Sophie Tuchscherer
Guide
17 juillet
27 juillet 2023
Sophie Tuchscherer
Guide
Nathanaël Vetter
Arctique et Antarctique
Mathilde Gardin
Conseillère voyages
Certaines photos photos d’illustrations ont été prises lors de précédentes croisières au Spitzberg. Lorsque le voyage sera terminé, nous publierons les photos de la croisière. Le manque de connexion internet nous empêche de recevoir les photos en temps réel.
Le Svalbard, cet endroit mystérieux et lointain dont nous avons tant rêvé est bientôt à portée de main…Nous survolons l’Atlantique, la Norvège et arrivons sous un ciel dégagé sur fond de vent froid sur cette terre du nord si particulière. Les montagnes entourent la baie de l’Isfjord où se trouve l’aéroport de Longyearbyen où se pose notre avion.
Accompagnés de Mathilde, notre directrice de croisière, nous sommes aussi pris en charge par notre guide Sophie qui nous fait découvrir la vallée de l’Advental et la ville de Longyearbyen. Nous passons devant les quais de bateaux, les anciennes installations de charbon de cette ville minière, la banque de graine du Seed Vault et poursuivons aux portes de la ville où un panneau avertissant de la présence d’ours polaires marque la limite de la ville. Un air de farwest dans le grand nord. Une multitude d’oies bernaches (dont une totalement blanche!) se repose près des étendues bordant la réserve d’eau douces aux portes de la ville.
Au centre, nous découvrons les bâtiments principaux de celle-ci avec ses édifices dont de récentes constructions en cours pour accueillir étudiants et touristes. Le tour commenté se termine près de la petite et accueillante église de la ville; son intérieur en bois chaleureux et sa salle de rencontre et prières est un lieu au coeur de la vie sociale des locaux.
La visite finie, nous longeons le quai et découvrons la coque noire, blanche et brillante de l’Explorer, notre maison flottante pour les prochains jours où nous embarquons. Nous y découvrons le confort de nos spacieuses et confortables cabines. Suite à un point d’informations de Sophie sur la vie à bord, nous faisons connaissance les uns des autres et celle de Nathanaël, notre chef d’expédition, autour d’un verre de bienvenue. Après une petite visite du bateau et de ses installations et commodités, nos guides nous donnent des informations complètes sur notre voyage : itinéraire, consignes de sécurité, zodiac et vie en Arctique. Nous sommes mis au parfum de cette destination aux saveurs d’aventure : « fébrilité et émotions » est le mot d’ordre. Lors de notre sortie de l’Isfjord, des souffles de petits rorquals apparaissent au milieu d’une nuée de mouettes tridactyles dans la belle lumière. Nous dînons ensuite après avoir assisté au départ du bateau, amarres larguées et vent dans le dos, le fjord bleu s’ouvre devant nous telle une page blanche dont les récits d’aventure sont à écrire…
Notre réveil se fait sous le soleil dans la baie de la Madeleine, ce site réputé pour son intense activité de chasse baleinière au 17e siècle. Les montagnes dont les pics acérés ont baptisé autrefois l’archipel bordent le fjord de hautes pentes qui ont l’avantage de nous protéger du vent. Nous sortons donc les zodiacs sous une mer calme après le petit déjeuner et faisons route le long de la côte vers le Gullybreen où nous descendons faire une petite marche. Nous avons l’impression d’être seuls au monde dans ce décor incroyable.
Et ce n’est pas souvent que nous marchons sur une plage de sable fin en combinaison “de ski” entourés de blocs de glace échoués! Nous observons au sol des empreintes d’animaux et différentes roches (plutoniques, métamorphiques etc..). Nathanaël nous explique cette science complexe en la vulgarisant avec des mots simples que nous comprenons. Cette “tambouille géologique” expliquée telle une recette de cuisine devient claire avec ses exemples et nous lisons nous aussi l’histoire des roches dans le paysage. Nous remontons à bord des zodiacs pour poursuivre notre cheminement devant le front glaciaire. Des guillemots à miroir et eiders barbotent près de nous et sont indifférents aux craquements parfois tonitruants du glacier. Un phoque commun très curieux s’aventure tout près de notre zodiac, jouant à cache-cache avec nos objectifs avant de s’éloigner.
La sortie en zodiac se termine par une petite boucle devant une pointe bordée de plage jonchée de gros rochers couleurs chocolat…qui bougent! Ce sont en effet des morses ! Nos guides, de connivence, nous en ont fait la surprise! Ces mastodontes, couchés les uns contre les autres sont à moitié endormis et bougent à peine; mais dans l’eau, ils sont d’une autre trempe : en quelques ondulations décidées, ils nagent jusqu’à être tout près du zodiac et nous observent du coin de l’oeil. Ce sont des adolescents et de jeunes mâles insolents qui se meuvent avec agilité non sans un air de défi. Nous les observons ainsi que leurs copains échoués un bon moment avant de rentrer à bord.
Un bon déjeuner nous attend devant les flancs de la moraine où de nombreux mergules nichent entre les éboulis. Ce sont eux que nous décidons d’aller voir de plus près lors de notre après-midi. Une marche avec une bonne grimpette nous amène dans les éboulis aux rochers de taille variable tachés de guano dont l’odeur acide flotte dans l’air. Les mergules sont au rendez vous et après un vol furtif lors de notre arrivée, ils reviennent par petits groupes et se posent de plus en plus près de nous. Leur petit manège nous amuse : décollages, atterrissages, conciliabules sonores et agitation de plumes font la joie des photographes doublé d’un bon exercice pour capturer leur vol rapide en image. Nous entendons leur froissement d’ailes lorsqu’ils rasent nos têtes en vol serré et leurs cris ont des sonorités nasillardes et moqueuses.
Un autre groupe, plus bas, fait un tour en zodiac dans la lagune ou nagent de nombreux phoques et une promenade de long de la grève riche en pierres, algues sèches, lichens, fleurs colorées et grand groupe d’oies bernaches qui s’éloigne sur les flots en groupe serré et bavard.
Nous continuons dans cette superbe baie avec une navigation panoramique devant le glacier de Waggonway où un vêlage nous surprend alors que nous le quittons. Notre navigation panoramique se poursuit dans cette région aux fjords encaissés et montagnes escarpées jusque devant le front glaciaire de Smeerenburgbreen où nous dînons dans une ambiance d’exotisme froid. Quelle beauté!
Après une courte navigation, nous mouillons dans une zone calme pour passer la nuit alors qu’une fine bruine tombe lentement sur la surface des flots.
Nous faisons route dans l’entrée du Woodfjord alors que commence la journée. Un brouillard diffus couvre le haut de la plaine bordant la côte de Reinsdyrflya et la mer est d’un calme absolu. Après le petit déjeuner, nous mettons les zodiacs à l’eau pour une sortie côtière le long de la crête où cohabitent plusieurs oiseaux : sternes, guillemots à miroir, eiders et goélands sont aperçus de même que deux bécasseaux violets qui picorent sur la grève.
Méduses, copépodes et petits organismes marins sont vus à l’oeil nu depuis nos embarcations. Un gros groupe d’oies à bec court (probablement en train de muer) se déplace tel un régiment ordonné sur les hauteurs et leurs silhouettes à contre-jour se repèrent facilement. Après un détour près d’une lagune, nous débarquons pour une visite d’une cabane de trappeur: Villa Oxford. Cette ancienne caisse de transport d’un avion servant à cartographier pour la 1ère fois en 1924 la région du nord fut transformée en modeste mais solide cabane de trappeur par Hilmar Nøis, un norvégien vétéran des hivernages (qui en cumulera pas moins de 40 dont 20 d’affilée!) et s’est taillé une fière réputation ici. La cabane, en plus des règles de vie et instructions de sécurité, comporte tout ce qui est nécessaire à la survie ici : bois coupé dans et près du poêle, allumettes sous pochette imperméable, outils, scie, matelas et livre de bord aux annotations en diverses langues.
Un petit tour aux alentours nous permet de découvrir une flore riche et variée dont l’étrange saxifrage flagellaris, véritable fleur-araignée avec ses longues tiges rouges rampantes. Les silènes acaules, en pleine floraison parsèment le sol de coussins d’un rose ardent. Le bois flotté, écorces de bouleau de Sibérie et autres restes charriés par les courants témoignent d’un voyage long de parfois plusieurs années et qui a donné son nom à ce “fjord du bois”. C’est avec un gros appétit que nous rentrons à bord et nous attablons avant de siroter un café, naviguant entre les limites bien définies des sanctuaires à oiseaux du Lieftefjord où nous regardons les allers-venus incessants des sternes se nourrissant en piqués rapides.
Soudain, c’est l’agitation : Mathilde, notre directrice de croisière a repéré un ours! Il disparaît derrière une crête et il nous faut contourner l’île pour l’avoir à nouveau dans notre champ de vision. Tant mieux : il est maintenant parfaitement exposé à la lumière, sa robe blanc crème se détachant parfaitement sur la toundra verte ou le bleu profond de la mer lorsqu’il escalade d’un pas agile et rapide un gros rocher. D’un bond impressionnant, il descend et poursuit son cheminement côtier en se rapprochant de nous. Il gobe quelques oeufs et une oie adulte en passant, dépeçant cette dernière dans le bras de fjord où il a pied. Nous faisons la queue pour observer à la longue vue ce bel animal avant qu’il ne poursuive sa route d’un pas tranquille mais rapide. Quelle rencontre majestueuse!
Nous le laissons derrière nous et mettons cap vers le fond du fjord pour une rando vers les hauteurs. Le glacier d’Erikbreen est en effet une rare occasion de dominer la glace depuis une vue plongeante et, après le beau défi d’une marche sur la crête où certains repoussent leurs limites, nous admirons le panorama sublime de blanc et gris pâle formé par cette immense masse de glace tailladée par de profonds séracs et crevasses. Nous nous sentons bien petits face à ce géant gelé. Un autre groupe navigue en zodiac en contrebas sur la lagune et aux abords de son littoral, contournant le glacier depuis le bas, distinguant au loin les petits points des randonneurs qui semblent fourmis dans ce décor imposant. De gros icebergs biscornus parsèment notre route et sont photographiés sous tous leurs angles en vraies stars de l’Arctique. De retour à bord, un délicieux dîner chaud et savoureux nous est servi alors que nous longeons le front glaciaire du glacier de Monacobreen.
Certains profitent du jacuzzi alors que l’Explorer continue vers le glacier suivant. Un renard isatis à la robe sombre est observé marchant sur la plage puis disparait derrière les rochers immergés où sont aussi aperçus une autre rareté de l’Arctique: des bélugas! C’est un petit groupe qui longe la côte; leurs souffles et dos clair se détachent nettement sur l’eau turquoise.
Ils passent devant la proue du bateau et nous sommes tous au rendez-vous en passerelle pour admirer ces discrets cétacés malgré l’heure avancée qui en a déjà sortis certains du lit. Une chose est sûre : de retour dans les plumes, nos rêves seront doux et riches en émotions…
Lorsque nous ouvrons les volets de nos hublots ce matin, quelle sublime surprise!! Le paysage est inconnu, irréel, onirique : une douce lumière pastel baigne une mer d’huile ou flottent quelques paresseux glaçons sous un horizon éthéré. La magie opère alors que nous n’avons pas encore complètement ouvert les yeux. Nous sommes en bordure de banquise et les plaques de mer gelée sont de plus en plus denses et rapprochées. Nous petit-déjeunons dans ce décor improbable, conscient de notre chance d’être témoins de cette beauté.
La matinée sera d’ailleurs consacrée à voguer entre les floes, ces plaques de glaces parfois énormes où l’Explorer se fraye une route tranquille et sûre vers le nord-est. Chacun choisit son activité : photos, recherche de faune aux jumelles, contemplation, observation ou tout à la fois. Une grande quantité de phoques barbus sont observés avec des approches dont celles plus rare de deux individus sur une même plaques. Ces pinnipèdes plutôt solitaires se partagent un même espace réduit, pourtant indifférents l’un à l’autre. Nous distinguons leur beau pelage épais et luisant, garantissant chaleur et imperméabilité dans ces eaux glacées.
Alors que nous flânons littéralement dans ce grand blanc dont nos guides et directrice de croisière scrutent le relief sans relâche, un ours est repéré de concert! Un vieil individu semble-t-il : sa taille imposante, sa longue gueule et ses poils jaunis lui confère un air de vieux sage sévère et placide. Il se lève et fait quelques pas et nous arrêtons le moteur pour le regarder. Il renâcle à marcher plus et se couche dans la glace alors que le brouillard tombe sur cette étendue blanche, phénomène courant lors de la rencontre des masses d’air chauds et froids. Après un bon moment paisible, l’ours se lève et reprend sa route, le brouillard nous voilant la vue sur son départ vers une route connu de lui seul.
En fin de matinée, Sophie nous présente une conférence sur le Svalbard : l’histoire, géographie, politique et vie quotidienne de cet archipel nous sont révélés avec cartes et graphiques à l’appui.
Puis nous nous attablons pour le déjeuner et reprenons notre route sous un ciel plus dégagé. L’heure est à la sérénité et au bonheur de vivre de tels instants.
Plus tard, dans l’après midi, nos guides nous invitent à changer de perspective et voir cette fois la banquise sous un autre angle : les zodiacs sont mis à l’eau et nous faisons une promenade irréelle entre ces masses de glace dont certaines, très accidentées aux blocs entrechoqués, témoignent du chaos qui peut exister ici. Une nouvelle espèce d’oiseau est vue : des guillemots de Brünnich au vol plutôt lourd comparé à une élégante rareté : une mouette ivoire qui fait un rapide tour d’horizon au-dessus de nos têtes avant de s’éclipser.
Un gros phoque barbu est repéré et nous nous arrêtons près de lui pour quelques clichés lorsque Nathanaël repère un ours au loin. Nous zigzaguons entre les floes pour le rejoindre mais peinons à le retrouver… il a plongé et nage maintenant. Mot d’ordre, code de respect : on ne suit pas un ours dans l’eau. Nous attendons et observons son museau et son sillage dans la lumière dorée. Il semble vouloir s’éloigner au plus vite. Nous n’insistons pas et continuons plus loin notre exploration des glaces. La lumière joue avec les tons blancs et bleus des sculptures de glace dans lesquelles le temps se suspend.
Des phoques sont encore aperçus, curieux et joueurs, sortant parfois tout leur poitrail hors de l’eau pour mieux nous regarder. Nous réalisons à peine qu’il est bientôt temps de dîner et nous préparons à apponter avec les zodiacs quand l’officier de quart nous signale que l’ours est réapparu sur la glace, à quelques encablures du bateau.
Nous regagnons l’endroit indiqué où nous approchons le bel animal occupé à farfouiller dans la glace. Il se tourne subitement vers nous et s’arrête, interdit, avant de tourner les talons et de disparaitre sous l’eau. Nous retrouvons le bateau, troublés et étourdis par sa puissance saisissante.
Nous nous attablons et dégustons une fois de plus de délicieux plats préparés par Ed, notre chef, toujours attentif aux assiettes de chacun. Dehors, par plus de 80º de l’attitude nord, se dessinent les Sept Îles et nous en distinguons nettement les montagnes malgré les 40km qui nous séparent. Leur contours sont d’ailleurs tordus et déformés par un mirage polaire dû à la réflection des ondulations de la lumière; une vision étrange de ces sommets qui semblent flotter au dessus de l’horizon tels des ovnis de roche.
Ce soir, nous échangeons encore longtemps, dans cette lumière diaphane, à la dérive dans ce décor admirable où tout semble hors du temps…
Si hier matin, notre réveil fut un émerveillement, celui d’aujourd’hui est encore une surprise, et de taille : elle fait 2m50 et 300 kg. En effet, toutes les cabines à tribord ont l’immense choc de se trouver nez à nez (ou plutôt nez à truffe) avec un ours blanc ! Posé sur une plaque de glace, il n’est qu’à cinq mètres du bateau !!!
Ébahis et fébriles, nous l’observons depuis nos hublots, moment de grâce et sublime cadeau de la nature. Nous rejoignons ensuite les “bâbords” sur le pont pour une meilleure observation, subjugués par la beauté de cette rencontre. Il renifle les effluves de notre petit déjeuner de bipèdes et, devinant qu’il n’en aura pas une miette, vadrouille à la nage autour du navire avant de s’éloigner pour de bon. S’agit-il de l’ours de la veille? Nous le supposons et gardons en tête de comparer plus tard les clichés. Nous sommes comme des enfants lorsque nous nous attablons et le petit déjeuner est des plus animés.
Timing parfait ; une nappe de brouillard tombe doucement sur la mer et voile le paysage que nous avions hésité à quitter. Nos guides, après concertation, décident de mettre cap au sud-est, spéculant sur une météo plus clémente vers les côtes. Leur intuition paye : les côtes sont dégagées, la mer calme, le soleil au rendez-vous et de belles plaques de banquise sont encore présentes mais suffisamment éparses pour permettre une navigation en zodiac. Nous profitons de l’intense plaisir des glaces et louvoyons au milieu d’elles avec parfois plus de vitesse, c’est grisant ! Une fois de plus nos guides nous réservent une petite surprise et nous amènent tout près d’une belle grosse plaque de banquise solide et épaisse. Soudain, il s’en approchent franchement et poussent les gaz à fond sur les derniers mètres jusqu’à ce que le zodiac chevauche le bord de la glace et s’y pose. Un moment intense et inattendu ! Nous descendons suivant les consignes et nous sentons une incroyable émotion à l’idée de littéralement marcher sur la mer ! Mi tout-puissants de cette sensation inédite, mi-vulnérables, à la merci des éléments sur ce cercle de glace qui nous paraît vaste mais qui est un minuscule point dans l’immensité de l’Arctique. Quelles aventures vivons-nous ! Nous profitons de cet instant solennel pour faire un silence arctique : nous nous taisons et vivons cette quiétude parfaite, seulement troublée par un cri de goéland et le clapotis des vagues contre les floes.
Après une descente tonique, nous piquons une petite pointe vers la côte et longeons l’île de Lågøya où nos guides nous montrent les ruines d’une vieille cabane et nous racontent une partie de l’histoire de cette terre âpre et désertique où plusieurs trappeurs perdirent la vie. Nous constatons la différence des paysages qui sont maintenant d’une aridité déconcertante : nous sommes au coeur d’un grand désert froid et le paysage a radicalement changé : tout est sec, figé, rude. Le combat pour la (sur)vie semble ardu ici. Mais des touches de couleurs contredisent ce que l’on pourrait croire mort et désolé : des cténophores, ces étranges animaux bioluminescents aux tentacules rouges et lumières mouvantes et vives sont vues de part et d’autre du zodiac, des méduses et micro-organismes marins les accompagnent sous ces latitudes extrêmes. La vie foisonne pour qui sait la voir.
Au loin se distingue la calotte glaciaire de Vestfona avec son immense dôme blanc dans la lumière qui tranche avec le bleu du ciel. Cette énorme capsule de glace recouvre une grande partie de la terre du Nordaustlandet, une nouvelle zone de l’archipel où nous sommes maintenant, au delà des 80º Nord franchis la veille.
Nous faisons un long trajet en zodiac avant de retrouver l’Explorer avec plaisir et de passer à table rapidement; la soupe et les plats de notre chef Ed étant la bienvenue pour nous réchauffer et nous rassasier.
Notre chef d’expédition a eu du flair : le brouillard encercle maintenant le bateau et il est temps de lever l’ancre pour quitter les lieux. C’est donc à bon train que nous continuons vers le détroit de Hinlopen où nos guides alternent veille à la jumelle et conférence sur les ours blancs. Lors de celle-ci, nous apprenons de nombreuses choses sur les ours, leurs habitudes et particularités avec de bons exemples par l’image via les photos de Nathanaël. Nous détaillons celles sur les ours et comparons avec ceux observés, dont l’individu observé la veille et ce matin. Tout porte à croire qu’il s’agit bien du même ours, sans doute une jeune femelle.
Le paysage change à nouveau : la platitude désertique et minérale fait place à des côtes basses bordées de glaciers ; nous faisons un tour panoramique devant celui de Buldrebreen dont les masses écrasantes de bleu, blanc et gris forment un paysage grandiose et inhabituel. Nous poursuivons ensuite de l’autre côté du fjord pendant notre dîner et nos guides nous incitent plus que fortement à nous joindre à une excursion d’après dîner qui vaut le détour : une falaise de dolérite fréquentée par de nombreux oiseaux. Nous nous mettons en route sans nous rendre compte de ce qui nous attend. Cette falaises d’Alkefjellet couvertes d’une multitude de guillemots de Brünnich et leur nombre colossal aussi bien agglutinés contre la roche qu’en nuées denses au dessus de nous nous bouleversent…ils sont des dizaines de milliers et nous confondent d’admiration et de démesure, jamais nous n’aurions cru être au coeur d’une telle multitude et sommes saisis par leur nombre…et leur volume sonore !
Une cacophonie vrombissante survole les zodiacs et nous perdons les mots pour décrire cette impression de vivre une fois de plus un moment unique. Seul mammifère parmi la foule aviaire, un petit renard musarde entre les rochers, s’arrêtant parfois pour nous observer, museau en l’air, moustaches au vent.
Les colonnes de dolérite et de marbre, bordées du remarquable glacier Odin nous font penser à des châteaux et cathédrales et notre imagination se lâche. Nous perdons la notion du temps mais il faut bien rentrer : puisque le soleil ne se couche pas, c’est nous qui prendrons l’initiative de retrouver la douceur des plumes de nos lits, des rêves plein la tête, des images plein les yeux…
C’est toujours dans les glaces mais d’un autre style que nous nous réveillons ce matin : des blocs gelés d’origine diverse sont de plus en plus nombreux à mesure que nous avançons vers la calotte de Vestfonna. D’énormes morceaux de banquise côtoient des icebergs dérivant depuis les innombrables glaciers environnants.
Après le petit déjeuner, le capitaine se fraye un chemin entre les plaques épaisses, choisissant la plus sûre et meilleure route afin de nous amener au pied d’un géant de glace : Bråsvelbreen. Cette immense barrière de glace est la plus grande de l’hémisphère nord et son front imposant s’étend à l’infini. Nous ne longeons que quelques uns des 160 km que cumule la barrière au total, subjugués par sa hauteur et sa cassure nette qui tombe à pic dans la mer. Nous nous approchons franchement de ce mur figé et admirons ce décor improbable. Décor changeant puisque, coup de chance, un petit vêlage vient changer les détails de ce paysage en perturbant le silence. Nous nous arrêtons devant deux cascades puissantes et les contemplons un long moment.
Tant de glace nous fait penser à un monde perdu, irréel, féerique et réveille nos âmes d’explorateurs mais aussi d’enfants. Les glaces sont au grand nord ce que les nuages sont au ciel et tout le monde trouve des formes et images variées au gré d’une imagination plus ou moins débordante. Ainsi voyons nous apparaître des crocodiles immergés, des champignons givrés, chameaux, arcs et ponts de glace, éléphants, fusées, aigles et autres brontosaures bleus ou tyranosaurus nivalis.
De grosses taches noires et chocolat sont agglutinés sur les floes…des morses ! Ils sont disséminés en groupes de taille variable allant d’une demi douzaine à une quarantaine d’individus. Ils sont légion et s’étendent au delà des distances que l’oeil perçoit, sans doute plusieurs centaines en tout. Nous faisons d’un des groupes une approche respectueuse et douce. En effet, nous constatons avec plaisir qu’il s’agit de femelles et de petits. Les bébés, très sombres, sont entourées des femelles et bien protégés, parfois sur leur dos ou au milieu du groupe, sous le regard vigilant des mères, tatas, mamies et marraines qui les abritent parfois sous une nageoire bienveillante. Nous les observons à la longue vue et remarquons les détails de ces animaux si étranges et attachants, perchés sur leur plaques à la dérive.
C’est au milieu de ce chaos de blanc qu’un ours est repéré au loin : son pelage sale contraste avec le blanc de la neige et nous pouvons le suivre à la jumelle depuis son glaçon flottant. L’observation se complique alors qu’il va à l’eau et c’est en le cherchant que nous trouvons un autre ours ! Il nage lui aussi et se perd entre les icebergs…nous continuons nous aussi notre route sur un autre cours.
Nous passons à table dans ce décor de rêve et reprenons en sens inverse alors que Nathanaël nous fait un point informatif sur la photo afin de tirer parti de ses conseils pour de meilleurs clichés que nous appliquerons sans plus tarder. Nous nous arrêtons ensuite à l’île de Wahlbergøya et ancrons dans une petite baie baignée de soleil où nous faisons une sortie en zodiac. Ce site, repéré par nos guides la semaine passée, a en effet eu une activité d’ours et ils comptent sur leur présence…Bingo : 2 ours sont vus au loin sur des névés. Nous sortons les zodiacs pour un repérage plus précis et constatons avec bonheur la présence d’un de plus sur la berge. La neige a bien fondu sur la plage et libéré ce qui semblait bien être de la nourriture; nos guides en sont maintenant sûrs car une grosse carcasse de baleine git sur la plage, largement entamée depuis par les charognards. Celui qui s’active sur la dépouille est plutôt charmant : il s’agit d’un ourson.
Bientôt adulte, il a encore la silhouette et la rondeur d’un adolescent mais ne nous y trompons pas : ses mâchoires puissantes dépècent la viande à grand coups de canines acérées. Il déjeune tranquillement, se mettant dans l’eau à mi pattes, assez peu troublé par notre présence.
Nous le laissons tranquille après un temps et allons voir une colonie de morses plus loin, salués au passage par quelques individus qui rôdent dans l’eau et font entendre un net mais discret sifflement dans le silence. Silence relatif car leurs congénères affalés sur la plage émettent des sons plus ou moins attrayants : ils éructent, soufflent, grognent et beuglent à notre grand amusement. Un petit groupe dans l’eau en bordure de plage est très actif: leurs dos brillant et leurs nageoires émergent avec grâce, un vrai contraste comparé à ceux à terre.
Nous rentrons pour dîner et commentons ces beaux animaux avant d’accepter la proposition de nos guides d’aller voir en zodiac après le repas si plus d’activité a lieu près de la carcasse. Sur place, le soleil joue avec des icebergs que nous immortalisons mais pas d’ours sur la charogne. Nous observons cette dernière avec un petit cours d’anatomie à la clef, mâchoire, vertèbres et ossements, tout est étudié. Nous apercevons deux renards arctiques qui se baladent sur la plage et disparaissent après un temps d’arrêt tout proches de nous puis rentrons après cette sortie dans la lumière du soir, à nouveau comblés par les beautés du Svalbard.
C’est à nouveau un autre décor qui nous accueille ce matin: la terre du Nord-Est. Palanderbukta, ce recoin ultime du Svalbard, reculé et sauvage est en grande partie recouvert par les glaces dont la massive Vestfonna, cette capsule gelée qui nous fait maintenant face et sur laquelle il est prévu ce matin en excursion…d’aller marcher !! Après le débarquement, nous commençons notre promenade, vite interrompue par l’observation ni de faune ni de flore mais de dizaines de fossiles ! La terre du Nord-est est en effet un laboratoire géologique à ciel ouvert et à portée de tous. Nous scrutons tous les détails de ces témoins du temps : coquillages, coraux, algues et incrustations dont des cristaux de roches qui nous ouvrent les portes du monde du très petit et du très vieux. De vrais bijoux naturels de Dame Nature. Nos guides profitent de ce terrain pour continuer l’explication de la “géologie par la cuisine” avec la recette du mille-feuilles sédimentaire ou du crumble du dévonien, cuisson volcanique et glaçage du quaternaire en exemples.
Un renard polaire fait une apparition furtive alors que nous cheminons une fois de plus sur un terrain inhabituel : des mètre d’épaisseur de glace.
Notre colonne s’ébranle dans cet univers de blanc. Nous avançons en pente douce vers le sommet et seul le crissement de nos pas vient troubler le silence de ce lieu figé. La calotte de Vegafonna nous surplombe, dôme majestueux et immuable. La vue est superbe, l’ambiance lunaire ; nous avons la sensation d’être sur un autre planète et cheminons jusqu’à la crête, tels des explorateurs d’un autre temps. Lors d’un silence arctique, nous entendons au loin le grondement d’une rivière et décidons d’aller la voir de plus près. C’est une bédière, une rivière glaciaire d’un bleu turquoise intense qui a creusé son lit dans la congère et dont les remous nous impressionnent. Nous longeons son lit à flanc de glace puis redescendons vers la grève jusqu’aux zodiacs, fidèles liens vers le bord.
Un gros phoque barbu se prélasse sur un banc de glace et plusieurs eiders sont observés sur les névés de neige, leur couleur les distinguant sur ce fond blanc limpide.
Notre repas se passe toujours aussi bien alors que le capitaine fait une navigation panoramique devant le front de glace de Palanderbreen, avec les plats savoureux et nouveaux que notre chef se fait un plaisir de présenter en régalant nos papilles.
Après une courte navigation vers l’opposé du fjord, nous ancrons devant le Aldousbreen, un joli front glaciaire de la calotte du Vestfonna dont les icebergs de taille respectable sont les vedettes du jour, mitraillés par nos appareils et parfait sujets d’expérience de mise en pratique des cours de photos d’hier. Leurs formes, couleurs et reliefs graphiques sont un sujet intarissable d’émerveillement et d’étude.
Le front glaciaire recouvre 5 km de long sur un relief accidentée dont la hauteur varie de 30 à 60m et la taille de nos zodiacs semblent dérisoire comparés à ce titan impassible. Parfois dentelle ou porcelaine ciselées, parfois forteresses aux colonnes instables, ces cathédrales gelées menacent à tout instant de s’effondrer, dominos à l’équilibre fragile et espérance de vie éphémère.
Nous rentrons à bord, heureux et comblés de notre après midi, réchauffés par nos épaisses combinaisons avant de profiter d’un instant de liberté. Nous sommes plus tard rappelés pour une surprise : nous sirotons un apéro aux glaces de l’arctique et avons la surprise d’être conviés à un barbecue sur le pont supérieur. Notre chef Ed s’est surpassé sur les viandes et accompagnements que nous dégustons sur fond de musique exotique et glacier majestueux, une vraie réussite pour une soirée inoubliable!
Il est 6h20. Une fois de plus, Bernard, passager à tribord nous fait le coup : en ouvrant le volet de son hublot avant sa gym du matin, il voit deux ours sur la plage de l’anse de Florabukta, dans laquelle a ancré l’Explorer. Vite, il appelle la passerelle et les guides pour faire partager ce moment de chance doublé d’une très belle observation. Nous sommes pour la plupart encore dans les plumes lorsque retentit l’annonce et certains arrivent encore en pyjama sur le pont pour profiter de ce moment. C’est une mère et son petit.
Ce dernier joue dans l’eau alors que sa mère est paisiblement couchée plus haut sur la plage. Le jeune tient dans sa gueule une patte de renne qu’il déchiquète et joue avec elle, cabotin, la tenant dans ses pattes tel un mister freeze. Lorsqu’il plonge, ses deux pattes émergent et nous distinguons les coussinets de sa peau qu’il a noire. Nous nous amusons de ses cabrioles alors qu’il avance vers le bateau comme si de rien une fois sa friandise consommée.
L’observation est superbe et nous nous relayons à la longue vue puis à l’oeil nu pour observer son manège. Sa mère n’est pas dupe et le rejoint dans l’eau, le surveillant de loin et l’ourson, une fois sa curiosité assouvie, revient vers elle en quelques brasses. Ils jouent et se mordillent le museau avant de rejoindre la rive et repartir vers la falaise de l’île où nichent quelques guillemots à miroir dont les oeufs ou les poussins infortunés feront leur dessert.
Ce n’est pas le dessert mais le petit déjeuner que nous mangeons pour notre part, restant sur place et aux aguets alors que les ours se font de plus en plus petits dans notre champ de vision, suivant leurs mouvements au cas où ils s’approcheraient à nouveau.
Entre temps, nous sommes conviés à la visite de la salle des machines en compagnie de Tiger notre chef mécanicien qui nous explique les rouages du bateau, le fonctionnement des moteurs, hélices, groupe électrogènes, propulseurs d’étrave et autres fonctionnements complexes de ce navire : le “coeur du bateau” comme il se plaît à dire.
Nous mettons ensuite cap vers une autre destination puisque nous ne pouvons mettre pied à terre ici comme le prévoyait notre sortie. Notre chef d’expédition choisit une petite baie abritant une lagune à une vingtaine de minutes de navigation où nous pourrons faire une sortie du matin. Nous avançons par un bras de mer en zodiac et nous arrêtons près d’un groupe de sternes qui pêche sur le rivage, elles sont vives et picorent des crevettes et crustacés dans les eaux claires, plongeant juste le bec. Ces belles élégantes, divas des pôles, ne trempent rien de plus, comme si elles ne voulaient pas mouiller leurs ailes fines et délicates.
Nous descendons à terre pour une promenade vers une puissante cascade aux flots abondants et sommes à nouveau saisis par la beauté de l’Arctique : des pierres de couleurs aussi vives que diverses et quelques fleurs vaillantes ponctuent ce désert froid. Nous hésitons à porter notre préférence sur les pavots du Svalbard au jaune pâle ou les fameuses saxifrages araignées aux “pattes” rouges. Les lichens ne sont pas en reste et nos guides nous en montrent une multitude aux formes incroyables et inattendues. La nature a vraiment le secret pour nous étonner.
Vient l’heure du repas que nous prenons avec toujours des nouveautés dans l’assiette alors que nous naviguons vers les îles de l’archipel du fjord de Murchison en poursuivant vers Claravågen. Cet endroit abrite une lagune dont l’accès, par une passe très étroite est rendu presque secret. Nous naviguons sur ses eaux battues par les vents; une petite colonie de goélands occupe un pan rocheux de la passe. Nous voyons leurs jeunes, petites boules de duvet gris tacheté, serrés contre les parents et se confondant avec le gris de la roche. Les couleurs sont froides, métalliques, le coin est désolé, aride et seul le clapotis des vagues s’entend. Nous descendons à terre pour une courte montée vers un point de vue circulaire, disant au revoir à cette dernière escale en terre du Nord-Est avant de retraverser sous une houle franche et indisciplinée.
De retour à bord, après un goûter et un court temps de calme, une conférence sur les morses s’impose. Sophie nous parle de ces “patates à dents” qu’elle affectionne particulièrement, en faisant ressurgir leur charme grâce à des explications surprenantes sur leur vie et moeurs. Nous comprenons son enthousiasme et sommes aussi séduits par ces “hédoniste polaires” comme elle les nomme. L’explication vient à point: après le dîner, nous distinguons au loin un pan de terre plane sous une visibilité exceptionnellement claire : Moffen. Cette réserve naturelle, à l’accès restreint est un lieu de repos d’une belle colonie que nous voyons depuis une longue distance dans la lumière.
Nos commentaires ironiques sur leur activité et mobilité vont bon train. Ainsi, un lever de nageoire est la gym du jour ou quelques mètres seront leur effort ultime. Ils nous amusent à terre et nous étonnent dans l’eau, agiles et puissants. Nous nous éloignons ensuite, laissant derrière nous ce lopin de terre avant de continuer vers le sud pour une bonne route de navigation. Nombreux sont ceux d’entre nous qui ne font pas long feu : la journée a été longue et bien remplie, tout autant si ce n’est plus que nos cartes-mémoires qui débordent de gigas…
Nous naviguons le long de Blomstrandøya avant notre excursion prévue à Ny London ce matin. Il faut en effet utiliser le conditionnel en Arctique : une fois de plus, il nous faut changer les plans car notre excursion n’aura pas lieu : Sophie a repéré un ours sur l’île même où nous comptions débarquer ! Nous nous en approchons et le regardons faire quelques mètres avec lenteur avant de se reposer sur le flanc. Nous prenons notre petit-déjeuner en attendant une réaction, mais il semble décidé à poursuivre sa sieste. Nous mettons les zodiacs à l’eau et l’approchons doucement, mais son indifférence nous pousse à continuer plus loin (nous pouvons nous permettre le luxe de compter déjà un bon nombre d’ours et de faire la fine bouche devant cette observation peu interactive).
Nous naviguons donc au ras de l’eau entre les grottes et aspérités de ce relief côtier des plus intéressants, dont les roches sédimentaires métamorphisées offrent un paysage remarquable. Les cavités et recoins cachés abritent de petites plages et criques, dotées d’arcs et de ponts naturels. Un groupe d’eiders composé de femelles et de petits passe près de notre zodiac et nous observons plusieurs oies bernaches sur une plage. Le plumage des jeunes est encore gris, même s’il dessine déjà le dessin complexe et caractéristique des adultes.
Nous repérons un joli phoque allongé sur un rocher que nous contournons et poursuivons vers des icebergs épars dont la lumière se diffuse en tons de bleus et verts. Cette île est un énorme dôme de marbre dont on tenta autrefois l’extraction. Tentative coûteuse et désillusion majeure, elle a laissé des ruines importantes de matériel rouillé et figé près de la plage. Nous nous arrêtons devant le site historique de Camp Mansfield, cette exploitation de marbre du début du siècle qui connut la même fièvre que celle du Klondike, et observons les cabanes au milieu des ruines éparses, témoins de l’échec de cette entreprise coûteuse du début du siècle.
Les cabanes seules sont entretenues et maintenues pour les autorités du gouverneur, les Sysselmesteren, qui ont l’habitude d’y résider occasionnellement. Plus tard, c’est d’ailleurs à leur visite que nous avons droit : elles montent à bord pour contrôler le bateau, nos documents, permis, sorties et nous rappellent les règles et restrictions du Svalbard. Les deux policières sont, par ailleurs, avenantes et acceptent même de prendre la pose avec certains d’entre nous. Un contrôle policier de routine sous ces latitudes est bien inhabituel pour nous !
Avant le déjeuner, nos guides nous offrent un spectacle d’une rare beauté fantasque : ils nous montrent une petite sélection de lichens à la loupe binoculaire. C’est une avalanche de formes, couleurs et textures dignes des films de science-fiction ou d’horreur : monstres poilus aux mille pattes, boursoufflures jaunes fluo, crêpes noires telles des verrues ou branches torturées, une fois de plus le monde de l’infiniment petit nous épate jusqu’à en pousser des petits cris de surprise.
C’est autant de couleurs et de variétés que nous retrouvons dans les plats que notre chef Ed a concoctés pour nous, et que nous mangeons avec appétit alors que nous continuons vers la baie du Roi, un autre endroit mythique du Svalbard. Nous profitons du panorama sublime pour faire la totale : une grande, vaste et longue navigation panoramique devant les trois glaciers de la baie, incluant la falaise à oiseaux de Ossian Sars avec des guillemots de Brünnich et mouettes tridactyles volant en nuées bavardes. Trois rennes sont également observés, leur pelage gris et brun se confondant avec le décor rendent la tâche très ardue pour les voir, même pour les yeux les plus perçants, mais nous avons affûté nos sens au cours de ce voyage et les repérons vite.
Les sommets de Dana, Svea et Nora, les trois couronnes emblématiques de l’histoire de la région, sont bien visibles et leurs couleurs rouge, brune, orangée et violette tranchent avec le bleu du ciel et le blanc des glaciers. Nous avons parfois la sensation de passer de l’Utah à la Sibérie, contraste frappant sur quelques centaines de mètres. La lumière est d’une pureté incroyable, renvoyant les couleurs et affirmant les contours.
Ceux du front glaciaire de Kongsvegen sont sublimés, et nous passons un long moment devant ce front gigantesque qui nous offre plusieurs vêlages massifs dans ce cadre grandiose où nous restons pour dîner avec, à nouveau, cette sensation d’être seuls au monde et coupés de tout. Une belle sentiment d’infini et de quiétude pour cette soirée dans la lumière dorée… Nos guides nous préviennent qu’ils feront le guet à la sortie du fjord ; le coin serait, en effet, propice aux baleines et le brouillard qui s’accumulait à l’entrée du fjord s’est levé. Nous n’attendons pas longtemps après leur estimation, et une fois de plus nous sommes chanceux : un petit rorqual est observé à une centaine de mètres du bateau et tout le monde rapplique, prêt et équipé, caméra au poing malgré l’heure déjà avancée. Notre chance va crescendo, car d’autres rorquals sont observés et des souffles, plus grands cette fois, sont repérés au loin, à une douzaine de kilomètres.
Notre capitaine, dont le second prend la relève, se relayent pour amener l’Explorer sur une mer calme avec une houle légère mais régulière vers ces appels de l’océan. Un souffle se fait plus grand et plus distinct ; nous le gardons en vue et continuons vers lui. Soudain, émerge le dos d’une baleine… Son souffle prodigieux résonne dans le silence, et son dos luisant tacheté de tons de gris clair ne laisse plus aucun doute : il s’agit d’une baleine bleue !! Ce colosse est le plus gros animal ayant jamais existé sur terre, et cette sublime géante nous émeut presque jusqu’aux larmes. Comble de la rareté, elle montre sa queue une demi-douzaine de fois lors de cette observation stupéfiante.
Nous avons conscience de l’incroyable privilège que nous avons et remercions la nature pour ce moment de grâce absolue…
Nous nous réveillons dans un endroit ne ressemblant une fois de plus à aucun autre : la falaise d’Alkhornet. Cette haute montagne semble avoir été coupée avec un fil à beurre géant, laissant apparaître la roche nue à 90º dont les oiseaux tirent parti : des milliers de mouettes tridactyles tournoient dans le ciel et nous les entendons bien plus que nous ne les voyons : elles nichent très haut mais ne perdent en rien de leur volume sonore, relayé par la montagne et le vent. Le paysage est radicalement différent de ceux observés ces derniers jours et nous comprenons l’effet que cela génère en nous : la quiétude du lieu, le soleil, mais aussi et surtout voir à nouveau la couleur verte : la végétation, des champignons, l’herbe grasse, les mousses fertiles et abondantes nous rassurent dans le monde commode de bipèdes à potager que nous aimons. Il fait bon voir ici l’action de la chlorophylle où les fleurs sont plus grandes que les arbres et marcher sur des tapis moussus.
Nous observons d’ailleurs le seul herbivore terrestre du Svalbard, le renne. En petits groupes, les individus que nous observons sont paisibles et tranquilles, broutant allègrement fleurs et lichen et s’approchent si près de nous que nous échangeons des regards incrédules. Ils sont à trois, quatre mètres à peine, dont des petits qui n’ont pas encore de bois ! Un beau moment de sérénité là encore. Nous continuons la promenade sur les hauteurs et passons devant plusieurs ruines Pomors, les traces de ces chasseurs-trappeurs sont peu visibles mais bien présentes.
Nous observons aussi la flore avec laquelle nous sommes plus familiers maintenant, puis continuons vers le bord de la falaise où les roches friables et blanches donnent un air dramatique à cet éperon rocheux où passent de nombreux oiseaux en rasant les flots. Fulmar, mouettes et même un macareux sont aperçus.
De retour au bateau, nous quittons Trygghamna, cette baie de la tranquillité qui porte si bien son nom, et continuons vers l’est. Alors que nous prenons un bon repas, à nouveau devant un cadre magnifique : le glacier de Ymerbukta. Nous y ancrons pour l’après-midi et partons faire une dernière excursion en zodiac, contemplant ces masses d’eau éphémères au destin moins sûr encore. Une certaine mélancolie s’empare de nous : l’idée du départ se profile dans nos têtes et devant le glacier, nous songeons au futur incertain de cet univers fragile et réalisons que nous sommes les ambassadeurs d’un monde dont il faut prendre soin et que nous nous devons de préserver. Nous sommes songeurs et silencieux, comme dans une contemplation tacite d’un monde en déclin lorsqu’une détonation massive se fait entendre dans le silence. Un vêlage spectaculaire se déroule sous nos yeux et les énormes blocs tombant à pic nous laissent bouche-bée. La nature a vraiment le secret de nous émouvoir. Un couple de Harelde boréal passe devant nos zodiacs en barbotant et de nombreuses sternes pêchent en piaillant sur les îlots dégagés par le glacier.
Nous rejoignons l’Explorer et ce soir, alors que nous naviguons vers Longyearbyen, nous avons le plaisir d’avoir une présentation de Nathanaël avec ses sublimes photos du voyage et revivons ces instants. Nous en profitons pour faire une photo de groupe et saluons cette belle équipe dont Mathilde, notre directrice de croisière, qui n’a pas perdu une seule occasion de scruter à la jumelle et d’épauler discrètement nos guides dans diverses tâches importantes et variées. Nous trinquons à ce fabuleux voyage, à cette épopée de rêve et à ses observations exceptionnelles que nous avons eu le privilège d’avoir, aux ours, aux animaux, à nous, à notre santé et notre liberté!! Vivement les prochains voyages!
Suivez nos voyages en cours, grâce aux carnets de voyages rédigés par nos guides.
Messages
Bien belle première journée de votre voyage de noces
Profitez bien…😍
Alors, comment se passe ce voyage ? heureuse d’y être… Il faut stocker le maximum d’images pour nous les faire partager à ton retour… Bisous.
Patricia
Juste un petit message pour Nicolas et Oxana Prieto j’espère que vous vous prendre de belles photos que tout se passe bien avec l’équipe vous devez vraiment vous régaler tout va bien ici et gros bisous papa.
Coucou les jeunes mariés…tout plein de bisous
Merci pour ce carnet très documenté qui permet de suivre le voyage au plus près et nous fait participer virtuellement à cette superbe expédition.
A bientôt pour la suite
Sophie et Nathanaël, quel plaisir de vous lire! Nous poursuivons la sublime aventure à travers les récits de vos journées qui se poursuivent dans de fantastiques rencontres, comme celles que nous avons pu vivre à vos côtés il y a quelques jours. L’occasion de vous dire encore toute notre gratitude pour votre investissement, l’émotion, et la passion que vous nous avez transmise.
Bisours.
Votre voyage fait rêver, nous espérons que vous prenez de belles photos que nous verrons dès votre retour. Bravo à votre cuisinier, je vois qu’il se surpasse !!!
profitez bien, emmagasinez le plus de souvenirs possible,
Tout plein de bisous.