Christophe Bassous
Arctique et Antarctique
15 mai
24 mai 2022
Christophe Bassous
Arctique et Antarctique
Xavier Allard
Arctique
Certaines photos photos d’illustrations ont été prises lors de précédentes croisières au Spitzberg. Lorsque le voyage sera terminé, nous publierons les photos de la croisière. Le manque de connexion internet nous empêche de recevoir les photos en temps réel.
C’est une nouvelle saison de glaces et d’aventures qui recommence avec notre groupe de 10 passagers, nos 2 guides Christophe et Xavier et Laura, notre nouvelle directrice de croisière. Notre voyage commence à Oslo, puis Tromso et enfin Longyearbyen. Ah ! le Svalbard que nous découvrons déjà depuis le ciel ; ses pics enneigés et les glaciers omniprésents. Ils sont là ! Et même notre premier ours ! Mais oui, c’est celui qui trône dans l’aéroport …. Les bagages aussitôt déposés sur notre bateau, l’Explorer, nous filons visiter la « ville » fondée par monsieur Longyear au début du vingtième siècle. La « ville » à bien changé depuis, et de nouveaux bâtiments voient le jour chaque année. Le supermarché est fort bien achalandé en produits de consommation (au sens propre du terme), et aussi en souvenirs plutôt de bonne qualité.
L’église protestante, toujours ouverte, accueille tout le monde et pas seulement pour les messes. Les vestiges de l’exploitation minière sont encore bien visibles et sont classées comme monuments historiques. Les wagonets qui transportaient le charbon, partaient des différents sites miniers jusqu’au port, sur des câbles supportés par d’immenses poteaux. Le charbon était ensuite déversé sur les bateaux en partance pour le continent. Bien entendu, la rentabilité n’est plus au rendez vous et il ne reste qu’une exploitation russe dans la mine de Barentsburg. Sans doute plus pour très longtemps …
Nous embarquons sur l’Explorer et dès la fin du briefing de sécurité obligatoire, nous larguons les amarres en direction de l’intérieur de l’Isfjord. En effet, nous prenons cette direction car d’une part la glace est très présente dans le nord de l’archipel, et nous avons entendu des histoires … C’est l’heure de diner, et bien entendu, c’est excellent ! Nous mettons l’ancre à l’eau dans la soirée, du côté de Nidedalen. Il se fait tard, et pourtant il fait plein jour ! Rappelons que nous sommes au- dessus de 78 degré de latitude nord.
Nous nous réveillons dans le Billefjord par 78°35N et 16°21E. Il fait beau bien qu’il neige un petit peu, la mer belle et sans ride, et la température est de 3°C.
Bref, un temps à sortir les zodiacs pour notre première équipée vers la glace de fjord qui barre tout l’estuaire. De beaux fulmars nous suivent de très près. Des gros phoques barbus alanguis sur un bout de plaque de glace dérivante se reposent, et nous regardent avec un peu de méfiance au départ, puis se rendorment en rêvant à leurs coquillages. On ne sait pas vraiment qui observe qui.
Encore des vols d’Eiders à duvet toujours aussi splendides, quelques guillemots de Brunnich et quelques Guillemots à miroirs sont déjà dans l’eau. On devine un peu au loin dans la brume, la ville fantôme de Pyramiden. Cette ancienne cité minière russe qui compta plus de 1000 personnes, avec son opéra et sa piscine olympique ! Un endroit extraordinaire à visiter si nous pouvions franchir l’immense barrière de glace de fjord. Celle-ci est uniformément plate, hormis un petit tas de neige qui nous intrigue. Ce tas ne semble pas naturel et n’a rien à faire là. Nous nous approchons … Il y a des traces tout autour … en fait, c’est un petit garde-manger qu’un renard a déposé ici, mais qu’il a
sans doute oublié. Il est temps de rentrer sur l’Explorer pour le déjeuner.
Nous repartons en direction de Skansbukta vers les mines de gypse qui ont été un peu exploitées jadis. Le paysage alentour est majestueux, avec des sommets rocheux en forme de donjon médiéval. Les zodiacs ressortent pour nous déposer à terre, on devrait dire à glace car tout est blanc. Une petite marche est la bienvenue. Nous y croiserons un « éclaté de renne ; je m’explique. Il y a des restes d’un renne, mais tous les restes, éparpillés sur la neige, façon puzzle. On voit très bien, la peau, les 4 sabots, la tête, la colonne vertébrale et les cotes, et les restes. Tout cela a dû être grignoté par un ours il y a peu…
Nous rentrons au bateau pour observer … Et oui, pour voir ce qui nous intéresse au plus haut point, il faut observer. Certains et certaines préfèrent l’observation depuis le jacuzzi. Et de la patience il en faut également. A force d’écarquiller les yeux, on finit par avoir des visions ; ce sont des rennes, encore des rennes, beaucoup de rennes. Et puis une forme lointaine, d’abord toute petite, puis qui grossit. Ce sont deux formes, une petite et une plus grande !
Oui, deux ours ! Tout le monde est appelé pour cette observation des « bestioles » à fourrure blanche. Mais ce n’est pas tout ! Pendant que certains ajustent leurs jumelles, nous avons une
chance, que dis-je, c’est plus que de la chance, c’est la persévérance qui nous gratifie d’un spectacle que personne (en tout cas chez Grands Espaces) n’a encore vu !
L’ourse suivie de son petit ourson sont à la poursuite d’un troupeau de rennes ! L’ourson trébuche, un renne aussi ! Mais pour celui-là, ce sera fatal. Littéralement sous nos yeux, l’ourse accélère de façon foudroyante et abat une de ses pattes sur le malheureux. C’est la fin. Une observation absolument incroyable !
C’est fort dommage pour le renne, mais les deux plantigrades se mettent immédiatement à table, et la proie est consommée très rapidement. Il y a du rouge partout, je passe sur les détails. C’est ensuite l’heure de la sieste pour nos deux ours. Mais ce n’est pas fini. C’est maintenant maman ourse qui allaite son petit. Celui là ne doit pas avoir plus de trois mois. Il boit encore du lait, mais a commencé à gouter à la viande de renne, et visiblement ça lui plait. Quelles observations extraordinaires !
Nous restons à proximité jusqu’à l’heure du diner, mais ces messieurs dames (je parle des ours) décident que la sieste est finie et repartent se balader le long de la plage. Qu’à cela ne tienne, nous ressortons une fois de plus les zodiacs pour une observation formidable, en toute sécurité et à bonne distance.
Il est 22h, il recommence à neiger légèrement … c’est le signal de rentrée. L’Explorer nous attend pour d’autres aventures ….
Ce matin nous nous réveillons dans le Bellsund, plus précisément dans le fjord Van Mijen. Depuis le bateau nous pouvons apercevoir l’ile de Akseloya et le glacier de Fridtjov. La mer est d’huile et le ciel est couvert. Après le « petit point programme » de Xavier, nous nous retrouvons autour d’un copieux petit déjeuner.
Puis, ni une ni deux, nous voilà sur les zodiacs afin d’explorer la côte près du glacier. Nous sommes à l’affut car nous savons que c’est une zone où sont souvent observés des ours … rien que ça ! Les conditions pour la navigation sont idéales, le zodiac glisse sur le miroir d’eau qui reflète les montagnes qui entoure les fjords. Au milieu de la baie se trouve un voilier qui semble tout droit sortie du 17eme siècle, l’époque de la chasse à la baleine. Le silence règne, les moteurs des zodiacs sont coupés, et nous pouvons observer des guillemots à miroir peu farouches ainsi que des vols d’oies à bec court qui traversent le fjord. Un phoque barbu fait également son apparition.
C’est alors que Christophe nous demande de tendre l’oreille, il a entendu un phoque chanter … ce chant mélodieux qui résonne tout bas dans le fjord est en fait une parade amoureuse. Quelle chance nous avons ! Xavier fait glisser l’avant du zodiac sur la glace, et après avoir sérieusement inspecté les lieux, il nous propose un débarquement sur la glace de fjord face à l’impressionnant glacier ! Un par un, nous descendons du zodiac. Nous marchons sur l’eau … Nos premiers pas sont peu assurés, mais nous prenons confiance et commençons une marche vers le fond du fjord. La neige tombe, cela crée une ambiance très particulière et une impression que nous avançons dans un monde en noir et blanc. Seules nos combinaisons jaune fluo nous rappellent que la couleur existe.
De retour sur le zodiac, nous longeons encore un peu la côte. Quelques rennes broutent sur une crête, et des eiders à duvet volent près des côtes. Une très légère houle commence à se former lorsque nous décidons de retourner à bord de l’Explorer. C’était une magnifique sortie !
Le froid nous a ouvert l’appétit. Ça tombe bien, chef Ed nous a préparé un super déjeuner, nous en profitons pour poursuivre la navigation vers le fond du Bellsund. Nous nous arrêtons près de la glace qui bouche le fjord. La, Xavier repère un ours profondément endormi au loin. Il doit être à 500 mètres.
En attendant qu’il se réveille de sa sieste, nous repartons en zodiac pour voir un morse que Xavier a repéré au loin. Décidément, rien ne lui échappe ! Mais pour y arriver nous devons passer dans un dédale de glace. Comme dans un labyrinthe, nous cherchons un passage qui nous mènera à la sortie. Nous l’apercevons enfin sur un morceau de glace, il semble dormir. Mais dès qu’il nous aperçoit, il plonge … nous pensons que nous ne le reverrons pas. Et c’est avec une grande surprise, qu’il réapparait à quelques mètres du zodiac pour regarder se qu’il se passe sur notre embarcation.
C’est un jeune, nous pouvons le savoir grâce a la taille de ses grandes dents qui dépassent de sa gueule. Il ne doit pas nous trouver très menaçant car il reste tout près des zodiacs à faire la planche. Nous restons quelques minutes à observer son numéro de natation synchronisée avant de repartir vers l’Explorer. En chemin nous repassons à côté des morceaux de glace. Xavier et Christophe arrêtent les zodiacs sur une plaque qui leur semble propice au débarquement. Elle ne mesure que quelques mètres de large mais nous pouvons y faire quelque pas. Laura sort alors de son sac une bouteille, et nous propose un apéritif au milieu du fjord. Après une bonne goulée de vodka polonaise, nous sommes bien réchauffés.
Nous repartons sur l’Explorer mais au dernier moment, juste avant de réembarquer, Xavier s’aperçoit que l’ours dormeur est debout et avance sur la banquise de fjord. Nous filons rapidement. En arrivant le long de la glace, l’ours est encore loin. Nous pouvons néanmoins l’observer aux jumelles
en train de déambuler. Il nous semble déjà bien impressionnant malgré la distance. Nous retournons sur l’Explorer, une collation nous est servie afin de nous réchauffer. La navigation reprend, mais notre repos est de courte durée, Xavier a repéré un autre ours ! Celui-ci saute de plaque de glace en plaque de glace. Aux jumelles nous profitons du spectacle et observons l’agilité incroyable de l’ours dans son environnement. Nous pouvons également voir que c’est une femelle.
Les zodiacs sont remis à l’eau. Nous nous rééquipons en vitesse (nous sommes maintenant bien rodés) et traçons vers le plantigrade. Mais, elle avance vite et dans la direction opposée. La distance qui nous sépare ne semble pas lui suffire. Elle n’a pas envie de nous voir. Nous respectons donc sa volonté et rentrons à
bord. Que d’aventures !
Le diner et servi et nous retraçons les différents temps fort de la journée autour d’un bon verre de vin ou d’une bière locale. Après cela, Christophe nous présente une conférence sur l’ours blanc. Nous en apprenons plus sur les habitudes de vie sur cet animal passionnant. Nous allons ensuite nous coucher, fatigués de cette journée palpitante et des souvenirs graves dans la mémoire.
Ce matin après une nuit de navigation nous arrivons dans la baie de la croix sur la terre Albert I. La météo est magnifique, un grand soleil et pas de vent. Nous prenons le petit déjeuner et sortons ensuite sur les ponts extérieurs car nous entrons dans un champ d’icebergs, des petits, des gros, il y en a pour tous les goûts !
Ce matin nous partons pour une sortie en zodiac devant l’un des plus beaux fronts glaciaires du Spitzberg, le glacier de Liliehook bien sûr ! Nous partons en direction de hautes falaises de glace. Nous longeons ce mur et prenons le temps d’apprécier ce paysage à la fois rude et si fragile, les signes de la fonte du glacier sont très visibles.
Sur le trajet nous observons diverses formes dans la glace : ours, tours et dans les icebergs des cygnes, un chou-fleur… ! Ce sont les fameux Tornarsouk, des formes mystiques dans la culture Inuit. Nous continuons notre navigation dans le brash qui crépite à notre passage. Une mouette blanche, le graal de tous les ornithologues, se pose devant nos zodiacs. Puis Christophe nous sort de l’eau un amas gélatineux : c’est du phytoplancton…
Un phoque annelé est également observé non loin de nous, il se prélasse au soleil.Nous filons à vive allure en direction du centre de la baie devant un immense front de glace, puis nous suivons Christophe qui trépigne de nous faire visiter ses ilots rocheux. Il espère qu’ils porteront bientôt son nom car il a fait la demande officielle auprès de l’organisme de cartographie de Monaco.
Nous débarquons pour visiter ces cailloux entourés d’icebergs géants.De là-haut le paysage est magnifique ! Nous terminons notre sortie entre de gros icebergs d’une quinzaine de mètres de hauteur. Après le déjeuner, pas le temps pour la sieste, nos guides nous invitent à partir en zodiac au pied de la falaise aux oiseaux de Cadiopynten.
C’est une falaise de plusieurs centaines de mètres de hauteur où différentes espèces d’oiseaux ont élu domicile. Guillemots, bernache, oies à bec court, goéland, et bien d’autres sont observés. Sur le bord de plage un énorme morse dort paisiblement, nous l’observons faire des mouvements pour se redresser et tenter de nous observer, c’est un beau gros mâle.
Nous partons ensuite de l’autre côté du chenal pour rejoindre le camp Zoé à travers une mer agitée. Nous débarquons sur la plage et partons visiter une ancienne cabane de trappeur. Xavier nous donne quelques explications sur cette période de l’histoire de l’archipel. Puis nous observons deux lagopèdes alpins qui déambulent entre les plaques de glace.
Nous continuons notre balade pour rejoindre un petit sommet et admirer le paysage alentour. Certains s’arrêtent au premier point de vue et observent un renard polaire pendant que l’autre partie du groupe continue sa marche jusqu’en haut de la montagne. De là-haut la vue est incroyable. Sur le retour plusieurs rennes sont observés.
Il est bientôt 18h quand nous arrivons au bateau, Ed le cuisinier nous a préparé un bon boudin. Après le goûter apéritif, Xavier nous propose une présentation générale du Spitzberg dans laquelle différents thèmes sont abordés, afin de nous permettre de mieux comprendre ce lieu. Nous passons à table, et après le dîner nous échangeons nos photos de ces derniers jours avant d’aller nous reposer.
Il est 6h30 du matin. Un réveil « frisquet » avec 0°, par 79°45’N et 16°26’E. La mer est belle, pas de vent, le ciel un peu couvert et la visibilité remarquable. Comme prévu, nous sommes en bordure de
banquise juste en face de l’amer de Klovingen, caractéristique pour les anciens baleiniers Hollandais. C’est aussi notre point de repère pour la navigation dans cette banquise de mer magnifiquement
blanche et presque aussi plate que la banquise de fjord. Tout le nord et l’est de l’archipel est entouré par ces glaces. A cette époque, notre banquise fait plus d’un mètre d’épaisseur. Elle est solide,
compacte, avec de temps à autre des plaques disloquées et des compressions bleutées, une sorte de bleu fluorescent.
Des morses solitaires avachis, quelques phoques se reposent ici où là sur des morceaux de glaçon. D’autres, un peu plus belliqueux (sans aucun doute des jeunes adolescents d’un an ou deux) tentent
de grimper sur un petit bout de banquise. Celle-ci est défendue avec vigueur par une mère et son petit, et surtout avec des coups de défenses. Comme s’il n’y avait pas assez de place ! Certes le
morse est un animal grégaire, mais tout de même ! Et ce qui devait arriver, …. Tout le monde finit à l’eau.
Soudain, un cri à la passerelle ! Xavier et ses yeux de lynx ont repéré un ours qui nage à quelques encablures de notre bateau. Nous l’observons pendant un bon bout de temps jusqu’à ce qu’il
remonte enfin sur la banquise. Il a visiblement un but. Nous sortons les zodiacs pour une approche discrète, mais peine perdue. Il nous a bien repéré et reniflé. Cela n’a pas l’air de le déranger et il poursuit sa route parmi les quelques hummocks. Nous sommes à environ 200 mètres, et l’observation est magique. L’ours est dans son domaine de prédilection, la banquise. Il s’arrête, nous regarde une fois de plus et se lève, se dresse sur ses pattes arrière…. C’est tout simplement extraordinaire. Nous avons juste le temps de faire quelques clichés avant qu’il ne reparte vers son destin….
C’est maintenant un petit rorqual ou baleine de Minck qui est observé plusieurs fois autour de nous. Il est au milieu des plaques de glaces et prend une respiration, puis il plonge pour ressortir en eau
libre. Une sortie de plus, une accélération au dernier moment du zodiac, et nous voilà en train de débarquer sur une solide plaque de glace. Marcher sur l’eau est toujours un moment inoubliable de
la croisière, et ici, les plaques sont particulièrement propices pour cela !
Une carcasse de phoque très récente et particulièrement bien nettoyé attire encore quelques goélands bourgmestres, toujours très opportunistes. À propos des oiseaux, les vols de mergules, entre autres, sont de plus en plus fréquents. On sent bien que le repeuplement de l’archipel est en cours, et cela va très vite. D’ici une semaine il y aura foule sur les falaises et autres éboulis.
Une conférence de Christophe sur les petits animaux des mondes sous-marin, et hop, c’est le temps d’un cocktail aux glaçons multimillénaires du glacier de Liliehook que nous avions « péché » hier
matin.
Nous dinons dans la magnifique Baie de la Madeleine, dans une tranquillité absolue. Enfin, c’est ce que nous croyons depuis notre intérieur douillet. Mais dès que l’on sort sur le pont, c’est un vacarme étonnant qui nous attends, pareil à un fort zéphyr. Ce sont les cris de dizaines de milliers de mergules qui vont et viennent sans arrêt au-dessus de la neige qui recouvre encore leurs éboulis habituels.
Cela ressemble aux vols de nos étourneaux, en plus grand et dans un paysage d’immenses montagnes blanches. Et dans cette immensité, un petit être gambade. Oui, c’est notre petit goupil (Vulpes lagopus, ça fait plus chic) mais celui-ci, c’est un renard bleu, enfin, noir avec des reflets bleutés. On sent bien qu’il meurt d’envie d’attraper au moins un de ces petits mergules qui passent sans arrêt au-dessus de lui en le narguant. Ça doit être extrêmement frustrant … Il y a toujours quelque chose à voir dans les glaces !
Ce matin nous nous réveillons dans le magnifique fjord de la Madeleine, sainte patronne des baleiniers des temps jadis. La température est de 0°C. Le soleil est timide mais la lumière éclaire le fjord et le glacier de Waggonwaybreen. Après un copieux petit déjeuner avec une vue panoramique, nous partons en expédition à bord des zodiacs. Direction le glacier de Gullybreen, un impressionnant mur de glace qui ferme le fond d’une petite baie au sud-ouest du fjord. Nous naviguons entre les plaques de banquise qui s’accumulent, se compressent et forment une grande étendue glacée. Un phoque discret se mêle et se confond aux roches qui émergent de l’eau.
Au loin, les guides ont repéré une colonie de morse. En effet, sur la côte englacée, nous apercevons une tache brune qui contraste avec le blanc de la neige. Nous nous rapprochons, et à la surprise générale, un débarquement est proposé. Nous descendons du zodiac sur la plage et nous nous hissons sur la terre ferme recouverte d’un épais manteau neigeux. Nous commençons notre marche en direction de la colonie, dans une file indienne presque parfaite. Nous nous rapprochons de l’amas de morses et nous commençons à distinguer les différents individus. Ils sont environ une vingtaine, tous entremêlés les uns aux autres. Nous nous arrêtons à trente mètres du groupe. A cette distance, nous pouvons entendre les souffles et les « vocalises » de ces impressionnants mammifères. C’est un moment privilégié que nous vivons. Une telle promiscuité nous permet de vraiment admirer en détail les caractéristiques de cet animal mythique de l’Arctique : ses longues dents, son cuir épais ainsi que les cicatrices qui recouvrent son corps de forme « limaceoïde ». Mais cela nous permet également de sentir l’odeur du groupe … Nous nous serions bien passé de cela. Après plusieurs minutes d’observations remarquables, nous retournons en direction du zodiac dans un silence religieux, encore chamboulés par cette rencontre.
Nous nous dirigeons sur la rive opposée de la baie, afin de faire une marche vers le glacier. La neige est épaisse et nos pas s’enfoncent, cela ralenti notre rythme, nous en profitons pour admirer le paysage. Mais l’effort est récompensé par une vue imprenable sur le glacier. C’est un panoramique à couper le souffle. Le soleil nous réchauffe et nous profitons de la lumière idéale ainsi que le paysage pour un moment de shooting photo. Nous rentrons ensuite sur l’Explorer, ravis des moments uniques que nous avons vécu lors de cette matinée.
La navigation vers l’ile de Danskoya commence pendant que nous déjeunons. Le ciel se grise et recouvre les derniers rayons de soleil. L’équipe nous annonce une autre sortie dans l’après-midi. Notre objectif, une crête surplombant le fjord de Smeerenburg, ou la « ville de la graisse », un endroit tristement connu son passé de chasse a la baleine. Nous sommes prévenus la marche sera compliqué à cause de la neige. Mais c’est sans doute cela, une vraie expédition.
Nous débarquons en bas de la colline, et nous débutons notre ascension, sous quelques flocons de neige. Au milieu de cette étendue blanche, nous avons l’impression de faire du surplace, et de temps en temps, nos bottes se retrouvent recouvertes de neige. Mais encore une fois, cela en vaut le coup. Arrivé à la crête, une vue sur le fjord bloqué par une accumulation de banquise ainsi que sur le glacier Smeerenburgbreen nous fait rapidement oublier l’effort des dernières minutes. Quel spectacle ! Le passage d’un grand labbe et deux bernaches nonettes, comblent les ornithologues du groupe. Le temps se découvre un peu, la lumière évolue et le paysage ne cesse de nous surprendre. La redescente est bien plus aisée que la montée, en quelque foulées nous revoila un niveau de la mer. Nous réembarquons sur le zodiac, mais l’Explorer est encerclé par des plaques de banquises dérivantes. Il doit s’en dégager avant que nous puissions remonter à bord. Cela nous permet d’admirer notre beau navire manœuvrer au milieu de la glace.
De retour à bord, nous somme accueillis par une collation bien méritée. Nous partageons nos photos dans le salon en buvant une boisson chaude. Après un temps libre, Nicole, Bernard et Charles, nous invitent à un apéritif autour d’un verre de pétillant. Nous le sirotons en assistant à la conférence de sur la neige présentée par Xavier. Nous sommes maintenant des experts de la formation de la glace ainsi que la structure des différents types de neige.
Nous repartons vers le sud, la houle est bien formée. Nous dinons aux rythmes des vagues. Après cela, nous restons un peu dans le salon à discuter avec une tisane pour certain ou alors un digestif pour d’autre. Nous avons hâte de découvrir ce que nous réserve la journée de demain et nous allons nous coucher, bercés par la houle.
Comme tous les matins à 7h50 c’est la douce voix de notre guide Xavier qui nous annonce les conditions météo et le programme de la matinée. Après le petit déjeuner, nous partons sous la pluie pour découvrir la baie du 14 juillet, ce matin le temps n’est pas de la partie, mais la visibilité horizontale nous permet d’observer les icebergs de formes diverses et d’un bleu intense. Nous nous approchons du glacier du 14 juillet en zodiac, le mur de glace est très impressionnant, nous le longeons sur toute sa largeur. Environ 2km !
De l’autre côté de la baie nous débarquons sur une minuscule plage entourée de glace et de neige. Nous partons à la file indienne en direction de la moraine latérale du glacier. Durant la marche nous assistons à un vêlage qui libère une grosse quantité de petits glaçons « brash » dans un bruit de tonnerre. Nous prenons rapidement de la hauteur et pouvons découvrir la vue du sommet de la moraine sur toute la baie et le front du glacier…
Le vent se lève, nous continuons notre balade le long de la moraine jusqu’à’ à atteindre un second point de vue sur l’immense front glaciaire. De retour aux zodiacs nous repartons en direction du bateau, sur le chemin nous faisons un dernier arrêt à côté d’un iceberg avec une arche et nous nous amusons à prendre en photos le zodiac à travers l’arche. Un renard est aperçu sur la rive en face du bateau, il gambade.
Durant le déjeuner le bateau part en direction de la baie du Roi et de la base scientifique de Ny Alesund que nous atteignons vers 15h. Nous débarquons sur le petit quai en zodiac et partons visiter cette base internationale dédiée à la recherche scientifique. Après un petit arrêt à la boutique de souvenirs et à l’ancienne poste pour les collectionneurs de tampons, nous continuons la visite de différents bâtiments historiques car ce lieu est chargé d’histoire. Avec jadis les mineurs qui exploitaient le charbon, la baie du roi fut également le point de départ de différentes expéditions polaires. L’une des plus connues est celle d’Amundsen dont reste le mat qui retenait son dirigeable avant qu’il ne parte tenter de conquérir le pôle Nord. L’après midi fut riche d’explications de nos guides sur l’histoire polaire si particulière.Nous terminons notre visite dans le musée polaire qui nous permet, à travers différentes expositions photos, de comprendre encore plus la vie d’autrefois à Ny Alesund.
De retour au bateau à 18h30, nous prenons un peu de temps pour nous reposer. Puis nous reprenons la navigation en direction du glacier de Blomstrand devant lequel nous passerons la nuit bien au calme. La soirée sera animée d’un film historique, la tente rouge, qui retrace l’expédition de secours pour rechercher l’explorateur Nobile et son équipage perdus en dirigeable sur la banquise en direction du pôle nord.
Nous sommes en Baie du Roi face au glacier de Blomstrandbreen, par 79°00’74N et 12°04’35 E . Il neige avec une température extérieure de +6°C. La mer est belle et la visibilité est faible. Nous avons passé une belle nuit à l’abri du mauvais temps et du vent qui soufflait en dehors de la baie. C’est donc une matinée de navigation qui nous attends en direction de St.Jonsfjord, un peu plus au
sud. Nous serons encore à l’abri en naviguant dans le Forlandsundet et en longeant la longue île du Prince Charles.
Deux conférences sont au programme : de l’histoire polaire avec Christophe qui nous raconte la recherche du fameux passage du Nord-Ouest par l’Expédition Franklin en 1845. Une expédition des plus légendaires malgré la disparition des 129 hommes de l’expédition. Ce passage, on l’a cherché pendant quatre cents ans. En vain et au prix d’incroyables sacrifices, humains et matériels. Combien de vaisseaux, de marins, d’explorateurs pris au piège des glaces et des tempêtes du Grand Nord Canadien ? Ceux qui en sont revenus ont découvert, exploré, répertorié bien d’autres rivages inconnus. Mais le passage, ce dédale d’îles et de plus de 1600km de chenaux obstrués par la banquise, restera inviolé jusqu’au début du XXe siècle.
Xavier finira une matinée passionnante, avec l’histoire des Baleiniers au cours des 17 et 18eme siècles. Des aventures extraordinaires, mais aussi des massacres sans nom de centaines de milliers decétacés. L’huile de baleine a fait la richesse des marchants armateurs de cette époque, puis le pétrole est arrivé … Il a sauvé les baleines ! Mais ceci est une autre histoire.
Notre navigation nous mène donc cet après-midi dans le St Jonsfjord, face à la baie de Gjertsenodden. Le temps s’est un peu amélioré et nous sortons les zodiacs pour une balade le long de la banquise de fjord de l’Osbornbreen. Quantité d’Eiders à duvet, des Guillemots de plus en plus nombreux, des rennes qui broutent les petites herbes et lichens qui sortent de la neige, un Phoque annelé en bordure de cette immensité glacée sans relief aucun, mais d’une épaisseur impressionnante ! Nous débarquons sur cette glace solide et splendide en direction d’un iceberg posé un peu plus loin. Mais notre équipée est très vite stoppée par une ligne de fracture que nous ne pouvions voir depuis le bord. La prudence nous dicte de réembarquer sur nos zodiacs.
Puis au loin, vers le fond du fjord, une forme sombre sur une plaque de banquise. Nous nous rapprochons à moteur de velours …. Un très jeune phoque barbu observe notre approche, avec un mélange de curiosité et d’inquiétude. Il ne reste pas seul longtemps. Sa mère sort de l’eau, bien plus imposante, elle doit faire dans les 250- 300kg. Si un ours passait dans les environs …. Moteurs coupés, pas un bruit, le courant nous rapproche sensiblement des deux pinnipèdes. La mère nous hume, nous regarde, nous jauge …Pas d’inquiétude. Et nous assistons à une scène extrêmement touchante avec des animaux de cette taille. C’est le petit qui tête sa mère pendant un bon moment … Enfin, un petit qui avec quelques mois à peine, doit déjà peser 80kg.
Nous sommes tous silencieux ; c’est une observation rare, magique, avec beaucoup d’émotion pour chacun d’entre nous. Les seuls bruits sont les souffles des animaux, les cris de quelques oiseaux et de
temps en temps un clic d’appareil photo. Nous resterons près d’une heure proche des phoques ; la mère ayant décidé que nous n’étions pas une menace, plonge et nous laisse plusieurs fois la garde de
son petit. C’est le courant qui finit par nous éloigner doucement …
Un chocolat chaud et quelques douceurs plus tard, une visite de la salle des machines est organisée pour tout le monde. C’est l’heure du diner, suivi d’un concours général des meilleures photographies
animalières et des paysages que nous avons rencontrés pendant notre croisière. Pas si facile de départager les clichés. Puis nous redémarrons le moteur du bateau et nous voguons à nouveau vers
de nouvelles aventures.
Mouillage à Ymerbukta par 78°14’13N et 13°48’57 E . Temps clair, bonne visibilité, mer d’huile, température de +6°C. Nous avons passé une très belle nuit au calme, et le réveil dans la baie d’Ymerbukta au pied du glacier Esmarkbreen dans une ambiance de sérénité absolue, est absolument divin. Sitôt notre petit déjeuner avalé, nous « zodiaquons » vers la célèbre falaise d’Alkehornet. Nous y débarquons dans la neige et sommes obligés de tailler quelques marches pour accéder au plateau supérieur. Des rennes sont déjà en train de brouter les quelques brins de végétation qui sortent ça et là. Il y a un raffut pas possible dans la falaise.
Des milliers de mouettes tridactyles sont en train de crier. Des milliers de Guillemots de Brunnich passent au-dessus de nous, en formation en V. Il y a des dizaines de Bernaches qui caquètent autour de nous. Il y a aussi des dizaines de Bruants des neiges qui pépient. En fait, c’est une immense volière printanière qui s’offre à nos sens pendant les deux heures que nous passons sur ce terrain. Bien sûr, des tas de traces de renard, et même celles d’un ours, mais point de petit ni de gros animal à fourrure blanche dans les environs.
Pendant le déjeuner, nous changeons de baie pour s’ancrer un peu plus loin à Borebukta. La glace de fjord est omniprésente depuis le glacier, et nous repérons plusieurs phoques et quelques formes
oblongues et foncées. Nous reprenons nos zodiacs pour une sortie le long de la ligne de glace. Un dernier débarquement sur la banquise et nous filons observer les tas de formes brunes et allongées. Evidement ce sont des morses en train de se reposer. Nous les approchons sans faire trop de bruit, et comme de bien entendu, ils ne sont pas du tout intéressés par notre présence. C’est énorme un morse, et c’est moche comme bestiole. Mais c’est attachant et nous restons longtemps à les observer. C’est notre dernière sortie en zodiac dans cette mer entouré de glaces. L’ambiance est feutrée et toujours extraordinaire !
De retour sur le bateau, Xavier nous parle des adaptations au froid de tous ces animaux que nous avons croisé pendant ces dix jours. Oui, c’est une super belle croisière avec des rencontres remarquables (et l’on ne parle pas que des animaux …). Il est maintenant temps de regagner le petit port de Longyearbyen pour notre dernière nuit à bord de l’Explorer. Demain nous serons cette fois ci dans les airs pour revoir ces immensités glacées et pourtant pleines de vie !
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Quelle joie de lire cela ! Des ours en pleine santé, en action, pleins de vie… pourvu que ça dure !
Ce voyage est superbe ( je connais! 😉), bonne continuation à tous et merci pour ces récits et photos !!
😘 à un papa et mon chéri à bord qui se reconnaîtra !
Merci pour ce récit passionnant. C’est un peu comme si nous étions parmi vous… et notre imagination vagabonde..
On entend même le calme ouaté !
Plus spécialement, de gros bisous à Véro et Philippe ! qui réalisent leur rêve tant attendu. Cela nous promet de voir un bel album !