Christophe Bassous
Arctique et Antarctique
20 juin
27 juin 2018
À bord du Togo, juin 2018
Christophe Bassous
Arctique et Antarctique
Xavier Allard
Arctique
Nous décollons ce matin de Copenhague en direction de Kangerlussuaq sur la côte ouest du Groenland.
Notre voyage commence véritablement lorsque nous survolons l’Islande encore enneigée et ses quelques cratères très visibles par ce beau temps que nous avons.
Puis, ça et là, quelques icebergs ; ils doivent être sacrément gros pour qu’ils soient si visibles depuis notre altitude de 12000m !
Au loin, la côte groenlandaise se dessine, les montagnes et les pics enneigés apparaissent, et soudain, des milliers de petits icebergs surgissent sous nos ailes. Ils forment un immense champ de points blancs sur le bleu de la mer, c’est superbe. Nous longeons la côte, passons au-dessus d’une entrée de fjord et d’un glacier qui vêle ses millions de mètres cubes de glace. Nous pensons qu’il s’agit du glacier Kangerdlugssuaq, pas bien éloigné du pic culminant du Groenland, le Gunbjorns Fjeld avec ses 3700 m. Puis nous passons sur la calotte, et c’est du blanc pendant encore une heure.
Arrivée à l’aéroport international de Kangerlussuaq, où il y a bien… notre avion et 3 autres petits bimoteurs, et un hélico d’Air Greenland. Des formalités de police expédiées… plus que rapidement et nous rembarquons dans un des petits coucous à hélices. Cette fois-ci en direction d’Ilulissat, notre destination pour ce soir. Une petite heure de vol au-dessus de lacs glaciaires d’un bleu intense et d’un nombre impressionnant d’icebergs tous plus beaux les uns que les autres, et c’est l’arrivée à l’aérodrome. Notre navette nous attend et nous transporte à notre hôtel situé sur une des collines entourant Ilulissat. Un mot sur la vue de nos chambres… Une mer d’icebergs à nos pieds, à l’infini…
C’est vraiment beau…
Nous partons ensuite faire une excursion pour voir ce fameux patrimoine culturel classé par l’Unesco. Et l’on comprend pourquoi dès que l’on arrive sur un sentier tout en bois (pour ne pas abimer la flore alentour). Des icebergs par milliers (par millions devrait-on dire), des immenses (quand je dis immense, c’est immense) et des plus petits, qui sont relâchés par le glacier Sermeq Kujalleq. C’est le plus grand fournisseur d’icebergs du Nord de la Terre. Le glacier lui-même se déplace à plus de 30 m par jour. Nous avons à nos pieds une partie de cet immense fjord de plus de 50km de long sur quelque 6km de large, le Kangia. L’ampleur du site nous coupe le souffle !
En fait, le fjord est très profond (près de 1000m) et à son entrée sous-marine, il y a une remontée de type moraine sous glaciaire jusqu’à 250m. Bien entendu, les millions de mètres cubes d’iceberg se retrouvent bloqués là, en attendant de fondre un peu et se faire emmener au loin par le vent.
Aujourd’hui, il fait un temps splendide, les icebergs sont au rendez-vous, nous aussi et nous resterons longtemps pour observer les mouvements de ces colosses… C’est tout simplement majestueux…
Il est 8h et nous voilà partis après une bonne nuit à l’hôtel Arctic. Nous partons en direction de l’héliport pour un survol en hélicoptère de type Bell 214.
Nous avons un briefing de notre trajet puis nous embarquons dans cette machine aux couleurs du Groenland, rouge et blanc. Les turbines chauffent et nous décollons pour 1h et demi de plaisir.
Les paysages défilent sous nos yeux entre lacs et sommets enneigés puis soudain, nous voilà au-dessus de Kananga le fjord de glace long de 80 km et 8 de large qui est le plus gros débiteur d’iceberg de l’hémisphère nord, la glace est tellement présente que nous avons du mal à voir de l’eau entre les icebergs. Le vent souffle et l’hélicoptère bouge, mais plus nous avançons et plus cela devient magique. Le front du glacier approche et nous perdons de l’altitude pour nous poser sur un promontoire au-dessus du front de glace et proche de l’immense inlandsis. Nous profitons de cette pose pour nous balader dans ce lieu et ressentir cette immensité de glace sous toutes ses formes ; nous ne savons plus où donner de la tête. Pour repartir, nous commençons d’abord par un 360 degrés au-dessus de ce champ de glace.
Nous descendons le fjord pour rejoindre la baie de Disko où les icebergs se découpent dans cette mer au bleu intense : il y en a de tailles différentes, entre énormes et gigantesques ; certains ont même des lacs de fonte d’un bleu turquoise intense. Un dernier virage au-dessus d’Ilulissat et de notre bateau et nous voilà de retour au sol avec la tête encore dans les étoiles.
Nous filons ensuite au centre d’Ilulissat pour profiter de ce 21 juin qui est la fête nationale au Groenland. À notre arrivée, nous marchons en direction de l’église et du musée d’Ilulissat que nous visitons ainsi que des maisons en tourbe traditionnelle. Vers 11h30, un spectacle folklorique de danse en habit traditionnel nous fait découvrir un Groenland ancestral dans une musique contemporaine.
La beauté des costumes et le rythme nous hypnotisent quand soudain, un rassemblement de bateaux nous alerte. Que peut-il se passer ? Du sang coule le long de la roche en direction de la mer, que se passe-t-il ? Rien de bien grave, un inuit revient de la chasse avec un phoque. Il est en train de le dépecer : c’est l’occasion de tester pour certains le foie de phoque cru encore chaud « c’est goulu » !
Puis nous allons manger après ce starter très local ; nous continuons notre découverte des saveurs locales par des plats à base de bœuf musqué et de renne…
Petite pause boutique de souvenir et nous avons rendez-vous au port pour embarquer sur notre bateau le « Togo ». Nous prenons le temps de nous installer puis nous célébrons notre début de voyage par un verre de champagne et petits amuse-bouche. Un cri nous alerte que le bateau est percuté par un énorme iceberg le capitaine donne l’ordre de lever l’ancre et de partir pour une belle navigation dans le dédale de glaces à la sortie du fjord de Kangia. C’est l’apothéose ! Entre les icebergs géants, nous avons du mal à trouver notre chemin et ce sont des montagnes de glace de plusieurs dizaines de mètres de haut. Le bateau rase ces monstres à quelques mètres. Cela est superbe. Quand soudain, un souffle de baleine nous fait sursauter. Elle passe juste derrière le bateau…
Ce spectacle va encore durer tard dans la nuit sous le soleil de minuit.
Nous avons navigué toute la nuit au milieu des icebergs, allant et venant faisant des marches arrière, marches avant, des contournements de glace, tellement la mer était encombrée. Bref, beaucoup d’heures de navigation pour une petite distance. Nous nous réveillons près du village de Qeqertarssuaq au sud de l’ile de Disko, par 69°12’N & 53°31’W. La température est de 7°C, le temps est couvert et la visibilité est bonne.
Le petit déjeuner pris, nous débarquons pour une visite de Qeqertassuaq (anciennement Godhavn et dont le nom signifie « Grande Île »). Fondée en 1773, c’est une des « villes » les plus vieilles du Groenland, mais avec tout de même plus de 1000 habitants. Dans le temps, c’était une station baleinière, et qui reste aujourd’hui un lieu d’observation pour ces animaux. Le contraste entre les maisons groenlandaises typiquement colorées et les montagnes basaltiques alentour, est saisissant.
Une belle marche le long de la plage de sable noir nous mène au terrain de football (avec l’héliport tout à côté). Là encore, le vert de la pelouse synthétique contraste avec le noir de la roche. Le cimetière semble « assez fourni », mais les tombes sont littéralement couvertes de fleurs en plastique. C’est assez curieux. Puis, la visite du petit musée située dans l’ancienne maison du docteur occupe certains d’entre nous. D’autres vont au supermarché local.
Cet après-midi, nous organisons notre sortie en zodiac pour aller taquiner des icebergs de plus près.
Le nombre de photos qui ont été prises est inouï ! Il faut dire que le spectacle est au rendez-vous.
Un phoque sort la tête, nage sur le dos, nous regarde et replonge. Quelques bandes de Guillemots de Brunich, quelques Guillemots à miroir très farouches, un couple d’eiders s’envolent à notre passage. Nous arrivons sur un site géologique très particulier ; des milliers de petites orgues basaltiques plongent dans la mer. Habituellement, les orgues basaltiques sont globalement ordonnés dans la même direction, mais là, les différences de températures à l’origine de ces formations rocheuses ont entrainé la roche dans tous les sens. Plusieurs cascades jaillissent au milieu pour retomber en mer. Le retour au bateau est encore plus beau parmi les icebergs, car le soleil montre enfin son nez.
En repartant en direction d’Aasiat, le bateau talonne un récif. Au Groenland les fonds sont peu connus… La procédure d’urgence est mise en place, puis le bateau déséchoué par le Commandant, la coque inspectée par un plongeur : ni dégâts, ni inquiétudes sur le programme. Ces yachts polaires sont étudiés pour des situations difficiles. Le temps des rapports, de la visite des Autorités qui dînent avec nous, et d’une bonne nuit de récupération, avant de repartir sur Aasiat où nous attendent des baleines, avant notre expédition vers le Nord.
Nous sommes réveillés sous un beau soleil, il est temps de repartir vers d’autres aventures.
Nous sortons du petit port de Qeqertarsuaq en direction du sud. Après quelque temps, une brume épaisse nous entoure, seule la corne de brume nous fait sursauter.
Le plafond nuageux se lève et nous permet de découvrir de superbes icebergs de toutes les formes et d’une hauteur extraordinaire. Cela nous tord le cou de regarder les sommets de ces blocs de glaces. Parmi ces monstres de glace, il y en a un avec une belle arche de plusieurs mètres de haut. Cela nous amène en milieu d’après-midi avec une conférence de Xavier sur la formation et transformation de la neige. Nous arrivons dans les chenaux de Aasiaat et nous décidons de débarquer dans ce village de 3000 habitants. En sortant du navire avec les zodiacs nous pouvons observer trois baleines à bosse qui traversent la baie devant le village et nous pouvons voir à plusieurs reprisent la queue de ces mammifères marins.
Nous débarquons dans le village et nous pouvons découvrir ce village de pêcheurs et chasseurs. Nous visitons quelques lieux historiques tels la hutte en tourbe et les bâtiments du 18e siècle.
Quelques jolis points de vue sur le village et voilà déjà l’heure de rentrer au bateau pour le dîner.
Fin de soirée au mouillage devant les maisons colorées qui nous donnent une belle vision du Groenland.
Le réveil depuis Aasiaat par 68°42’908 N & 53°31’566 W ; température de 10°, temps couvert, pas de vent.
Nous sommes en route à 9h30 et croisons quelques pêcheurs tout à leur travail et plusieurs groupes d’une dizaine de phoques du Groenland. Il y a une forêt de kelp sous notre quille, du poisson, et donc des pêcheurs et des phoques.
La radio grésille ; c’est un contrôle régulier avec la station d’Aasiaat pour être sûr que nous faisons bonne route. Même le dimanche !
De gros icebergs commencent à nous tenir compagnie par notre travers tribord. C’est que notre route doit nous mener vers le nord d’Ilulissat, en longeant une belle barrière de glace. Nous devons avoir 50 miles jusqu’à notre point d’arrivée. Mais cela en ligne droite sans la glace…
Le temps s’améliore et la visibilité est parfaite pour une observation de baleines. Mais de cétacés… point.
Soudain, un souffle au loin !
C’est une baleine à bosse qui se montre et nous l’accompagnons pendant un petit moment.
Dans l’après-midi, le temps est résolument beau, le soleil est là, le ciel est bleu, la mer d’huile. Des conditions fantastiques pour magnifier la blancheur des icebergs.
La sieste sous le soleil du Groenland… nous sommes entourés de blocs de glace monumentaux ; c’est la classe absolue !
Nous passerons des heures à les photographier sous tous les angles ;
tellement de photos à trier…
C’est évidemment épuisant… et donc un gouter réparateur nous attend au salon. Christophe nous présente alors une conférence sur les grands enjeux géo-bio-politiques de l’Arctique et de l’Antarctique.
Encore de magnifiques icebergs à voir au soleil : il est déjà 20h ! Le diner est préparé par notre chef allemand Ferdinand (la cuisine est assez « germanique », mais ça remplit son office…). Tout cela, bien entendu dans la bonne humeur !
Nous voilà dans la baie de Equip Sermia, nous sommes ancrés vers 5h du matin après une nuit rythmé par les bruits des icebergs de toutes les tailles qui venaient se fracasser sur la coque du navire…
Nous partons en zodiac nous faire déposer à port Victor, lieu de départ des expéditions françaises menées par Paul-Émile Victor.
Nous pouvons voir la cabane historique de son camp de base ainsi que les traces des chenillettes remontant la colline vers l’Inlandsis. Une statue commémorative retrace sur une carte les tracés de ces expéditions.
Après cet arrêt sur l’histoire polaire française, nous partons nous balader sur un petit sentier en balcon le long de la côte avec vue sur les icebergs en contrebas. Cette sortie est sous le signe de la botanique. Des dizaines d’espèces fleurissent cette rocaille austère tels les pavots arctiques, les pédiculaires, silènes, saxifrages et bien d’autres fleurs. Un groupe d’une quinzaine de bernaches cravan broute la toundra bien grasse. Nous terminons notre balade sur un point de vue sur un lac glaciaire. Les zodiacs nous retrouvent en bord de plage pour un retour entre les icebergs vers le bateau.
Nous repartons en début d’après-midi pour une plus longue marche. Le but est le haut de la moraine du glacier Eqip. Nous débarquons sur une plage de moraine avec de gros blocs de roche et nous prenons un peu de hauteur pour retrouvons une grande zone de toundra bien molle plus facile pour marcher.
Après quelques lacets bien raides dans la montagne. Nous arrivons sur un point de vue magnifique avec le fjord d’un côté rempli d’icebergs et le glacier de l’autre côté. C’est un super spectacle de vêlage qui se déroule sous nos yeux avec plusieurs pans entiers du glacier qui se détachent dans un bruit de tonnerre.
Il est déjà le temps de redescendre par le même chemin, et de rentrer au bateau pour un bon dîner.
Nous nous réveillons devant le glacier Equip qui n’a pas arrêté de gronder toute la nuit (tout le jour bien sûr…). Beau temps, très belle visibilité, température de 10°C, pas de vent, mer d’huile simplement bercée par les quelques vagues provenant des vêlages de l’Equip. Quelques icebergs sont d’ailleurs passés proche de notre bastingage.
Nous décidons une sortie à terre pour aller voir de très près les icebergs échoués sur la plage de sable. C’est une ambiance très différente que de pouvoir approcher des gros morceaux, et de pouvoir les toucher.
Le soleil est magnifique ! Notre équipage organise donc un BBQ sur le pont, avec en fond de carte postale, le glacier Equip. Nous sommes en plein milieu d’un brash compact fait de petits et gros morceaux de glace. Le terme pour définir ce déjeuner est, je crois, féerique…
Le bruit de ces millions de cristaux qui s’entrechoquent est interrompu de temps à autre par celui des grognements violents du glacier, juste à 800m de notre navigation.
Celle-ci est en effet délicate tout l’après-midi. Nous sommes en direction du tout petit hameau d’Ataa (qui est en fait le quartier d’hiver de chasseurs qui chassent (forcément) en traineaux à chiens.
L’été, il n’y a personne, sauf un phoque qui sort la tête. Christophe en profite pour faire une conférence sur les conséquences des dérèglements climatiques et les enjeux stratégiques en Arctique. Et personne ne s’est endormi… !
C’est déjà l’heure de l’apéritif ; encore avec du soleil dans un panorama magnifique. C’est superbe !
La recherche d’un mouillage sûr en arrivant à Ataa nous prend un peu de temps. Nous sortons après diner pour une petite marche dans ce hameau perdu, mais à peine tout le monde a-t-il débarqué, que le capitaine nous lance un appel radio. Deux baleines sont en vue. Rembarquement immédiat pour une « chasse » à la baleine. Nous les observerons, mais elles vont nous mener par le bout du nez un long moment.
Le mouillage du Togo dans une petite baie tranquille et bien abritée, à proximité, nous attend pour la nuit. Nous serons en compagnie d’un des très rares voiliers que nous avons croisés durant notre périple.
Il est 8h et le petit déjeuner est servi sous un soleil radieux. Nous prenons les zodiacs pour une sortie à terre au camp d’hiver de Aata. Nous déambulons dans ce village fantôme, cinq cabanes et un cimetière ; voilà à quoi se résume ce lieu hors du temps. Nous marchons jusqu’à un petit lac qui est encore gelé aux trois quarts. Nous pouvons visiter l’une des maisons ouvertes ; l’intérieur est aussi fantomatique que le reste.
Nous remontons dans les zodiacs pour une croisière entre les icebergs et pour profiter encore une fois de ces monstres. Nous rentrons au Togo pour partir vers le sud et le village de Rodebay (23 habitants à l’année) ; le plus petit village du Groenland. À notre arrivée, nous sommes accueillis par Julien, un Français marié à Charlotte, une Groenlandaise avec qui il a trois enfants. Les échanges avec cette famille sont très intéressants : il nous explique son métier de chasseur et de son adoption par un père groenlandais.
Il nous fait visiter son village, l’école qui est mieux équipée que dans notre pays ! Pendant ce temps, notre cher Jacques, étourdi par les milliers de photos qu’il prend, se retrouve au milieu d’une meute de chiens ; les plus dangereux du village ! Heureusement qu’ils sont attachés, sinon ils n’auraient fait qu’une bouchée de notre Jacques.
De retour au bateau, nous naviguons entre les icebergs et nous fêtons notre fin d’expédition avec un verre de champagne.
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