Christian Kempf
Président Fondateur de Grands Espaces
4 août
13 août 2014
À bord de l’Ocean Nova, 4 août 2014
Christian Kempf
Président Fondateur de Grands Espaces
Nous y sommes ! Nous avons posé le pied au Spitzberg aux alentours de midi… belle récompense après un réveil très matinal à 4h30. Et quelle arrivée au Spitzberg ! Notre vol affrété spécialement par Grands Espaces s’est effectué sous un ciel dégagé, un soleil radieux et une vue imprenable sur les glaciers du sud du Spitzberg.
À notre arrivée, nous partons pour une excursion en bus à la découverte de la ville de Longyearbyen et de la vallée de l’Advental. Puis, vers 17 heures, nous embarquons à bord de l’Ocean Nova et nous larguons les amarres peu de temps après. Le temps de prendre nos marques, nous assistons à l’exercice obligatoire d’abandon du navire, puis aux réunions informelles de début de voyage. Nous essayons de mettre un nom sur les visages qui nous entourent… pas facile. Il y a tant de nouveautés pour aujourd’hui. ! D’ici demain on sera rodé. En attendant, bonne nuit à vous. Pour notre part « bonne nuit » est un concept particulier : il est minuit et il fait encore jour…
Nous avons débuté notre toute première journée au glacier du 14 juillet. À 7h, notre bateau jetait l’ancre dans la baie et à 9h nous étions dans nos zodiacs, parés à photographier ou filmer tout animal désirant faire notre connaissance. Le but premier de la sortie était de nous rendre devant la falaise où nichent entre autre quelques macareux moines. Quelle chance, les petits clowns de mer étaient parfaitement au rendez-vous et nous avons pu observer leurs allers et venues à la colonie. Une famille de goélands bourgmestres était là aussi à nous surveiller du coin de l’oeil depuis leur nid haut perché sur un rocher. Quelques guillemots de Brünnich laissaient entendre leur cris comme vexés qu’on leur porte moins d’importance qu’à leurs petits cousins les macareux. Une dizaine de rennes broutaient tranquillement sous la falaise où nichent les mouettes tridactyles. Mouettes tridactyles qui, entre le nid et la mer nourricière, partent aussi se reposer et se nettoyer sur les petits icebergs en front de glacier.
Dans l’après-midi, nous étions au bout du Krossfjord, au glacier de Lilliehook. Glacier aussi splendide que gigantesque : 7 kilomètres de front. Là, nous avons pu observer quelques beaux vêlages. Le glacier craquait, laissant entendre des grondements tel des coups de feu ou du tonnerre. Le brasch, cette glace pilée issue du glacier crépitait de toutes part, laissant échapper les bulles d’air prisonnières de la glace. L’Ambiance est là… et ça ne fait que commencer !
Nous sommes à l’entrée du Woodfjord. Trois zodiacs partent en reconnaissance à la recherche d’un potentiel ours dans les îles Andoyane. Malheureusement, ils reviennent une heure plus tard… bredouille. On ne se laisse pas abattre pour autant. L’Ocean Nova s’engage alors dans le Liefdefjord jusqu’au glacier de Monaco. Nous longeons les falaises de glace en bateau. Nous assistons même à un gros vêlage.
Dans l’après-midi, l’Ocean Nova jette l’ancre à quelques encablures de là, devant le glacier d’Erik. Nous partons soit pour une excursion à terre, soit en zodiac, au choix. La plupart d’entre nous choisissent de se dégourdir les jambes et de partir à l’assaut de la moraine. En haut la vue est imprenable de beauté. D’un côté le fjord, de l’autre le glacier d’Erik et son lac de fonte retenue par la moraine. Un groupe part marcher sur la moraine, jusqu’au glacier. Dans l’argile en contrebas, le groupe tombe sur de grosses traces fraîches… Il y a quelques temps, un ours a emprunté le même chemin que nous !
Nous rentrons au bateau pour ressortir 40 minutes plus tard direction cette fois la hutte de trappeur de Texas Bar. Enfin, dans la soirée nous sortons du Woodfjord et prenons la route du Nord-Est. En début de soirée, la banquise apparaît. Nous sommes arrivés au pays des glaces !
Nous connaissions le côté croisière de notre voyage ; voilà que nous avons expérimenté le côté expédition ! Christian nous annonce hier dans la soirée que le programme prévu est devenu incertain. La banquise qui se trouvait au Nord-Est est en train de descendre vers le Sud poussée par les courants et un vent du nord manquant d’obturer le passage vers le détroit d’Hinlopen. Le but est donc de passer le plus vite possible dans ce détroit. Dans la soirée, nous nous engageons dans la glace.
Après une nuit durant laquelle le commandant a navigué entre les plaques de glace à la recherche d’un passage, nous étions au matin dans le détroit d’Hinlopen.
Six heures du matin, le microphone retentit : 2 baleines bleues ont été repérées.
Puis 7h00, Sylvain repère un ours endormit derrière un hummock. L’ours se réveille et s’éloigne de notre bateau.
8H00, le microphone retentit encore. Quoi de nouveau ? Ah non rien, c’est l’annonce du petit déjeuner.
À 9h00 nous sommes près de la falaise où nichent entre autres 60 000 couples de guillemots de Brünnich. Nous montons dans nos zodiacs pour aller observer cette vie de plus près. La période est cruciale, nous sommes au moment où les poussins sautent de la falaise accompagnés de leur père… et les prédateurs sont là pour les attendre. Nous observons d’ailleurs un renard polaire affairé à chercher de la nourriture.
Dans l’après-midi, nous changeons de décor. Nous sommes dans le fjord de Palander. Le paysage est devenu celui du désert polaire et des paysages de calotte. Nous partons marcher sur la glace à la rencontre des bédières.
Puis, nous prenons dans la soirée la route de l’Est pour 2 jours de banquise !
On peut dire que cette journée a été celle de l’ours et de la banquise ! Dès 9 heures, Alexis repère un ours à la passerelle mais celui-ci semble pressé. Peut-être est-il sur la piste d’un phoque ? Nous tentons donc de nous rapprocher. Alexis et Stéphane le fixent aux jumelles. Tout à coup il disparaît. Pendant plus d’une heure nous le cherchons au loin, devant, à bâbord, à tribord, derrière le bateau. Rien. L’ours nous a bel et bien semé. Pour nous consoler, nous partons donc en zodiac dans la banquise. Nous slalomons entre les plaques et nous trouvons une plaque assez importante pour que nous débarquions. Premier pas sur la glace de mer. On a marché sur l’eau !
Dès le début de l’après-midi, un autre bateau, l’Origo, battant pavillon suédois nous dit avoir un ours à côté de leur bateau. Nous nous dirigeons donc vers eux. L’Origo finit par nous laisser la place. Nous nous rapprochons de l’ours qui nous offre un spectacle formidable. Pour se sécher, il se roule sur la glace, se frottant le ventre par terre. Puis il saute de plaques en plaques. Un grand moment d’ours… Nous reprenons la route.
Juste avant le dîner, Bruno repère lui aussi un ours. Branle-bas de combat, à peine 10 minutes plus tard nous étions dans les zodiacs. L’ours n’est pas effrayé mais n’a pas l’air d’avoir envie de venir nous voir. Il tourne les talons à notre vue. Nous le suivons de loin. Le ciel se teinte de couleurs pastelles.
Il est 20h30 quand nous rentrons. Et vous pensez sans doute la journée finie ? Non, il manque encore le clou du spectacle. 22H00, Sophie, une passagère repère un ours puis le perd. Quand il réapparait dans notre champ de vision, l’ours nous fixe, nous hume et marche d’un pas affirmé en notre direction. C’est clair, il veut venir nous voir. Nous attendons donc sa venue en lisière de banquise. Quelques 10 minutes plus tard il est là, quelques mètres devant le bateau. Il nous observe autant que nous l’observons. Il est beau. Il est sympa. C’est lui qui a provoqué cette fois cette rencontre.
Le seigneur de l’Arctique vient là de nous offrir un moment inoubliable avant d’aller nous coucher…
Nous avons cherché les ours toute la journée, navigant entre les plaques de banquise avec notre Ocean Nova. Nous avons guetté des heures durant, derrière nos jumelles, une petite tache un peu plus beige que les autres sur la banquise. En vain. Pendant ce temps, au salon panoramique, Sylvain nous présentait une conférence sur les oiseaux du Spitzberg. Puis, Christian nous parle de la banquise.
Au cours du déjeuner, nous continuons de guetter. Toujours rien. Dans l’après-midi, Marie nous parle de l’expédition d’Andrée qui a tenté de rallier le pôle Nord en ballon en 1897. À défaut d’ours, nous partons après dîner pour débarquer sur la banquise. Quelle aventure !
Nous observons des traces magnifiques d’ours, nous trempons nos bottes dans une mare de fonte bleu turquoise. Nous observons une faille dans la plaque. Nous trinquons à nos vacances. Nous ré-observons la faille, elle s’ouvre doucement. Juste avant de remonter dans nos zodiacs, notre plaque de banquise s’est cassée, donnant deux plaques. Impressionnant. Nous pouvons observer l’épaisseur de glace.
Nous remontons à bord vers 22h. Mais la journée est encore loin d’être finie. 23H15, les guetteurs trouvent un ours ! Merci Alexis ! L’ours mange une proie. Puis nous observons un second ours qui nage juste à côté du bateau en direction du premier ! Nous mettons les zodiacs à l’eau. Nous partons pour l’un des plus beaux moments d’ours qu’on puisse imaginer. Le deuxième ours manifestement plus jeune attiré par l’odeur de la proie arrive à la nage vers le premier ours. Il monte sur la plaque de glace. Les deux ours se toisent, grognent. Le jeune a faim, il ne laissera pas tomber. Le plus vieux, repu, finit par lui laisser sa carcasse.
Quand nous rentrons, le sourire jusqu’aux oreilles, il est 1h35 du matin…
Pas de grasse matinée malgré notre sortie très tardive d’hier soir ! Au moment du petit déjeuner, Xavier en veille à la passerelle repère un ours qui mange une proie sur un bout de banquise. Nous ingurgitons notre petit déjeuner, sautons dans nos bottes, grimpons dans les zodiacs. L’ours nous regarde tout en continuant à dépecer des morceaux de phoques. Autour de lui, les mouettes ivoires se permettent d’approcher afin d’attraper quelques « miettes » du délicieux festin. Une des mouettes est baguée et porte une balise sur le dos. Nous continuons notre route en laissant l’ours à son repas. Nous observons un gros phoque barbu se reposant un peu plus loin. Celui-ci se met à l’eau et, curieux, s’approche des zodiacs. Nous allons également voir de gros icebergs vêlés par les glaciers de la calotte.
Quand nous repartons, le commandant nous offre une fabuleuse croisière à quelques dizaines de mètres seulement de la grande barrière de glace. Cet endroit est fabuleux. Des cascades s’écoulent du haut de la falaise. C’est tout simplement splendide.
En milieu d’après-midi, nous sommes à Torellneset, près d’un cap où vivent une quarantaine de morses. Nous débarquons courageusement et courbons le dos pour éviter les embruns, la mer est un peu formée cet après-midi. Quelques morses curieux viennent dans l’eau et s’approchent pour nous observer. Un vieux mâle a des défenses impressionnantes. Les autres morses se prélassent sur la plage et c’est toujours un régal d’observer de tels moments de vie.
En fin de journée, nous levons l’ancre et quittons définitivement la Terre du Nord-Est, direction le Sud !
Matinée de navigation. En effet, le temps et la marée sont contre nous aujourd’hui et nous ne pouvons débarquer. Nous en profitons donc pour avancer notre route. Le temps est mis à profit pour les conférences. Tout d’abord, Bernard nous parle de ses chers glaciers du Spitzberg et des glaciers en général ce qui nous permet de mieux comprendre des phénomènes complexes tels que les « surges ». Puis, c’est au tour d’Alain de nous parler des baleines et autres cétacés du Spitzberg.
Dans le début de l’après-midi, nous sommes à Kvalvågen. Nous partons pour la plupart d’entre nous pour une marche dans la toundra. Un couple de labbes nichent près d’une lagune. Certains chanceux aperçoivent un renard polaire. D’autres moins chanceux s’embourbent dans le molissol. Une fine bruine tombe : le temps arctique par excellence.
La soirée est un peu plus mouvementée qu’à l’habitude. Le vent souffle et une houle berce le bateau. Mais les plus courageux restent au salon panoramique pour regarder un petit film norvégien sur le Spitzberg vu du ciel.
Après 10 jours fabuleux de croisière avec de belles rencontres animalières, nous voilà de retour à Paris. Les deux derniers jours auront été riches en toundra : rennes, mergules nains, labbes parasites et renards polaires, tous étaient là comme un dernier au-revoir à ces contrées du haut arctique. Il n’y a plus qu’à espérer que ce ne soit qu’un au-revoir.
Spitzberg, nous nous reverrons !