Benjamin Dy
Destinations Nordiques et Antarctique
28 juin
8 juillet 2024
Benjamin Dy
Destinations Nordiques et Antarctique
Jean-Marie Seveno
Photographe
Élodie Marcheteau
Géologie
Rémi Suchowierch
Guide naturaliste
Jean Robert Couplet
Maxime Barthelme
Photographie Polaire
Fabrice Jonckheere
Guide polaire
Mathilde Gardin
Conseillère voyages
Certaines photos d’illustrations ont été prises lors de précédents voyages. Lorsque celui-ci sera terminé, nous publierons les photos de la croisière.
Nous avons commencé notre journée à l’hôtel Ibis de Paris Charles de Gaulle, en nous réveillant tôt avec un mélange d’excitation et d’envie d’aventure. Nous nous sommes dirigés vers l’aéroport pour notre vol affrété à destination de Longyearbyen. Le vol a été calme et direct, offrant de superbes vues aériennes à l’approche de notre destination arctique.
À notre arrivée à Longyearbyen, nous avons été accueillis par un air frais et des paysages à couper le souffle. Notre première excursion, une visite en bus de la vallée de l’Aventdalen, nous a plongés dans la beauté brute de la toundra arctique.
Nous avons repéré diverses espèces d’oiseaux, observé une vieille mine de charbon et avons même eu l’occasion de voir des chiens de traîneau. Ensuite, nous avons visité la charmante église locale, où nous avons passé quelques moments de réflexion. L’architecture et l’atmosphère paisible ont ajouté une touche sereine à notre aventure. L’exploration du centre-ville qui a suivi nous a offert un aperçu du mode de vie unique de cette communauté éloignée.
En fin d’après-midi, nous avons embarqué à bord de l’Ocean Nova. L’équipage nous a accueillis chaleureusement et nous nous sommes rapidement installés dans nos cabines. Nous avons ensuite participé à un exercice d’évacuation essentiel pour nous assurer que tout le monde connaissait bien les protocoles de sécurité. Le dîner a été servi, suivi d’une conférence introductive sur les mesures de sécurité, une session informative qui a préparé le terrain pour les aventures à venir lors de cette expédition dans l’Arctique.
Après avoir navigué toute la nuit, nous nous réveillons bien loin de Longyearbyen par 78°55’ de latitude nord dans la fameuse Baie du Roi. Il fait déjà 6°C à 6h du matin. La météo est radieuse et la visibilité parfaite. Notre terrain de jeu de la matinée s’appelle Ossian Sarsfjellet.
C’est après un copieux petit-déjeuner que nous démarrons notre première activité: nous embarquons tous à bord des zodiacs. Pendant que la plupart vont effectuer une marche de découverte des pelouses côtières situées à proximité des falaises à oiseaux constituées essentiellement de mouettes tridactyles et de guillemots de Brünnich, d’autres effectuent une découverte du littoral en zodiac.
Les marcheurs se répartissent en deux groupes de niveaux. Bien que certains aient surplombé les falaises, les autres ont découvert tout autant de richesse à une altitude moindre. Ainsi, chacun a pu observer à faible distance des rennes du Svalbard, les oiseaux des falaises, des goélands bourgmestres ou encore des bernaches nonnettes.
Certains ont eu la joie d’observer un renard polaire à deux reprises: d’abord en maraude, puis revenant avec un œuf entre les crocs. Indifférent à notre présence, il est passé comme si de rien n’était. Outre cette faune bien diversifiée, la flore a fait montre de ses plus beaux apparats, dryade à huit pétales et saxifrages à feuilles opposées en tête de file.
C’est après cette très belle matinée que nous regagnons l’Ocean Nova. Le temps du déjeuner, celui-ci se replace plus proche du glacier du Roi, l’un des plus imposants de l’archipel du Svalbard.
Nous passons tout l’après-midi sur nos zodiacs sous un ciel azur sans la moindre ombre d’un nuage à l’horizon. La proximité avec ce géant des glaces est des plus spectaculaires: il arrive régulièrement que des vêlages se produisent, c’est-à-dire que des pans de glaciers s’en détachent dans un fracas étourdissant, raison pour laquelle la baie est constellée de blocs de glace plus ou moins gros. Des phoques barbus en profitent pour s’y reposer, à la grande joie de tous, en particulier des photographes.
Nous dénombrons sept individus, lesquels présentent des robes de différentes couleurs, à savoir gris, rousse ou ocre. L’approche étant lente, nous bénéficions d’une très belle observation et pouvons regagner le bateau en ayant la conscience d’avoir été en phase avec la nature.
À bord, après un rapide résumé du trajet et des intentions futures présentés par Benjamin, Jean-Marie prend le relais en animant un atelier photo riche en conseils pratiques que chacun sera en mesure de mettre à contribution, d’autant qu’un concours photo est organisé entre tous les passagers.
19h, moment convivial par excellence, c’est l’heure du pot du capitaine. Il se présente, évoque les mesures à suivre en passerelle et nous fait un discours humoristique contribuant à une cohésion entre les passagers.
Arrive le temps du dîner qui démarre vers 19h30. C’est à ce moment que l’Ocean Nova reprend sa route vers le nord en direction du Woodfjord. En début de journée, nous nous interrogions sur la grandeur de la journée. Les merveilles de la nature ont eu raison de notre interrogation… vivement demain.
Grand soleil en ce dimanche 30 juin, malgré un vent soufflant plus fort que prévu.
Après le petit-déjeuner, l’équipe d’expédition part en repérage pour trouver un endroit sûr où débarquer. Après 30 minutes de prospection, l’équipe revient à bord et doit malheureusement annoncer le report des opérations initialement prévues ce matin. En effet, des rafales de 30 à 32 nœuds rendent dangereuse la mise à l’eau des zodiacs. Grâce à la réactivité de l’équipe d’expédition et du commandant, nous reprenons rapidement notre route afin de trouver une zone de débarquement plus abritée.
Le paysage est somptueux. Nous nous trouvons dans le Woodfjord, où les montagnes de grès rouge dévoilent un assemblage écarlate. Le soleil brillant nous permet de profiter pleinement du paysage pendant ce changement de programme. De plus, notre guide géologue Élodie nous propose une conférence passionnante sur la géomorphologie des glaciers du Svalbard. Elle tombe à point nommé, puisque nous avons effectué la veille une superbe sortie en zodiac au glacier Kongsvegen. Cela permet de mieux comprendre la puissance et la vie des glaciers dans cet archipel.
À 10h30, le vent est tombé et le soleil brille de plus belle. L’équipe d’expédition nous propose un débarquement sur une toundra éclatante de vie. Nous sommes au beau milieu de la lande à dryades, petites fleurs emblématiques du Svalbard. La végétation est impressionnante, avec des champs de fleurs jaunes pâles parcourant le rivage et s’élevant sur les pentes douces de la côte. Un groupe part en marche vers les plateaux surélevés, où nos guides expliquent les mécanismes de floraison de ces espèces. Des rennes apparaissent au loin et s’approchent à quelques dizaines de mètres. La vue de ces cervidés dans leur milieu naturel est un spectacle dont on ne se lasse pas. Arrivés au sommet, la vue sur le Woodfjord est impressionnante, offrant un régal pour nos yeux. Nous redescendons le long d’un petit canyon, ajoutant du relief et de la texture à ce paysage déjà magnifique.
Pendant ce temps, un groupe plus restreint reste en bord de plage et sur le plateau arrière pour une marche plus aisée. La végétation est passée en revue et nos guides nous font voyager au royaume du minuscule. Fleurs aux couleurs éclatantes, traces de vie animale et observation des sternes arctiques sont au programme. La douceur de l’air et l’ambiance de cette toundra sous un ciel azur resteront des souvenirs fantastiques. Après deux heures de déambulation naturaliste, nous retournons à bord de l’Ocean Nova pour le déjeuner.
L’après-midi, cap sur le Liefdefjord pour un débarquement non loin du glacier d’Erik. Nous arrivons en douceur avec les zodiacs dans une lagune au calme saisissant. Les vols des eiders à duvet, ces canards venant nicher au Svalbard, accompagnent les embarcations avec grâce.
Nous entamons une marche sur une toundra parsemée de saxifrages aux teintes violettes qui colorent cet environnement minéral. Nous marchons littéralement sur les vestiges du glacier d’Erik, une ambiance rocheuse, concassée par l’avancée du glacier. Notre équipe d’expédition nous offre une magnifique lecture paysagère. La notion de moraine, cet ensemble de roches charriées par le glacier il y a plusieurs siècles, nous laisse une empreinte tangible de son passé. Nous nous sentons privilégiés de nous retrouver au cœur de cette histoire géologique. En atteignant le sommet de la moraine frontale, la vue dégagée nous laisse sans voix.
Nous apercevons le majestueux glacier d’Erik, précédé de son lac de fonte encore pris par les glaces. Le contraste avec la douceur du soleil resplendissant est saisissant.
En redescendant, nos guides repèrent des traces très intéressantes sur un plateau en contrebas, proche d’un petit lac. Surprise, ce sont d’énormes traces d’ours laissées par un plantigrade dans une terre argileuse humide. Nous prenons la mesure de la taille de l’animal, l’empreinte étant beaucoup plus imposante que la plus grande de nos bottes. « Le seigneur de l’Arctique peut se trouver n’importe où sur l’archipel », répète notre équipe. Ces empreintes nous plongent immédiatement dans la réalité de cette phrase. Cela restera un souvenir inoubliable : nos premières traces de présence d’ours polaire au Svalbard.
Nous retournons au zodiac après cette agréable marche dans cet environnement si propre au monde de l’Arctique, puis nous embarquons à bord de notre navire.
La fin d’après-midi réserve encore une surprise. En effet, notre commandant de bord nous propose une navigation scénique du front du glacier Monaco, le plus réputé du Svalbard.
Il porte ce nom en hommage à Albert Ier de Monaco, qui participa grandement à la cartographie du lieu en 1906-1907. Cette multitude de langues glaciaires est majestueuse. Le soleil rayonne comme depuis le début de notre voyage. Les reflets des glaces, passant du blanc pur au bleu turquoise, ravissent nos pupilles et nos appareils photos.
Nous terminons cette superbe journée avec une présentation de Benjamin, notre chef d’expédition, qui nous évoque ses intentions pour demain. Ensuite, Fabrice nous présente les différentes espèces de plantes observées au cours des deux premiers jours de cette croisière. Maxime conclut par une présentation du renne du Svalbard, espèce de cervidé endémique de l’archipel que nous avons observée depuis notre départ de Longyearbyen.
Encore une journée riche en émotions dans le Haut Arctique !
L’Ocean Nova aborde ce 1er juillet devant Torellneset, un promontoire dans le sud-ouest de la Terre du Nord-Est, la seconde plus grande île de l’archipel.
Dominées par les hauts plateaux, les plages de débarquement sont d’anciens fonds marins surélevés par le phénomène d’isostasie ou rebond post-glaciaire causé par la disparition de la glace.
Nous débarquons sur la grève encombrée de bois flottés épars et entamons une marche de deux heures le long de cette péninsule sédimentaire désertique, par endroits recouverte d’une fine couverture de lichens et de mousses. Des os de baleines vieux de plus de 300 ans attirent notre regard.
Nous cheminons vers une échouerie de plus d’une centaine de morses, les mâles à terre et les femelles et petits en majorité dans l’eau. Curieux, ils nous observent un instant avant de faire rapidement abstraction de notre présence silencieuse.
L’Ocean Nova reprend la route de Brasvellbreen, départ d’un front de glace ininterrompu de 160 km, le plus long de l’hémisphère Nord. Les 7 zodiacs sont mis à l’eau et s’approchent du mur blanc, haut d’une trentaine de mètres et parsemé de rivières à débordements.
Un front de glace s’effondre avec fracas.
Nous nous dirigeons ensuite vers une zone d’icebergs à quelques miles de la côte où nous pouvons observer le comportement de ces masses de glace face à la houle venue du large : tintements, gîte, collisions, balancements des icebergs.
La journée se termine par une présentation des spécificités géologiques de la Terre du Nord-Est par Élodie.
Ce matin, nous nous réveillons en face de Kvitøya, l’Île Blanche, au nord-est du Spitzberg à plus de 80° de latitude nord, sous un ciel couvert mais avec une bonne visibilité horizontale. Il fait frais et la mer est formée. Dès notre réveil, notre chef d’expédition nous annonce la présence d’un ours sur l’île, en bord de plage. Nous devions débarquer à Andréeneset, site historique de la fameuse expédition du Suédois Salomon Auguste Andrée, dont Rémi nous parlera plus tard dans l’après-midi. L’ours en aura donc décidé autrement. En ouvrant les yeux, nous réalisons que nous sommes au bout du monde, dans un paysage arctique fantastique, isolé de tout, loin de tout, tels de véritables aventuriers. L’Ocean Nova est le seul bateau présent sur le site à des centaines de kilomètres à la ronde ; nous sommes très chanceux de vivre ces moments uniques. Et quoi de plus unique encore que la « sonnerie » du réveil matinal commune à tous : l’annonce qui vient d’être faite par notre chef d’expédition !
Sans plus attendre, dès la fin du petit-déjeuner, nous voilà tous à bord des zodiacs, agités, secoués et mouillés par la houle, mais tellement excités d’aller à la rencontre de la bête. En arrivant près des côtes de Kvitøya, l’ours était toujours là, et quelques morses batifolaient dans l’eau pour nous accueillir. Quant à l’ours, il s’agissait en fait d’une ourse de bonne taille à la fourrure très claire. Elle longeait la plage à la recherche d’une pitance providentielle, tant il est difficile en cette période de mer libre de glace de trouver son mets de choix, le phoque annelé.
Elle se contentait, sous nos yeux, de manger des algues amassées çà et là le long du rivage. Elle déambulait nonchalamment de manière caractéristique, comme le font les ours blancs qui ne sont pas territoriaux mais se déplacent en permanence sur de très longues distances. En langue inuite, l’ours blanc est d’ailleurs appelé Nanook, le « grand voyageur ». Malgré les conditions de vent et de mer difficiles, une belle lumière et une ourse sereine permettaient une excellente observation qui nous laissait déjà un magnifique souvenir, nos visages humidifiés par les embruns arborant de grands sourires. Des vols d’eiders à duvet saluaient notre départ vers l’Ocean Nova.
De retour au navire, juste avant le déjeuner, un récapitulatif et le programme des heures à venir nous étaient présentés par l’équipe de Grands Espaces, et ce en avance afin de nous laisser le temps pour une sortie éventuelle en début de soirée le long de la banquise. Car oui, c’est toujours en direction du nord que l’Ocean Nova continue sa route, avec comme objectif cette glace de mer et la faune qui pourrait s’y trouver. Au cours du récapitulatif, c’est un duo de Fabrice qui nous parlait des délimitations de l’Arctique (Fabrice J.), de l’ourse observée tôt ce matin et des phénomènes optiques observables sous ces hautes latitudes, tels les parhélies, halos, arcs en brume et mirages froids (Fabrice C.).
En début d’après-midi, nous enrichissions nos connaissances historiques de l’Arctique grâce à la conférence de Rémi sur la rocambolesque expédition de Salomon Auguste Andrée et ses compères Nils Strindberg et Knut Frænkel. Partis à bord du ballon « Örnen » (l’Aigle) le 11 juillet 1897 de Virgohamna dans l’espoir d’atteindre le pôle Nord, ils n’atteindront malheureusement que Kvitøya le 5 octobre où ils décéderont près de trois mois après l’atterrissage forcé de leur aéronef sur la banquise, dès le 14 juillet, et après une survie héroïque. Un monument a été érigé en leur honneur sur Andréeneset.
Dès le début de la conférence de Rémi, nous atteignons la banquise, donc plus tôt que prévu. Aussitôt, un arc en brume se laisse apercevoir, tel un signe de bienvenue dans cet univers glacial extraordinaire.
Les guides gardent leurs yeux rivés aux oculaires de leurs jumelles pour détecter toute présence suspecte sur ces étendues immaculées. Des morses sont rapidement observés, puis quelques phoques barbus. Le brouillard ne se lève pas au cours de l’après-midi ; nous profitons de cette navigation dans des conditions peu favorables pour écouter l’incontournable histoire des baleiniers au Spitzberg, contée par Fabrice J. Rapidement après la découverte du Spitzberg par le Hollandais Willem Barents en 1596 et la découverte de milliers de baleines autour de l’archipel, plusieurs pays se sont lancés dans l’exploitation de cette manne. Ainsi, à partir de 1610, Hollandais, Anglais, Français, Danois et Norvégiens ont affrété des flottes baleinières et envoyé des milliers d’hommes au Spitzberg. C’était la ruée vers l’huile de baleine, le pétrole de l’époque ! L’huile était conditionnée en barils sur place puis envoyée dans toute l’Europe. Elle était utilisée pour l’éclairage urbain principalement, mais de nombreux autres produits dérivés des baleines étaient élaborés (corsets, cosmétiques, etc.). Chaque été, plusieurs milliers de baleines étaient ainsi prélevées. En 1660, cette chasse intensive avait exterminé la quasi-totalité des baleines franches de cette région, mais la chasse perdura plus au large jusqu’au début du XXe siècle.
La brume et la qualité de la banquise ne nous permirent pas l’activité prévue en début de soirée, mais cette navigation entre les plaques de banquise à la quête du roi de l’Arctique nous occupera toute la soirée, un programme de fin de journée avec lequel aucune chaîne de télévision ne peut rivaliser.
Depuis la veille, l’Ocean Nova poursuit sa route vers le Nord, longeant la banquise, habitat immaculé du seigneur de l’Arctique, l’ours polaire. Notre équipe d’expédition a veillé toute la nuit pour repérer sur ces masses d’eau de mer gelée le plantigrade dans son environnement glacé. La présence de phoques barbus confortablement installés sur des plaques constitue un bon indice de sa présence potentielle, ce phoque massif pouvant atteindre 300 kg, représentant une proie appréciée par le plus grand prédateur terrestre qu’est l’ours polaire. Nous les observons avec admiration : leurs grands yeux noirs et leurs visages ornés de longues vibrisses à l’origine de leur nom de « barbu » ne laissent pas paraître de signe de perturbation au sein de cette immensité blanche. Ils sont chez eux, se hissant sur des plaques de glace grâce à leurs longues et solides griffes pour s’y reposer après s’être nourris de petits poissons et crustacés.
Cela n’empêche pas chacun de s’émerveiller devant ce monochrome de blanc et de gris formé par les plaques de banquise flottant sur l’océan Arctique. Pour bon nombre de notre groupe d’explorateurs, ce paysage est une première, parfois attendue depuis des années.
La chaleur des derniers jours associée à l’humidité de ces contrées polaires crée ici et là des bancs de brume, donnant aux crêtes de compression des allures de forteresses mystérieuses. Dans cette ambiance feutrée, l’imagination est à son comble : nous nous retrouvons comme plongés dans un livre d’histoires où chacun est le héros, à la découverte de ces espaces sans limites perceptibles.
Notre sortie du matin en Zodiac nous plonge pleinement dans cette ambiance unique, hors du temps, comme dans une autre réalité. Avec ce plafond de brume, nous voilà enveloppés par le froid mais aussi par le silence, seulement brisé par les clapotis de l’eau de mer éclaboussant les rebords des plaques éparpillées autour de nous. Les couleurs intenses de bleu turquoise, dues aux courtes longueurs d’onde réfléchies par l’eau peu profonde à la limite des plaques, captivent le regard de manière hypnotique. Tous les sens sont sollicités par cette nature brute qui nous entoure, dans ce chaos des hummocks, héritage du chevauchement des plaques sous l’effet des courants.
Un phoque du Groenland est aperçu dans l’eau par certains, reconnaissable à sa robe blanchâtre barrée de noir. D’autres contemplent une nuée furtive de mergules nains, le plus petit des alcidés, caractérisé par son bec court et son vol rapide animé par ses ailes courtes. Ces paysages défilent au gré des slaloms du Zodiac, gravant dans l’esprit de chacun la vision de cette étendue gelée à perte de vue.
Après cette sortie mémorable, nous retrouvons la chaleur du bord et le salon panoramique où nous assistons à la première conférence de la journée, donnée par l’une de nos guides, sur le monde des glaces. Elle présente l’écologie de la banquise et des icebergs, ainsi que leur évolution actuelle en Arctique.
Alors que l’Ocean Nova commence à se dégager des glaces et entame une navigation de 18 heures pour rejoindre le détroit d’Hinlopen, l’après-midi est animé par des conférences passionnantes de notre équipe de guides, avec des récapitulatifs de nos observations des derniers jours, comme celles du morse, le plus grand des pinnipèdes arctiques, et de l’ours polaire, ce grand marcheur, après notre magnifique rencontre de la veille sur Andréeneset, à Kvitoya. D’autres sujets sont abordés, tels que notre navire, l’Ocean Nova, et sa classification glace, ainsi que les enjeux actuels en matière d’énergie et de climat.
Alors que la brume se dissipe durant notre progression vers le Sud, l’Ocean Nova navigue à vive allure pour rejoindre notre prochaine étape, Alkefjellet, la falaise aux Guillemots.
La fatigue se fait sentir après cette journée bien remplie. L’excitation pour la suite du voyage est palpable, et chacun se retire alors que le soleil fait timidement son retour à l’horizon, promettant de belles découvertes à venir.
Nous nous sommes réveillés à côté d’Alkefjellet, la majestueuse falaise à oiseaux. Avec un grand soleil pour nous accompagner, nous sommes partis en croisière en zodiac pour observer les impressionnants 120 000 couples de guillemots de Brünnich, soit 240 000 individus. La falaise de dolérites, parée d’orgues spectaculaires, était envahie par les nuées d’oiseaux, créant une ambiance mystique avec leur incessant ballet de va-et-vient. Nous avons terminé notre excursion par l’observation d’une cascade formée par la fonte de la glace, un spectacle magnifique.
Ensuite, nous avons repris notre route en direction de Palanderbukta. En chemin, nous avons été surpris par la présence d’un ours sur une petite île dans le détroit d’Hinlopen, repéré de loin par Rémi aux jumelles. L’Ocean Nova a dévié de sa route pour nous permettre de l’observer depuis le bateau. L’ours, en quête de nourriture, probablement des œufs de bernaches, de mergules ou d’eiders, se déplaçait sur le flanc de la colline avant de traverser des névés et de disparaître de l’autre côté de la crête. Nous avons alors repris notre route vers notre destination de l’après-midi.
Arrivés à Palanderbukta, nous avons débarqué en zodiac pour une marche près du glacier, avec la chance de monter sur une partie de la calotte. Le soleil était toujours présent, rendant notre exploration encore plus agréable. Nous avons enjambé quelques ruisseaux gelés et admiré des vues à couper le souffle, rendant cette expérience véritablement inoubliable.
La journée s’est conclue par un récapitulatif dans le salon panoramique où le chef d’expédition nous a expliqué les plans des prochains jours. Jean-Marie nous a parlé des guillemots de Brünnich observés le matin et Élodie nous a expliqué la formation des dolérites. Après ce récapitulatif, notre repas nous a été servi sur le pont supérieur de l’Ocean Nova, où nous avons dégusté un barbecue polaire avec une vue imprenable sur la calotte de la Terre du Nord-Est et les glaciers de la baie de Palander. Une soirée parfaite pour une journée remplie de découvertes et d’émerveillements.
Il neige en juillet.
Nous avons navigué toute la nuit et avons en point de mire les Sept Îles, l’archipel le plus septentrional du Svalbard. Nous les atteignons vers 8 h du matin. À 80°40’ de latitude Nord, nous ne sommes qu’à 1 020 km du Pôle Nord. Il neige de temps en temps, et la température est de 1 °C. Le plafond nuageux est bas, mais avec la mer relativement agitée et les nappes de brouillard, cela confère une ambiance mystique, digne de l’image que l’on se fait des premiers explorateurs découvrant ce site.
Nous effectuons une sortie en zodiac pour découvrir les rivages ; le manque de visibilité nous interdit de poser le pied à terre, mais cela ne nous empêche pas d’observer une petite colonie de mouettes tridac-
tyles baignées par une averse de neige. En contrebas, nous apercevons un renard polaire en maraude, toujours à l’affût de la moindre opportunité, en l’occurrence d’une mouette étourdie qu’il se plaira à croquer.
Notre prochaine étape nous amène sur la côte nord de la Terre du Nord-Est. L’équipe de guides profite de cet interlude pour nous présenter un récapitulatif des espèces observées dernièrement, notamment le renard polaire par Rémi et le fulmar polaire par Jean-Marie.
Dans l’après-midi, après avoir retrouvé la banquise, nous gagnons l’un des caps les plus nordiques de la Terre du Nord-Est, Kapp Platen. Le brouillard étant toujours présent, nous ne pouvons toujours pas envisager une randonnée et effectuons une sortie en zodiac au milieu du dédale des plaques de glace. Les oiseaux sont nombreux, parmi lesquels plusieurs membres de la famille des alcidés : guillemots de
Brünnich, guillemots à miroir et mergules nains. Des fulmars boréaux ne manquent également pas de jouer les funambules entre les embarcations. Autre espèce (et autre bonne surprise), un phoque barbu se laisse observer plusieurs minutes, bien installé sur son glaçon.
Nous reprenons la route vers 16 h 30 : une belle navigation nous attend pour gagner le nord-ouest de l’archipel et plus précisément le fjord de Smeerenburg, site qui regroupe plusieurs places historiques, dont l’une d’elles est hautement connue pour son passé de traitement de la graisse des cétacés par des baleiniers.
C’est au cours de ce trajet que Fabrice, notre guide-vétérinaire d’exception, nous présente une passionnante conférence sur l’adaptation des animaux au froid. S’ensuivent le dîner puis la contemplation du nord de l’archipel via cette belle navigation.
Notre terrain de jeu, en ce samedi 6 juillet, se fera dans les fjords emblématiques du Nord-Ouest de l’île principale du Spitzberg. Le Spitzberg, dont le nom signifie « sommets pointus », prend ici toute l’ampleur de sa dénomination. En effet, les paysages sont grandioses, avec des sommets acérés culminant à plusieurs centaines de mètres d’altitude. Nous débutons par une excursion en zodiac sur le front glaciaire de Smeerenburg, un lieu chargé d’histoire où les premiers baleiniers ont établi un village éphémère au début du XVIIe siècle, peu après la découverte de ces côtes par l’explorateur Willem Barentz en 1596.
La rencontre entre la roche cristalline vieille de quelques milliards d’années et la glace est fabuleuse. Le glacier est très scénique ; notre équipe d’expédition nous guide à travers les glaces concassées du front de vêlage. La langue glaciaire est d’un chaos saisissant, avec de nombreux séracs aux mille formes, composant un véritable tableau de textures qui s’offre à nos yeux.
La rencontre avec la faune est omniprésente ; nous avons la chance d’observer les fameux eiders à tête grise, ainsi que plusieurs phoques annelés venus déambuler à la rencontre de nos zodiacs. Le soleil perce agréablement la couche nuageuse pour réchauffer les embarcations durant les derniers instants de cette excursion. Les lumières n’en sont que plus éclatantes ; cette sortie restera sans nul doute l’un des moments forts de notre croisière.
Nous retournons à bord de l’Océan Nova en fin de matinée ; il est temps pour nous de présenter les photos que nous avons prises au cours du voyage à Jean-Marie, qui récompensera les plus beaux clichés dans le cadre du concours photo.
À 14h30, notre équipe d’expédition nous propose une sortie à terre sur le site de Graveneset, dans la baie de la Madeleine. Ce lieu, rempli d’histoire, porte le nom de Sainte-Marie-Madeleine, en l’honneur de l’époque baleinière. Sur ce site, 130 tombes de baleiniers sont regroupées pour un émouvant hommage à ce passé, offrant une véritable carte postale de ces fjords du Nord-Ouest de l’archipel. Nous progressons sur la toundra sous un soleil éclatant. Nous avons le plaisir d’entendre au loin une colonie de mergules nains, surnommés « indians » par nos guides en raison de leurs cris rappelant ceux des peuples autochtones d’Amérique.
La toundra est resplendissante ; ici, la végétation atteint une taille bien plus imposante que la moyenne. Les saxifrages alpins s’élèvent de plusieurs centimètres au-dessus du sol, et que dire des silènes acaules géants et des saules polaires qui atteignent jusqu’à 1 mètre carré à la surface du sol ? Fantastique !
Nous terminons notre marche devant le glacier de Gullybreen, sous des lumières éclatantes. Mais la journée n’est pas encore finie. Le dernier zodiac achève son retour devant un petit groupe de morses, un énorme vêlage précédant l’observation. À ce moment-là, Maxime donne l’alerte générale à la radio. Un ours polaire nage à quelques mètres du groupe de pinnipèdes ! Sûrement réveillé de sa sieste au soleil par la chute d’une immense masse de glace.
Toute l’équipe se mobilise immédiatement ; l’embarquement des passagers se déroule rapidement dans une organisation efficace malgré l’excitation croissante. Pendant ce temps, l’ourse quitte les eaux et se promène sur la côte. Elle grimpe sur une falaise à une centaine de mètres de hauteur, parfaitement visible. La lumière crée un liseré doré magnifique sur les courbes de l’animal, offrant une vision exceptionnelle.
Nous l’observons pendant de longues minutes alors qu’elle se nourrit de végétation, qui est, il est bon de le rappeler, bien plus haute que la moyenne le long de ces côtes. Puis l’ourse nous fait l’honneur de longer la côte en descendant à notre rencontre. Elle va et vient, descend des névés et des faces escarpées, pour finalement atterrir sur la plage que nous suivons. Nous identifions facilement une femelle de belle taille ; notre œil de novice commence à s’aguerrir grâce aux rencontres précédentes.
Elle continue son chemin ; nous commençons à lui laisser l’espace nécessaire pour qu’elle mette à l’eau sans inquiétude. Le mammifère semble légèrement surpris par la puissance de la houle qui s’est levée entre-temps, nous offrant une dernière cabriole remplie de légèreté et d’agilité avant de reprendre sa route à travers les flots. Il est temps pour nous de retourner au navire pour le dîner et de laisser ce seigneur poursuivre son chemin en toute quiétude, pour un souvenir qui restera gravé dans nos mémoires à tout jamais.
Quelle journée sous le soleil polaire, dans cet endroit si caractéristique de l’archipel du Svalbard !
Jour 10 – 7 juillet
L’Océan Nova se réveille au pied du glacier du 14-Juillet, nommé ainsi par le grand scientifique et explorateur princier Albert Ier de Monaco en 1906.
Nous mettons les zodiacs à l’eau afin de reconnaître le terrain et organisons ensuite un débarquement. Nous serpentons le long du rivage, baigné d’un côté par les glaces dérivantes et de l’autre adossé à des falaises abruptes parcourues par des milliers d’oiseaux. C’est en effet un lieu de nidification majeur des mouettes tridactyles. Des rennes paissent calmement et suivent à distance notre groupe. Au loin, le fracas du glacier du 14-Juillet ponctue notre marche.
Ce bord de fjord a la particularité d’être recouvert d’une végétation de toundra abondante, de renoncules et de pavots arctiques. Plus loin, une nichée de labbes parasites se trouve dans les éboulis. Un oiseau veille. Les groupes embarquent ensuite sur les zodiacs afin de longer les falaises parsemées de rochers erratiques. Guillemots, goélands et macareux nichent ici en surplomb de la ligne haute des flots. Sans interruption, ils se relaient au-dessus de nos têtes pour apporter à leur conjoint resté au nid les produits de leur pêche.
L’après-midi est consacré à la découverte du glacier de Lilliehöök, nommé d’après un célèbre explorateur suédois. Malgré les vents catabatiques forcissants et les courants contraires de la marée montante, nous parcourons le front de glace en perpétuel mouvement. La houle bleue au ressac infini engloutit les blocs de glace détachés du glacier. Cette houle à la périodicité courte fait danser les zodiacs.
Nous relions ensuite les zodiacs pour un verre de convivialité puis regagnons le navire. Jean-Marie présente les photos de la croisière, tandis que Mathilde explique l’organisation de la journée à venir. S’ensuit le cocktail du Commandant.
Dernier réveil à bord.
Nous voici au port de Longyearbyen, sous un ciel bleu et un soleil qui nous auront suivi une grande partie du voyage. C’est la fin de cette expédition polaire, au-delà du 81e parallèle. Au plus proche de nos espérances, au plus loin possible dans le nord.
Les animaux et les paysages nous auront accompagnés pour conférer une dimension magique à ce voyage, et c’est le cœur plein et le sourire aux lèvres que nous prenons notre vol à destination d’Oslo. Lors du dernier dîner partagé, les conversations et les souvenirs fusent déjà. Il est temps d’aller se coucher. Notre vol vers Paris nous attend demain matin pour clôturer cette belle aventure arctique.
Suivez nos voyages en cours, grâce aux carnets de voyages rédigés par nos guides.
Messages
Je suis actuellement à l’hôpital, suite à l’obligation d’annuler notre voyage avec vous. Je me régale avec vos commentaires et ainsi participons à distance à toutes ces merveilleuses découvertes, malgré notre grande déception.
Impatients de voir la suite.
Bon voyage à vous tous.
Bonjour Françoise, Jacques, Gérard et Sophie et tous les croisiéristes bien sûr !
Je viens de lire les comptes rendus des premiers jours de voyage sur les carnets de voyage du site qui sont très bien faits et nous font vivre votre expédition avec beaucoup de détails, c’est génial.
Je constate que tout va bien, le soleil semble être au rendez-vous et surtout le splendide spectacle du grand nord. Quelle chance d’avoir pu observer l’ourse ! les rennes, le renard polaire (je ne sais pas si vous l’avez vu), les phoques et les oiseaux ! L’équipage semble très sympa, je vous envie !!! Je suis ravie de pouvoir lire le soir le récit de votre journée. Alors bonne journée demain et profitez bien !
Bisous de Pornic !
Corine, Arnaud et Anna