Xavier Allard
Arctique
17 juillet
26 juillet 2015
À bord du Polaris, juillet 2015
Xavier Allard
Arctique
Nous voilà partis d’Oslo en direction du Spitzberg. Nous arrivons à Longyearbyen à 12h20 et notre équipe de guides nous accueille à l’aéroport et nous conduit sur le Polaris qui sera notre maison pour les dix prochains jours. Après un repas rapidement avalé, le bateau lève l’ancre et fait cap à l’ouest à travers l’Isfjord. Après quelques heures de navigation, c’est la fin du monde moderne, les dernières barres de réseau téléphonique disparaissent et laissent place à de somptueux paysages de montagnes pointues et de glaciers plongeant dans la mer. Nous remontons le détroit de Forlandsundet entre l’île principale du Spitzberg et celle du Prince Karl pour rejoindre la baie de la Madeleine tard dans la nuit.
Réveil par 79°N dans la baie de la Madeleine. Aujourd’hui, il fait beau, malgré un vent assez fort au réveil (rafales de 40 km/h) mais la température est agréable. 9h30, c’est parti pour notre première immersion dans le monde arctique. Nous partons en zodiac faire une navigation devant le glacier Gully dans une petite baie protégée du vent. Au milieu des glaçons, un phoque commun intrigué sort la tête de l’eau avant d’aller prendre le soleil sur un rocher. Pour nous dégourdir les jambes et apprécier le terrain, nous faisons une balade sur la plage. Superbe vue sur les montagnes et glaciers alentour.
Pendant le déjeuner, nous levons l’ancre et naviguons en direction de l’île d’Amsterdam, le bateau remonte de détroit de Sorgatt avant de prendre plein nord dans le fjord de Smeerenburg. Vers 14h00, nous débarquons sur l’île d’Amsterdam et approchons une colonie de morses de 6 individus se prélassant à une trentaine de mètres de nous. Et au moment de repartir, deux morses dans l’eau, visiblement intrigués par notre présence, viennent nous observer à quelques mètres ! Quelle rencontre !
Le capitaine fait ensuite route vers les îles du nord, quand soudain un groupe de bélugas est repéré le long de l’île de Fugloya. Juste le temps de mettre une veste et nos bottes et nous partons dans leur direction en zodiac. Un groupe d’une dizaine d’individu nous laisse les approcher à une vingtaine de mètres, ce qui nous permet d’entendre leur souffle particulier et d’admirer leur dos d’un blanc éclatant. Superbe vision de ces baleines blanches. Nous continuons d’explorer cette zone en zodiac, constituée de petites îles érodées par les glaciers géants du passé. Nous observons diverses espèces d’oiseaux qui nichent ici : Mergule nain, Bernache nonnette, Grand labbe… Retour à bord pour un bon dîner et nous mouillons devant le glacier Hamilton situé dans le Raudfjord. Un havre de paix…
7h00, départ pour le Woodfjord, ce qui nous laisse du temps pour une présentation générale sur le Spitzberg. Dès 11h00, La cloche retentit : un groupe de bélougas a été repéré ! Nous partons en zodiac en direction de ces cétacés afin les observer de plus près.
De retour à bord du Polaris nous déjeunons sur le pont extérieur sous un soleil magnifique et une température très agréable pour la latitude ! En début d’après-midi, un ours est repéré au loin sur la côte en train de manger sur une carcasse. À peine le temps de finir de boire le café que nous voilà repartis en zodiac. Quel spectacle que d’observer cet ours mâle tout à son festin !
Nous l’observons pendant près de deux heures avant de remonter à bord du Polaris nous réchauffer et déguster – à notre tour – quelques cookies faits maison par notre cuisinier.
Nous repartons ensuite en direction de l’ours, et quelle n’est pas notre surprise d’en trouver un deuxième, ou plus exactement une ourse, à laquelle semble s’intéresser le mâle, visiblement repu. Il la suit à distance, tandis qu’elle fuit, puis s’arrête, puis repart d’un bon pas. Pendant plusieurs minutes, nous sommes les témoins privilégiés de cette scène de vie peu fréquemment observée, avant qu’ils ne disparaissent tous deux à l’intérieur des terres. Nous continuons alors notre visite du secteur en direction de Whorsleyhamna et profitons du spectacle des sternes arctiques pêchant à la surface de l’eau. Un peu plus tard nous retrouvons nos deux ours en train de se reposer sur une plage, tandis qu’un groupe de bélouga remonte le fjord à quelques dizaines de mètres de nous. Deux ours à droite et des bélougas à gauche, on ne sait plus où donner de la tête !
Nous rentrons à bord du Polaris qui a jeté l’ancre dans non loin de là. La soirée est superbe, pas de vent, soleil de minuit et un paysage à couper le souffle, ici à l’entrée du Liefdefjord, le « fjord de l’amour ».
Encore un belle journée qui s’annonce ce matin. Vers 9h30, nous débarquons devant la moraine du glacier Erik. Nous marchons sur l’arrête de sa moraine frontale et latérale, ce qui nous donne une vue imprenable, tant sur le glacier lui-même et son lac de fonte, que sur le Liefedefjord, qui se termine par le grand glacier de Monaco. Pendant ce temps-là, le Polaris a jeté l’ancre dans le petit port naturel de Hornbaekpollen où nous déjeunons pour la seconde fois sur le pont extérieur.
En début d’aprés-midi, nous traversons le fjord en zodiac et croisons nos premiers icebergs, pour rejoindre les îles Lerner, Îles sorties du ventre du glacier de Monaco et érodées par le frottement de la glace. Nous naviguons dans ce dédale et observons goélands bourgmestres, oies à bec court, eider à duvet, et même un eider à tête grise ! De retour à bord du Polaris, nous naviguons devant le glacier de Monaco. Ambiance superbe, de glace et de soleil ! Et cerise sur le gâteau, un phoque barbu se laisse approcher. Pendant le dîner, nous remontons le fjord et retournons sur le site où nous avons laissé les deux ours hier. Nous les retrouvons, se tournant autour et finissant par se coucher l’un à côté de l’autre. Nous les laissons alors à leur repos, pour aller prendre le nôtre,tandis que brille le soleil de minuit…
Ce matin, le Polaris nous emmène dans le Bockfjord, la branche ouest du grand Woodfjord. Nous débarquons devant Jotunkjeldene, « les sources du géant », deux petites sources chaudes, parmi les seules du Spitzberg, dont l’eau est à une vingtaine de degrés.
Nous montons ensuite vers la moraine latérale du glacier Adolphe, pour avoir un point de vue sur celui-ci, ainsi que sur le volcan Sverrefjell, qui se révèle alors à nous, la brume le recouvrant depuis notre arrivée s’étant dissipée. De là, nous observons aussi trois lagopèdes, dont le mimétisme du milieu dans lequel ils évoluent est impressionnant. Enfin, avant de rentrer à bord, un renard est aperçu sur la plage, et passe son chemin non loin de nous, sans même nous voir.
En début d’après-midi, nos guides partent rapidement en reconnaissance vers le site où nous avions laissé les deux ours la veille, sans succès. Nous débarquons alors un peu plus loin, à l’endroit où se trouve un morse échoué, repéré deux jours plus tôt. Nous en profitons pour nettoyer la plage des détritus en plastique (bidons, filets de pêche, flacons…) échoués eux-aussi ici, mais qui n’appartiennent en aucun cas au Spitzberg.
Nous repartons alors avec la satisfaction d’avoir rendu à cette plage un aspect plus sauvage et beau. Encore quelques heures de navigation avant de mouiller dans la baie d’Alice dans le Raudfjord où nous passerons la journée demain.
C’est reparti pour une belle matinée de randonnée. Nous débarquons dans la baie Alice, à côté d’une ancienne hutte de trappeur norvégienne, que nous explorons au passage. Puis, nous prenons de la hauteur pour atteindre un plateau, d’où le panorama sur un lac encore pris dans la glace et le grand Raudfjord (fjord rouge) est superbe. Alain, notre Stewart, nous a fait la surprise de monter dans son sac un bon chocolat chaud et quelques biscuits, pour un casse-croûte bien mérité !
De retour à bord, nous déjeunons, tandis que le Polaris se déplace de l’autre côté du fjord. Le temps change et la brume enveloppe doucement le paysage, mais le gris du ciel donne au front des glaciers un bleu éclatant. Nous partons en zodiac à la rencontre de trois d’entre eux, et naviguons dans une zone de brash. Nous continuons en direction du nord et du glacier suivant, mais le temps se gâte. La houle nous fait monter et descendre, tandis que pluie et vent nous fouettent le visage. La nature prend le dessus, et cela fait partie de l’aventure, ici au Spitzberg ! Nous finissons par atteindre la baie Hamilton dominée au sud par une grande falaise qui abrite mouettes tridactyles et guillemots de brünnich. Nous les voyons virevolter au-dessus de nous et se lancer de la falaise. Quelle ambiance !
Puis, nous retrouvons le bateau et son confort intérieur où un bon goûter nous attend. Nous nous retrouvons au salon pour un récapitulatif présenté par Xavier sur les différentes espèces de plantes que nous avons découvert ces derniers jours. Agnès nous explique ensuite la situation météorologique très ventée au nord pour les jours suivants. Nous levons donc l’ancre pour la baie de la Madeleine que nous atteignons vers minuit. Nous y resterons abrités des vents forts venant du Nord Est.
Nous nous réveillons ce matin en Baie de la Madeleine, et débarquons sur une petite plage que domine la montagne « Alkekongen » (le royaumme des alcidés). Nous grimpons jusqu’à un éboulis pour y observer les mergules nains qui y nichent. Ils tourbillonnent et virevoltent au-dessus de nous et pour certains se posent à proximité, sous nos regards amusés.
De retour au bateau, nous déjeunons puis sortons de la baie, et y trouvons la houle qui nous berce jusqu’à notre arrivée dans la baie de la Croix en fin d’après-midi. Le roulis passé, et une fois au mouillage, nous partons pour une promenade apéritive autour de Signehamna. Nous traversons un grand plateau de toundra en sols polygonaux recouverts de lichen et passons près du site d’une ancienne station météorologique allemande datant de la guerre 39-45. Nous longeons un lac où se baignent des centaines de mouettes tridactyles, puis admirons la vue sur le fond de la baie et le grand glacier de Lilliehöök, que nous approcherons demain matin…
Pendant le petit-déjeuner, le Polaris lève l’ancre en direction du glacier de Lilliehöök. À 9h, nous voilà partis en zodiac à travers les icebergs et le brash, que dominent le front impressionnant du glacier. De nombreuses mouettes tridactyles pêchent devant celui-ci, ou se reposent sur des morceaux de glace. Quelques mouettes ivoires, plus rares, sont également aperçues. Quelques vêlages d’icebergs se font entendre, grondant tel des coups de tonnerre. Nous terminons notre balade par le tour de deux îlots, sur lesquels se reproduisent sternes arctiques, grands labbes, goélands bourgmestres et autres eiders à duvet. Au bord de l’eau, se faufile également le délicat phalarope à bec large.
De retour à bord, le Polaris met le cap vers la baie du Roi. Sur notre chemin, Benoit, notre commandant, manœuvre pour s’approcher au plus près d’une falaise où nichent mouettes tridactyles, guillemots de brünnich, macareux moines et goélands dominicains.
Nous mouillions dans l’après-mid devant le glacier Blomstrand et partons en zodiac vers un phoque barbu repéré depuis le bateau se reposant sur un glaçon. Nous approchons patiemment et discrètement, jusqu’à n’être plus qu’à quelques mètres de lui, sans qu’il ne s’inquiète de notre présence. Nous observons alors ses moustaches enroulées qui lui donnent une allure d’aristocrate.
Nous débarquons ensuite pour atteindre un point de vue sur le glacier. Celui-ci est à couper le souffle, et nous dominons le glacier et ses séracs acérés, ainsi que le fond de la baie du Roi. Une fois à bord, une surprise attend encore les deux couples de jeunes mariés qui participent au voyage : un petit tour dans l’eau, en combinaison étanche, histoire de prendre l’apéro en amoureux sur un glaçon !
Pendant ce temps notre cuisinier nous a mijoté comme chaque jour un excellent dîner, auquel nous faisons honneur, avant de regagner nos cabines, après cette journée bien remplie.
Après une bonne nuit au pied du glacier Blomstrand, nous nous remettons en route vers le glacier du Roi pour nous rendre devant la falaise d’Ossian Sarsfjellet dans laquelle nichent mouettes tridactyles et guillemots de brünnich. Juste avant de débarquer, nous apercevons trois renards qui jouent et chassent sous la falaise. Nous montons dans la toundra pour atteindre le haut de la falaise et voir les oiseaux d’en haut. C’est l’occasion de rencontres avec des rennes peu farouches, dont l’un qui se laisse approcher à quelques mètres sans sourciller, avant de s’éloigner tranquillement en broutant des silènes acaules encore fleuris.
Nous passons un petit col qui nous amène au sommet de la falaise, ce qui nous permet d’observer mouettes et guillemots occupés à nicher. Nous remarquons même quelques oisillons blottis dans le plumage de leur parents. Nous longeons la falaise qui est comme un jardin suspendu où des dizaines de fleurs poussent sur des vires : Arnica, silène Arctique ou de Walberg, céreste… Du point de vue, nous pouvons également admirer la baie dans toute sa grandeur. Le ciel gris met en valeur le bleu profond des icebergs.
Nous redescendons par le même itinéraire et en arrivant sur la plage nous revoyons, tour à tour, les trois renards aperçus en arrivant. Nous rentrons à bord pour le déjeuner et partons vers l’ouest. La brume et la pluie qui menaçaient s’intensifient et nous décidons de continuer notre chemin. Certains en profitent pour se reposer, tandis qu’en passerelle nos guides veillent, et vers 16h, coup de théâtre : une ourse et son jeune de 7 mois sont aperçus sur une colline, à la sortie de la baie du Roi ! Nous les guettons un moment et, une chance pour nous, ils descendent vers la plage.
Les zodiacs sont vite mis à l’eau et nous partons à leur rencontre. Nous les suivons d’abord de loin, tandis qu’ils marchent sur un talus qui nous surplombe. Puis ils redescendent au bord de l’eau. La gît un morse, qui a visiblement déjà servi de déjeuner ! C’est donc cela qu’ils venaient chercher. Quelle aubaine pour eux, et quelle chance pour nous ! Nous pouvons les observer à quelques mètres, tandis que la mère enfonce sa tête dans un trou fait dans le cuir du morse pour attraper la graisse à l’intérieur (ce qui lui teint son beau pelage). Le jeune ourson attend patiemment à côté de maman, avant de lui lécher la figure, récupérant à son tour un peu de gras. Puis tous deux s’éloignent, remontant sur le talus pour se reposer. Nous les laissons, tandis que le jeune saute et roule sur sa mère. Quelle joie pour nous que d’avoir été témoins d’une tranche de vie de cette mère et de son jeune ourson. Souhaitons-leur bonne chance pour la suite !
De retour au bateau, nous arrosons cela avec une bonne bière « Arctica ». Après le dîner, Benjamin nous présente l’écologie comparée de l’Arctique canadien et de l’archipel du Svalbard, et Agnès nous fait rêver d’autres aventures avec un diaporama sur l’Extrême-Orient russe.
Nous nous réveillons ce matin devant Poolepynten. Nous débarquons sur la plage et nous partons en direction d’un groupe de morses qui se prélasse sur le sable. Nous approchons sous le vent pour qu’ils ne sentent pas notre odeur, mais c’est nous qui sentons la leur (due en partie à la digestion de près de 80 kg de moules !). Quelques-uns lèvent la tête de temps en temps, mais en ce dimanche matin, la grasse matinée semble s’imposer.
Nous rentrons sur le Polaris qui met alors le cap sur l’entrée de l’Isfjord. Durant la traversée, Agnès nous fait un récapitulatif général de ce que l’on a pu observer au cours des derniers jours (morses, ours…). Après le déjeuner, le Polaris s’approche du site d’Alkhornet, une grande plaine que domine une imposante falaise qui sera notre dernier débarquement du voyage. Un groupe de rennes nous accueille à notre arrivée. Nous nous arrêtons et nous asseyons pour les observer et les laisser approcher à leur guise, ce que certains – plus curieux que d’autres – font, à quelques mètres de nous !
Nous montons ensuite vers une zone de gros rochers, site d’une tanière à renards (une famille y ayant déjà été vue plus tôt dans la saison). Mais les jeunes sont assez grands pour gambader hors du terrier et ne sont pas au rendez-vous cette fois-ci. Nous continuons vers un plateau d’où la vue sur la paroi rocheuse qui le domine, la fameuse « corne », est impressionnante. Impressionnante aussi l’occupation de celle-ci par des centaines de mouettes tridactyles et de guillemots de Brünnich, et le brouhaha incessant qui va avec ! La vue sur la plaine d’un vert éclatant et sur l’Isfjord est également superbe. Nous croisons d’autres rennes ici ou là, dont de beaux mâles, qui semblent arborer avec fierté leurs bois imposants. Ils paissent paisiblement et ne semblent nullement troublés par notre présence (qui se veut certes discrète).
Sur le retour, nous croisons un couple de labbes parasite qui défendent leur territoire (et leur nid) et n’hésitent pas à nous foncer dessus. Sur le chemin du retour une brèche dans le sol nous permet d’apercevoir le pergélisol, soit la glace sous la couche de végétation et la première épaisseur du sol.
Il est déjà l’heure de regagner le Polaris, mais juste au moment de descendre vers la plage, deux renards viennent faire quelques pirouettes non loin de nous, comme pour nous dire au revoir ; avant de s’éloigner dans la toundra. Un sympathique « clin d’œil » afin de terminer en beauté ! Le Polaris met le cap sur Longyearbyen, et nous trinquons à notre beau voyage, avant de nous régaler une dernière fois du dîner du chef. Un dernier verre en ville pour certains, et de beaux rêves pour tous, à se remémorer ce voyage unique et inoubliable…