Marianne Duruel
Coordination et Photographie
11 novembre
25 novembre 2017
Novembre 2017
Marianne Duruel
Coordination et Photographie
Partis la veille de Genève, Hong-kong, Paris, la Réunion, nous nous retrouvons tous à notre hôtel au coeur de Singapour, la ville propre et verte. Les vols ont été bons, les formalités se sont déroulées sans problèmes. Une petite douche ou une première petite découverte à pied plus tard, tout le monde fait connaissance autour d’une table approvisionnée par un buffet de fruits de mer particulièrement appétissant et copieux. Puis, c’est le rendez-vous au salon pour mettre en place notre stratégie de découverte. Et, j’embarque la majorité du groupe pour une marche digestive à la recherche d’une belle perspective sur les réalisations architecturales emblématiques de la ville.
Chaque nouvelle avenue, nouveau carrefour débouche sur des bâtiments défiant l’imagination. Finalement, le panorama recherché est atteint et le « paquebot » du Marina Bay Sands, le complexe de « Gardens by the bay » avec ses arbres géants, le Pandora local (la planète du film Avatar), un des lieux les plus spectaculaires de la ville se reflète dans l’eau… Bienvenue à Singapour!
Ce matin direction Chinatown ou Little India et Arab Street dont nous sommes tout proches, chacun suit son inspiration, équipé d’un beau parapluie au départ, avant que le soleil ne ressorte… Le climat équatorial joue parfois des tours… Certains descendent vers la marina par le vieux quartier colonial en passant par le mythique Raffles. La ville offre de multiples possibilités… Les contrastes sont saisissants : entre les petites maisons colorées, rangées bien « sagement », du Singapour historique et les débauches de formes de la métropole d’aujourd’hui où la cité se pense verticalement tout en gardant une échelle humaine par son aspect aéré et vert. Une belle escale!
Nous poursuivons notre périple vers les îles secrètes et leurs trésors intimes…
Après l’opération avion, nous atterrissons sur l’aéroport de Ternate, la capitale de la province des Moluques du Nord sous le soleil.
La descente au-dessus des îles nous a permis de découvrir des paysages volcaniques couverts de vastes forêts tropicales humides d’un vert éclatant. Nous sommes accueillis par Narto, notre guide du bateau. Nous traversons la petite ville animée, slalomant entre les motos.
Les maisons sont colorées, leurs habitants souriants. Nous arrivons en vue de notre bateau, le Katharina qui, avec sa grande silhouette blanche de bateau bugi traditionnel, a fière allure. Nous embarquons et rapidement chacun se retrouve dans sa cabine à prendre ses marques. À l’heure du déjeuner, nous découvrons pour la première fois les talents de notre discrète cuisinière indonésienne. Cet après-midi est consacré à Ternate.
En voitures particulières, nous montons au pied du volcan pour visiter une plantation de muscadiers. Nous en découvrons le fruit dont la chair est comestible et le noyau, la célèbre noix de muscade. Ce dernier est enveloppé dans une fine « écorce » rouge appelée maïs et vendue fort chère comme pour son parfum. Avec la chair, on fait aussi des fruits confits. Cette plantation permet également de voir la découpe de l’écorce de cannelle et des girofliers dont « Afo », le plus vieux giroflier du monde. Son âge est estimé entre 350 et 400 ans… Après cette approche bucolique, c’est la ville. Elle abrita l’un des 4 puissants sultanats des Epices et connut l’arrivée des Portugais puis des Hollandais. Nous visitons d’abord, Tolucco, le fort portugais construit en 1540. Les Portugais coopèrent avec le sultanat de Ternate. Tandis que les Espagnols se lient au sultanat de Tidore, ennemi intime de celui de Ternate… On peut encore y voir les armoiries portugaises. Des combats éclatent parfois à coups de canons, entre Portugais et Espagnols… Ensuite, nous faisons un petit arrêt à la maison où Wallace, le célèbre explorateur, naturaliste, collecteur, anthropologue… anglais, arrivé là en janvier 1858, vécut.
D’abord installé dans une pièce prêtée par le sultan avec lequel il se lie d’amitié, il finit par occuper une maison proposée par un riche Hollandais. Nous voici maintenant à la forteresse hollandaise construite en 1606. Les canons sont gravés VOC (Compagnie hollandaise des Indes orientales). Cette forteresse fut la base commerciale des Hollandais jusqu’à ce qu’en 1619, avant que la capitale commerciale ne devienne Batavia (l’actuelle Jakarta). Enfin, nous passons de l’histoire à l’Indonésie d’aujourd’hui avec le marché. Les étals sont bien garnis: pains de sagou, racines de gingembre ou de curcuma, cousine de notre courgette… Après une découverte pendant laquelle nous jouons un peu… avec les gouttes…, nous regagnons le Katharina. La navigation commence direction l’île d’Halmahera.
Le Katharina finit sa navigation matinale en compagnie de dauphins et poissons volants... Après un excellent petit-déjeuner pris sur le pont, nous nous équipons pour notre première opération « snorkeling« . Chacun choisit palmes, masque et tuba. Le zodiac nous laisse face à une belle mangrove au pied de l’île volcanique d’Halmahera. À la limite du haut fond, les coraux portent les stigmates de l’ancienne tradition de la pêche à la dynamite, fort heureusement interdite depuis… Très vite, le corail reprend ses droits. Bientôt, nous nageons parmi toute une faune marine multicolore. Les poissons de tailles et morphologie variées s’affairent entre les patates de corail, les branches blanches, les acropores tabulaires ou digités, les ascidies, les éponges… Les appareils photos « waterproof » sont testés et approuvés… Déjeuner, sieste pour les uns, soins au matériel pour d’autres, lecture… Le temps s’écoule harmonieusement…
Cet après-midi, nous visitons le petit village de pêcheurs d’Ajikelolo dans la région d’Halmahera Sud. Là, vivent près de 200 personnes de l’ethnie Makian. Les maisons y sont simples mais on y trouve une école, une petite clinique et évidemment dans cette région des Moluques
Nord, une mosquée. Au sol, sèchent parfois des noix de muscade.
À la coopérative, on s’active à peser les sacs de coprah (75 kg) qui seront vendus à Sulawesi pour produire de l’huile de coco. Ces produits sont une source de revenus supplémentaire pour les villageois, avec les clous de girofle et les poissons de prix. La nourriture de base est constituée de l’incontournable sago. Le palmier sagou ou sagoutier permet d’obtenir une farine qui fut l’élément de base typique jusqu’à ce que, avec le développement des transports, il ne soit détrôné par le riz. Mais, il sert pour la fabrication du pain et des gâteaux. Les poissons fournissent les protéines et nous rencontrons de nombreux poulets et poussins, des chèvres également… L’électricité vient de la capitale de l’île. Le principe d’achat en est une carte prépayée mensuelle. L’eau potable provient normalement d’un puits mais… la pompe est en panne. Les enfants s’amusent beaucoup de notre visite. Il faut dire qu’elles sont rares car notre guide prend soin de ne pas visiter toujours les mêmes villages avec ses groupes.
L’école primaire se passe au village puis il faut se rendre plus loin, à 1h de bateau de là, pour la suite. Les écoliers y restent de 7h à 12 h et retour. Tandis que nous passons la jetée, des petits crabes violonistes agitent leur pince « de compétition » face aux intrus.
Ici, la mangrove a manifestement été coupée. Un petit sentier bordé de blocs volcaniques mène au puits, aux cocotiers, muscadiers, girofliers…
La vie quotidienne y bat son plein: approvisionnement en eau, lessive, récolte de noix de coco… Un jeune homme, étudiant en agroforesterie à l’université de Ternate, assouvit la curiosité de notre groupe. Ici, les mariages ne sont pas arrangés. On se rencontre lors de fêtes inter-îles. Sauf pour les descendants dits « sangs bleus » des sultans. Là, nous sommes dans l’ancien sultanat de Kaova. Il y en avait 4, d’où Raja Ampat, les 4 royaumes… Avant l’arrivée des commerçants arabes dans les années 1200-1300, ces tribus avaient une organisation clanique. Les sultanats et l’islam sont « l’héritage » de ce commerce des épices avant l’arrivée des occidentaux. Aujourd’hui, le pèlerinage à la Mecque représente une dépense majeure de l’ordre de 6000 USD… mais fait partie des 5 piliers de l’islam. En Indonésie, les pèlerinages sont importants. Les chrétiens vont à Lourdes, Nazareth ou Rome, les hindouistes sur le Gange… Nous regagnons le bord ravis de ce beau moment partagé… Le soleil se couche tandis que nous naviguons vers Bacan.
Nous nous trouvons désormais dans l’hémisphère Sud, près de l’île Bacan. C’est là que Wallace a découvert l’un des plus grands papillons connus. Nous débarquons dans un petit village où trois, certainement « gitans de la mer » sédentarisés, nous font traverser leur village vers la forêt. La balade est censée durer 2 heures, elle va se révéler un peu plus longue… Le sentier est situé à la limite entre zones de cultures et la forêt. La végétation est assez inextricable et le terrain accidenté. Nous y croisons un couple de perroquets à tête rouge puis, perchés un peu plus loin, 3 martins-pêcheurs bleu et blanc.
Notre randonnée est ponctuée de libellules et papillons mais point de celui découvert par Wallace. Quelques belles fougères arborescentes bordent par endroits le sentier. D’ailleurs, la variété des fougères est remarquable au cours de notre parcours. Nous passons quelques petites rivières, traversons une puissante bambouseraie et montant, descendant, arrivons dans un secteur très pentu qui a de ce fait gardé son caractère de forêt primaire. Nous y trouvons des arbres à contreforts souvent porteurs de plantes épiphytes ou semi-épiphytes. Finalement, nous débouchons dans une vaste cocoteraie. Dans des arbres au bord de la rivière, un couple de cacatohès blancs sont en pleine dégustation de bourgeons frais. Dans la cocoteraie, sous un petit abri de bois et de feuillage, on s’active pour remplir des sacs, c’est la préparation du coprah. À l’aide d’un petit couteau crochu, la chair est extraite.
Les coquilles des noix de coco serviront de combustible. Puis un de nos guides grimpe à un cocotier et nous ouvre des noix de coco dont nous dégustons l’eau avec plaisir. Ayant repris des forces, nous continuons notre chemin vers la plage. Le zodiac vient nous y récupérer et nous déjeunons de bon appétit à bord du Katharina. Puis le bateau lève l’ancre direction l’île d’Halmahera.
Le but est de s’amarrer au large du village de Beruba-ruba sur la côte Ouest de l’île d’Halmahera. Nous sommes ainsi parés pour démarrer notre « opération paradisiers de « Wallace » à 3h30…
Réveil plus que matinal, aujourd’hui, nous avons rendez-vous avec les paradisiers de Wallace. C’est donc de nuit que nous embarquons sur le zodiac. Sur la plage des véhicules nous attendent pour traverser l’île d’Halmadera vers la forêt dans laquelle les célèbres oiseaux habitent. La route est étroite et il se fait tout en douceur car les chèvres du coin semblent beaucoup aimer l’asphalte… À 5h15 nous nous arrêtons au niveau d’une belle forêt tropicale humide. Dûment équipés, nous nous engageons sur le petit sentier forestier.
Les voix du petit peuple de la forêt retentissent dans la nuit. Les grenouilles sont de loin les mieux représentées. Nous cheminons à la lumière des frontales parmi les lianes, racines échasses ou contreforts des plus grands arbres. La forêt primaire devient de plus en plus bruyante. Nous éteignons nos lampes, le silence est de rigueur. Nous sommes tout proches du lieu de prédilection des fameux paradisiers. Des chants d’oiseaux très caractéristiques retentissent bientôt autour de nous. Ils sont là… Nous ne discernons tout d’abord que les éclairs blancs des plumes. Puis le jour commence à poindre. Nous découvrons de mieux en mieux ce que cache l’agitation et les chants autour de nous.
Le spectacle qui a lieu est superbe. Les mâles, beaucoup plus voyants que les discrètes femelles commencent à développer leur stratégie de séduction. Tandis que madame observe dans la pénombre, les mâles font de gracieux vols avec effets de leurs ailes blanches déployées puis se posent sur leur branche favorite. Là, ils se lancent dans une démonstration d’effets de plumes fort réussis. Les caméras et appareils photos sont en pleine activité au fur et à mesure que le jour se lève. Le spectacle est vraiment incroyable.
Encore imprégnés de cette ambiance très particulière, nous prenons un somptueux petit-déjeuner en pleine forêt. Des pigeons au chant étrange pour nous, des perroquets et nos talentueux petits paradisiers revenus dans la canopée proche de nous, se mêlent aux stridulations des cigales. Ressortis de la forêt, nous marchons un peu sur la route pour tenter de voir d’autres oiseaux puis nous retrouvons les véhicules pour traverser le village bordant la baie de Weda. Nous arrivons à une petite école créée par le resort qui nous organise la matinée. Les enfants chantent pour nous, nous aussi… Puis, à pied, nous longeons la baie et une mangrove pour rejoindre le Weda Resort où nous allons déjeuner.
Un toucan nous survole dans un bruit de bourdon géant… Le long du chemin, de grands papillons noir et blanc nous offrent le spectacle de leurs arabesques élégantes. Côté avifaune, le « golden bulbul » et le « rufous bellied triller » font de belles apparitions.
Le repas de midi au Resort est agréable. Puis, nous reprenons la route, faite de nuit, vers le village de Beruba-ruba. Elle s’avère superbe de jour. Les villageois nous offrent un petit concert familial et nous regagnons le bord. Le Katharina navigue maintenant plein Sud.
En début de matinée, nous effectuons une baignade avec palmes, masque et tuba de toute beauté près de Joronga et des îles Damar, au large de l’extrémité méridionale de l’île d’Halmahera. Les coraux sont variés tant en formes qu’en couleurs: acropore gigité, acropore tabulaire robuste, acropore bois de cerf, corail champignon, corail cerveau soigné, corail tortueux, corail à bulles sinueux dans lequel se sont établis des vers tubicoles à éventail, éponges oreille d’éléphant, turbinaire jaune… Les noms ne sont pas de mon invention… À la limite avec le tombant, une belle gorgone à noeuds ressort sur le fond bleu… Sur certains coraux, des ascidies tache d’encre forment comme des petites « cheminées » blanches et jaune veinées de bleu. Et puis, de place en place, une étoile de mer bleue, une étoile de mer rouge, un petit bénitier aux « lèvres » bleues… Tout ceci, sans compter des myriades de poissons tous plus colorés les uns que les autres.
Dans leurs anémones de mer, des poissons-clowns à 3 bandes vont et viennent. Ils ont toujours un grand succès… Après cette exploration marine, nous mettons le cap vers l’Est pour la longue traversée vers Misoolet ses paysages karstiques. Cette navigation est l’occasion rêvée d’évoquer ces îles des Moluques, les plaques tectoniques et les différentes formes de volcanisme et de parler sérieusement de Alfred Russel Wallace. Explorateur-naturaliste collecteur d’insectes, oiseaux et mammifères (dans l’Angleterre victorienne…), pionnier de la biogéographie, le « naturaliste oublié », pourtant: autre découvreur de la sélection naturelleavec, évidemment, Charles Darwin, est un personnage passionnant. Le paradisier d’Halmadera porte son nom: Paradisier de Wallace – Semioptera wallacii. Son plumage est une merveille…
Nouveau point d’ancrage, nouvelles merveilles à découvrir… C’est dans un cadre karstique superbe que nous lançons notre expédition snorkeling du matin. Le ciel est plus qu’incertain et nous avons nagé sous une pluie battante. Drôle d’impression… Nous sommes à marée basse et nous longeons le bord corallien des pieds de pitons karstiques érodés. Il s’agit de ne pas se faire coincer dans une passe trop peu profonde. Mais cet exercice de style maîtrisé, le milieu s’avère très clair, car proche, puis on nage à la limite du tombant.
C’est une symphonie en corail majeur... Dans le grand corail corne de cerf, du corail noir, favia vrai, corail denté, des poissons de toutes couleurs se nourrissent, surveillent et préservent leur territoire… On ne sait plus où regarder. Ponctuellement, nous rencontrons : étoiles de mer « couronnes d’épines », anémones coloniales jaunes, anémones carpette géante, et qui dit anémone dit poisson-clown… Puis, nous partons en zodiac pour explorer le secteur.
En s’approchant d’un ilot pour mieux apprécier sa flore, on découvre tout un chapelet de petites urnes qui pendent d’une sorte de liane. Il s’agit de la fascinante plante carnivore du genre Népenthès. Cette plante vorace est connue pour parvenir à piéger et digérer toutes sortes d’insectes. Ces derniers, une fois tombés dans les petits pichets, ne peuvent plus en ressortir et, dissous progressivement, vont servir à nourrir la plante accrochée à un milieu particulièrement pauvre, il faut dire… Mais une belle ondée nous tombe dessus…
Nous faisons une petite pause avant de poursuivre notre navigation de proximité dans ce milieu enchanteur. Nous rentrons finalement dans une étrange lagune secrète dans laquelle il pourrait y avoir des méduses. Mais point de méduses! Ce jour, nous refaisons une opération snorkeling… Finalement, le Katharina met le cap sur l’Est de l’île de Misool.
Après un petit-déjeuner pris dans la baie de Tomolol, à l’extrémité Est de l’île de Misool, nous embarquons sur les zodiacs pour une matinée bien remplie. Nous faisons d’abord une longue navigation parmi les flotteurs de la ferme ostréicole de production de perles. La vaste structure est une création japonaise. Des gardiens, Papous de la côte en charge de la surveillance et de la gestion des lieux nous accompagnent. Nous pénétrons bientôt dans le labyrinthe du paysage karstique. C’est une merveille!
La base des ilots est sapée par l’océan. Puis, les pics s’élèvent en sculptures hétéroclites. Parfois, là où la calcite s’est fraîchement déposée, la paroi est parfaitement blanche. Une végétation d’un vert éclatant part à l’assaut des sommets. Le tout se reflète dans l’eau d’un superbe vert émeraude quand le fond est sablonneux. Des chapelets d’urnes de népenthès, ces plantes carnivores de milieux pauvres, pendent parfois au-dessus de l’eau.
Des palmiers d’arec ressortent de place en place et déploient leur panache au sommet de certains pitons. Parfois, on devine la silhouette d’un toucan, l’éclair blanc d’un cacatoès… Finalement, nous arrivons à une vaste grotte karstique. Nous escaladons un peu pour mieux appréhender le site. Des stalactites sont visibles à certains endroits. Quelques hirondelles passent et repassent tandis que Narto nous parle des deux tombes musulmanes datant des XIIe et XIIIe siècles. Des offrandes y sont encore déposées de nos jours.
Au fond de la grotte, une eau d’un vert profond invite à la baignade. Mais une sombre histoire de crocodile calme les ardeurs des amateurs de bain… Nous reprenons les zodiacs pour trouver un lieu propice au snorkeling. Nous passons quelques sublimes « champignons » karstiques. Puis, tous à l’eau… Le milieu est malheureusement un peu trouble. Nous en profitons quand même pour observer des étoiles de mer à piquants, des acanthaster planci ou couronne d’épines, des ennemis du corail qu’elles dévorent… De belles ascidies tache d’encre, aux couleurs jaune et violet « flashy », du grand corail corne de cerf, le « panache » violet ou jaune ou brun d’un ver tubicole à éventail qu’ils referment en cas de danger potentiel…
Nous continuons notre exploration par un site étrange. En effet, elle se termine en apothéose dans un étrange lac émeraude. Après avoir marché une dizaine de minutes, nous accédons à un lac isolé depuis près de 10000 ans de l’océan. Devenu un mélange d’eau douce et d’eau salée, au-dessus du niveau de la mer, la faune piégée s’est adaptée. Et comme aucun gros prédateur ne vit dans ce lac, les méduses tachetées ou « dorées » semblent n’avoir développé aucun système de défense, et sont inoffensives. Enfin, il n’y avait pas de prédateur… car nous tombons nez-à-nez avec un barracuda de belle taille très curieux vis-à-vis des nouveaux arrivants que nous sommes… Ce micro-écosystème réserve décidément bien des surprises. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut observer, photographier, filmer des méduses de si près et aussi longtemps. Un vrai spectacle! Puis, en avant toutes vers les îles de Wayag…
Arrivée, après une nuit de navigation quelque peu « rock’n roll », au moment où les dernières gouttes de pluie tombent… Un double arc-en-ciel se forme à l’horizon. Le Katarina continue sa navigation doucement. Ici le temps change très vite et le soleil commence à éclairer les îles de l’archipel de Wayag où nous allons passer deux jours. La lumière est superbe et les silhouettes vertes des îles et ilots se détachent sur un ciel qui porte encore les stigmates du gros temps. Pour les photographes, cela donne des ciels intéressants. Nous prenons notre petit-déjeuner dans un cadre sublime. Puis c’est le départ pour une petite plage de sable blanc immaculée.
À notre arrivée s’envolent trois perroquets à tête rouge et un couple de canards du Pacifique. Le sable excessivement fin est produit par les poissons-perroquets suite à leur consommation de coraux… Dûment équipés, nous palmons vers un gros « champignon » karstique. Très rapidement, le milieu se révèle riche et différent de ce que nous avons exploré jusqu’alors. Des blennies à lignes sortent des petits trous situés sur le fond sablonneux pour se nourrir. Au niveau des secteurs de corail, la faune marine est plus dense. Les mêmes scènes de territorialité se déroulent un peu partout. Même le sympathique poisson-clown est bien placé en matière d’agressivité dont il fait preuve pour garder son anémone de mer. Il ne l’est pas avec toutes les espèces, mais particulièrement avec les autres membres de la sienne… Nous avons du mal à nous arracher à cet « El Dorado » de vie marine.
En début d’après-midi, les plus courageux vont attaquer l’ascension qui permet d’avoir une vue panoramique sur le paysage environnant: une splendeur! Les autres explorent les « jardins » coralliens le long d’une mangrove. Le milieu est riche et coloré. Les stars du lieu sont les cousins des hippocampes ou syngnathes… et les « fleurs » rouge ou bleu de petits vers tubicoles à éventail qui se referment dès qu’on approche… Voilà un écosystème différent. La richesse de la mangrove se révèle bien ici: d’autres espèces et des quantités d’alevins et de jeunes poissons passent dans les racines échasses des palétuviers.
Nouveau changement de lieu, Harris nous choisit l’endroit. C’est l’illustration parfaite du véritable sanctuaire de biodiversité dans lequel nous sommes. D’énormes bénitiers ouverts filtrent l’eau pour se nourrir. Ils sont festonnés de violet ou bleu ou vert. L’eau est parfaitement claire, c’est une merveille. Nous écoutons les poissons-perroquets s’échiner avec appétit sur les squelettes de coraux puis filer dans un nuage de farine blanche… Le matériau de base des plages immaculées du coin. Le soleil se couche sur un paysage unique. Les îles de Wayag méritent bien leur réputation!
5h30,nous embarquons dans le zodiac pour une croisière de réveil et observation des oiseaux. Nous naviguons d’abord de nuit, puis peu à peu le ciel pâlit tandis que les silhouettes noires des ilots karstiques se détachent en ombres chinoises de plus en plus contrastées.
Nous profitons du spectacle du lever du jour puis du soleil sur un paysage de toute beauté. Les mots manquent pour qualifier ces instants suspendus dans le temps. Chacun savoure… Tandis que la clarté aidant, les îles commencent à se refléter dans l’eau, nous pénétrons dans une sorte de lagune quasi fermée où le moteur est coupé. Silencieux, nous écoutons le réveil des oiseaux. Les chants sont variés et plus ou moins nombreux suivant les secteurs. Nous nous approchons doucement du secteur le plus bruyant, mais les volatiles sont invisibles…
Par contre, le soleil venant de passer la ligne d’horizon commence à darder ses rayons sur les pains de sucre dont la végétation se drape d’une chaude lumière… Pour les amateurs de belles images, le moment et le lieu sont parfaits… Nous ressortons pour continuer notre petit périple. Derrière le zodiac, un « cirque » d’îles et ilots se mire dans une mer calme sur fond de ciel devenu bleu avec juste ce qu’il faut de gros nuages pour lui donner tout son relief… Nous sommes toujours à l’affût des oiseaux, mais ils ne s’activent que fort loin: quelques frégates, un couple de canards du Pacifique…
Nous nous enfonçons dans le somptueux labyrinthe. Par contre, nous déplorons tous la quantité de bouteilles et morceaux de plastiques qui flottent régulièrement… Quel dommage! L’eau est d’une parfaite limpidité et soudain, une jeune tortue marine file se mettre à l’abri. Un peu plus loin, c’est une tortue adulte qui disparait à « tire de nageoires »… Leur consommation est pourtant interdite… D’ailleurs, un peu plus loin, nous tombons sur un campement de pêcheurs. Espérons qu’il n’y ait pas de rapport de cause à effet… Après avoir contourné l’île escaladée hier par nos sportifs, des oiseaux sont repérés. Cap vers l’ilot peuplé!
Nous ne rentrons pas bredouilles par rapport à notre objectif de départ. De plus, nous avons profité d’un spectacle de toute beauté au coeur de ce qui est considéré comme faisant partie des plus beaux paysages au monde…
Après avoir repris des forces, nous nous mettons à l’eau pour d’abord retrouver nos petits cousins des hippocampes, les syngnathes à bandes marron et l’écosystème particulier du « front de mer » d’une mangrove. Puis, chacun ayant profité du site, nous partons vers une zone littorale plus profonde. Superbe! D’énormes bénitiers, de flamboyants poissons-perroquets dont nous entendons les mâchoires puissantes croquer dans le squelette du corail… L’eau est parfaitement claire, c’est une merveille.
L’après-midi, nous prenons plein Sud vers la plus grande île de Raja Ampat: Waigeo. Les conditions de mer sont favorables, le capitaine fait hisser les voiles. Le zodiac nous emmène à tour de rôle prendre du recul pour immortaliser le moment. Le soleil se couche sur un ciel superbe… Nous évoquons la forêt tropicale humide en vue de notre exploration du lendemain.
4 h, nous embarquons pour un nouveau rendez-vous avec les paradisiers. Il s’agit, cette fois du paradisier rouge. Débarquement sur une petite plage et, une fois bien chaussés et équipés d’un solide bâton, nous démarrons l’expédition. Nous passons d’abord quelques maisons sur pilotis puis pénétrons dans la forêt. Nos frontales éclairent beaucoup plus nos pieds que les alentours, car le sentier monte ferme.
La nuit est d’abord profonde, mais jamais silencieuse... Nous sommes dans une forêt tropicale humide et le petit peuple de la forêt y est bien bavard. Insectes, grenouilles, oiseaux nocturnes s’expriment. De temps à autre, un point lumineux minuscule, mais intense, luit au sol. En s’approchant, il s’agit d’une araignée… Son abdomen possède comme un diamant lumineux… Cela doit leurrer des insectes curieux dont elle peut se régaler… Dans le milieu du sous-bois de ce type de forêt, à la fois germoir et pourrissoir, le recyclage bat son plein.
Nous rencontrons coléoptères, vers de terre, de nombreuses iules. Ces dernières sont la plupart du temps cachées sous les feuilles mortes. Encore un petit effort et le groupe se scinde en deux pour l’observation. Des gradins rustiques permettent de pouvoir observer les stars assis. Silencieux, lampes éteintes, nous retenons notre souffle. Les chants d’oiseaux se mettent à sortir de partout.
C’est l’heure magique! Tons différents, mélodies variées, tout le monde s’y met: pigeons, toucans et… paradisiers. Au fur et à mesure que le jour se précise, on distingue de mieux en mieux des petites silhouettes ailées. Soudain, dans une envolée brillante avec force plume, un splendide oiseau passe… C’est lui. Alors, les plus raisonnables se contentent de guetter et de profiter des superbes passages de la star. Les autres s’escriment dans des conditions de luminosité difficiles à réussir des prises de vue nettes. C’est un vrai challenge, car on ne sait jamais d’où va surgir le bel oiseau, les branches et feuillages se font un malin plaisir à cacher partie voire totalité du sublime plumage. Pour le mâle, il porte tête verte, nuque jaune, ailes fauve , queue rouge et deux ornements noirs et ondulés utilisés spécifiquement pour la parade nuptiale… Nous laissons nos petits papous au bord de l’eau et regagnons le Katharina.
Après une petite navigation, nous voici à peu de distance du canal du détroit de Kabui. Nous pénétrons parmi les pains de sucre karstiques.
Entre deux îles, le courant porté par les marées est assez fort et, par endroits, on a plus l’impression d’être sur un fleuve… Nous nous éloignons prudemment des courants les plus puissants. Le premier site se révèle plutôt trouble même s’il nous offre de nouvelles rencontres: le serpent de mer ou tricot rayé, une tortue imbriquée et un poisson-coffre particulièrement placide. Le second site est une sorte de lagon face à une mangrove, plutôt trouble aussi.
Après le déjeuner et une petite sieste bien méritée, nous allons visiter le village papou de Yenbesir. Nous sommes accueillis avec enthousiasme par les enfants. Occupés à pêcher, ils délaissent de suite leurs cannes à pêche. La petite communauté de près de 200 âmes, dont énormément d’enfants, semble prospère. L’église évangéliste luthérienne est pimpante. Des panneaux informatifs vantent les mérites et le B A BA de l’éco-tourisme. Dans la cour d’une maison, on s’active ferme. La chair de coco est écrasée dans une machine. La pulpe obtenue est chauffée dans un wok. Cela va donner de l’huile de coco et le résidu sera donné aux poules, cochons… 50 noix de coco donnent 1O l d’huile de coco pour faire la cuisine.
L’école, construite en 2014, a été endommagée par un tremblement de terre en 2015. On est en train de la restaurer. C’est l’État indonésien qui finance. Dans un cadre riche en couleurs, les cours ont lieu entre 7h15 et 13h. Un peu plus loin, sur le terrain de foot, un match papou sur un terrain fleuri se déroule avec vigueur. Pourtant, il fait chaud… En périphérie, quelques volatiles vaquent à leurs occupations: le cacatoès à huppe jaune fait sa toilette avec soin, les petits perroquets à tête rouge se restaurent.
Nous pressons le pas pour retourner à bord avant la pluie qui menace. Soirée tranquille, demain, nouvelle expédition paradisiers…
4h, il fait nuit noire et il a plu une bonne partie de la nuit. Or le rendez-vous paradisiers nécessite une marche de 1h30 sur un sentier escarpé dans la forêt tropicale humide… Les conditions promettent d’être difficiles et beaucoup s’abstiennent. Le départ est un peu compliqué… L’hélice du zodiac se prend dans un filet. La marée est très basse et la jetée très haute… Nous cheminons le long d’une petite rivière à la berge glissante puis embarquons dans les pirogues papoues. Le paradisier rouge se mérite… Et ça n’était que le début…
La marée est si basse que les pirogues ont bien du mal à se faufiler entre les patates de coraux et rochers. Finalement, les pirogues arrivent au débarcadère d’où part le sentier menant au secteur de parade en pleine forêt.
Un ponton, quelques marches rudimentaires, ça va… Mais, de là, il faut 1h30 de pénétration dans le massif. Effectivement, ici, il a bien plu aussi. Les blocs karstiques couverts de lichen du sous-bois sont bien glissants, tout comme la terre argileuse rouge et les racines des arbres… Bref, il faut s’accrocher à son bâton et aux rambardes souvent rudimentaires. Nous nous hissons sur les flancs de collines, montée, descente, montée, descente…
Notre menton prend des allures de gouttière, mais nous sommes déterminés. Enfin, un peu ahanant, nous nous laissons tomber sur les rondins de l’observatoire. Nous sommes arrivés! Et… Ils sont là, en pleine parade nuptiale.
Devant 1, 2, 3 femelles, les mâles, après une dernière petite « mise en plume », c’est parti! Une petite danse de séduction avec souplesse et assiduité puis le grand jeu avec mise en évidence du plumage façon flamenco… Les éventails de plumes sont avantageusement déployés. Parfois le spectacle connait des variantes, formule accroché sous une branche ou verticalement pendant toute la démonstration. Ces oiseaux sont vraiment incroyables! Ah, j’oubliais le chant qui accompagne le festival… Mais si tout se passe bien… Le reste « ne nous regarde pas »… mais on ne souffre manifestement pas de jalousie chez le paradisier rouge. Merveilleux moment encore! Mais, il faut refaire le chemin inverse…
De retour à l’embarcadère, nous bifurquons vers la reconstitution de la case de Wallace. Là, un petit déjeuner papou nous attend. Les petites bananes sont délicieuses! Retour fourbus au bateau… L’activité suivante est le snorkeling dans une eau claire et un milieu riche. Superbe!
Après déjeuner et repos bien mérités, nous allons visiter un petit ilot sur lequel un protecteur de la nature a réimplanté une petite population de crabes de cocotiers. Mais ses protégés sont aux abonnés absents… Heureusement, l’ilot est également habité par des oiseaux et sa végétation recèle quelques trésors. Une petite balade en zodiac aux alentours est bien agréable et le coucher de soleil une merveille. Après le dîner, nous avons une visite nocturne: le protecteur des crabes de cocotiers nous en amène 2 spécimens. Ils sont bien étranges ces crabes, rapides et habiles à escalader le bateau et à s’accrocher aux chaussures…
Ce matin, nous faisons notre dernière exploration marine. L’eau est claire et la faune au rendez-vous, mais le courant est très fort, trop. Nous regagnons le zodiac et nous repositionnons dans un secteur plus calme. C’est superbe, tant en matière de coraux que de poissons.
Le milieu, au niveau du courant, est très riche en microplancton et des bancs entiers de poissons sont en plein repas. Quel spectacle que de faire face à un banc de balistes bleus qui vous « enveloppe » et dont les nageoires ondulantes lancent des éclairs bleus dans la lumière… Tout proche de la surface l’orphie carénée fait de même. Au fond, un baliste Picasso clair laisse la place à un poisson-coffre.
Un poisson-trompette jaune canari se méfie manifestement, il faut dire qu’il n’est pas très discret… Cependant, ses voisins, par centaines, ne le sont pas non plus… Nous nous en mettons plein les yeux. Puis le Katharina lève l’ancre et nous naviguons jusqu’à l’île de Batanta.
Drapée dans son manteau de jungle, elle semble impénétrable. Ses côtes présentent de belles mangroves. C’est en suivant le cours d’une petite rivière dans la forêt de palétuviers que nous pénétrons dans l’île.
Les troncs sont puissants et les racines et pneumatophores enchevêtrés, impressionnants. De nombreux pigeons font entendre leur étrange roucoulement, rien à voir avec celui du pigeon européen. Arrivés à une petite jetée, nos guides locaux nous attendent pour suivre le petit sentier qui s’enfonce dans la dense végétation. Tous les éléments de la forêt tropicale humide y sont bien représentés. Les troncs des grands arbres s’élancent tout droit vers la lumière. Leurs racines contreforts font des méandres qui révèlent une puissante assise. Les épiphytes et hémi-épiphytes partent à l’assaut des branches et des troncs.
Dans le sous-bois, palmiers et fougères offrent leur feuillage luxuriant. Les feuilles malgré leurs différences présentent la même structure visant à évacuer l’eau rapidement. Nous arrivons à une première très belle cascade.
Les plus aventureux continuent jusqu’à la seconde cascade. Dans l’après-midi, nous faisons notre dernière navigation: vers Sorong, la capitale de la province de Papouasie occidentale. Ce soir, le capitaine et son équipage se joignent à nous pour le repas d’adieu et nous offrent un joyeux concert!
Après un petit-déjeuner matinal, nous prenons congé de l’équipage et du bateau. Les embarcations nous amènent à quai pour le transfert vers l’aéroport. Un peu de shopping, une dernière averse équatoriale et nous y arrivons. Puis nous enchainons allégrement les vols: Sorong à Ujung-Pandang (l’ancienne Makassar) puis Ujung-Pandang-Jakarta (l’ancienne Batavia à l’époque de la VOC ou Compagnie hollandaise des Indes orientales). Puis, c’est le vol de nuit vers Dubaï et, finalement vers Paris ou Genève, pour ceux d’entre nous qui sont rentrés…
Bonne fin de vacances à ceux qui ont prolongé et merci à vous tous pour ces moments partagés… J’espère que vous aurez longtemps en mémoire l’incroyable beauté des paysages karstiques de Wayag au lever du jour et l’intensité de la vie marine évoluant entre les « sculptures » aux multiples formes et couleurs des coraux…