Marianne Duruel
Coordination et Photographie
1 octobre
7 octobre 2014
À bord de l'Amazon Dream, Octobre 2014
Marianne Duruel
Coordination et Photographie
Santarem est notre premier contact avec la vie amazonienne et le sourire de ses habitants. La seconde ville de l’état du Para, après Belém, est complètement tournée vers le fleuve Tapajos. Son port « fourmille » d’une intense activité. Sa position de carrefour à mi-distance entre Manaus et Belém et à la confluence du Tapajos et de l’Amazone en font un lieu naturel de passage et de commerce. Les pêcheurs y convergent, portant sur leur tête de lourdes charges de poissons vers le marché couvert. Au-delà des « célébrités » comme les piranhas et le gigantesque pirarucu ou arapaima, fusent des noms exotiques associés à des poissons non moins exotiques pour nous… Le long des quais, on s’agite autour des charrettes à bras chargées de bananes et des bateaux de passagers aux ponts multicolores sur lesquels flottent dans le vent les tissus bigarrés des hamacs… Mais le marché offre encore d’autres curiosités : les étalages de remèdes traditionnels extraits des plantes médicinales de la forêt. Tous les maux semblent y trouver remèdes… Des monceaux de fruits et légumes exhalent leurs parfums. Nous sommes à nouveau en plein dépaysement par la taille des fruits, les noms, les formes… Partout l’ambiance est chaleureuse, souvent musicale… Nous sommes bien au Brésil !
Puis, la croisière à proprement parler débute en longeant la ligne de contact entre les eaux claires du Tapajos et les eaux limoneuses, dites « blanches » de l’Amazone. Elles tardent à se mélanger. Elles se côtoient, se contournent, s’enroulent en volutes avant de se fondre finalement en un seul courant spectaculaire… Nous bifurquons dans le canal d’Ituqui qui « nous ouvre les portes » d’un monde très étonnant pour nous : celui de la « varzea » (les terres périodiquement inondées en période de hautes eaux) et de ses habitants au rythme de vie si particulier, les cabocles (métis d’Indiens et de Portugais). Leurs maisons sur pilotis ponctuent les berges sur lesquels ils s’affairent entre pêche et activités agricoles. Nos premiers dauphins, toute cette activité et une superbe lumière font que caméras et appareils photos s’activent avec enthousiasme… Bienvenue en Amazonie !
Une nuit étoilée plus tard et après avoir été bercés par les multiples voix de la nuit amazonienne, nous embarquons sur nos petites annexes pour profiter du lever du soleil et de cet univers tout à la fois aquatique et terrestre. Hier, nous avions surtout rencontré des petits dauphins gris, les Sotalies, ici : « Tucuxis »… Ce matin, les Botos, les fameux dauphins de l’Amazone, parfaitement acclimatés à l’eau douce et leur mode de vie entre rios et zones inondées, nous offrent un vrai festival. Occupés, en pleine partie de pêche, certains apparaissent parfois tout près du bateau. C’est un vrai spectacle que de les voir ainsi sortir régulièrement leurs étranges silhouettes rosées tandis que le soleil darde ses premiers rayons. Nous naviguons entre îles et îlots de verdure. Les oiseaux sont nombreux, certains timides et furtifs d’autres beaucoup plus coopératifs comme ce superbe pic ouentou à la belle casquette rouge, quelques petits perroquets vert, des martins pêcheurs, un concert d’ibis Mandore… Certains nous font de vraies sérénades… On s’active un peu partout dans l’agréable température matinale : des pêcheurs relèvent leurs filets, des éleveurs refont leurs clôtures… Un couple de toucans survolent une annexe et des aras passent bruyamment… Puis c’est le retour à bord pour un copieux petit-déjeuner, fort apprécié. Il faut dire que la table de l’Amazon Dream est un plaisir sans cesse renouvelé. Le chef sait si bien marier son savoir-faire à l’exotisme des fruits, poissons… de multiples spécialités brésiliennes qui font la joie de tous…
Nouveau départ : la partie de pêche aux piranhas est joyeuse et finalement nos apprentis pêcheurs s’en sortent fort bien… Même si, globalement, les piranhas ont été très bien nourris… Puis, c’est le départ pour une belle traversée vers le village de Pacoval habité par de souriants descendants d’esclaves noirs. Notre petit périple s’achève au niveau de belles feuilles et fleurs du nénuphar géant Victoria Regia… Décidément, ici tout est géant… Et nous rentrons… Enfin, l’Amazon Dream navigue jusqu’à Monte Alegre où une dernière sortie en bateau nous amène jusqu’au coucher du soleil pour profiter jusqu’au bout de cette belle journée si dépaysante…
Aujourd’hui, changement complet d’univers, nous sommes en secteur de « Terra firma » (terre ferme) dans une région d’élevage extensif. Le paysage est totalement différent. Ici, il fait sec et la végétation est buissonnante et arbustive. Les rares bovins encore présent broutent vraiment les derniers restes de graminées… L’essentiel du cheptel est maintenant parti vers les secteurs d’herbages qui sortent de l’eau.
Mais notre journée est surtout sous le signe de l’histoire. Nous partons en 4X4 vers les montagnes « Serra de la Lune » et « Serra Ireré » pour y découvrir aussi bien les très beaux paysages liés à l’histoire géologique de cette région que son aspect historique humain. En effet, certaines grottes abritent des peintures rupestres datant de 9000 à 12 000 ans. C’est Anna Roosvelt qui a travaillé sur ces sites et fait des fouilles dans cette région dans les années 90.
Les hauteurs volcaniques sont spectaculaires. Le contraste est saisissant entre ces roches sombres et les fines particules noires du sol périphérique, dans un milieu de sable doré et de roches sédimentaires formées sous la mer de Pebas… Sur le premier site, tandis que nous profitons de la vue, retentit le cri puissant et roque d’un singe hurleur. Nous sommes vraiment en Amazonie… Nous pénétrons dans des grottes spacieuses ornées par endroits d’étranges représentations ocre foncé ou jaune orangé réalisées à partir de la roche broyée et donc de pigments minéraux mélangés à… de l’urine. De toute évidence, ça résiste très bien au temps. Du point culminant, il y a une vue imprenable sur le lac de Monte Alegre (92 km de long) et toute la région. Notre dernière étape nous révèle les panneaux de peintures rupestres les plus abouties, bien étranges toutes ces représentations… Nous redescendons vers l’Amazon Dream quand une surprise fort agréable nous attend sous un gigantesque manguier… Un couple de très beaux volatiles, des kamichis cornus, font la joie de certains pendant le retour à notre bord. L’après-midi est consacrée à la navigation. Une bien belle navigation ponctuée de rencontres…
Après une navigation matinale paisible et agréable, nous partons explorer des petits canaux dans un secteur de Varzea au Sud du lac de Monte Alegre. Après la traversée de l’extrémité Sud du lac, nos petites embarcations se faufilent dans de vrais tunnels de verdure. Le niveau de l’eau a bien baissé depuis mon dernier passage. L’atmosphère y est toujours un peu celle des bayous de Louisiane. D’autant que les caïmans sont partout. Des « jacarés » de toutes tailles apparaissent régulièrement au détour d’un méandre. Des très petits spécimens se faufilent dans l’eau rapidement ou préfèrent la stratégie du « je ne bouge pas dont je suis invisible»… Certains beaux représentants restent beaucoup plus calmes et rien ne dépasse de nos bateaux… Cet endroit est vraiment magique ! Un héron coiffé et de nombreux rapaces plus loin, nous rencontrons des quantités de petits bateaux de pêcheurs. C’est si sympathique ces salutations échangées spontanément… Notre trajet nous permet encore de voir de nombreux iguanes, des petits singes écureuils ou Saïmiris et un grand singe hurleur roux… C’est avec appétit que nous faisons honneur à notre excellent déjeuner…
L’Amazon Dream reprend sa navigation vers Santarem. Sur le pont, nous échangeons sur des sujets variés tandis qu’apparaissent les premières structures portuaires et le chassé-croisé des bateaux divers et variés : bateaux de pêcheurs, de passagers, transport de soja et de bois vers Belém, transport de conteneurs et de camions vers Manaus… Après une petite escale pendant laquelle chacun a profité selon son choix, nous continuons vers le canal de Jari pour une belle étape de nature. Le bateau se cale sur une berge pour la nuit. Ce soir, sortie nocturne pour observer les voisins, pas toujours discrets…
Départ à pied pour parcourir un petit secteur de « terra firma » vers le village d’Urucurea, nous débarquons sur une plage de sable blond. Le propriétaire de la pirogue et de la petite maison toute proche est notre guide. Silencieux, nous avançons sur le petit sentier sablonneux. Des lianes courent d’arbres en arbres. La forêt bruisse de toutes parts : insectes, oiseaux dont nous cherchons à discerner la silhouette parmi le dense feuillage, « conversation » au sein d’un groupe de singes écureuils… Et puis les « éclairs » bleu métallique d’un morpho entre les arbres. Le superbe papillon est passé maître dans l’art de se faire remarquer tout en se cachant… L’enfer du photographe ! La balade en forêt est fort agréable. Nous arrivons bientôt au petit village. La vie y est centrée autour de l’école, l’église, la salle des fêtes comme dans tous les villages cabocles de la région. La particularité de cette communauté est l’organisation des femmes en coopérative pour produire et vendre un très bel artisanat de vannerie.
Au retour à bord, nous naviguons vers la pointe de Cururu où le bain est particulièrement agréable. Après cette étape proche de la petite station balnéaire d’Alter de Chao, nous continuons notre route sur le Rio Tapajos vers la réserve de Tapajoara. Notre « port d’attache » est un sublime banc de sable immaculé sur lequel se couche le soleil. Parfait pour les Robinsons que nous sommes !
Aujourd’hui, c’est notre « grande marche » dans la forêt amazonienne. Elle nous permet, au départ de Maguari, de passer d’une forêt secondaire à une forêt primaire, c’est-à-dire non touchée par l’homme. Wilson et nos guides indiens nous expliquent toutes les utilisations possibles de nombreux végétaux : fruits, résine, écorce… La forêt leur fournit vraiment toute une panoplie de possibilités pour répondre aux besoins de la vie quotidienne. Une fois arrivés sur le plateau, la forêt primaire révèle toute sa puissance. Elle présente de très beaux spécimens d’arbres d’essences variées. Ici, c’est bien l’image que l’on se fait de l’Amazonie, même si en réalité elle est multiple et présente divers aspects très différents les uns des autres et tout aussi intéressants. Pour l’heure, des troncs aux contreforts puissants, des allures de cathédrales dans une lumière diffuse, des lianes torsadées, tressées… nous entourent. La forêt se conjugue ici en majuscules…
Après une bonne douche et un excellent déjeuner, le bateau reprend sa navigation vers le lac de Bragança. Tandis que le soleil se couche, une lune pleine parfaite sort de la canopée… Ce soir, les Mundurucus viennent nous chercher pour assister à leur rituel. Quand les pirogues arrivent, les flambeaux, l’éclairage lunaire… Il y a de la magie dans l’air… Bientôt les murmures et les chants de la forêt se mêlent aux chants humains…