé « Etonbreen ».
De nombreux icebergs dérivent dans le fond de ce fjord, et nous en profitons pour faire une navigation exceptionnelle entre les glaces.
Nous passons ensuite à table pour le dîner, légèrement plus tôt que d’habitude, car ce soir nous ressortons en zodiac pour découvrir la petite baie de Kløverbladbukta.
Étant très abritée, cette petite anse abrite encore des restes de banquise côtière, un refuge idéal pour les phoques et donc des ours.
Et en effet, après moins de quinze minutes de sortie, un ours est aperçu ! Un jeune mâle, se reposant sur un névé de neige. Nous l’observons pendant de longues minutes, dans un silence d’or. Il est peu actif, mais parfaitement serein, lève la tête par moments, s’étire de tout son long, et repose la tête… quelle observation !
Nous continuons ensuite dans la baie, et apercevons bientôt deux cadavres de phoques annelés. Serait-ce le récent festin de notre ours ? Nous apercevons aussi des dizaines de rennes dans cette riche toundra, un phoque barbu sur une plaque de banquise ainsi qu’une centaine d’oies à bec court… quelle vie !
Sur le retour vers le bateau, nous repassons voir l’ours, toujours aussi paisible. Puis nous rentrons pour de bon au navire où un cocktail spécial nous attend pour fêter cette journée exceptionnelle !
Pendant ce temps, le navire met le cap pour le fjord de Lady Franklin, au nord de la Terre du Nord-Est. Nous y serons demain matin.
L’Explorer a navigué toute la nuit autour de la calotte de la Terre du Nord-Est, quittant le fjord de Wahlenberg où nous étions hier soir pour remonter le détroit d’Hinlopen vers le nord, embouquer le détroit de Franklin et rejoindre ce matin le fjord de Lady Franklin. Cette région du Svalbard est encore assez peu explorée, et nous partons en zodiac pour explorer ce long bras de mer.
Après avoir exploré une petite baie voisine et contourné quelques îlots, nous nous approchons du glacier de Franklin, long bras gelé qui descend de la calotte glaciaire de Vestfonna. Le clapot levé par le vent de sud-est vient heurter de gros icebergs bleutés, blocs détachés du front de glace, échoués à proximité. Nous débarquons à l’abri sur une petite plage, et entamons une marche le long de la bordure du glacier. Après 30 minutes d’ascension, nous atteignons un petit sommet d’où se découvre un superbe panorama à 360 degrés. D’un côté, nous dominons la surface crevassée de la calotte et observons les bédières, ces rivières de fonte qui se déversent en cascades bruyantes dans un lac. De l’autre, l’étendue du fjord parsemé de majestueux icebergs !
Nous rejoignons nos zodiacs et partons pour un raid en direction du front de glace du deuxième bras du glacier, plus au sud. Après l’avoir longé pendant quelques instants, nous prenons la direction de l’Explorer, poussés par les vagues et le vent. Avant de rejoindre notre yacht polaire, nous assistons stupéfaits au détachement et au retournement d’une bonne moitié d’un gigantesque iceberg !
Notre navire se dirige ensuite vers la sortie du fjord, longeant l’îlot de Tomboloøya et l’île plate de Lågøya. C’est là que nous nous arrêtons pour nos activités de l’après-midi.
Après l’exploration du fjord de Lady Franklin (du nom de la veuve de l’explorateur qui a disparu avec 129 hommes en 1845 sur la route du passage du Nord-Ouest), l’Explorer prend la route du Nord, vers la banquise.
Ce samedi, nous nous sommes réveillés au fond du majestueux Wahlenbergfjord, dans la baie de Kloverblad. Dès l’aube, nos guides ont scruté les côtes à la recherche d’un ours. Ne trouvant rien depuis le bateau, ils décident de lancer deux zodiacs pour explorer les baies environnantes. Soudain, un appel radio retentit : un ours repéré ! Nous avons tous embarqué sur les zodiacs et nous sommes approchés en groupe. Devant nous, une jeune ourse nous a offert un spectacle inoubliable : nageant gracieusement entre les plaques de banquise, jouant avec une bassine en plastique qu’elle avait trouvée. Après un moment magique à l’observer sécher sur la terre ferme, nous l’avons respectueusement laissée poursuivre sa route, retournant ensuite au bateau pour un déjeuner bien mérité.
Cet après-midi, nous avons mis le cap sur Ardneset dans l’espoir de voir une colonie de morses. Pendant la traversée, Jean-Marie a captivé les passagers avec un atelier photo, tandis que Rémi, toujours attentif, a repéré un autre ours sur une petite île voisine. Les zodiacs ont été déployés dans l’espoir d’une rencontre rapprochée, mais un épais brouillard, apportant une ambiance mystérieuse, réduisait la visibilité. L’ours est resté une silhouette fantomatique sur la crête, nous offrant seulement une vision lointaine avant de disparaître. Sur le chemin du retour, une dernière surprise nous attendait : un morse émergeant des eaux pour une ultime rencontre. De retour à bord, nous avons célébré ces moments uniques avec un cocktail bien mérité.
En ce jour la fête nationale française, nous nous sommes réveillés au cœur de la banquise, à 81°41’ de latitude Nord. Dans ce paysage immaculé, nous avons exploré une vaste plaque de banquise à bord des zodiacs, une expérience inoubliable enrichie par les connaissances de nos guides. Après cette aventure glaciale, nous avons repris notre route vers l’île Charles XII, en apprenant davantage sur la faune et les phénomènes arctiques grâce aux conférences à bord. La journée s’est terminée par des observations de morses autour de l’île Charles XII et la rencontre d’un renard polaire avec son pelage d’hiver. Après le dîner, nous avons mis le cap sur Foynoya, tout en écoutant une intervention inspirante de Christian Kempf sur les valeurs de Liberté, Égalité et Fraternité en Arctique.
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