François Leloustre
Groenland
28 décembre 2024
3 janvier 2025
François Leloustre
Groenland
Christiane Drieux
Spécialiste Groenland et Culture Inuit
Cette journée de 27 heures commence de très bonne heure devant le superbe et copieux buffet de l’hôtel Clarion. À six heures, nous nous retrouvons tous dans le hall pour une courte marche jusqu’au comptoir d’enregistrement d’AirGreenland. Il faut ensuite passer la sécurité pour enfin embarquer dans le magnifique Airbus rouge « Tuqqaq ».
Cap vers le Groenland. Après un survol de l’Islande, le ciel nous gratifie de spectaculaires palettes de nuances orange, rose, parme et rouge : un enchantement! Bientôt les côtes étincelantes du Groenland apparaissent; glaciers, montagnes aux sommets étincelants, méandres de fjords, calotte glacée à l’infini, un éblouissement de reliefs époustouflants!
Nous sommes en vue de Nuuk et la nouvelle piste, inaugurée il y a un mois se profile au loin. Après un atterrissage tout en douceur, nous pouvons enfin dire: « nous sommes au Groenland! »
La nouvelle aérogare est très lumineuse mais la correspondance pour Ilulissat se fait longtemps attendre. Heureusement, c’est un vol absolument merveilleux à bord du Dash 8 « Navarana » qui nous conduit sans encombre jusqu’à Ilulissat. Le survol de cette côte ouest, de Nuuk à la baie de Disko est sans égal. Le soleil, certes très bas sur l’horizon,( Nuuk est au sud du cercle polaire) illumine les sommets enneigés et les icebergs. L’avion survole de très haut la piste de Kangerlussuaq désormais abandonnée par les vols transatlantiques.
Enfin c’est l’atterrissage à Ilulissat. Les bagages sont vite transbordés dans la navette qui nous dépose à l’hôtel où un lunch nous attend. Nous reprenons la navette pour rejoindre l’Icefiordcenter, le désormais bâtiment emblématique d’Ilulissat, qui est resté ouvert pour nous.
Après cette visite des plus instructives, nous rentrons à pied en passant entre les maisons illuminées de nombreuses guirlandes. Moins 20 degrés, mais nous sommes tous bien équipés « grand froid ». Rendez-vous dans le salon pour le verre d’accueil afin de présenter ce séjour et toutes les activités prévues.
Après un délicieux dîner, nous regagnons nos chambres pour une nuit qui a déjà commencé depuis trois heures sur le continent européen.
Quoi de plus naturel, puisque nous sommes dans la capitale des icebergs, que de débuter notre journée par une conférence au cours de laquelle François nous entraine dans le monde fascinant de la glace, des icebergs et de la neige ! De la théorie à la pratique, à 11 heures nous rejoignons le port pour embarquer sur l’Aleqa Ituk et rejoindre le gigantesque champ d’icebergs du Fjord Kangia, inscrit au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO.
Notre petit bateau se fraie un passage dans le brash, repoussant vaillamment quelques plaques de jeune glace. Bientôt, impassibles dans une douce lumière bleutée, les géants sont là. Des colosses de glace lisse, brillante, striée, nous entourent. Emerveillés par ce spectacle grandiose, varié à l’infini, nous nous faufilons entre eux. Dans la cabine du bateau, du café chaud et des petits gâteaux nous permettent de nous réchauffer un instant avant de repartir sur le pont, appareil photo en main. Nous profitons pleinement de ces instants magiques pour ne revenir déjeuner que vers quinze heures.
Christiane nous fait ensuite parcourir les grands traits des différentes cultures qui ont marqué l’histoire du Groenland : Saqqaq, Dorset, Thuléens.
Il est 17 heures lorsque nous descendons à pied vers le port en empruntant les ruelles enneigées du vieux hameau colonial. Des petites maisons de bois grenat abritaient autrefois des granges à provisions, le cercle des chasseurs (des baleinières dressées contre les murs en témoignent.)
En longeant avec précautions des canots immobilisés dans la glace et en enjambant quelques caisses de poissons gelés, nous goûtons à l’euphorie de marcher dans le port sur la mer gelée. Des pêcheurs nous montrent fièrement leur récolte de la journée : essentiellement de beaux flétans raidis par le gel.
De retour à l’hôtel, François nous invite à porter trois regards sur le Groenland : l’apparition du pays sur les cartes, l’organisation politique et le développement de l’art pictural. Il est déjà l’heure de nous rendre au restaurant panoramique pour le dîner. Mais alors que nous savourons notre dessert tout en partageant nos émotions de la journée, une créature bizarre et effrayante fait irruption. En rampant, grognant, roulant des yeux, la créature vêtue de peau de bête exécute tout autour de chacun d’entre nous, une danse du masque impressionnante. Les motifs et couleurs de son visage bariolé de noir, de rouge et de blanc, représentent le bien et le mal, le sang et les os, l’homme et la femme. Christiane l’invite ensuite à se joindre à nous pour répondre à nos multiples questions.
Après ce délicieux et original diner, le guet aux aurores boréales nous tient en éveil. Encore une journée dense en découvertes, émotions et émerveillements.
Cette dernière journée de l’année commence par un «Kaffemik». Cette tradition groenlandaise consiste, lors d’une naissance, d’un anniversaire , d’une confirmation ou de tout autre événement familial important, à inviter les amis, les voisins, les collègues. Les petits plats sont mis dans les grands. À Qaanaaq ou Siorapaluk, on sert parfois du «kiviak».
Aujourd’hui, c’est Leila qui nous invite. Elle vient nous chercher à 9:00 à l’hôtel pour nous conduire chez elle. Sa grande maison est illuminée. Sa fille, son mari et elle ont préparé des plats typiques: du caribou fumé, du flétan mariné et beaucoup (trop) de bonnes choses. Leila nous montre des vidéos de la pêche sur glace, dans le fjord d’Ilulissat, avec une ligne qui peut dépasser les 800 mètres de longueur. En 2023, ils avaient pêché plus de 10 tonnes de flétan!
Mais il faut rentrer à l’hôtel pour se couvrir davantage car à midi est donné le départ de la course de chiens de traineau. Nous y allons à pied et nous sommes pas les seuls! Des centaines de personnes convergent vers la ligne de départ où les chiens, heureux de pouvoir montrer leur talents, hurlent de toute leur force. Le départ est donné dans l’excitation générale et les équipages disparaissent très vite au loin. Une quinzaine de minutes plus tard, on aperçoit au loin dans un vallon enneigé le futur vainqueur qui sera chaudement applaudi et soulevé dans les airs lui et son traineau tandis que les chiens dévorent ou plutôt gobent la nourriture qui leur est donnée comme récompense. C’est d’ailleurs la méthode utilisée pour stopper les autres équipages. Un sac de croquettes ou de morceaux de phoques ou de flétan leur est jeté juste après la ligne d’arrivée.
Pas de vent, une lumière magnifique, tout était parfait.
Retour à l’hôtel où un plat chaud et copieux nous réconforte grandement. Mais cette journée est loin d’être finie. À trois heures, le musée situé dans la maison natale de Knud Rasmussen nous ouvre spécialement ses portes. Christiane qui n’a pourtant pas participé comme Arnarulunguaq, à la cinquième expédition de Thulé, connait tous les objets exposés et peut expliquer les usages, les traditions, les vêtements, les outils … Le directeur du musée nous emmène ensuite au second musée consacré à l’art et, en particulier, aux peintures d’Emanuel A. Petersen, peintre danois qui a longtemps séjourné à Ilulissat et sa région.
Le froid est-il moins intense ou sommes-nous désormais habitués à la nuit polaire? Le retour à l’hôtel se fait pour beaucoup d’entre-nous par le chemin des écoliers!
Mais à 18:00, c’est l’affluence sur le toit terrasse de l’hôtel pour admirer les aurores boréales que nous promettaient depuis hier les applications dédiées.
François nous propose ensuite un quizz sur les drapeaux qui nous emmène à l’heure du dîner du réveillon.
Des bulles, un cocktail «French 75» puis le chef Daniel vient nous expliquer sa manière d’accommoder et de mettre en valeur les aliments traditionnels groenlandais (crevettes, flétans, caribous …) avec les ingrédients de la cuisine moderne du monde entier. Les papilles sont réjouies! Ce délicieux dîner est interrompu à 21h par le traditionnel feu d’artifice tiré à l’heure danoise. De toutes les maisons d’Ilulissat partent fusées et pétards. Les aurores ont laissé place aux centaines d’explosions multicolores. Mais ce n’était qu’un apéritif car à minuit, heure locale, tout recommence de plus belle et ne veut plus s’arrêter. Ça est, nous sommes en 2025. Bulles et embrassades, nous nous souhaitons tous la bonne année avant de regagner nos chambres et de vite nous endormir.
Le réveil est tout en douceur.
Christiane et François nous ont donné rendez-vous à 10h dans le hall pour une promenade vers l’église de Sion et le club de kayak. Ce matin, nous ne voyons rouler aucune voiture, c’est le calme après cette soirée fantastique. Nous longeons le musée de plein air où sont exposés un umiaq et différents modèles de traineaux. À côté d’une maison de tourbe, la reconstitution des fours où l’on faisait fondre la graisse de baleine, nous rappelle l’histoire de cette région où « sévirent » les baleiniers hollandais avant la bataille navale d’Ilulissat, en 1731, quand les Danois les chassèrent du Groenland.
Dans l’église colorée, un office se déroule au son de l’harmonium et des chants liturgiques. Au bord de l’eau, nous admirons les icebergs qui, très lentement, prennent une teinte rosée. Le soleil, à quelques degrés sous l’horizon pourtant, commence à colorer le ciel et l’île Disko au loin. Après cette déambulation apéritive, c’est un buffet groenlandais qui nous attend au dernier étage de l’hôtel; mattaaq, iqualuk, ammassat, crabe, crevettes, soupe de caribou, ragoût de baleine … etc.
À 13h, Leila vient nous chercher pour nous conduire là où se déroulait, la veille, la course de chiens de traineau. À notre tour de nous laisser emmener par un équipage d’une douzaine de chiens. Il n’y a pas de vent et la température n’est que de moins 11 degrés donc pas de risque de gelures. L’équipée téméraire et joyeuse nous permet de pénétrer davantage dans la culture inuite et de mieux comprendre cette relation homme-chien dont Christiane va nous parler tout à l’heure, à l’hôtel.
À l’issue de cette randonnée, Leila nous offre café, thé, chocolat et gâteaux dans sa cabane posée au milieu de ses chiens. Son mari, Hans, nous convie au dîner des chiens. Il n’a pas de phoque à leur donner, ce sera des croquettes. Les cris, les sauts et quelques grognements sont intenses puis tous ces kimmiq se calment quand chacun est servi!
Nous avons un peu de temps libre avant la conférence de Christiane et nous en profitons pour parcourir les rues d’Ilulissat ou pour retourner vers le port et marcher sur la mer gelée.
19h30, c’est notre dernier dîner groenlandais que nous savourons en nous remémorant déjà toutes ces journées extraordinaires qui resteront gravées et pas seulement sur les mémoires de nos appareils photo.
La journée n’est pas finie; à 21h, Christiane nous invite à regarder le film qu’elle avait réalisé naguère au nord du Nord, chez les Inughuit, les Esquimaux Polaires. Les «Derniers Rois de Thulé» qui continuent, assis dans leur frêle kayak, comme leurs ancêtres, à chasser le narval en lançant un harpon à l’aide d’un propulseur.
Enfin, les dernières recommandations pour demain: le départ. La navette de l’hôtel nous attendra à 9h15 pour nous conduire à l’aéroport d’Illulissat d’où nous nous envolerons, à bord d’un Dash 8, pour Nuuk puis, dans l’Airbus rouge, jusqu’à Copenhague où nous devrions nous poser à 22h heure locale.