Christian Kempf
Président Fondateur de Grands Espaces
31 août
12 septembre 2016
À bord de l’Ortelius, septembre 2016
Christian Kempf
Président Fondateur de Grands Espaces
(N78°13′, E15°37′)
Pour commencer notre aventure vers le Grand Nord, nous nous retrouvons de bon matin au terminal 3 de l’aéroport de Paris Charles de Gaulle. De là, un avion de la compagnie ASL, spécialement affrété par Grands Espaces, nous attend. Un vol direct, bien agréable, agrémenté d’une sympathique collation et de plusieurs commentaires du Commandant de bord, nous précisant régulièrement notre position…
Quatre heures plus tard, nous avons quitté l’été parisien pour plonger dans l’air frais et vivifiant de Longyearbyen. 78° de latitude nord, 3°C et des montagnes enneigées… Nous sommes au Spitzberg !
Avant d’embarquer à bord de notre navire polaire l’Ortélius, nous partons en bus pour une excursion de la vallée de l’Advent, « l’Adventdalen », sous la conduite de nos deux guides, Alain et Bruno. À un peu plus de 1 km du port, c’est la découverte de la ville de Monsieur John Munro Longyear : Longyearbyen. Fondée en 1906, c’est aujourd’hui la plus grande « ville » de l’archipel avec 2100 habitants de 44 nationalités différentes.
En s’enfonçant dans la toundra, la vallée nous donne un avant-goût de ce que nous offrira l’Arctique. Les derniers groupes de bernaches nonnettes croisent notre route. Sur les collines environnantes, de larges antennes ont retenu notre attention. Ces infrastructures permettent d’étudier les aurores boréales : magie des hautes latitudes qui illuminent la longue nuit polaire. Sur le chemin du retour, nous admirons les linaigrettes de Scheuchzer en graines et la toundra qui se pare de ses couleurs automnales.
Le bateau n’étant pas à quai, c’est en zodiac que nous embarquons à bord de l’Ortélius aux alentours de 17h. Après avoir participé à l’exercice d’abandon obligatoire, nous larguons les amarres et quittons l’Isfjord, pour mettre le cap au Nord.
Bienvenue à bord pour 15 jours d’expédition polaire !
Après une première nuit de repos bien mérité, nous remontons la Terre Albert Ier nommée ainsi en l’honneur du Prince de Monaco qui a mené plusieurs expéditions scientifiques dans ce secteur entre 1898 et 1909. Nous longeons ensuite le Spitzberg par le nord pour rejoindre le Woodfjord afin de prendre la direction du Liefdefjorden, ou fjord de l’Amour. Les nunataks saupoudrés d’une neige fraîche en ce début de septembre nous offrent déjà de magnifiques paysages en cette belle matinée ensoleillée. Vers 11h, nous naviguons le long de Reinsdyrflya, cette immense étendue de toundra où vivent des centaines de rennes. Quelques baleines sont observées çà et là en cours de route, ainsi que des phoques du Groenland batifolant dans l’eau comme ils en ont l’habitude. Une première conférence est donnée par Christian Kempf : le Spitzberg.Nos premières explorations polaires débutent à 14h15 avec une sortie à terre et une sortie en zodiac dans le fjord de l’Amour. Nous marchons tout d’abord sur les moraines du glacier d’Erik (Erikbreen). Les paysages alentours sont splendides avec en point de mire le glacier de Monaco. C’est vers ce glacier que nous nous dirigeons en zodiac en fin d’après-midi afin de faire découvrir et ressentir aux passagers cet environnement de glace époustouflant, avec un front de glacier majestueux et une navigation pleine de sensations dans le brash entre de petits icebergs, tout cela agrémenté de plusieurs vêlages !
À notre retour sur l’Ortélius, le Commandant Mika Appel nous offre le sympathique et traditionnel cocktail de bienvenue. Vers 23h, nous passons les 80° de latitude nord que nous célébrons comme il se doit, c’est-à-dire au bar autour d’un verre. C’est à ce moment, sous la neige et dans la brume, que nous apercevons Moffen et un important groupe de morses.
La journée se termine tard, mais qu’elle fut riche !
Il est 8 h, il fait beau, et nous entrons dans la Baie de la Croix. ll reste encore un peu de neige sur les ponts du bateau. Les sommets des montagnes sont superbes sous une très belle lumière.
Notre première sortie zodiac de la journée nous mène en direction du glacier du 14 juillet. Sous les falaises encore peuplées de mouettes, une quinzaine de rennes broutent les lichens et autres herbes qui restent sous la fine couche de neige. Nous circulons dans un brash important en direction du front de glace. Ici, un phoque annelé, là, un phoque barbu qui fait sa sieste sur un bourguignon, et nous restons à l’observer longuement. A moins que ce ne soit lui qui s’interroge sur ces bestioles colorées qui cliquettent sur des gros boudins noirs.
Il est midi et nous nous enfonçons dans le fjord de Lilliehook (nom du géographe et responsable d’expéditions du Prince Albert 1er de Monaco).
Dans l’après-midi, nous avions prévu de débarquer à Ossian Sars Fjellet et sa colonie d’oiseaux, mais lorsque nous arrivons sur place… le brash est tellement compact et en si grande quantité que nous revoyons nos plans. Ce sera une navigation en zodiac devant un des glaciers du Roi. Le paysage est saisissant de beauté ; puis il se met à neiger. Nous sommes déjà dans l’automne Arctique, et les conditions météo changent vite…
04h00 du matin. Les plaintes de la coque nous sortent de notre sommeil: elle craque, vibre, grince sous la pression de la glace que l’on traverse. Nous voici dans la banquise, et notre brise-glace Ortelius est en train d’en découdre avec elle.
En cette belle matinée au paradis blanc, les passagers affluent sur le pont et s’enivrent de ces nouvelles sensations. Des mouettes tridactyles, des labbes pomarins et surtout des mouettes ivoires, « en quantité industrielle » comme dirait Benjamin nous suivent à la trace. Du jamais vu !
Vers 10h30, nous jetons les zodiacs à l’eau et nous entamons notre progression dans ce grand labyrinthe de glace, chacun traçant son propre chemin autour des floes. Rapidement, nous rejoignons cet incroyable rassemblement de jeunes mouettes ivoires et mouettes tridactyles qui posent en star sur les hummocks. Leurs petites taches sombres et leur bec encore noir trahissent le jeune âge de ces mouettes qui passent leurs premiers jours en mer.
Quelques heures plus tard, l’Ortelius fait de nouveau route dans l’Océan liquide et tangue de nouveau au rythme de la houle. Les estomacs s’alourdissent, mais, courageux, ils arrivent quand même à 16h dans la chapelle pour assister à la conférence de Nico et Lydie sur la banquise. Le mal de mer ne semble pas avoir raison de nos passagers, et même si chaque geste devient de plus en plus « lourd » sous le poids de la houle, le cinéma arrive quand même faire salle comble ce soir avec Nanook l’esquimau, un documentaire sur le mode de vie inuit présenté par Christiane.
Et comme votre auteur de ce soir n’est pas insensible au mal de mer, il vous souhaite bonne lecture et bonne nuit !
Après une nuit douillettement bercés par une large houle du Sud, la mer du Groenland nous porte sous un ciel tout en nuances de gris sur 360 ° autour de l’Ortelius.
Vers 10h00 du matin, branle-bas de combat en passerelle : des souffles de baleine ! Deux rorquals communs sont identifiés par leur souffle columnaire et leur aileron dorsal en faucille. A l’horizon se déroule le ruban blanc de la banquise dans laquelle la proue de l’Ortelius s’engage dans l’heure suivante. Belle banquise constituée de grosses plaques arrondies par le vent qui souffla les jours précédents.
Aux alentours de 14h00, nous affrontons à nouveau d’impressionnants amoncellements de glace de mer sous la lumière vaporeuse d’un soleil polaire voilé, au contact de la banquise, par cette brume évanescente naissant au contact des masses d’air.
Après quelques milles marins de route sous un arc en brume à la courbure digne de l’Arc de Triomphe, nous trouvons une zone de plaques disloquées propices à un débarquement organisé.
Adieu conférences et exposés en salle, le grand soleil sur un radeau resplendissant nous convie à la glaciologie sur mer gelée agrémentée de moultes libations à la guinguette polaire improvisée au milieu du bleu et du blanc, sous le vol rasant des fulmars !
La journée de ce dimanche 4 septembre se terminera dans l’apothéose d’un soleil couchant sur un horizon sans un nuage, pour culminer dans la fulgurance du rayon vert à 20h58.
C’est vers 5h du matin que la côte du Groenland commence à se profiler à l’horizon, la baie de Dove est là, entre la terre de Germania et l’île de Koldewey. Nous naviguons à travers les icebergs dont l’un est évalué d’une longueur supérieure à 3 km. Pendant cette navigation, nous pouvons observer une parélie (phénomène de diffraction de la lumière autour du soleil ). Puis, c’est un faucon Gerfaut que nous apercevons à la recherche de quelques malheureuses proies sur la banquise. Le bateau se faufile dans l’étroit passage de Lillebelt, navigation impressionnante dans ce passage par ailleurs encombré de grands icebergs et commenté par Audrey, notre géologue. Sur la côte, nous pouvons observer de loin, nos premiers bœufs musqués. Nous entrons maintenant dans la baie de Dove…
Nous nous dirigeons vers le fond de la baie pour organiser quelques sorties, en zodiacs et pédestres. A 15h, c’est un nouveau départ, pour les uns, une grande promenade dans la toundra, ou après une visite des restes d’une hutte de trappeur, nous avons pu gravir une petite colline d’environ 200m donnant une vue imprenable sur la Baie de Dove. Les autres en zodiacs, sont partis à la découverte du Morkefjord (les eaux sombres). Ce soir, c’est un récapitulatif de notre journée avant d’aller se reposer de toutes ces émotions.
Le but de la matinée est d’explorer les champs d’icebergs tabulaires qui peuplent les différents fjords. Le second groupe fait un arrêt sur l’île Andreas Lundager durant lequel notre œil de lynx national, alias Benjamin, croit voir un ours assoupi au milieu d’une multitude d’icebergs et de brash. Une tentative d’approche en zodiac confirme ses soupçons : il s’agit bien d’un ours polaire, notre premier du voyage !
Dès 15h15, nous repartons explorer la baie de Dove. Le groupe zodiac part à la recherche de nouveaux ours, tandis que le groupe de marcheurs s’occupe de grimper sur le sommet de l’île Carl Heger afin d’observer les immenses icebergs de haut. Les efforts du premier groupe sont récompensés par l’observation de 4 ours, quelques morses, un phoque barbu et un phoque annelé, tout cela en quelques heures! Le groupe de marcheurs s’offre une vue splendide sur la baie et sa calotte polaire en arrière-plan.
La soirée se termine en beauté avec la sortie de la baie pendant le dîner. Le capitaine joue avec quelques icebergs en les dépassant de très près avec l’Ortelius… Sensations fortes garanties depuis la salle de restaurant !
75°22’N et 19°10’W
L’Ortelius s’éveille sous un soleil radieux aux alentours de l’ile Shannon et du Shannon Sund, encombré de banquise et d’icebergs.
Une femelle morse est aperçue avec son petit, se reposant sur la glace et puis, un peu plus tard, c’est un ours au repos sur un hummock qui est repéré à quelques dizaines de mètres des restes d’un phoque. Les goélands bourgmestres se chamaillent les restes et les os de l’infortuné pinnipède.
L’après-midi est ponctué d’une conférence de Christiane sur les Inuit puis c’est au tour du tandem Christian – Christophe Bouchoux d’intervenir sur la guerre météo et la patrouille arctique du Groenland lors de la Seconde Guerre mondiale. Dans l’après-midi, la mer se forme et nous empêche de dérouler les activités prévues à l’île Sabine.
Après dîner, nous restons en Arctique avec la projection d’un documentaire sur l’ours polaire.
Vers 9 heures, le brouillard se lève et d’imposants icebergs apparaissent sur l’horizon de part et d’autre du navire. Un briefing est organisé à l’amphithéâtre du bateau à 9 h 15. Point météo et justification des trajectoires à suivre pour les prochaines 48 heures par Christian. Benjamin nous présente ensuite un récapitulatif sur l’histoire naturelle de la sterne arctique. Audrey, une rapide présentation sur le permafrost. Nous avons à peine le temps de terminer cette seconde intervention que des baleines à bosse sont repérées à la passerelle. C’est alors un véritable ballet qui s’offre à nous pour environ 2 heures. Certaines viendront même flirter avec la coque du navire à quelques reprises, comme éveillées de curiosité pour cet iceberg atypique. Un spectacle fascinant. Nous redescendons immédiatement après ces observations en salle de conférence pour poursuivre avec Alain Desbrosse et une vaste présentation sur les cétacés, principalement les mysticètes.
À 15 h 45, c’est Christophe Bouchoux qui intervient sur cette magique histoire de l’exploration polaire qu’est la dérive transpolaire de Fridtjof Nansen sur son bateau le Fram. Folle, incroyable et finalement heureuse aventure polaire à la quête du pôle. À 16 h, un groupe d’épaulard est repéré à bâbord. La soirée est ensuite animée par Lydie avec un quiz sur les oiseaux arctiques.
70°57’N et 28°05’W
Le bateau se réveille dans le profond Rødefjord. Plus de 400m d’eau sous la coque et des sommets avoisinant les 2000m. L’ile de Storø défile sur babord tandis que sur tribord une formation géologique capte toute notre attention. De véritables canyons de conglomérat se dressent sur plus de 500m. Une ressemblance au massif de l’Esterel pour certain, du Wadi Rum pour d’autres… bref, un paysage unique pour le Groenland.
Après le déjeuner, nous jetons l’ancre dans le Hareford, bouché à son extrémité par un des bras du EielsonGlestsher.
De là, plusieurs activités se mettent en place. Un premier groupe part pour une longue excursion en zodiac. La navigation se fait au grès de magnifiques icebergs, de tailles et de formes variées, mais tous d’une beauté à couper le souffle. Un bœuf musqué et un phoque barbu sont observés ici ou là. Un second groupe se dirige vers un joli canyon en bord de côte. Près de la plage, Christiane nous montre un site paléo eskimo. D’après elle, il s’agirait d’un campement d’été de la civilisation de Thulé (ca. 1100 à 1880 après JC). L’équipe, menée par Alain et Michel, décide de remonter ces conglomérats multimillionnaires. Après quelques pas en équilibre, tout le monde débouche sur un petit plateau. Au loin, nous pouvons apercevoir 2 bœufs musqués, un grand corbeau s’amuse à nous survoler. Lydie, Benjamin et Nicolas partent quant à eux à la recherche d’un troupeau de bœufs musqués avec le reste des passagers. Après un affût d’une bonne heure, nous croisons le regard de 3 puis de 5 bœufs à moins de 150m de nous. Le bonheur se lit sur le visage de tous… Nous prenons conscience de vivre un des grands spectacles du monde sauvage.
Retour à bord pour un bon dîner. Tout le staff est en attente des nouvelles du pilote d’hélicoptère. Une tempête se met en place à l’entrée du Scoresby Sund et empêche celui-ci de décoller. Aux alentours de 19h, la liaison satellite avec Air Greenland est établie : le pilote a décollé et sera à notre position d’ici une heure ! A 20h30, toujours aucun signe de la machine volante… Un appel de la passerelle nous indique que le pilote a dû rebrousser chemin à cause d’une nappe de brouillard. Arriverons-nous à survoler ce Groenland si sauvage ?
Le jour se lève sur le Harefjord où le bateau est ancré (71°01 N et 27°41 W), la météo est nuageuse en altitude et brumeuse en bord de mer. Nous attendons l’hélicoptère de Air Groenland qui est retardé par une météo incertaine du côté de sa base d’Ittoqqortoormiit.
L’activité du matin est une croisière zodiac sur le front du majestueux glacier Eifison Gletscher avec une vue sur des falaises composées de roches métamorphiques et la découverte de bœufs musqués évoluant dans la toundra. L’hélicoptère arrive à 10 heures et Christian, Nicolas, Christophe et Michel effectuent une reconnaissance aérienne pour déterminer le lieu de dépose situé sur un nunatak. La zone est identifiée est se situe à une altitude de 1320 mètres, aux coordonnées 70°58′ N et 28°51′ W.
Les rotations hélicoptères démarrent à 14 heures pour le survol de la calotte glaciaire et la dépose sur le Nunatak d’une vingtaine de minutes. Le panorama est grandiose à 360° avec les sommets émergeant de la calotte glaciaire.
L’activité de l’après-midi pour les autres passagers est une croisière dans le Harefjord avec une marche de 2 heures dans la toundra. La rencontre de lièvres arctiques et d’un magnifique plongeon catmarin nous ravit.
Le soir, un peu avant minuit, Christian fait une annonce à la passerelle car de magnifiques aurores boréales ont été vue depuis le bateau. Malgré une intensité bien modérée et une nébulosité non nulle, certains seront comblés et garderons en photos ces envoûtant phénomènes astronomiques du Grand Nord.
71°04’N et 27°43’W
Lever dès potron-minet sous un ciel plutôt clément et un timide soleil faisant ressortir par endroits les magnifiques couleurs rouges des falaises du Ryperfjord. De nouveau, c’est l’émerveillement pour tous les passagers qui ont cette chance unique de survoler nunataks, glaciers et canyons pour se poser plus haut sur une immense moraine. Devant un glacier offrant un spectacle grandiose avec un cahot de blocs de glace plus grands les uns que les autres, nous voyons un lac préglaciaire complètement vide en raison d’une brèche dans sa moraine, sans doute créée récemment par des chutes de séracs. Quelques bœufs musqués et lièvres arctiques sont également observés du ciel. Les passagers ayant déjà volé la veille ou ayant choisi de ne pas participer à ces vols ont pu découvrir le fjord d’en bas au cours d’une croisière en zodiac et à la faveur de débarquements au gré des découvertes.
C’est en début d’après-midi que l’opération « hélico » touche à sa fin et que l’Ortelius reprend la route vers le Rodefjord. Des conférences de Benjamin Dy et Sylvain Mahuzier sur les aurores boréales et de Christophe Bouchoux sur le norvégien Amundsen nous occupent pendant cette navigation. C’est devant le Rodepynt en soirée qu’un barbecue est offert à tous sur le pont arrière, moment convivial et très spécial dans l’atmosphère magique de cette soirée quelque part au Groenland…
L’Ortelius navigue dans le fjord de Scoresby pour rejoindre le village d’Ittoqqortoormit. Quelques derniers icebergs solitaires nous escortent.
La carte météo évolue et se teinte d’orange. Christian nous en explique et commente les prévisions. En résumé : des vagues grandes comme ça, des creux profonds comme ça… Mais il se veut rassurant : Ittoqqortoormit est protégé du vent du nord par un cap salvateur. Le débarquement est donc prévu pour 12 heures 30. D’ici là, la matinée est placée sous le signe de l’ours.
Christian nous livre d’abord quelques considérations relatives à la biologie et à l’éthologie de ces redoutables amateurs de phoques. Puis Alain met en scène avec conviction un truculent racontar de Jorn Riel. Il s’agit d’un épisode coloré de la vie des trappeurs de la côte Nord-Est écrit d’une plume alerte et parfois crue, nous rapportant la mésaventure d’un ours trop curieux.
L’Ortélius commence à se dandiner gentiment ; juste de quoi rendre encore plus pétillante la coupe de champagne qu’amicalement Thierry nous convie tous à partager avec lui pour fêter son anniversaire.
Alain Docteur est très sollicité et ne sait plus où donner de la pilule. Comme la célèbre fleur (pas celle que dans un accès lyrique enflammé il a offerte à Carmen hier soir), il sème à tous vents la médication miracle. Après le déjeuner, Ittoqqortoormiit est en vue.
Une équipe de Casimirs caoutchoutés de vert comme des grenouilles et bottés très haut (comme le chat), saute dans un premier Zodiac. Direction : la plage « d’Ittoq ». Celle-ci s’avère finalement être plus accueillante que nous ne le redoutions.
Du fait des bourrasques de vent, l’hélicoptère, qui pendant deux jours nous a transportés dans une autre dimension, n’a pu rejoindre sa base hier soir. Pour lui tenir compagnie, Christophe et Audrey ont joué cette nuit les Robinsons auprès de l’appareil et de son pilote. Nous les récupérons à Ittoqqortoormiit tandis que des navettes de Zodiacs sont organisées entre le bateau et le village.
Christian et les staff-bottés nous accueillent au saut du Zodiac. Le village de petites maisons de bois multicolores fut créé en 1925 par Ejnar Mikkelsen pour abriter quelques dizaines de familles inuit qu’il fit venir d’Ammassalik où sévissaient régulièrement des famines. Cette nouvelle implantation était la promesse de terrains de chasse plus giboyeux.
Avec Sylvain : approche (attention ! pas trop près !) de chiens de traineau. Aurélie donne un coup de main à Ingrid à l’office du tourisme. Christiane présente les équipements de chasse et objets usuels rassemblés au musée. Les uns et les autres flânent de bas en haut du village, de la boutique d’artisanat aux monuments dédiés à Ejnar Mikkelsen ainsi qu’au commandant Charcot, de la maison de retraite à la station météorologique, de la charmante petite église en bois à la plage où nous réembarquons aux environs de 16 heures.
Elisabeth a refait le compte des contremarques: tout le monde est à bord. L’Ortelius appareille et met le cap sur le large. En salle de conférences, Bruno présente les charmes de l’île qui nous attend de l’autre côté du détroit du Danemark. 18 heures 30 : Mickael nous invite à passer à table.
Nous nous éloignons de la côte de Blosseville le long de laquelle cet intrépide explorateur français et son équipage disparurent corps et biens en 1834. Nous quittons le Groenland, ses oiseaux, ses baleines, ses bœufs musqués, ses phoques, ses ours, ses roches polychromes, ses fascinantes aurores boréales, sa végétation lilliputienne dans laquelle gambadent les lièvres arctiques… nous quittons la terre des Inuit…