Vincent Lecomte
Écologie Polaire
30 juillet
12 août 2024
Vincent Lecomte
Écologie Polaire
Frédéric Bouvet
Croisières Polaires au Spitzberg
Nicolas Garanger
Antarctique
Alain Desbrosse
Spitzberg
Sophie Tuchscherer
Guide
Jean Robert Couplet
Élodie Marcheteau
Géologie
Ida Joncour
Conseillère voyages et réservation suisse
Certaines photos d’illustrations ont été prises lors de précédents voyages. Lorsque celui-ci sera terminé, nous publierons les photos de la croisière.
C’est à Paris qu’une partie du groupe se retrouve pour débuter ce voyage vers le Grand Nord. En cette fin juillet aux allures de canicule, chacun se réjouit de trouver bientôt un peu de fraîcheur. Mais ne nous y trompons pas, la véritable quête est bien celle de la Nature, de ses paysages, de sa faune, des ambiances propres à ces contrées longtemps inaccessibles et inconnues que sont le Spitzberg et le Nord-Est du Groenland.
Après une nuit à Oslo, le groupe, maintenant au complet, s’envole vers le lieu de départ de cette aventure polaire : Longyearbyen, capitale septentrionale la plus au nord du monde, en survolant les magnifiques îles Lofoten et autres sommets acérés des Alpes de Lyngen.
À notre arrivée, nous sommes chaleureusement accueillis par notre chef d’expédition ainsi que par le reste de notre équipe d’expédition dont nous avons déjà rencontré plusieurs membres depuis le début de notre voyage.
C’est par une visite de l’Adventdalen, la vallée glaciaire dans laquelle Longyearbyen a été fondée au début du XXe siècle, que notre découverte du Spitzberg commence. Cette ville de près de 3 000 habitants fut le point de départ du développement moderne de l’archipel du Svalbard, bien après la période des « baleiniers » qui s’étendit sur pratiquement tout le XVIIe siècle, période d’expansion de l’ère industrielle européenne, consommatrice de l’huile de baleine pour le chauffage et l’éclairage, entre autres usages. C’était l’or noir de l’époque, bientôt remplacé par le charbon, largement exploité au Svalbard à partir de 1917 sur différentes parties de l’archipel. Aujourd’hui, seule une mine fonctionne encore, la mine 7, utilisée majoritairement pour la production locale d’électricité et de chauffage, et une faible portion pour l’exportation vers l’Europe.
L’Adventdalen abrite également la banque mondiale de graines, réserve de semences d’espèces végétales du monde entier, comprenant aujourd’hui plus de 1,2 million d’échantillons stockés à -18 °C à environ 100 mètres de profondeur, garantissant une conservation optimale dans cette partie du pergélisol.
Au cours de la visite en bus de l’Adventdalen, nous pouvons déjà découvrir les premiers représentants de notre séjour sur les bords de route comme les bernaches nonnettes et les eiders à duvet, alors que nous nous dirigeons vers le symbole marquant la limite proche de la route goudronnée : le fameux panneau ours, qui nous rappelle que le seigneur de l’Arctique n’est jamais loin.
Après une visite de l’église luthérienne en surplomb de la vallée, nous profitons d’un temps libre au centre-ville, l’occasion pour certains de faire quelques emplettes, pour d’autres de se dégourdir les jambes avant l’embarquement en fin de journée.
Après notre premier transfert en zodiac, nous voilà à bord de notre résidence attitrée pour les 10 prochains jours : l’Ocean Nova, adapté pour la navigation dans ces eaux arctiques. Les démonstrations de sécurité faites et notre premier dîner dégusté, nous partons dans nos cabines pour un repos bien mérité. La mer est calme, et l’Ocean Nova prend bientôt la route vers le sud du Spitzberg où nous passerons la journée du lendemain.
L’Ocean Nova a terminé sa navigation nocturne et nous voilà arrivés dans le Hornsund, fjord le plus méridional de l’île du Spitzberg. Plus précisément, le navire a mouillé l’ancre à l’entrée de Burgerbukta, un fjord dans le fjord, dans lequel les glaciers de Paierlbreen et de Mühlbacherbreen coulent en vêlant des icebergs de très belle taille. Le temps est splendide et seul un étroit bras de brume reste collé à la rive sud du Hornsund, donnant un aspect légèrement mystique à cet endroit chargé d’histoire.
Première activité de la croisière : une sortie en zodiac le long de la côte ouest de Burgerbukta jusqu’au front de glace de Paierlbreen. Nous commençons par admirer un gigantesque iceberg, qui a même sa propre bédière se déversant dans les eaux glacées du fjord. Nous longeons ensuite la côte et sa succession d’immenses cascades tombant depuis le sommet des escarpements, presque des falaises tant la pente est raide, qui approchent les 1000 m de haut. Tout en admirant au passage nos premiers oiseaux marins : des guillemots à miroir, quelques macareux moines, des mouettes tridactyles posées sur leurs glaçons, des fulmars au ras des flots.
La température chute malgré le soleil : nous sommes parvenus au front de glace. Une mouette blanche nous toise du haut d’un iceberg presque aussi immense que le premier, la glace pétille, les appareils photo cliquettent…
Nous remontons ensuite en sens inverse vers Gnalodden à l’entrée de Burgerbukta pour admirer la falaise de Gnalberget. Une nouvelle mouette blanche virevolte cette fois au-dessus d’un iceberg, se pose, repart, tourne au-dessus de nos têtes… Un beau présage pour une première matinée dans l’Arctique.
L’après-midi, nouvelle excursion de l’autre côté du Hornsund, à Gashamna, pour une marche à la découverte de la toundra, de ruines de fours baleiniers et de gigantesques ossements de baleines lichénifiés. Le site est riche en émotion et très spectaculaire. Des vestiges de pièges à renard arctique complètent le spectacle, rappelant au passage que bien avant de venir admirer la faune de ces îles du bout du monde, l’homme venait surtout pour les massacrer à loisir…
Mais voilà bientôt l’heure de quitter le Spitzberg et l’archipel du Svalbard après cette belle journée introductive aux paysages du Haut Arctique, car une longue navigation attend l’Ocean Nova : direction plein ouest, vers la banquise et le Groenland !
La traversée vers la banquise et la côte se poursuit dans des conditions très favorables. Vent arrière et vagues dans le lit du vent, nous sommes chanceux. Les bonnes conditions de mer nous ont permis de progresser rapidement pendant la nuit et cela va continuer pendant la journée.
Dès le petit-déjeuner, nous avons la chance de croiser un groupe de lagénorhynques à flancs blancs – ou dauphin à flancs blancs – en pleine chasse, qui nous offre des sauts spectaculaires.
Pendant la matinée, nous profitons de deux conférences. L’une à la bibliothèque avec Frédérique, spécialiste en ornithologie, qui nous propose de découvrir les oiseaux présents en Arctique, en particulier au Svalbard et au Groenland. Nous relevons leurs spécificités et également les astuces pour les identifier. Au salon panoramique, notre guide Sophie développe avec précision l’histoire des baleiniers au Svalbard. Elle évoque notamment les différents sites historiques comme celui vu la veille. Nous réalisons à quel point nous avons eu de la chance de découvrir ce site très riche en ossements et en fours. Nous découvrons les techniques utilisées pour chasser les baleines mais également pour les dépecer. Nous évoquons également les utilisations faites des différentes parties de la baleine, ainsi que les conditions de vie, souvent difficiles, de ces marins.
Après le déjeuner, nous profitons d’un temps libre pour échanger, découvrir la passerelle ou encore nous reposer en fonction des envies de chacun. Puis, nous sommes conviés à participer à cinq ateliers thématiques. C’est l’occasion d’en apprendre plus sur différents sujets, en petit groupe, avec des présentations interactives. Nous étudions la cartographie du globe avec les calculs de position, les outils d’aide à la navigation comme la météo, les satellites et les cartes des glaces danoises et norvégiennes, la géologie avec des échantillons de roches, les cétacés avec leurs particularités et également un atelier autour des langues scandinaves pour découvrir la prononciation ainsi que l’étymologie des cartes. Ces heures de discussions intenses et passionnantes avec les guides défilent à toute vitesse et il est déjà l’heure d’aller dîner. Nous prenons toutefois le temps de boire un verre pour célébrer la fête nationale suisse.
Notre chef d’expédition nous annonce que la moitié du parcours vers le Groenland a été effectuée et que nous nous rapprochons de la zone des glaces. Nous sommes tous heureux et impatients d’apercevoir la banquise. En ce début de soirée, la brume a disparu et les fulmars accompagnent notre progression rapide. Nous prenons plaisir à rester sur les ponts pour profiter de ce beau soleil et de la très légère brise. Nous avons l’occasion de repérer quelques souffles de cétacés afin de conclure en beauté cette belle journée de mer.
Terre ! Terre ! Ours ! Ours !
C’est vers la fin de la deuxième journée de navigation dans la brume, alors que nous n’étions plus très loin de notre objectif, l’île Sabine sur la côte est du Groenland, que nous avons commencé à voir des morceaux de banquise et là, miraculeusement, la brume s’est entrouverte et les premiers sommets sont apparus : terre, terre…
Jusque-là, nous avions vécu une journée de navigation riche en conférences sur le réchauffement climatique et la glace, ateliers cartographiques, géologiques, photos ainsi que des conversations entre nouveaux amis autour d’un verre au salon panoramique…
Soudain, il y a de l’excitation dans l’air, on court se vêtir plus chaudement, on sort sur les ponts extérieurs, pour regarder, photographier cette banquise assez lâche qui ondule avec la houle. Puis elle disparaît, ça tombe bien, c’est l’heure du dîner. Elle réapparaît plus dense, alors les guides écourtent leur dîner pour monter à la passerelle avec leurs jumelles chercher les ours. La côte est bien visible maintenant, nous sommes dans la baie de Hochstetter, entre les îles Shannon, au nord, et Sabine, au sud.
La récompense vient vite : Élodie repère un ours, puis très vite, Jean-Robert un deuxième et Vincent un troisième : c’est le « jackpot » ! La salle à manger se vide d’un coup, tous partent admirer ce magnifique animal dans son milieu naturel. Quoi de plus beau qu’un ours sur la banquise ? Notre Ocean Nova s’approche lentement, on le voit bien à l’œil nu maintenant, mais l’observation est quand même bien meilleure avec des jumelles, les appareils photo crépitent. Certains ne sont même pas retournés finir leurs repas.
Nous laissons les ours s’éloigner, mais la soirée n’est pas finie car à 21h50, nous embarquons dans les zodiacs pour voir cette banquise de plus près dans une luminosité subtile. En effet, en traversant la mer du Groenland, nous sommes descendus un peu vers le sud. Nous nous trouvons maintenant en dessous du 75e parallèle et vers 23h, le soleil flirte avec l’horizon nord, ce qui teint le ciel d’une belle lumière orangée. Cette balade entre les plaques de banquise est un moment hors du temps et laisse à tous un souvenir inoubliable : notre arrivée au Groenland est réussie, notre patience a été récompensée.
Samedi 3 août 2024
Terre ! Au large de l’île Shannon, route vers l’île Sabine, Germania Havn, en route vers le Nordfjord.
Cette journée du 3 août a commencé très tôt pour une partie des guides restés en veille ours jusqu’à une heure du matin (trois heures pour notre horloge biologique, compte tenu du décalage horaire une fois arrivés sur cette côte) dans la lumière mordorée d’un soleil de minuit dominant l’horizon d’une petite dizaine de degrés. Dans le septentrion, les reliefs de la côte montent à étages, déformés par le phénomène de mirage caractéristique de ces contrées septentrionales. Aucun ours n’ayant daigné venir inspecter les parages de l’Ocean Nova, nous rejoignons le moelleux de nos couettes, remplis des images de la banquise de fjord disloquée dans laquelle nous avions patrouillé quelques heures auparavant. À 4 heures du matin, le vrombissement de l’hélice nous signifie que notre hôtel flottant a repris la route vers le sud. C’est vers 8 h que nous atteignons la côte sud de l’île Sabine par un vent bien établi de sud-est avec une mer maintenant creusée d’une houle courte d’un bon mètre, mais sous un soleil resplendissant.
L’Ocean Nova se positionne pour nous faire un abri et c’est par une brise arrière de 25 nœuds que nous nous dirigeons vers l’anse de la Germania, petit port naturel parfaitement abrité par cette météo venteuse. Une grande partie de la côte est encombrée de bourguignons agités par une houle assagie par le cap de roches volcaniques. Côté nord, nous découvrons un petit goulet s’ouvrant sur une lagune parfaitement calme, où évolue une belle compagnie de Hareldes boréales, dites aussi Hareldes de Miquelon ou Kakawi pour les habitants de cette île de la côte sud de Terre-Neuve. Les oiseaux sont manifestement en phase de repousse de leurs rémiges, incapables de prendre leur envol. Ils attendront que tout notre groupe se hisse sur les premières hauteurs des plages surélevées pour rejoindre tranquillement le centre de la baie.
Sur le désert glacial caillouteux balayé par les grands vents descendus du pôle et de la calotte, nous ne tardons pas à découvrir cercles de pierres, caches à viandes, ossements divers et variés, témoins de l’époque où les Thuléens, la dernière civilisation paléo-eskimaude, vivaient ici, chassant mammifères marins, oiseaux, bœufs musqués et autres délicatesses locales. Une douelle de tonneau nous rappelle que nous sommes sur le site historique d’hivernage de la Germania, cette expédition allemande de deux bateaux dirigée en 1869-70 par un certain Koldewey. Un peu plus bas, le long de la plage, une petite cabane est l’héritage de la période des trappeurs de fourrure et de la « patrouille des traîneaux » qui s’illustra au cours de la « guerre météorologique » pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle est aujourd’hui parfaitement entretenue et sert de poste de relais aux patrouilles Sirius, corps des gardes du Parc national, héritiers des événements qui se sont déroulés sur cette côte il y a plus de 80 ans. La flore reste ici discrète mais néanmoins riche d’une bonne quinzaine d’espèces plaquées au sol par la rigueur des conditions climatiques qui règnent en maître sur cette côte minérale : saxifrages en touffe, à feuilles opposées, araignée, à œil de bouc, dryade à huit pétales, saule polaire, pédiculaire hirsute, campanule, renouée vivipare et autres petits miracles de l’adaptation de la vie végétale sous ces latitudes impitoyables. Très haut au-dessus de nos têtes, des empilements de soucoupes volantes, les nuages lenticulaires, nous disent que le vent du sud souffle puissamment en altitude. C’est un retour quelque peu humidifié par les embruns mais toujours sous le grand soleil que nous rentrons nous attabler devant le buffet de midi.
Cet après-midi, après la présentation du programme de demain et la détermination des groupes de marche, nous profitons des connaissances de nos conférenciers à bord : baleiniers des premiers siècles de l’exploration de ces côtes, glaces sous leurs différentes formes et origines, banquise, icebergs, brasch et autres bourguignons… Le récapitulatif de la journée s’intéressera aux ours vus dans la banquise, aux fleurs et aux civilisations paléo-eskimos. Les reliefs dentelés de la côte s’enveloppent d’une brume de beau temps tandis que l’Ocean Nova avance à bonne allure sur les flots bleus tout mouchetés des glaces venues du Pôle.
Ce dimanche matin, par un temps somptueux, nous nous trouvons dans le Nordfjord et découvrons la vallée de Broget Dal où est stationné l’Ocean Nova. Au loin, nous apercevons le glacier Waltershausen qui donne les icebergs dérivants dans le fjord. Nous sommes chanceux, le programme annoncé la veille par notre chef d’expédition va se dérouler sous un soleil radieux et un ciel sans nuages. Une belle journée de randonnée nous attend. Trois groupes ont été constitués afin de satisfaire les bons marcheurs mais aussi les adeptes de balade plus tranquille. Une option de croisière en zodiac dans l’après-midi est également proposée à ceux qui ne souhaitent pas s’aventurer à terre.
À 9 h, tous les marcheurs sont prêts à débarquer. Sur la plage, nous nous séparons en deux groupes. Le premier, accompagné par Alain, Fred et Ida, marchera jusqu’à un premier petit lac appelé Lakseoly, tandis que le second marchera beaucoup plus loin jusqu’au lac LaksesØ, accompagné de Vincent, Élodie, Sophie, Solange, Nicolas et Jean-Robert, déjà partis pour sécuriser la zone.
Très rapidement, un bœuf musqué attire l’attention des groupes. Un gros mâle à la houppelande ondulante part au galop, surpris par ce groupe de curieux insolites dans son paysage minéral où quelques touffes de graminées et de saule lui offrent sa pitance quotidienne.
Le bas de la vallée est barré par un énorme verrou glaciaire dont la falaise sert de site de reproduction à quelques goélands bourgmestres. Chaque monticule de l’embouchure de la plaine est surmonté d’un piège à renard, palette de bois surmontée de grosses pierres destinées à écraser l’imprudent goupil polaire à la fourrure immaculée, recherchée par les trappeurs autrefois installés dans Stinberghytte, la petite cabane implantée près du rivage.
Nous admirons ces paysages spectaculaires et apprécions la sérénité de ces lieux. Nous nous trouvons alors face à une falaise de plus de 800 mètres de haut présentant des strates sédimentaires. Comme nous le rappellent nos guides, le Groenland a une histoire géologique qui commence il y a près de 3,8 milliards d’années et qui se poursuit à l’heure actuelle avec le modelé glaciaire.
Nous continuons notre progression jusqu’au premier des deux lacs glaciaires, qui était l’objectif de la marche à la demi-journée. Un couple de Plongeons imbrins apparaît par intermittence à la surface de l’eau, égrenant à intervalles réguliers leur hululement plaintif qui donne toute sa beauté acoustique à ce paysage de gigantesque vallée glaciaire dominée par les roches colorées de la très ancienne chaîne calédonienne.
Trois grands corbeaux, autre animal mythique de ces contrées minérales, prospectent les rives du torrent glaciaire tandis qu’une troupe de bernaches nonnettes attend tranquillement la repousse de leurs rémiges pour entamer la grande migration qui les conduira en Europe du Nord.
Tandis que le premier groupe retourne au bateau pour se restaurer avant de partir dès le début de l’après-midi pour une croisière en zodiac, l’autre groupe continue sa progression. Sophie présente des poils de bœufs musqués et nous vante la qualité de légèreté, de haut pouvoir isolant et calorifique de cette laine encore collectée à la main et qui sert à fabriquer des vêtements chauds. Poursuivant notre chemin, nous surplombons une grande étendue de toundra où nous observons quatre bœufs musqués, dont une femelle et son petit.
Aux alentours de 13 h, nous atteignons le grand lac LaksesØ, d’un bleu tirant sur le turquoise, où nous ferons notre pause déjeuner. Les plus courageux continueront ensuite leur progression pour atteindre l’autre extrémité du lac. Nous avons l’occasion de revoir certaines fleurs arctiques observées la veille, dont l’épilobe à feuilles larges, qui est la fleur emblématique du Groenland. Sur le chemin du retour, nous remarquons une empreinte d’ours sans pouvoir la dater et redoublons de vigilance avant le retour en fin d’après-midi à bord de l’Ocean Nova.
Après s’être restaurés, le groupe avec Alain, Fred et Ida repart à bord de deux zodiacs pour aller observer le front du glacier Waltershausen. Ce dernier occupe tout le fond du Nordfjord, sur une largeur d’une quinzaine de kilomètres. En chemin, nous contemplons l’érosion en nids d’abeilles des grès très fins de toute la côte escarpée du fjord. Waltershausen est un glacier manifestement très calme dont tous les séracs hérissant son dos sont arrondis par la fonte estivale. Son front, d’une trentaine de mètres de haut, s’abaisse dans sa partie centrale, là où une rivière sous-glaciaire vient percuter de son puissant courant, chargé de sédiments bruns, les eaux marines outremer. La confrontation des deux masses d’eau crée un petit mascaret et d’innombrables volutes d’eau colorée. La surface lisse du fleuve est animée d’inquiétants tourbillons dans lesquels un phoque annelé, venu du fjord, vient batifoler un moment dans ce maelström qui, pour lui, constitue son univers familier.
C’est sous un soleil triomphant qui aura illuminé toute notre journée que tout le monde se retrouve à bord de notre havre flottant pour un dîner où toute l’équipe d’hôtellerie nous attend sur son 31. Passé le bien-nommé cap Ovibos, nous embouquons l’entrée du Kaiser François-Joseph, slalomant entre les icebergs géants tout en savourant les préparations culinaires de Floro, notre chef philippin. Le soleil passe progressivement derrière les hauteurs titanesques qui dominent le fjord, laissant la côte sud aux roches bigarrées, dominée par la calotte polaire seule éclairée. Le Teufelschloss, le « château du Diable », nous domine de ses tours hérissées, formidable masse de roche ayant dévalé, dans des temps immémoriaux, le centre de la chaîne calédonienne pour venir échouer ici et marquer l’entrée de ce fjord impérial. Après cette journée bien remplie, nous prenons la direction de nos cabines afin de nous reposer.
C’est dans le fjord de l’empereur François Joseph que commence notre matinée en zodiac, avec en fond de toile le front du glacier de Nordenskiöld où de gros icebergs sont bercés par des vagues prononcées et un vent frais. Le décor, superbe, est fait de montagnes de roches sédimentaires surmontant un socle géologique de deux milliards d’années d’ancienneté, l’un des plus anciens de la planète. Des forces titanesques ont déformé ces dernières il y a plusieurs centaines de milliers d’années, formant dans les strates des lignes, fractures et arabesques aux formes excentriques et insolites. Nous longeons ces falaises ponctuées de cascades dont les hauteurs vertigineuses donnent à nos embarcations un air de jouet et naviguons entre les icebergs dont certains nous impressionnent par leur taille imposante. L’un d’eux se retourne même avec des craquements et grondements, générant une grosse vague. Heureusement, nos guides respectent les distances de sécurité où, dans ces régions hostiles, aucune pratique ne doit être laissée au hasard.
Nous cheminons entre ces géants blancs pour arriver ensuite au pied du front glaciaire qui les a fabriqués : une large ceinture de glace dont la hauteur de 40 à 60 mètres s’offre à nos yeux émerveillés. Ici, le vent est absent, les vagues inexistantes et le silence presque absolu. Celui-ci est d’ailleurs troublé soudain par une grosse détonation alors qu’un vêlage survient juste sous nos yeux : un bloc de glace se détache du glacier, un iceberg est né.
Certains d’entre nous aperçoivent quelques phoques dans les flots et un grand corbeau curieux semble observer nos manœuvres alors que nous rentrons à bord de l’Ocean Nova pour le déjeuner après cette longue sortie revigorante.
Nous avons à peine regagné le bateau qu’une visite survient : les hommes de la patrouille Sirius (les gardes de ce plus grand parc national du monde qui sillonnent des milliers de kilomètres en bateau et en chien de traîneau) montent à bord pour un contrôle officiel. Après l’inspection des armes et des papiers, nous les invitons à se joindre à nous pour le déjeuner. Les trois militaires répondent à nos questions et nous en apprenons plus sur leur vie quotidienne dans ces contrées reculées : leurs missions de 26 mois, dont les hivernages passés dans des cabanes isolées en ces terres inhospitalières, nous fascinent. Quelle vie rude et incroyable !
Après leur départ, nous poursuivons notre navigation vers le bras de mer voisin pour le fjord de Kjerulfs où nous accostons à Paradisdal pour une promenade thématique. Tels les ateliers du bord, nous sommes accueillis par nos guides pour des explications en différents secteurs de ce site. L’un est une cabane de trappeur encore utilisable malgré un confort modeste où pourtant tout est prêt pour accueillir un visiteur : bois dans le poêle, allumettes, sommier et outils. L’autre est constitué des restes bien conservés des derniers habitants de ce site : la population des Inuits de Thulé ayant vécu ici il y a de nombreux siècles, dans leurs maisons semi-enterrées dont la porte d’entrée, la pièce à vivre et les caches à viandes sont encore très visibles. Des outils ont été retrouvés et un passager trouve même d’autres objets, dont une tête de harpon taillée dans de l’os. Nous nous gardons bien de les emporter et laissons sur place ce captivant témoignage du passé. Des ossements de bœuf musqué et une partie de sa dépouille sont aussi présentés par nos guides, avec notamment sa morphologie et des restes de son pelage chaud et doux. Sur les hauteurs, lors d’un arrêt à la vue panoramique, de nouvelles espèces botaniques sont repérées, dont le bouleau nain et des baies de camarine noire et de myrtilles qui feront le régal des animaux d’ici quelques semaines.
Alors que nous longeons le fjord après cette pause pédagogique, nous observons quelques bœufs musqués dont deux individus qui semblent particulièrement agités : ils se toisent et soudain s’affrontent en se percutant frontalement sous nos « oh » de surprise. Un spectacle rare et brutal qui heureusement pour le plus faible se termine vite. Plus loin, un groupe de femelles avec des petits de l’année nous attendrissent et certains observent même un lièvre arctique !
Alors que nous pensions être au bout de nos émotions, le meilleur semble commencer : un cimetière d’icebergs s’offre à nous. En effet, ces énormes mastodontes de glace sont trop volumineux pour dériver et viennent s’échouer contre le fond peu profond où, enclavés, ils finissent leur course ici… d’où le nom de cimetière. La sublime lumière, le ciel bleu tranchant avec le blanc de ces montagnes de glace et les falaises ocres environnantes forment un cadre souverain que nous immortalisons aussi bien sur l’appareil photo que dans nos mémoires. Un moment magique difficilement traduisible… les mots ne suffisent plus, tout est à la contemplation et nous sommes conscients de notre chance incroyable face à tant de merveilles.
Après cette excursion où le temps semble suspendu, nous regagnons le navire et continuons notre route pour une navigation scénique. La beauté de ce pays ne s’arrête-t-elle donc jamais ? Alors que nous dînons, notre progression est couronnée par le passage exceptionnel d’une rareté géologique : Attestupan, les plus hautes falaises côtières du monde dont les 1300 mètres à pic clôturent cette journée placée sous le signe de la somptuosité.
La falaise d’Attestupan a laissé chacun de nous ébloui par la grandeur et la beauté de la nature dans laquelle nous évoluons depuis le début de notre arrivée dans le parc national du Nord-Est du Groenland. Lorsque nous nous réveillons ce matin, sous un ciel bleu ponctué de quelques cumulus, c’est à nouveau un spectacle minéral éblouissant qui attire nos regards : nous nous trouvons dans le fjord de Segalssaskapet, branche latérale du fjord du Roi Oscar, le deuxième plus grand fjord de l’Est du Groenland avec ses 150 kilomètres de long. Ce fjord est mondialement connu pour ses roches colorées du Néoprotérozoïque, témoignage émouvant d’une période géologiquement essentielle de la vie de la Terre, marquée par la réunion des premières croûtes continentales formant le supercontinent Rodinia, à partir de -1,1 milliard d’années.
La première sortie de la journée s’articule autour de cette thématique : la rencontre des roches formées à cette période, quand le Groenland était encore dans l’hémisphère sud, accolé à l’Amérique du Nord, avec un climat chaud et humide, de mer peu profonde. Dans un contexte d’érosion majeure et de précipitation des minéraux issus de la dégradation des chaînes de montagnes dans l’eau de mer, les roches carbonatées se sont formées, parfois colorées par des oxydes de fer à l’origine de leur couleur rosée à rougeâtre. Ces bandes régulières et parfois plissées offrent un spectacle incroyable en bordure de côte, alors que sur la rive en face, le Berzelius Berg, avec ses sommets atteignant 1800 mètres, arbore fièrement ses strates multicolores. Ce paysage qui nous projette plus de 700 millions d’années en arrière est fabuleux, indescriptible : nous marchons sur un ancien supercontinent !
Au gré de notre découverte de ce site exceptionnel, ce sont d’autres périodes de la vie de la Terre que nous pouvons observer et parfois toucher du doigt, comme les stries glaciaires, bien marquées sur les roches en forme de « dos de baleine ». Alors que certains d’entre nous s’attardent sur ces formations rocheuses, remises quasiment à la verticale par l’orogenèse calédonienne il y a plus de 400 millions d’années, d’autres s’aventurent sur les hauteurs pour atteindre un petit lac où des plongeons catmarins et leurs petits sont en train de nicher. Nous verrons également au cours de notre progression des bruants des neiges, des poussins de lagopède alpin, ainsi qu’un grand corbeau. Les roches ne sont pas les seules à colorer le paysage : ici, l’épilobe arctique, fleur emblème du Groenland, peuple les pierriers, qu’elle partage avec la Cassiope tétragone ou encore le saule polaire.
Avant de repartir de cet endroit exceptionnel, quelques courageux plongent dans l’eau de la mer du Groenland, qui en cette période de l’année frôle les 8-9°C. Une expérience qui finit en beauté cette matinée de voyage dans l’histoire de la Terre.
De retour à bord, l’Ocean Nova reprend sa navigation pour s’avancer vers l’intérieur de l’Alpefjord : nous quittons alors cette formation colorée dite du « Supergroupe de la Baie d’Éléonore » pour retrouver des roches magmatiques comme les granites et les gneiss, découpées par la période glaciaire en pics et arêtes. C’est de cette morphologie qu’est tiré le nom même du fjord : Alpefjord, le fjord des Alpes, marquant le début des Alpes de Stauning. Portant le nom du Premier ministre danois qui permit l’exploration de cette partie du Groenland, les Alpes de Stauning sont un massif impressionnant de montagnes pointues culminant à leur plus haut sommet à 2842 m, avec le Dansktinde. C’est dans ce spectacle à couper le souffle que nous partons en croisière en zodiac, pour admirer le front du glacier sur la rive droite du fjord, réunion des langues glaciaires des glaciers Sefstroms et Gullygletscher. Les pics effilés et les grottes de ce front de glacier illustrent bien les pressions subies par l’avancée de ce mastodonte de glace, ainsi que les phénomènes de circulation d’eau et d’équilibre des masses. Très vite, un, puis deux, puis trois phoques barbus sont observés, étendus sur un glaçon en bordure de glacier. Ce pinnipède, pouvant atteindre 300 kg, se repose fréquemment sur ces blocs de glace, se hissant grâce à ses griffes puissantes pour se reposer ou sécher au soleil.
Nous débarquons ensuite sur une moraine pour contempler la vue sur le fond de ce fjord incroyable, en cette fin de journée estivale encore une fois. Le soleil nous a accompagnés toute la journée et éclaire encore l’eau, lui donnant des notes turquoises en cette fin de journée. C’est bientôt le moment de retourner à l’Ocean Nova, où notre chef d’expédition nous présente l’itinéraire des prochains jours.
Le navire continue sa route vers le sud, et nous retrouvons les couleurs du soleil couchant qui nous offrent un spectacle grandiose pendant plusieurs heures, allant de l’oranger au rose fluo. Les yeux remplis de toutes ces merveilles, chacun va se reposer, impatient de découvrir ce que demain nous réserve.
L’Ocean Nova se réveille ce matin dans le Carlsberg Fjord. Notre quota de jours de grand beau temps ayant déjà été largement dépassé, c’est sous un ciel brumeux que démarre notre journée. Nous partons pour une excursion matinale en zodiac vers la rive ouest du fjord. Nous débarquons sur une plage encombrée de petits icebergs et de restes de banquise de fjord, au pied de spectaculaires montagnes dont les roches rougeâtres remontent au Trias, un site où ont notamment été retrouvés des squelettes et des empreintes de dinosaures datant de 200 millions d’années.
Nous ne dénichons pas de fossiles de dinosaures, mais nous avons la chance d’observer de gracieuses empreintes d’une mère ours accompagnée de son petit, ayant traversé la plage du sud au nord. Après avoir profité de ce paysage intemporel, entre pierres colorées et icebergs échoués, nous remontons à bord de nos zodiacs respectifs. Nous glissons le long de la côte, émerveillés par les montagnes de différentes teintes, dans une atmosphère empreinte de mystère.
L’après-midi, le navire est en navigation vers le sud, direction le Scoresby Sund, en longeant par le large les Alpes de Liverpool. C’est l’occasion pour les guides de présenter aux passagers les autres destinations proposées par Grands Espaces et de répondre à toutes nos interrogations. Différents ateliers sont organisés autour de l’Antarctique, du Spitzberg, de la Mongolie, de l’Afrique Australe, de l’Alaska, de l’Islande et de l’Amazonie. Nous profitons de l’expertise des guides pour découvrir plus en profondeur ces différentes régions.
Suite à cela, une série de récapitulatifs est proposée pour revenir en images et en explications sur les observations récentes. Pour commencer, Nicolas nous présente le phoque barbu que nous avons pu observer hier, facilement reconnaissable grâce à ses longues moustaches et son allure gracieuse. Alain nous parle ensuite du phoque annelé, ce petit mais remarquable mammifère marin, identifiable par ses motifs circulaires distinctifs. Le phoque annelé, souvent invisible parmi les glaces flottantes et les eaux froides, est un maître de l’adaptation, capable de survivre et de prospérer dans des conditions extrêmes. Pour finir, Sophie met en lumière un impressionnant herbivore, véritable symbole des âges glaciaires et de la grandeur sauvage des terres arctiques : le bœuf musqué. Avec sa silhouette massive et son manteau laineux, c’est un témoin vivant des temps anciens qui impose le respect.
La journée se termine ensuite en douceur avec un bon repas et des discussions entre amis au salon panoramique.
Notre journée s’ouvre dans le Scoresby Sound, ce vaste labyrinthe de fjords majestueux qui va être notre terrain de jeu aujourd’hui. C’est le plus grand système de fjords au monde, un royaume de glace et de roche où le silence règne en maître. Durant la nuit, nous avons embouqué le détroit, et au réveil, nous terminons notre traversée pour atteindre “Bjorne Oer”, ou l’archipel aux ours. Les montagnes abruptes se dressent, leurs sommets effleurant le ciel, tandis que les icebergs dérivent lentement, sculptures éphémères dans un paysage de pureté brute.
La brume enveloppe les cimes des montagnes tandis que nous embarquons sur nos zodiacs, prêts à sillonner les eaux de l’archipel pour un raid de plus de 17 milles entre les îlots de l’archipel. La faune, rare et précieuse, peuple cet univers, mais elle reste très discrète. Nous pouvons toutefois observer des phalaropes à bec étroit, des eiders, des bécasseaux variables, des goélands bruns, des bourgmestres, des traquets motteux, un phoque annelé et un bœuf musqué.
Nous continuons notre chemin, pénétrant dans une anse paisible, bercés par le flot qui nous pousse doucement, moteurs éteints. Le silence devient alors palpable, interrompu seulement par le clapotis de l’eau contre les parois de notre embarcation. Devant nous, une falaise imposante de grès et de gneiss s’élève, majestueuse, de plus de 300 mètres de falaise verticale, surplombée par des sommets en pain de sucre. Nous restons là, suspendus dans le temps, en communion avec cette nature indomptable. Nous continuons ensuite notre exploration, encerclant des icebergs échoués. Ces géants de glace, figés dans leur exil silencieux, racontent des histoires anciennes. Ils sont magnifiques et imposants, et nous nous sentons minuscules à côté de ces sculptures de la nature.
L’Ocean Nova a contourné pendant ce temps l’archipel et nous le retrouvons dans l’Ofjord. Nous embarquons, et entamons notre route, lente et majestueuse, autour des icebergs monumentaux qui dérivent, détachés des fronts de glace environnants. Ces blocs titanesques, façonnés par le temps et les éléments, dérivent lentement, portés par les courants. La profondeur de plus de 1000 mètres permet d’impressionnants vêlages, où des blocs colossaux de plusieurs centaines de mètres de profondeur se détachent des glaciers.
Nous naviguons tout l’après-midi dans le Scoresby Sund pour apprécier ces paysages grandioses. Afin de respecter notre rendez-vous à Ittoqqortoormiit demain matin, nous faisons demi-tour en fin d’après-midi. Le retour s’amorce dans ce que l’on appelle le cimetière des icebergs, un royaume de géants cristallins détachés du glacier Daugard Jensen. Les lumières de fin de journée transforment le paysage alors que nous contournons des icebergs tabulaires, ces colosses de glace s’étendant sur des centaines de mètres.
À bord, le chef d’expédition rassemble tout le monde pour un récapitulatif fascinant sur le peuplement du Scoresby Sound, puis une préparation pour l’escale à Ittoqqortoormiit demain matin, en nous expliquant les règles de l’AECO (Association of Arctic Expedition Cruise Operators) et les informations pratiques. Ensuite, Jean-Robert nous captive avec une présentation de la Légendaire Patrouille Sirius, ces gardiens du Parc National du Nord-Est du Groenland, qui nous ont rendu une visite de courtoisie à bord quelques jours auparavant.
La soirée se clôture en apothéose avec une coupe de champagne sur le pont extérieur du bateau, que nous partageons tout en contemplant, émerveillés, les paysages grandioses. Le monde autour de nous semble s’arrêter un instant, suspendu entre rêve et réalité, alors que nous portons un toast à ce voyage fabuleux.
Après cette merveilleuse navigation crépusculaire hier parmi les fabuleux icebergs du fjord du Nord-Ouest et de son glacier Daugaard-Jensen, nous nous réveillons sous un ciel bas et un crachin tenace, en vue de l’une des communautés humaines les plus isolées du monde : Ittoqqortoormiit.
Ce temps pluvieux ne suffit pas à décourager les passagers de l’Ocean Nova, qui débarquent vers 9h dans ce village de moins de 400 habitants Inuits. Il fut créé de toutes pièces en 1925 par Ejnar Mikkelsen, un explorateur danois important de l’Est du Groenland, qui en fut le gouverneur de 1933 à 1950. On y implanta 70 colons Inuits originaires de l’île d’Ammassalik, située à plus de 800 km au sud-ouest, pour renforcer l’autorité du Danemark face aux prétentions norvégiennes sur ce territoire, fondées sur une forte présence de trappeurs norvégiens sur la côte. Les Inuits ne se firent pas prier pour s’installer dans le Scoresby Sund, car c’était une région très giboyeuse, et Jean-Baptiste Charcot participa à cette installation.
Nous nous dispersâmes ensuite rapidement à la recherche des différents points d’intérêt offerts en ces lieux, mais pas sans avoir fait une halte dans la charmante petite église, illuminée pour notre passage et surtout bien chauffée, ce qui nous permit de nous sécher après un transit en zodiac un peu mouvementé. Nous profitons de cette halte dans le village pour envoyer des cartes postales à nos proches et faisons des paris sur la durée qu’elles prendront à arriver. Nous aurons la joie, à notre retour, peut-être d’ici quelques semaines ou d’ici quelques mois, de recevoir ces lettres envoyées du bout du monde.
C’est peu après 11 heures que les premiers passagers, refroidis par la pluie, rentrent à bord du navire, mais d’autres continuent leurs explorations jusqu’à la fin de la matinée : l’héliport et le cimetière pour les points de vue, la plaque à la mémoire de Charcot et le monument en hommage à Ejnar Mikkelsen, le fondateur de la « ville ».
Dès le retour à bord des derniers passagers et de l’équipe de guides, l’Ocean Nova lève l’ancre et met le cap sur l’Islande. Nous avons la chance de partager le déjeuner avec nos guides, ce qui nous permet d’en apprendre davantage sur leur parcours et de poser toutes les questions que nous avons en tête.
Après un temps calme, de repos pour certains et de lecture pour d’autres, nous assistons à une conférence passionnante sur l’ours polaire, puis à un récapitulatif sur les icebergs tabulaires et sur l’origine du mot « arctique ». Une fois l’apéritif pris au salon panoramique, où déjà pointe la nostalgie de quitter le Groenland et de devoir bientôt dire au revoir à nos nouveaux amis, nous partons déguster notre excellent dîner.
Nous nous réveillons bercés par une petite brise de nordet sur une mer calme dans ces parages tant redoutés des pêcheurs islandais. Le détroit du Danemark ne sera pas à la hauteur de sa terrible réputation, pour notre plus grand bonheur. Les fulmars nous suivent de leur vol plané sur l’immensité de l’océan. Puis, les oiseaux marins se font nettement plus nombreux à la surface de l’eau : mouettes tridactyles, guillemots de Brünnich, macareux, fous de Bassan, puffins majeurs et fuligineux venus passer l’hiver austral dans notre été boréal depuis leur lointain archipel de Tristan da Cunha, en plein cœur de l’Atlantique sud. Rapidement, les cris retentissent dans la salle du petit-déjeuner : « Souffles, souffles !! » Une passagère a repéré la première baleine, et bientôt une bonne dizaine de panaches vaporeux s’élèvent au-dessus de la surface. Le capitaine Barrios prend les commandes de la manœuvre, fait exécuter à son navire un rapide demi-tour qui nous ramène à proximité des Léviathans occupés à engouffrer les tonnes de krill qui doivent grouiller sous la surface de l’eau. L’espèce est rapidement identifiée : il s’agit de baleines à bosse, bien reconnaissables à leur aileron dorsal en forme de mamelon. Elles plongent régulièrement, exposant leur large nageoire caudale pour la plus grande joie de tous les passagers répartis sur les coursives et la plage avant du salon panoramique. Nous les suivrons un bon moment avant de les laisser à leur festin marin.
Suite à toutes ces émotions de joie et d’émerveillement, nous reprenons le cours de la matinée et les conférences s’enchaînent : d’abord la deuxième partie de la conférence sur le dérèglement climatique et ses causes anthropiques par Vincent, puis une présentation détaillée de l’Islande avec Sophie et Élodie.
Après le déjeuner, le programme des conférences reprend, interrompu par les tâches matérielles : retour des bottes, paiement des notes du bar et autres détails accessoires. En fin d’après-midi, nous découvrons avec bonheur et nostalgie le résumé en images du voyage, ainsi que les vidéos au drone tournées et montées par Jean-Robert. Notre chef d’expédition nous offre également son dernier discours, plein d’humour. Alors que nous levons nos verres pour le toast porté au capitaine, un petit groupe de dauphins fait irruption sur le flanc du bateau, dans une mer maintenant bien agitée par une bonne brise d’Est. Leurs grands ailerons déchirent les vagues déferlantes ; les animaux viennent rapidement courser l’étrave de l’Ocean Nova, montrant les marques distinctives des lagénorhynques à dos blanc, un gros dauphin caractéristique de ces eaux glaciales de l’Atlantique nord. Après une série de sauts devant l’étrave, ils repartiront dans les profondeurs océaniques. Quelle belle façon de finir cette croisière !
Au dîner, par une mer bien formée et un vent couchant sur le flanc tribord du bateau, nous apercevons les premières terres de l’Islande et son cap Horn, la pointe extrême nord de cette grande île à cheval sur la dorsale atlantique. C’est aux alentours de 23h00 que nous traversons la ligne mythique du cercle polaire qui tangente l’île volcanique, prétexte aux dernières libations au bar et belle conclusion à une traversée qui aura été des plus confortables et riche en belles observations pélagiques.
Le décor ce matin est étonnamment verdoyant : nous sommes arrivés en Islande et l’Ocean Nova est amarré dans le somptueux fjord d’Isafjörđur dont les falaises sont recouvertes d’une mousse d’un vert profond qui contraste avec le blanc et bleu de ces derniers jours.
C’est à regret que nous débarquons de notre cher navire mais le voyage n’est pas fini et nous partons en car pour notre trajet vers la capitale Reykjavik, accompagnés d’un superbe paysage. Les montagnes de basalte érodées aux formes noires en escalier donnent une allure dramatique au décor de cette région reculée des fjords de l’ouest.
Nous nous arrêtons un premier temps à un observatoire naturel où la marée basse laisse une langue de littoral couverte de varech où une trentaine de phoques communs se prélassent sur les rochers : leur position en forme de « banane » nous fait bien sourire et nous les regardons un moment aux jumelles avant de continuer notre route le long du superbe littoral. De nombreux oiseaux sont aussi observés : fuligules morillons, mouettes, eiders, plongeon catmarins, cygnes chanteurs, huîtriers-pie, chevalier gambette et même un faucon !
Après une pause bienvenue, nous poursuivons dans un décor quelque peu différent où des arbres d’une taille digne de ce nom et des corps de fermes isolés ponctuent de grandes étendues de prairies et de champs où paissent de nombreux moutons, héritage du temps viking. Certains agneaux, déjà grands et à la laine abondante, tètent encore leur mère et gambadent dans ces grandes étendues. Ils côtoient de petits groupes de chevaux dont des poulains, crinière au vent. Nos guides nous parlent de ce magnifique pays, abordant tous les sujets qui nous intriguent : histoire, géographie, faune mais aussi géologie; l’Islande en étant un fabuleux exemple bien que largement plus jeune que son vieux voisin le Groenland. Et c’est avec une synchronisation presque parfaite que nous arrivons vers un énorme champ de lave, couronné du cratère Grábrok qui en est à l’origine, parfait exemple des beautés que peut générer la nature en colère. Un petit cours de géologie sur les différents volcans et leurs éruptions nous est proposé alors que nous continuons notre cheminement dans ce cadre grandiose.
Soudain, un renard arctique est observé et nous sommes surpris de sa couleur : c’est un isatis, un morphe assez rare dont le bleu gris est nettement distingué malgré notre allure.
Nous retrouvons la zone côtière près d’Akranes où est abordé un chapitre sur la pêche mais aussi sur la fin tragique du Pourquoi Pas ?, le navire du commandant Charcot qui finira ses jours ici lors d’une terrible tempête dont l’histoire nous est narrée, toujours sur fond de fjord et de montagnes embrumées.
Et comme l’illustre si bien le proverbe islandais : « si tu n’aimes pas la météo, attends cinq minutes », les nuages font place à des rayons de soleil, éclipsés par une fine bruine qui fait à nouveau place à un ciel clément. Celui-ci se maintient alors que nous descendons au centre-ville de Reykjavik pour un temps libre après avoir eu, grâce à un léger temps d’avance, un arrêt à l’imposante église de Hallgrímskirkja dont la forme caractéristique est un symbole de la capitale.
Nous profitons de quelques heures de liberté pour visiter le centre et ses points d’intérêts principaux, monuments, musées et autres édifices. D’aucuns profitent du marché aux puces où des articles typiquement islandais sont proposés et d’autres préfèrent simplement flâner dans le vieux port ou dans les ruelles de la vieille ville. Nous nous retrouvons à Harpa, le centre de musique et des congrès, ce bâtiment original dont les formes géométriques inédites ne nous laissent pas indifférents. Puis nous sommes conduits à notre hôtel où après un petit temps d’installation, nous nous retrouvons tous en compagnie de nos guides pour le dernier repas tous réunis. Nous échangeons encore longuement et dans la bonne humeur sur ce fabuleux voyage que nous avons eu la chance de faire en si bonne compagnie et sous une météo étonnement favorable dans ces terres de rêves… c’est sûr, nous en avons gardé l’envie de revenir !
Suivez nos voyages en cours, grâce aux carnets de voyages rédigés par nos guides.
Messages
Coucou les deux Belges Marie-Christine et Anne-Marie, on vous suit quotidiennement via le carnet de voyage, on espères que les ours polaire seront au rendez-vous prochainement ! profitez un maximum de votre voyage.
Ps: Anne-Marie on voit sur les photos que tu as une belle veste 🙂 🙂
Gros Bisous de nous 4 !!
Sébastien, Sylvie.
Coucou petit pingouin . Ça y est c est la grande aventure. Profitez en bien. Pensons bien à vous.
Gros bisous à toutes les deux
Ton petit pingouin et sa moitié 🤭🤭🤭
Merci, Nickie, pour les photos si rafraîchissantes et le bleu si pur du ciel !
Coucou Emilia… Nous pouvons lire que tout se passe bien. En lisant les reportages, nous nous cultivons également, c’est chouette. Te connaissant, tu ne dois pas avoir assez de tes yeux… Profite bien de ce superbe spectacle. Nous t’envoyons de gros, gros bisous. 😘
Philippe et Patricia
Bonjour mon petit pingouin. Nous suivons attentivement la progression de cette croisière qui présente beaucoup de belles choses et d émotions, notamment avec les dauphins. Ça promet pour la suite.
Pensons bien à vous
Gros bisous
Ton petit pingouin et sa moitié 😘😘
Coucou Emilia,
WAOW!!! Tu dois en prendre plein la vue 🙂
Hâte que tu nous racontes ton périple en « live ».
D’ici là, profite pleinement de ce voyage de rêve !!
à très vite.
Gros bisous
Géraldine
Ps : Valère et Lillo te font également un très gros bisous
Coucou les filles, vous arrivez tout doucement à la fin de votre voyage, nous suivons tous les jours vos aventures, profitez en un maximum, prenez en plein les yeux ! gros bisous à vous deux de nous 4.
Sylvie, Sébastien, Bony et Skye.