Nicolas Hanuise
Biologiste
9 mars
17 mars 2024
Nicolas Hanuise
Biologiste
Après nos vols de France ou de Suisse, nous voici arrivés à Tromsø, ville norvégienne située au-delà du cercle polaire arctique. Nous rejoignons notre navire, l’Explorer, qui nous attend en centre-ville au quai numéro 8. Nous embarquons au fur et à mesure de nos arrivées, en fin d’après-midi, et sommes accueillis par notre guide Nicolas.
La nuit tombe bientôt, les journées sont encore courtes en ce début mars, au-delà de 69° Nord. Après un verre de bienvenue pris en compagnie de Marie, membre de l’équipe Grands Espaces de Grands Espaces, nous passons à table pour notre dîner – du saumon, typiquement norvégien – préparé par le chef Warrel. Fatigués par cette journée de trajet, nous rejoignons ensuite rapidement nos confortables cabines pour une bonne nuit de sommeil.
Après un bon sommeil réparateur, nous nous retrouvons au salon pour le petit-déjeuner. Malgré le temps nuageux et une pluie fine, nous partons découvrir Tromsø, capitale de l’Arctique norvégien. Elena à quant à elle choisi d’effectuer une sortie en traîneau à chiens ! Nicolas nous emmène tout d’abord à la découverte du centre ancien où alternent édifices en bois du XIXe siècle (comme les deux cathédrales : protestante et catholique) et constructions récentes comme la bibliothèque au toit arrondi et aux parois de verre.
Nous empruntons ensuite le pont pour rejoindre la célèbre « cathédrale arctique » dont l’architecture moderne rappelle la forme triangulaire et la couleur blanche des Alpes scandinaves enneigées. Certains empruntent même le téléphérique qui, en quelques minutes les mène 400 mètres plus haut sur les pentes du mont Fløya ! De là, un superbe panorama permet de contempler l’île de Tromsøya, et au-delà les sommets enneigés de Kvaløya.
De retour sur l’Explorer pour déjeuner, nous partons en début d’après-midi vers le Musée Polaire. C’est parti pour une visite au cours de laquelle Nicolas nous parle des baleiniers, phoquiers et trappeurs du Spitzberg, dont le rude travail et les conditions de vie précaires sont clairement expliqués. Il évoque ensuite les nombreuses expéditions de découverte du pôle, pour lesquelles Tromsø fut souvent une étape importante en direction du nord. Ces quelques informations nous donnent envie d’en savoir plus sur certains noms mythiques comme Nansen ou Amundsen.
Direction ensuite le bar de glace, où un décor de sculptures et de fresques glacées nous rappelle l’ambiance des expéditions polaires, autour d’un cocktail à base de camarine noire ! Nous profitons aussi de l’ouverture de la cathédrale protestante à l’occasion du service religieux du dimanche pour y jeter un coup d’œil, avant de rejoindre le bord après quelques derniers achats.
Avant de pouvoir larguer les amarres vers le nord, le second capitaine Antony nous délivre une brève instruction de sécurité. Nicolas nous présente le programme prévisionnel de notre croisière, puis nous fournit les bottes et combinaisons adaptées au climat. Après les avoir essayées, nous voici bientôt parés pour nos premières sorties à pied ou en zodiac, dès demain matin. Après une présentation générale de notre guide sur la Norvège, nous rejoignons nos cabines tandis que bientôt, les lumières de Tromsø s’éloignent derrière nous…
Après une nuit de navigation plutôt calme, nous nous réveillons alors que l’Explorer longe depuis peu les côtes du Finnmark en direction de l’île de Silda.
Au détour de quelques îles apparaissent bientôt les maisons du petit village de Bergsfjord.
Après le petit-déjeuner, nous embarquons en zodiac pour aller le visiter. Quelques dizaines d’habitants seulement vivent ici, mais on y trouve tout de même une petite église, une supérette, une école et une pêcherie en activité. Les bateaux de pêche se succèdent au quai pour débarquer leur cargaison, essentiellement du cabillaud, que les employés vont ensuite traiter. Derrière le quai, filets et têtes de poissons pendent aux différents étages d’un immense séchoir en bois, signe que le séchage à l’air, technique de conservation ancestrale, est toujours utilisé malgré la modernisation de la filière.
Nous croisons quelques habitants, une dame de sortie sur son spark, cette espèce de luge-trottinette typique, ou encore une mère accompagnée de sa jeune fille, l’une des cinq enfants scolarisés à Bergsfjord ! Nous rejoignons ensuite l’Explorer juste à temps pour le déjeuner.
Les exercices militaires de l’OTAN dans la région nous contraignent ensuite à adapter notre programme : l’île de Sørøya et ses petites baies accueillantes nous sont interdites d’accès, et nous empruntons à la place le détroit du Stjernsund qui nous fait passer au sud de l’île de Stjernøya. Le soleil a réussi à percer, et une belle lumière éclaire les sommets enneigés de part et d’autre.
Certains admirent le paysage depuis la chaleur du jacuzzi, tandis que d’autres scrutent les eaux en quête de cétacés, réussissant à apercevoir brièvement quelques orques pressées. Une nouvelle observation à ajouter après les marsouins et le pygargue à queue blanche vus dans la matinée !
Avant dîner, Nicolas nous réunit au salon pour le récap de la journée, puis nous présente une conférence sur l’histoire de la Norvège. Des traces laissées par les premiers occupants des lieux à Alta il y a des millénaires jusqu’à la découverte du pétrole en Mer du Nord à la fin des années 1960, les grandes épopées vikings et l’Union de Kalmar n’ont presque plus de secrets pour nous !
L’Explorer continue sa route vers le Nord et nous passons de nuit devant le terminal méthanier de Melkøya, fortement illuminé à proximité de la ville de Hammerfest. Un peu plus tard, une trouée dans le ciel nuageux nous permet d’apercevoir pendant plusieurs minutes notre première aurore boréale, d’une légère coloration verte sur la voûte céleste.
L’Explorer termine ce matin sa longue navigation vers le nord en entrant dans le détroit qui sépare l’île de Magerøya du continent. Notre destination est Honningsvåg, village de 2.500 habitants. L’activité principale ici est la pêche, comme en témoignent les nombreux bateaux amarrés aux quais de port bien abrité. Une visite de la ville nous permet d’en faire le tour, et d’observer l’église de 1885, seul bâtiment laissé intact après l’évacuation du Finnmark par les Allemands en 1944. En face, dans la cour de l’école, les enfants bien couverts jouent sous la neige et les bourrasques du vent froid venu du nord…
En fin de matinée, c’est par l’intérieur des terres que nous partons en direction du Cap Nord. Un peu plus de trente kilomètres à parcourir en minibus, sur la route sinueuse qui traverse du sud au nord les reliefs de Magerøya. Régulièrement déblayé par les chasse-neige, le trajet n’en demeure pas moins délicat sous la météo polaire du jour, mais le chauffeur local nous conduit sans problème jusqu’à l’extrémité septentrionale de l’Europe. Arrivés là-bas, nous prenons la pose devant le globe symbolique qui marque la fin du continent, et nous contemplons le paysage du haut des plus de 300 mètres de falaise ! Pour nous réchauffer, nous rentrons ensuite dans le bâtiment du Cap Nord où un film et une exposition nous familiarisent avec l’histoire des lieux. Puis il est temps de rentrer à Honningsvåg et d’y retrouver l’Explorer.
L’après-midi est bien entamée, mais il reste encore quelques heures de jour : Nicolas nous emmène en zodiac pour explorer les environs en direction du village de Sarnes et des îles Lille et Store Altsula. Dans la belle lumière déclinante de fin de journée, nous admirons les paysages enneigés de Magerøya et du continent, et observons quelques oiseaux de passage : guillemots à miroir, macreuses et hareldes boréales.
L’Explorer appareille à l’heure du petit-déjeuner, pour une tentative de rejoindre une nouvelle fois le Cap Nord, mais cette fois par la mer ! Malgré de bonnes conditions météo et un vent faible, une houle résiduelle continue à ballotter le navire et nos estomacs… Il va falloir s’accrocher ! Longeant la côte de l’île de Magerøya, nous naviguons au milieu de la flottille de pêche, et nous pouvons observer en passant les pêcheurs qui remontent leurs filets ou leurs lignes chargées de cabillauds. Soudain, c’est l’effervescence à bord : des souffles de cétacés ont été repérés, et nous ne tardons pas à voir aussi les dos et les ailerons de rorquals communs qui se nourrissent entre les bateaux !
Tout en profitant du ballet des baleines, nous continuons notre route vers le Cap Nord, au pied duquel nous nous trouvons bientôt. Ce sont maintenant des centaines d’oiseaux marins qui nous entourent : eiders, guillemots, pingouins, mais aussi deux baleines à bosse qui sondent à quelques encâblures ! Le spectacle est partout, entre le panorama grandiose et la faune qui nous entoure…
Après le Cap Nord officiel, nous passons bientôt la pointe de Knivskjelodden située encore un peu plus au nord, puis prenons la route de la réserve ornithologique des Stappen. Dans quelques semaines, ces trois îles seront recouvertes d’oiseaux mais en cette mi-mars il est encore un peu tôt ; c’est tout de même l’occasion d’observer des hareldes et quelques dizaines de fous de Bassan. Une série de zig-zags entre les îlots rocheux et voici l’Explorer au mouillage dans le havre de Gjesvær.
Après déjeuner, nous débarquons pour une marche dans la toundra voisine de ce petit village de pêcheurs. Le vent permanent a balayé la neige et laisse apparaître entre les névés une végétation de mousses, de lichens et un tapis de camarine noire. La faune est plus rare – un lièvre variable en pelage d’hiver et des harles huppés dans une petite crique – mais ses traces sont nombreuses : crottes de lièvres, de renards, de lagopèdes et de rennes, des plumes éparpillées, quelques squelettes d’oiseaux et un crâne de mustélidé, sans doute celui d’une loutre !
Avant dîner, certains se réchauffent au jacuzzi et au sauna puis nous revenons sur les nombreuses observations animalières de la journée, en particulier celles des oiseaux et des cétacés. Vient l’heure de passer à table, et le plat que nous attendions tous est enfin servi : le chef Warrel nous a préparé à la norvégienne les langues de cabillaud achetées à Bergsfjord… Un vrai régal !
Toute la nuit, l’Explorer a navigué vers le sud pour traverser la zone où continuent des exercices de l’OTAN : le passage est possible, mais l’arrêt interdit. Au petit matin, nous entrons dans le fjord du Kvænangen sous un grand ciel bleu qui ne tarde pas à se couvrir. Nous nous ancrons bientôt dans la petite baie de Reinfjord, et débarquons en zodiac à même une petite plage de cailloux. Nous partons pour une petite randonnée en direction des hauteurs, à travers la forêt de bouleaux et de sorbiers. La neige durcie rend la marche facile, et nous permet d’observer de nombreuses traces d’animaux, lièvres et lagopèdes notamment !
La neige tombe doucement et nous redescendons vers le petit village de quelques maisons. Il ne compte aucun habitant permanent, mais nous rencontrons un père et sa fille venus de Bergsfjord avec le petit ferry qui passe ici trois fois par semaine. Ils nous expliquent avoir ici une résidence secondaire dans laquelle ils viennent passer quelques jours à l’écart du monde et au plus près de la nature. Nicolas nous récupère sur une plage voisine, et nous rejoignons l’Explorer pour déjeuner.
Au programme de l’après-midi, navigation vers le Jøkelfjord tout proche. La visibilité est faible et nous voguons dans une étrange ambiance de bout du monde. Une fois l’Explorer abrité dans une petite baie, nous partons en zodiac vers le fond du fjord en longeant les rives à la recherche de vie animale. Nous observons brièvement un phoque gris qui nage à proximité, puis Nicolas attire notre attention sur une silhouette sombre posée sur un rocher : c’est un pygargue à queue blanche ! Discret, le rapace surveille son environnement et finit par décoller pour aller se poser quelques centaines de mètres plus loin, près d’un autre individu. Les deux forment certainement un couple présent toute l’année sur ce territoire.
Au fond du fjord, un plafond nuageux un peu plus haut nous permet d’observer le majestueux glacier d’Øksfjordjøkelen. Bien qu’en régression, il montre toujours une masse de glace dont les irisations bleutées surplombent les eaux à plus de 1000 mètres ! Nous apprécions en silence ce paysage grandiose avant de revenir vers l’Explorer. A bord, certains profitent du jacuzzi et du sauna avant le récap du soir. Nicolas nous parle des caractéristiques du pygargue, cet aigle pêcheur qui est sans doute l’oiseau le plus impressionnant de la région. Après dîner, surveillons le ciel en quête d’aurores boréales mais les nuages encore présents masquent la lune et les étoiles…
L’Explorer a quitté ce matin le mouillage du Jøkelfjord, et nous nous dirigeons maintenant vers l’île de Spildra, puis vers la petite baie de Valanhamn. C’est là que nous débarquons en zodiac, au niveau d’un petit quai occasionnellement utilisé par la navette qui dessert cette localité isolée. Nous marchons sur l’unique chemin du hameau, couvert de neige. Nous y croisons des skieurs de randonnée, mais il demeure facilement praticable à pied.
Le long du sentier, nous observons les traces fraîches de lièvres et de lagopèdes, et celles, plus anciennes d’élans sortis de la forêt de bouleaux voisine. Nous poursuivons notre promenade jusqu’à une petite plage où la neige et la glace se mêlent au sable, avant de revenir en direction de l’embarcadère et du bateau.
Cap maintenant vers notre prochaine destination : le petit village de Hamnnes sur l’île d’Uløya. Cet ancien comptoir commercial et établissement de pêche est toujours en activité aujourd’hui, et présente la rare particularité de conserver des bâtiments en bois ayant survécu au deuxième conflit mondial. Nicolas nous emmène à la découverte des lieux : anciens entrepôts bâtis directement sur les quais, poissons mis à sécher sur les traditionnels séchoirs, maisons d’habitation peintes en blanc et bâtiments agricoles de couleur rouge…
Nous empruntons ensuite la petite route côtière pour une marche entre mer et forêt. Face à nous, de l’autre côté du large fjord, les sommets des Alpes de Lyngen reflètent la lumière du soleil couchant, au son permanent des vagues qui brisent sur les rochers. De petits groupes de harles huppés sont visibles, ainsi que quelques navires qui passent au loin. De retour au village, nous partons visiter le petit musée d’Hamnnes. Des objets anciens nous replongent dans un autre temps, celui des pêcheurs du début du 20ème siècle, et l’exposition de photos de l’époque nous montre la vie d’antan avec son charme et sa dureté.
De retour à bord, Aris, le mécanicien de l’Explorer, nous propose une visite de la salle des machines après cette journée bien remplie. Nous découvrons avec intérêt le fonctionnement des générateurs, moteurs et autres propulseurs !
Une couche de neige fraîche est tombée pendant la nuit, et nous partons, munis de crampons et de bâtons de marche, pour une excursion sur les sentiers de l’île. Pendant que quelques-uns s’attardent en bord de mer, la majorité prend le chemin des hauteurs ! Nous nous engageons sur un petit chemin qui nous conduit à travers bouleaux et conifères. Perception étrange : nous marchons à pas feutrés au cœur d’une forêt enneigée, et le seul bruit qui nous parvient est celui de la mer, presque invisible, en contrebas. La montagne à la mer, c’est donc ici !
Nous croisons les traces très récentes d’un élan, mais l’animal demeure invisible à nos yeux… Après avoir atteint l’altitude de 225 mètres et profité de la vue sur les Alpes de Lyngen, nous redescendons doucement vers le port en croisant deux groupes de skieurs qui grimpent vers le sommet de l’île, à plus de 1.000 mètres. Après un dernier tour dans les environs du village, et quelques achats à la petite boutique, nous rejoignons l’Explorer pour l’heure du déjeuner.
Après le repas, nous appareillons en direction de Tromsø. Le vent s’est levé et des bourrasques de neige recouvrent le navire. Bien au chaud au salon, nous écoutons Nicolas nous raconter en détail l’expédition menée par Fridtjof Nansen à bord du Fram, volontairement piégé dans les glaces pour tenter d’approcher le Pôle Nord à la fin du XIXe siècle. C’était une autre époque !
Plus tard, une fois passée la pointe de la péninsule de Lyngen et la mer un peu calmée, nous nous retrouvons de nouveau pour une présentation sur les aurores boréales.
Après ça, le vent solaire et la magnétosphère terrestre n’ont (presque) plus de secrets pour nous ! Il est temps de restituer ensuite les bottes, combinaisons et autres accessoires mis à notre disposition.
Avant dîner, un verre de l’amitié nous est servi, nous l’accompagnons de fragments de poisson séché – cabillaud et aiglefin – cette spécialité locale dont l’odeur nous accompagnera longtemps.
Avant l’arrivée, Nicolas nous présente une carte et une sélection de photos de la croisière. Ces images nous permettent de nous remémorer les bons moments vécus et les belles observations faites au cours de la semaine passée : le Cap Nord et ses baleines, Gjesvær et sa toundra ensoleillée, l’ambiance hivernale et neigeuse de Alpes de Lyngen resteront gravés dans nos mémoires !
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