Élodie Marcheteau
Géologie
7 mars
15 mars 2024
Élodie Marcheteau
Géologie
Nicolas Fuzeaux
Islande
Certaines photos d’illustrations ont été prises lors de précédents voyages. Lorsque celui-ci sera terminé, nous publierons les photos de la croisière.
L’aéroport de Keflavik étant très petit, nous nous retrouvons tous très facilement et rejoignons Gunnar, notre chauffeur islandais aimable et drôle, qui nous montre ses talents en français : « Sacrebleu ! ».
La météo est légèrement nuageuse, température aux alentours de 4 degrés, un air très frais et pur, ce qui est considéré par les locaux comme du beau temps.
Nous partons pour environ 45 minutes de route vers la capitale : Reykjavik (Reykja = fumée / vik = baie). Entourés des champs de lave de la péninsule du sud-ouest de l’Islande : Reykjanes (Reykja = fumée / nes = péninsule), nous longeons les champs de lave où la NASA a testé ses rovers pour les envoyer ensuite sur la Lune ou Mars. Neil Armstrong s’est même entraîné dans un de ces champs avant d’aller sur la Lune. Les couleurs sont majoritairement noires et vertes en raison de la lave basaltique, et de la mousse islandaise qui met des centaines d’années à pousser sur celle-ci. Elle est d’ailleurs protégée bien que son aspect extrêmement moelleux vous donne envie de vous y allonger.
Nous passons ensuite une usine d’aluminium (troisième économie du pays, cette industrie requiert énormément d’électricité). Étant très peu chère en Islande, nombre de ces compagnies s’installent sur la terre de feu et de glace.
Une pause à Bessastadir (logement du président situé dans la région d’Alftanes, où le commandant Charcot s’échoua) offre un bol d’air frais islandais et l’opportunité de nous dégourdir les jambes non-loin de quelques oies sauvages. Aujourd’hui le président ne semble pas être là, ni son chien. Peut-être est-il parti faire un footing comme il en a souvent l’habitude (sans service de sécurité !).
Perlan est ensuite immanquable à l’horizon. Cette « perle » est en réalité un dôme de verre qui a été posé en 1991 sur 6 réservoirs d’eau chaude. Installé sur le plus haut point naturel de Reykjavik, il permet d’envoyer l’eau naturellement chaude vers la capitale. Seuls 4 des réservoirs sont encore en utilisation, les autres servant à diverses expositions (notamment une reproduction des falaises de Latrabjarg et un film en 8K sur les aurores boréales). Perlan est aussi un planétarium, possède la première grotte de glace construite par l’homme (350 tonnes de neige islandaise ont permis de créer cette grotte de 100 mètres de long), un restaurant tournant et une plateforme à 360 degrés.
Hallgrimskirkja (l’église de Hallgrimur) est notre prochain arrêt. Sa façade rappelant les colonnes basaltiques, sa couleur rappelant le gris-blanc des glaciers, affirme son statut d’emblème de la capitale la plus au nord pour un pays indépendant. Elle est le plus haut point de Reykjavik et sert de repère aux visiteurs.
Église luthérienne protestante comme la grande majorité des églises islandaises, la « rue arc-en-ciel » qui y mène nous rappelle le désir des communautés LGBTQ d’être plus acceptées par l’Église de manière générale.
Une statue de Leifur Eriksson, offerte par les États-Unis en 1930 à l’occasion des mille ans du plus vieux parlement du monde, trône fièrement en face de l’Église. Premier Européen en Amérique, Leif le chanceux, fils d’Erik (le rouge) nous rappelle le passé d’exploration et de conquête des Vikings.
S’ensuit un passage devant Hofdi (maison offerte à un consul français en 1909, où Gorbatchev et Reagan se sont rencontrés en 1986, annonçant le début de la fin de la guerre froide), puis devant le « voyageur du soleil » (sculpture métallique d’un drakkar, aux courbes arrondies, en face de l’océan) et Harpa (« la harpe »), salle de concerts et conférences, emblématique de la capitale avec sa qualité acoustique et son architecture aux mille vitres illuminées, qui a reçu de nombreux prix.
Enfin, Tjornin, petit lac semi-gelé en ce jour, où de l’eau naturellement chaude est conduite dans un coin, ce qui permet de garder une petite zone non gelée, et ainsi permettre aux cygnes et canards d’y rester, et se faire nourrir par les touristes. Lorsque la glace est plus épaisse, il n’est pas rare d’y voir des locaux s’entraîner au hockey sur glace et au patin à glace.
Les bagages sont déposés à l’hôtel, puis nous nous retrouvons pour un repas copieux avec l’inévitable agneau islandais (réputé l’un des meilleurs du monde). Malheureusement ce soir, les nuages nous empêchent d’espérer voir les aurores boréales… le commandant Charcot nous dirait sûrement : Pourquoi pas demain ?
Après une bonne nuit de sommeil, le jour se montre une nouvelle fois avec une météo extrêmement clémente : le ciel est bleu et le lever du soleil projette des contrastes roses/orangés à l’horizon ; brossées au pinceau de quelques nuages qui diffusent les rayons du soleil alors que nous quittons la capitale.
45 minutes suffisent pour être à Thingvellir (« le terrain du parlement »).
Nous y sommes tôt, pour profiter des incroyables lumières du début de journée, et en saison basse, donc presque seuls. Un drapeau islandais indique où le maître de cérémonie s’installait pour diriger les séances du plus vieux parlement du monde (créé en 930 par les premiers colons vikings). C’est pour cet aspect culturel qu’il est protégé au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Pourtant, d’incroyables paysages et particularités géologiques lui mériteraient aussi une protection. Seul endroit où la dorsale médio-atlantique est visible au-dessus du niveau de la mer (et par chance, nous la voyons car la visibilité et la météo sont excellentes), on y trouve aussi Silfra, le seul endroit où certains courageux peuvent nager entre deux plaques tectoniques ; dans une eau glaciale qui a mis 10 à 30 ans pour traverser un champ de lave et surgir plus pure que jamais.
Moins d’une heure de route nous amène jusqu’à la zone de Geysir. Inutile de préciser quel phénomène nous y attend… Strokkur, le plus actif d’Islande, nous montre sa puissance toutes les 8 minutes environ, en projetant de l’eau de 20 à 40 mètres de hauteur. Des piscines fumantes ou bouillonnantes, des fumerolles, et les couleurs rouge, blanche, jaune, de la terre nous rappellent que nous sommes sur une île active.
Nous nous arrêtons ensuite à un endroit où il est autorisé de nourrir les chevaux avec des friandises à disposition, et même de les toucher. Ils ont toujours leur pelage d’hiver, paraissent confortables et chaleureux.
2 minutes de route, et nous voici à Gullfoss (gull = or / foss = cascade). Celle qui donne son nom au Cercle d’or est l’endroit préféré de nombreux visiteurs du Golden Circle. Bien qu’incroyablement puissante (environ 140m³ d’eau par seconde en été lorsque le glacier fond, et une chute de 32 mètres), le bruit continu de cette cascade nous bercerait presque. Une nouvelle fois, nous sommes en plein contraste entre puissance et douceur, sur l’île des extrêmes.
Sur le chemin du retour, certains iront se détendre au Sky Lagoon avec son eau chaude naturelle et sa vue imprenable sur les alentours de Reykjavik, tandis que d’autres profiteront de la capitale et de ses nombreux cafés et boutiques de souvenirs.
Nous nous sommes désormais baptisés « le groupe de la chance » du fait de la météo excellente, et même si les aurores ne se sont pas montrées pour nous, quelque chose nous fait tous sentir qu’elles se font juste attendre, et que demain est un autre jour.
2h30 de route nous attendent, et cela pourrait sembler long si nous n’avions pas une météo favorable et les inoubliables paysages islandais pour laisser vagabonder notre imagination. Nous partons en direction de la ville de Hvammstangi, début de la partie Nord du pays, pour rejoindre le bateau. Nous empruntons le tunnel qui passe sous Hvalfjordur (le fjord des baleines), et un péage ouvert rappelle que le gouvernement tint sa promesse de gratuité une fois que les frais de constructions furent remboursés (fin 2018). Nous nous arrêtons pour admirer la vue du fjord, et profiter du soleil qui brille sur cette ancienne station de pêche à la baleine. Bien qu’elle fut stoppée quelque mois, elle a désormais repris (une seule compagnie chasse la baleine, sous l’action du propriétaire de plus en plus critiqué des islandais eux-mêmes).
Sur la route nous croisons des vaches, et quelques moutons (ce qui est extrêmement rare en cette période car ils sont généralement rentrés de novembre à mai). Ils ont leur manteau d’hiver, et cette laine composée de deux types de poils -un court qui tient chaud et un long qui résiste à la pluie- permet la création du Lopapeysa (pull traditionnel islandais). Son design rappelle celui des inuits avec son cercle autour du cou, mais son origine n’est pas vraiment sûre. Quelques adeptes du tricot islandais dirent à notre guide qu’il fut inspiré des caractéristiques montagnes plates islandaises, avec une ligne de neige droite à leur sommet, qui serait cet arc de cercle autour du cou; ajouté aux lignes et formes géométriques de ces sommets forgés par la nature.
Sans quelques fermes et maisons de vacances appartenant aux syndicats (cotiser permet d’en profiter à très bas prix), nous oublierions presque que l’humain s’est installé dans cette nature sauvage et magnifique. Borgarnes, ville d’environ 3500 habitants; ce qui est relativement élevé pour l’Islande, est désormais en vue (quelques scènes du film « la vie revée de Walter Mitty » ont été tournées ici), et nous nous y arrêtons quelques minutes. Notre dernier arrêt avant Hvammstangi se situe sur le plus haut plateau que nous emprunterons aujourd’hui. C’est un désert blanc avec une lumière à couper le souffle, et au loin le bleu de l’océan éclairé par le soleil se mélange avec l’horizon. Après un bon repas et une visite guidée en français du musée du phoque à Hvammstangi par Cécile (installée depuis quelques années en Islande), et l’apparition dans le port d’un phoque, le bateau pointe à l’horizon. Nous y embarquons avec l’aide aimable et polie de tout l’équipage, et un sentiment de début d’une nouvelle aventure s’empare de nous. Ce sentiment ne sera qu’accentué par la promesse météorologique de la possibilité d’aurores boréales ce soir.
Et quelle promesse ! Alors que des aurores diffuses (blanchâtres à l’œil nu, vertes sur caméra adaptées) apparaissent aussitôt que la nuit tombe, l’espoir grandit en même temps que leur intensité. Elles semblent ensuite renoncer à montrer toute l’étendue de leur splendeur, et nous pensons qu’elles sont timides ce soir… Jusqu’à… L’explosion ! 11 heures du soir : des aurores discrètes (les plus puissantes comme leur nom de l’indiquent pas) s’étirent et s’étendent d’est en ouest. La luminosité s’intensifie, le vert brillant caractéristique des rares aurores surpuissantes commence alors à vibrer, et soudain : « la danse des aurores ». Des accélérations brutales nous font nous esclaffer, du rose apparait sous le vert, et le ciel est illuminé. Première fois pour certains, plus de 10 fois cette saison pour notre guide, et toujours le même regard subjugué allié à un sourire incontrôlable. Les cœurs se réchauffent, et les photos s’accumulent au rythme des exclamations de surprise et de joie dirigées par les changements en intensité et formes de ces incroyables aurores. Encore une fois, la nature ne se trompe jamais, et sa beauté est inégalée. Elles dureront plus de deux heures en variant d’intensité, et s’endormir après un tel spectacle est difficile, mais une chose est sûre : nos rêves seront fournis, et nous savons que d’autres se réaliseront dans la suite de notre périple.
Les yeux et le cœur encore empreints des danses des aurores de la veille, nous nous réveillons sous un ciel sans nuage. Le soleil brille intensément alors que le Sjoveien continue sa route vers la banquise. Ici, au milieu de la mer du Groenland, nous prenons la mesure de notre voyage, de cette opportunité d’effectuer, en hiver depuis l’Islande, ce trajet vers les glaces groenlandaises. L’excitation d’être des pionniers de cette aventure maritime, alliée à l’incertitude de ce que nous allons découvrir, est palpable. Dans la nuit, le navire est passé au-delà des 66°33′ de latitude Nord : nous sommes désormais au cœur de l’Arctique.
Les vents et la mer sont avec nous aujourd’hui, tout comme les fulmars boréaux qui tourbillonnent autour du bateau. Profitant des vents produits par la vitesse du bateau, ils planent, frôlent l’eau de la pointe de leurs ailes grises, pour remonter gracieusement et sans effort vers le ciel. Certains passent si près de nous qu’il semble qu’en tendant la main, nous pourrions les toucher.
Ce ballet nous accompagnera tout au long de la journée pour notre plus grand plaisir.
En milieu de matinée, une brume légère se forme à l’avant du bateau, s’épaississant à mesure que nous progressons vers notre objectif. Cette brume est porteuse d’un message : la glace est proche.
Et en effet, très rapidement, les premiers glaçons font leur apparition. Tout d’abord épars, ils deviennent de plus en plus nombreux, de plus en plus serrés et imposants : ça y est, nous voici au contact de la banquise dérivante.
Animées par les vagues selon une lente ondulation, les fragments de plaques de glace annuelle présentent toutes sortes de formes : des piliers verticaux aux masses arrondies en passant par des hummocks, la glace raconte une histoire… enrichie par notre imagination. Les couleurs sont fascinantes : le blanc neigeux en surface contraste avec le bleu intense des parties émergées et l’opacité du brouillard qui nous entoure. Un paysage hors du commun, qui émeut ceux qui l’attendaient, parfois depuis des années.
La fascination et l’ambiance feutrée ne peuvent toutefois pas nous couper de la réalité des éléments : la glace bouge vite, de manière imprévisible autour du navire, le brouillard toujours aussi épais. Devant ces paramètres dont l’évolution est inconnue, le commandant décide de ne pas s’engager plus avant dans la banquise flottante, pour nous prémunir d’un blocage dans les glaces.
C’est avec un pincement au cœur mais néanmoins la certitude d’être en sécurité que nous reprenons doucement la route vers l’Islande, toujours entourés de blocs de banquise. C’est sur l’un d’eux que nous apercevons des traces de pattes d’ours : un petit rappel de notre présence sur le territoire du plus grand prédateur de l’Arctique… Là, dans cette nature immaculée, nous ne pouvons qu’accepter les lois, et quitter progressivement ce paysage glacé.
La navigation se poursuit sur une mer calme, permettant d’apercevoir, pour les plus chanceux, la nageoire dorsale d’un rorqual commun. En effet, celui-ci s’échappe bien vite vers une destination inconnue.
En cette fin de journée d’observation et de découverte, les esprits et les corps sont fatigués.
Pourtant, la nuit venue, les aurores boréales nous invitent encore à veiller, à nous émerveiller de ces ambiances magiques, dans cette sensation qu’il n’y a plus que nous, la mer et les cieux.
C’est au petit matin que le Sjoveien arrive dans Skagafjördur pour jeter l’ancre après une nuit de navigation depuis la banquise groenlandaise.
La mémoire des glaces est toujours bien présente, et pourtant bien vite les regards sont attirés par les montagnes tabulaires entourant le fjord, rappel des multiples épisodes volcaniques à l’origine de la création de l’Islande. L’alternance des strates de lave noire alternant avec les couches de neige blanche rappelle les motifs traditionnels en bandes des pulls islandais.
Le soleil est généreux, et la température sous abri est de 2°C. Malgré cette douceur, il est bon de bien se couvrir pour la traversée en zodiac du fjord pour nous rendre sur le rivage de la ville d’Hofsos, sur la rive droite du fjord de Skagafjördur. Après deux jours de navigation, nous sommes heureux de retrouver la terre ferme, pour se dégourdir les jambes en marchant autour du village, ou en profitant de la piscine en bordure de fjord. Quelle que soit l’option choisie, le spectacle majestueux du fjord, avec ses îles volcaniques et ses formations d’orgues basaltiques est au rendez-vous. C’est toutefois du bateau, après notre retour à bord, que nous les voyons le mieux.
Vers le centre du fjord, c’est d’abord l’île de Drangey que nous voyons.
Cette île, vestige d’un volcan vieux de 700 000 ans, est constituée quasiment uniquement de tufs de palagonite, roche issue de l’agglomération de projections rocheuses, de verre et de fines parties volcaniques suite à une éruption sous-glaciaire.
Drangey est connue dans le folklore islandais pour avoir servi de refuge au hors-la-loi Grettir, le principal protagoniste de la saga de Grettis, après qu’il eut provoqué la mort de plusieurs personnes de manière involontaire. Outre ce personnage, l’île représenterait également pour les Islandais deux trolls et leur vache transformés en pierre par la lumière du soleil. C’est dans leur giron que nichent diverses espèces d’oiseaux marins comme des Macareux moine, des guillemots, des fous de Bassan, ou encore des fulmars et des mouettes tridactyles. Trop loin pour les identifier, nous les voyons néanmoins tournoyer autour des roches sombres.
En poursuivant notre route vers l’extrémité du fjord, c’est l’île de Malmey qui se présente à nous, imposante par ses 4 kilomètres de long sur 2,4 kilomètres de large. Héritage d’un volcan bouclier ayant débuté sa formation il y a près de 2 millions d’années sous les glaces existant à l’époque, Malmey est une île dont la surface, globalement plate mais à une altitude pouvant aller jusqu’à 156 mètres, est entièrement végétalisée. Comme pour Drangey, Malmey est un lieu de nidification prisé par un bon nombre d’espèces d’oiseaux marins. Habitée jusqu’en 1950 par 14 personnes dont 10 enfants, elle fut désertée suite à un incendie.
Après avoir dépassé ces deux vestiges volcaniques, nous poursuivons la navigation vers Siglufjordur, prochaine étape de notre voyage. L’occasion pour notre guide et cheffe d’expédition Élodie de nous proposer une conférence sur la banquise et les icebergs, ainsi que la géomorphologie glaciaire de l’Islande.
L’arrivée à Siglufjordur se fait sous la neige en fin d’après-midi. Alors que certains profitent de cette escale au port pour découvrir la ville, d’autres profitent du jacuzzi du navire. La soirée se poursuit par la projection du film documentaire de Luc Jacquet « La glace et le ciel », qui amènera à des échanges et partages sur la situation écologique actuelle. Le ciel reste nuageux et c’est avec peu d’espoir de voir des aurores que nous allons nous coucher.
Mais comme dit l’adage: « Demain est un autre jour », qui sait ce que l’Islande nous réserve encore dans les prochains jours !
Le ciel est gris lorsque nous nous réveillons ce matin. La neige est tombée cette nuit, recouvrant d’une fine couche poudreuse les rues et les toits de la ville de Siglufjordur. Une couche de neige qui fera sûrement le bonheur des skieurs en altitude, Siglufjordur possédant dans le fond du fjord une petite station de ski.
Quelques flocons tombent encore lorsque nous quittons le Sjoveien pour nous rendre au musée du hareng situé en bordure du fjord. Plus grand musée maritime de l’Islande établi au sein de trois bâtiments indépendants, il retrace la période dite de l’ère du hareng durant la première partie du XXème siècle, période clé du développement économique de l’Islande à partir de la ville de Siglufjordur. Après avoir appris les techniques de la pêche au hareng de pêcheurs norvégiens venus s’installer en Islande fin XIXème, les Islandais parvinrent à leur tour à mettre à profit les nouvelles techniques et matériaux de pêche comme le filet dérivant pour rapidement supplanter les exportations norvégiennes, début XXème. En 1903, ce qui allait devenir une ruée vers l’or de la mer débuta à Siglufjordur, premier centre de production du hareng en saumure et des produits dérivés (farines alimentaires et huile) avec la première usine de transformation construite en 1911. Durant les années qui suivirent et notamment dans l’entre deux guerres, le hareng fut exporté massivement vers l’Europe, et devant la demande croissante, d’autres villes du Nord, du Nord-Ouest et de l’Est de l’Islande notamment profitèrent de cette activité pour se développer.
Au cours des années qui suivirent, Siglufjordur fut l’Eldorado vers lequel affluèrent des milliers d’Islandais en quête d’un meilleur niveau de vie. Non pas que le travail fut facile et agréable : la pêche pendant plusieurs jours, le découpage à la chaîne des poissons sur les pontons du port, le salage puis stockage dans les tonneaux, tout cela exigeait une cadence soutenue pour produire et exporter le maximum de tonneaux de hareng durant les 2 à 3 mois que durait la saison de pêche. Toutefois, cette période fut une opportunité pour gagner de l’argent rapidement pour les deux sexes : alors que les hommes étaient payés à l’heure, les femmes étaient payées pour leur rapidité à remplir les tonneaux, ce qui explique qu’elles étaient parfois mieux rémunérées que les hommes.
Alors que certaines années de baisse de production présageaient déjà la fin de cette période prospère, c’est en 1969 que tout s’arrête brutalement, les harengs, surpêchés, ayant déserté les eaux islandaises.
Le musée rend hommage à cette période clé dans l’histoire de l’Islande qui a grandement participé à son émancipation et à son indépendance en 1944. A travers la vie de ces femmes, les herring girls, de ces hommes et de ces enfants de Siglufjordur, c’est toute l’ouverture de l’Islande sur le monde qui nous est présentée.
Après ce retour de 60 ans en arrière et une visite de la ville, le Sjoveien reprend sa route vers la dernière ville que nous découvrirons dans les fjords du Nord, Akureyri. Après quelques heures à naviguer dans Eyjafjordur, attentifs aux moindres changements à la surface de l’eau, notre attente est récompensée: un dos noir est aperçu à tribord du navire. Après quelques sorties, pas de doute possible : c’est une baleine à bosse qui nage tranquillement à nos côtés. Remarquable à son dos formant une bosse lors de sa sonde, la baleine à bosse fait partie de la famille des Mysticètes, les baleines à fanons. Dans un ballet lent et gracieux, celle-ci passe d’un côté à l’autre du navire, révélant sa nageoire caudale, dont le découpage et le tacheté sont aussi uniques que nos empreintes digitales. A plusieurs reprises elle s’en sert pour frapper l’eau, technique qu’elle utilise pour étourdir les poissons. Après plus d’une heure d’observation, nous laissons repartir cette jeune baleine vers la sortie du fjord au soleil couchant.
Notre journée s’achève sur ces magnifiques et touchantes images, tant attendues. C’est le cœur rempli que chacun va se coucher, le repos est de mise avant la journée qui nous attend demain.
Le ciel est bas ce matin. Quelque flocons virevoltent doucement, sans toutefois parvenir à tenir sur les ponts en bois humides du Sjoveien. Les montagnes entourant Akureyri sont saupoudrées d’une fine couche blanche: l’ambiance est cotonneuse, feutrée et mystérieuse. Une ambiance qui nous accompagnera tout au long de cette journée consacrée à la découverte du site de Myvatn.
Peu de temps après notre départ d’Akureyri, nous parvenons à la cascade de Godafoss sous un soleil timide, qui n’arrivera toutefois pas à s’imposer. Qu’importe, le gris du ciel n’enlève rien aux couleurs bleues-vertes de cette cascade, considérée comme la plus belle d’Islande. En forme de fer à cheval, haute de 12 mètres et large de 30 mètres, la chute de Godafoss est l’héritage de l’érosion par la rivière Skalfandafljot d’un champ de lave, découvrant par endroits des colonnes partielles d’orgues basaltiques. Outre sa beauté brute et intemporelle, cette cascade est aussi le siège d’un tournant majeur dans la religion islandaise. En effet, c’est en l’an 1000 que se réunirent les godar, chefs de clan religieux et gardiens de lois transmises de manière orale, lors d’un conseil pour décider si oui ou non l’Islande devait changer son culte « païen » issu de la mythologie nordique en religion chrétienne. Après plusieurs jours de débat être eux, les godar, Thorgeir Thorkelsson à leur tête, décidèrent d’adopter officiellement le christianisme comme religion d’état. Comme un symbole et pour inciter les Islandais à suivre cette décision, Thorgeir Thorkelsson pris alors toutes ses représentations de divinités et les j’étais dans la cascade de Godafoss, lui donnant son nom de cascade des dieux. Qui sait si ces idoles reposent encore au pied de la cascade aujourd’hui…
Alors que la brume s’est levée, nous apercevons, quelques kilomètres plus loin, les sommets enneigés des cratères aujourd’hui inactifs de la zone volcanique de Krafla où se trouve le lac de Myvatn. Retenue naturelle par barrage de lave, le lac de Myvatn, littéralement « le lac des moucherons », s’étend sur 37 km2. Presque entièrement glacé à cette période de l’année, le lac Myvatn est connu pour la richesse de sa faune ornithologique avec 58 espèces d’oiseaux nichant sur ses berges en été, dont 14 espèces de canards, y compris le fameux garrot d’Islande. Aujourd’hui, les oiseaux sont absents de ce paysage enneigé. Seuls se détachent dans le paysage le profil creusé des pseudos cratères de Skutustadagigar. Résultats d’une explosion de lave sur une surface humide, les pseudos cratères offrent un premier panorama sur ce site somptueux, avec une vue privilégiée sur le cratère d’explosion du Hverfjall sur la rive Est du lac. Nous renonçons aujourd’hui à réaliser l’ascension de ce cône de tephras devant la faible visibilité et le vent qui s’intensifie.
Nous poursuivons la visite du site par les paysages chaotiques de Dimmuborgir, « les châteaux noirs », héritage de la réaction entre une énorme coulée de lave provenant des volcans Threnglsborgir et Ludentsborgir au Nord arrivant sur un lac: la chaleur de la lave provoquant la vaporisation de l’eau sous-jacente a provoqué la formation de piliers de lave autour de cheminées expulsant la vapeur. Au fil du temps et du refroidissement de la lave, les piliers sont restés debout, alors que le reste s’est rétracté et fracturé, créant des paysages torturés mais néanmoins sources de légendes et d’histoires encore racontées aujourd’hui, comme celle des 13 Yule Lads, sortes de lutins farceurs et espiègles.
Notre visite de Myvatn se termine par Namaskard, « le col de la mine », rappel de la présence ici d’une exploitation de soufre, notamment pour l’utilisation de poudre à canon. Ce site géothermique est un bonheur pour les yeux, avec ses colorations de rouge, de jaune, de noir dues respectivement au dépôt d’oxydes de fer, de soufre et de manganèse par l’eau chaude parcourant les roches du sol, se chargeant en minéraux, et permettant leur précipitation lors de leur arrivée en surface. Fumerolles, solfatares et odeurs de sulfures s’associent à ce paysage martien, nous projetant dans un autre monde.
C’est riche de ces images, de ces couleurs, de ces bruits et de ses odeurs que nous retrouvons le Sjoveien en fin de journée, prêt à appareiller pour notre retour de nuit vers Hvammstangi.
Cette nuit étant notre dernière à bord, chacun s’active à préparer sa valise.
Demain sera notre dernière journée en Islande, prenons des forces pour en profiter jusqu’au bout !
Cette nuit, la mer houleuse nous a laissé peu de repos et nous a amené à ajuster notre itinéraire pour le confort de tous. Les derniers moments à bord sont animés par les ultimes préparatifs de bagages. Les adieux à l’équipe sont empreints d’émotions, leur présence et leurs attentions toujours appréciées au cours du séjour.
Un dernier regard au Sjoveien qui nous a accueilli chaleureusement pendant 5 jours nous rappelle tout ce que nous avons vécu depuis le début du séjour : notre arrivée à Reykjavik, la découverte du cercle d’or, les aurores boréales, l’approche de la banquise groenlandaise, les fjords du Nord et leur histoire liée à la pêche, l’observation privilégiée d’une baleine à bosse, le site de Myvatn, la grandeur des cascades et les phénomènes géothermiques… Autant de souvenirs qui traduisent la richesse d’un voyage hors du commun dans des conditions hivernales. Il semble que nous sommes partis depuis des semaines tant le dépaysement fut complet.
A bord du bus qui nous emmène vers Reykjavik, notre guide Nicolas revient sur la connaissance scientifique actuelle des aurores boréales, ainsi que sur les légendes et croyances qui y sont associées. Revenant sur les causes de leur intensité, les images de celles vues il y a seulement quelques jours nous apparaissent encore plus merveilleuses, presque magiques.
La route qui défile par les vitres du bus est bordée des paysages glaciaires typiques de l’Arctique: pics, vallées, roches moutonnées ou encore rivières glaciaires, les montagnes plates témoignant quant à elles d’éruptions sous glaciaires ayant percé la calotte. N’oublions qu’ici, ce sont les laves qui font la loi !
C’est d’ailleurs la présence et la géométrie de ces laves qui donne sont aspect si original et atypique à Hraunfossar, littéralement « les cascades de lave« , située à l’Est de Borganes. Provenant de la rivière Litlafljot qui s’écoule au travers de l’immense champ de lave de Hallmundarhraun, cette cascade est connue pour l’originalité avec laquelle ses eaux s’écoulent, semblant sortir directement des laves recouvertes de lichens. Sa couleur bleue turquoise est fascinante, résultat de sa température très froide. En hauteur, de la lave cordée est retrouvée, résultant du refroidissement en surface de la lave alors que le centre encore chaud continue à avancer.
A proximité, en amont dans le canyon qui s’étend sur plus d’un kilomètre se trouve la cascade de Barnafoss. Large seulement de quelques mètres, Barnafoss est bien plus puissante que sa voisine étant donné qu’elle atteint 80 m3/secondes en plein été. Même en hiver, avec un débit moindre, l’écoulement dans le canyon est marqué par son vacarme et, comme Hraunfossar, par sa couleur bleu électrique. Au centre du canyon, une arche se dessine, rappelant la légende associée à cette cascade : un soir de Noël, alors que des parents assistaient à la messe du village, leurs deux jeunes enfants trouvèrent la mort en tombant dans les eaux froides et mouvementées de Barnafoss. Désespérée par ce drame et refusant qu’il ne se reproduise, la mère fit détruire l’arche d’où les enfants étaient supposés être tombé, pour éviter qu’un tel drame se reproduise.
La dernière halte est Reykjavik est l’occasion de visiter le Harpa pour certains, ou de parcourir la ville pour ramener quelques souvenirs typiques de l’Islande pour d’autres. C’est sous la neige que nous arrivons à l’hôtel viking où nous passerons notre dernière nuit sur les terres volcaniques islandaises. Chacun sait que nous passons là nos derniers moments tous ensemble, le groupe commençant à se séparer dès demain matin. L’émotion est grande pour les premiers au revoir. Toutefois le voyage a cela de magique qu’il nous lie à jamais par cette expérience commune.
C’est avec cette conscience que chacun va prendre du repos, car le réveil demain se fera très tôt pour retourner vers la France. Ce voyage marquera les esprits et les cœurs par son esprit pionnier dans cette aventure vers les glaces du Groenland, et par cette belle harmonie créée entre les membres du groupe.
Merci Islande de nous avoir autant offert de beauté, de diversité, de surprises, d’émerveillement par ta nature brute, tes habitants uniques et tes éléments plus que cléments. Comme disent les Islandais, on ne peut venir qu’une fois en Islande. Sois-en sûre, ce n’est qu’un à revoir!
Suivez nos voyages en cours, grâce aux carnets de voyages rédigés par nos guides.
Messages
Il n'y a pas de messages pour le moment
N'hésitez pas à leur en laisser un !