Nicolas Vogel
Le monde des Glaces
18 août
31 août 2018
À bord du Sea Spirit, août 2018
Nicolas Vogel
Le monde des Glaces
Marielle Suzeau
Co-fondatrice et directrice
Nicolas, chef d’expédition sur le Sea Endurance, nous retrouve à Genève, pour votre petit vol de Genève à Paris. Nous retrouvons là-bas le reste du groupe à l’Ibis avec Marielle. Différents guides nous attendent pour un repas convivial autour d’un buffet bien garni.
Voici le grand jour, enfin. On sent une certaine excitation qui nait : nous commençons vraiment à voir éveiller l’explorateur polaire qui se réveille en nous. C’est l’été, on est fin aout, il fait bon. Et voilà qu’un groupe de plus de 135 personnes se vêtit de parka, de grosses chaussettes d’hiver et de bottes. Nous croisons les regards d’autres voyageurs curieux qui se demandent où on allons tous avec nos ours polaires dans le dos !
Une grande équipe de guides nous encadre et nous mène vers le terminal 3 d’où décollera notre avion.
Arrivée à Longyearbyen, nous sommes un peu déboussolés. Une autre équipe de guides, qui étaient déjà sur place, nous accueille. Quel contraste ! Quitter Paris mi-aout pour se retrouver dans la ville la plus septentrionale du monde est, nous devons l’avouer, un peu un choc. C’est si agréable de sentir l’air frais quand on met le pied dehors. Enfin ! Nous attendions ce moment avec impatience.
Notre premier goût de Longyearbyen nous est donné dans un petit aéroport où pour le moment nous sommes encore entre nous avec nos guides.
Mais cet instant est écourté par l’arrivée de nos bagages.
Maxime se tient à la sortie et fait office de chef d’orchestre. En effet, nous sommes 4 groupes différents à bord de l’avion ! L’un se dirige vers le premier bus : c’est le Sea Endurance qui nous quitte avec Nicolas aux commandes pour faire le tour du Spitzberg. 2 autres bus se tiennent un peu plus loin : Christian Kempf et Marielle saluent et accueillant les passagers de l’Ocean Nova qui eux partiront au Groenland, sur la côte Est, pour redescendre jusqu’au Scoresby Sund et finir leur voyage en Islande (et pour les plus motivés, faire une extension en Islande avec Rémi).
Enfin, un tout petit groupe de 12 personnes embarquent pour une croisière spéciale photo avec leur photographe personnel : Méril et leur chef d’expédition : Xavier.
Nous nous sentons un peu perdus. Où allons-nous ? Nous n’allons à aucune de ces destinations !
Enfin, après que tout le grand groupe soit parti, nous voyons une « femme pancarte » avec une affichette « Sea Spirit ». On peut souffler : nous ne sommes pas perdus. Mais qui est cette femme pancarte ?
Surpris, 7 d’entre nous se retrouvent juste devant les portes de l’aéroport avec cette dame. En se présentant, tout s’explique : c’est Elza. Nous faisons enfin la rencontre de notre coordinatrice de croisière/traductrice/agent BOND (la nièce de James). Elle nous salue un à un.
S’en suit une visite rapide de la vallée de l’Advental, que nous connaissons bien pour y être venus quelques fois ! Nous passons donc la visite et nous orientons en ville pour du temps libre.
Arrivés à bord, Elza, que nous avions abandonné, nous retrouve avec le sourire et nous montre la réception et les tableaux d’affichage à bord.
On se sent tout de suite comme happé par un mouvement général. Tout le monde porte un badge avec son nom, ce qui facilite quand même beaucoup les choses. On commence à prendre nos marques : on situe d’abord le salon « Oceanus Lounge » au pont 3 à l’arrière du bateau pour notre premier repas : un gouter sucré/salé.
À peine, le temps de défaire nos valises que nous devons déjà commencer notre première réunion obligatoire. Pendant que le navire « met les voiles » et que nous prenons la route pour la Terre François Joseph, en passant par le nord du Spitzberg, le bateau et l’équipe d’expédition nous sont présentés. Pour aujourd’hui, on va surtout retenir le nom de Ryan, notre chef d’expédition.
S’en suit l’exercice d’abandon du navire, que tout le monde connait, puis sans un moment de repos nous prenons place à table pour le diner.
Pour une partie de notre groupe, nous avons l’honneur et le privilège de faire la connaissance d’un personnage joyeux et passionnant : Sergey Shirokiy. Il nous raconte sa vie improbable : il a grandi dans le nord de la Russie et côtoie donc les ours polaires depuis son plus jeune. Après avoir travaillé dans le domaine du tourisme dans les parcs nationaux russes, il se lance dans les croisières expéditions polaires. Il nous fait également part d’anecdotes à la fois incroyables et rigolotes ; Sergey a par exemple vécu 1 mois avec 5 différentes tribus d’Indiens d’Amérique.
Après une journée forte en émotion, les belles cabines du Sea Spirit semblent si accueillantes ! Nous partons nous coucher alors que le navire prend le large. Le mauvais temps fait tanguer le bateau et alors que nous longeons la côte ouest du Spitzberg, la houle nous berce et nous endort.
Journée en mer
La journée commence par quelques pâtisseries au bar pour les lève-tôt, un petit-déjeuner au restaurant pour tout le monde, ou un réveil tardif par une annonce générale faite par Ryan dans les haut-parleurs du navire.
Nous continuons nos obligations arctiques : tout le monde, même les plus malades, doit se lever pour assister à la prochaine réunion obligatoire. Nous enchaînons les briefings : l’AECO et ses lignes de conduite arctique ; les zodiacs et les règles de bonne conduite, et enfin les ours avec les règles de sécurité à respecter impérativement. Pour chaque intervention, nous entendons un bourdonnement incessant à l’arrière de la salle. En effet, nos guides polaires traduisent chaque intervention en Allemand, en Russe et en Français (avec Elza) grâce à un système de casques et micro.
Après une courte pause, le premier défilé commence. Non, je ne parle pas d’un French Cancan, mais du défilé de tous nos explorateurs devant l’équipe de guides pour s’équiper en parka et en bottes.
Un rapide coup d’oeil à l’extérieur du navire et nous apercevons l’Ile de Mofen avec ses nombreux morses. Mais pas le temps de faire un arrêt : nous avons rendez-vous avec un archipel lointain !
Après le déjeuner, Sergey Shirokiy nous fait une conférence très condensée de l’histoire de la Terre François Joseph. Et il en a des choses à dire ! On sent l’excitation et la passion dans sa conférence. En effet, la Terre François-Joseph est la « maison secondaire » de Sergey. Il y a vécu quelques mois et connait tous les scientifiques, les météorologues et les militaires présents sur l’archipel. Il nous parle des évènements historiques qui ont marqué l’histoire des expéditions polaires en ces lieux nordiques. Pourquoi l’archipel porte-t-il ce nom ?
Il nous présente ensuite les différentes espèces que nous allons pouvoir identifier sur l’archipel. Heureusement qu’Elza est là pour nous donner les noms des espèces en français, car avec des noms comme « red-throated loon », on ne sortirait pas beaucoup plus instruits !
Pour le diner nous avons la présence de Josh. Josh vient de Grande Bretagne et travaille pour National Géographic. Entre 2 projets pour Nat Geo, il fait la croisière avec nous sur le Sea Spirit. Il nous parle de son projet d’étude de WWF en collaboration avec Poséidon. C’est un invité conférencier à bord. Il vient pour un petit projet de 3 semaines et va étudier les relations sociologiques entre les rangers de la Terre François-Joseph et les ours de l’archipel.
Les journées en mer sont toujours très chargées, nous le savons. Tout est si intéressant ! Repas, conférence, rencontres incroyables et improbables…
Après le repas, nous revenons en salle de conférence pour rencontrer un spécimen intéressant. Celui-ci s’est approché à un demi-mètre d’ours bruns au Kamchatka, il a passé d’innombrables années dans les parcs et les iles russes pour ses projets partant à la rencontre des populations locales (ours, saumons, larfants des neiges, renards polaires, etc.). Ce spécimen porte le nom de Sergey et est renommé dans son domaine : la photographie animalière, et notamment dans des milieux polaires.
Toujours en mer
Aujourd’hui nous avons encore une mer agitée. L’équipe prévoit donc une journée plus tranquille. Après le petit déjeuner, notre programme ne continue qu’à 10h30 avec Joshua. Il nous fait une conférence sur la biodiversité marine en Arctique.
Puis Sanna, Carola et Ida ouvrent la boutique du bateau. C’est l’occasion d’acheter des cartes postales, des livres ou même des gants.
Étant donné la houle et l’absence de nombreux passagers, une journée plus calme est la bienvenue. Nous nous reposons dans nos cabines ou au bar.
En salle de conférence, notre capitaine Oleg nous invite à prendre un verre. Il fait une entrée remarquable sous les applaudissements de la salle et nous présente toute l’équipe du bateau. Sacré personnage ! Puis notre chef d’expédition Ryan nous explique le programme de la soirée et du lendemain.
Après un diner entre nous, nous sommes rapidement appelés par cabine pour passer devant les officiers de l’immigration, qui se trouvent dans la salle de conférence. Ils vérifient nos passeports et nos Visa. Nous ne pourrons pas continuer notre route si les services d’immigration ne nous autorisent pas à passer. Ils ont donc pris toutes nos informations et vont entrer en contact avec Moscou pour valider notre passage de la douane.
Elza nous a prévenus qu’elle ne serait pas là. En effet, elle est partie plus tôt avec l’équipe de guides polaires et les 6 rangers pour étudier les lieux du débarquement. Nous sommes à l’Ile Prince George. Nous nous préparons à faire enfin notre premier débarquement. Comme ça va faire du bien de marcher un peu ! Bizarrement, au lieu de nous attendre à terre et de nous faire débarquer, toute l’équipe revient au bateau. Le débarquement est annulé pour cause de boule de poil ! Eh oui ! C’est lieu, c’est le roi de l’Arctique, c’est un ours ! Notre premier ours !
Changement de programme. Nous allons faire une croisière zodiac. La luminosité est magnifique. Nous observons nos premiers icebergs et nous avançons gentiment, mais sûrement au fond d’un fjord. La récompense est vraiment méritée avec toute cette navigation. Nous nous approchons de la plage où se trouve notre premier ours. Il mange tranquillement de la toundra et nous observe de temps à autre. Il est assez mince, mais est bien actif. Nous nous approchons de très près et Elza nous prête ses jumelles afin de voir ce qu’il mange. Que d’émotions ! Il marche, mange, nous regarde, nous présente ses fesses, fait quelques pas vers nous… Nous sommes vraiment chanceux pour notre première observation. Notre boule de poils se laisse bien photographier !
Pour ceux qui osent détourner les yeux, nous voyons également nos premiers oiseaux de près : mouettes tridactyles, guillemots à miroir et mouettes ivoires prennent leur envole dans les environs et viennent jusqu’aux zodiacs. Nous sommes à Geographer Bay sur l’Ile Prince George.
Le nom de Geographer Bay vient du géographe Ivanov, qui était à la tête de la station de Tikhaya Bukhta, et qui a donné le nom à cette baie en 1931 en l’honneur des premiers géographes de l’Union soviétique qui ont mené les premières expéditions de recherche en Arctique.
L’Ile Prince George est la plus grande et la plus longue des iles de l’archipel (115km). Comme la plupart des iles de la TFJ, elle est composée de montagnes à plateaux, d’où nous pourrons apercevoir la calotte glacière (culminant à 415m). L’Ile a été nommée par Jackson d’après le Prince d’Écosse (Georg Friedrich Ernst Albert von Sachsen-Coburg und Gotha).
Aux alentours de notre lieu de débarquement, les mousses fragiles et les fleurs sont abondantes. De ce fait, il ne faudra pas quitter les sentiers balisés. Durant notre temps à terre, vous pourrez observer des rochers volcaniques intéressants aux couleurs variées. Vous pourrez profiter d’une belle vue de la baie et d’un petit glacier.
Départ pour l’Ile Luigi, mais en arrivant, le brouillard nous empêche de faire un débarquement. Nous tentons donc notre chance au nord de l’Ile Salisbury et arrivée sur site de ce magnifique front glacier, même constat. Nous continuons donc notre route et proposons une conférence sur l’ours polaire, donnée par Andy. Ce Canadien originaire de Vancouver est guide naturaliste polaire depuis 1993. Il fait une présentation rapide du roi de l’archipel avec de belles photos qu’il a prises lui même (il est également photographe !).
Ryan nous fait ensuite un briefing pour la journée de demain. Mais demain est un autre jour donc le programme risque de changer… Alors, pour l’instant allons diner et nous verrons bien !
Surprise ! Nous n’attendons pas demain pour débarquer ! Ryan et son équipe écrivent en sifflant dans la salle de restaurant et nous annonce une sortie zodiac sous nos applaudissements ! Après être sorti, 3 ou 4 zodiacs plein de passagers, et avant même que nous ayons nous même pu finir de nous habiller, la sortie est malheureusement annulée. Le vent s’est levé et les vagues, de plus en plus hautes, ne nous permettent pas de naviguer en sécurité dans les zodiacs. D’ailleurs, les seuls qui ont pu sortir dans les zodiacs reviennent trempés de la tête aux pieds ! alors c’est sans regret…
Peter, notre pianiste, nous aide à passer une agréable fin de soirée, animée de jeux de carte et de rires. Sixto, le manager du bar, garde également un oeil expert sur la salle et nous propose un large choix de boissons. Et quelle vue depuis ce 4e pont ! Les îles de Salisbury et de Ziegler nous offrent un panorama splendide.
En brouillard épais enveloppe notre le site ce matin. Et quel site ! Malgré la météo, la décision est prise de débarquer tout de même. Après avoir sécurisé le périmètre avec les rangers (la sécurité avant tout !) les 2 premiers groupe débarquements les uns après les autres sur un des sites les plus remarquables de l’histoire de l’expédition polaire. Étant donné que nous sommes dans le dernier groupe à débarquer, nous profitons du confort du Sea Spirit en attendant notre tour. Et encore une fois, quelle chance ! Le brouillard se lève petit à petit et depuis le bateau nous commençons à voir une falaise couverte par endroits de neige (avec des petites algues rouges : qui se souvient du nom ?), des mouettes tridactyles, des labbes parasites et des fulmars donnent un côté dramatique et fantomatique à la scène. Alors qu’en regardant à droite le brouillard épais commence à se dissiper, à gauche un magnifique ciel bleu fait son apparition. On voit même l’horizon !
Quel décor incroyable et typique pour le débarquement de ce matin : nous sommes sur l’Ile Jackson, au Cap Norvégia.
Kap Norwegia
Au lieu de débarquement, nous pourrons observer la Toundra avec ses fleurs et ses mousses, ainsi qu’une falaise à oiseaux. Ce lieu a abrité un des hivernages les plus incroyables dans toute l’histoire arctique.
En septembre 1895, Fridtjof Nansen et Hjalmar Johansen revenaient d’une expédition polaire. Ils n’avaient jamais été aussi proches du Pôle Nord. Sur la route du retour, ils ont hiverné dans un petit refuge partiellement sous terrain qu’ils ont construit eux même. Les restes de ce refuge en pierre sont visibles et entourés par du bois flotté. Ce bois leur a servi de poutre pour leur charpente à l’époque. Ils ont survécu grâce aux ours blancs, aux renards polaires, aux morses, aux phoques et occasionnellement à un oiseau. Ceux-ci leur procuraient de la nourriture, du combustible et de la lumière, de l’isolation, un toit et tout ce dont ils pouvaient avoir besoin. Après leur hivernage, les 2 hommes ont pris la route du Sud et sont venus à la rencontre de Frederick Jackson à Cap Flora, sur l’Ile Kuchiev.
L’après-midi, un espoir de débarquement à l’Ile Rudolf, la houle nous force à repartir. Nous regardons s’éloigner cette île la plus septentrionale de l’Eurasie et se faire envelopper par le brouillard. Sans plus tarder, Vadim nous invite pour une conférence son expérience personnelle sur la station de Barneo. Il a vécu une expérience incroyable sur une station à la dérive à 89°N, sur une plaque de banquise, loin de toute civilisation. On se souviendra de la courte vidéo des membres de l’équipe russe qui, une fois avoir fini de construire la piste d’atterrissage, piquent une tête dans la piscine improvisée du camp. Autant dire que par -30°C, ils crient, vocifèrent, se trempent le corps (et la tête !) et repartent d’un pas précipité sur la glace vers le sauna. Quelle drôle de scène !
Pour le diner, nous avons un invité d’honneur : Sanna. Elle vient du nord de la Finlande et nous raconte son périple incroyable en ski pour le Pôle Sud avec un groupe de 6 skieurs enthousiastes, en novembre 2018 ! Ils vont partir de la mer de Wedell pour 1200 km en ski pour atteindre le Pôle Sud. Cela représente 20 km par jour sur une période de 60 jours. Elle partira avec sa pulka et ses skis, sans encadrement professionnel. Une vraie exploratrice polaire de notre époque ! Seulement environ 30 personnes par an atteignent le Pôle Sud en ski ! Et c’est une passagère qu’elle a rencontrée à bord en décembre qui la sponsorise ! Décidément, nous avons vraiment une équipe incroyable.
Sana et Elza ne prennent pas le temps de déguster les desserts, car elles doivent déjà se préparer pour notre prochaine sortie.
En effet, après avoir salué l’Ile Rudolf depuis le navire, nous sommes revenus sur nos pas et comptons débarquer sur la côte nord de l’Ile Jackson. Alors que tout le monde est prêt à embarquer, un ours est repéré sur notre île. Changement de programme. Encore. Nous allons faire une croisière zodiac. On sent que l’équipe et déçue : on voulait tous se dégourdir les jambes ! Heureusement, notre pilote Sergey nous remonte le moral en montant à bord et nous amène devant un magnifique spectacle. L’ours qui nous a empêchés de débarquer à terre est endormi derrière le cap. Le vent porte notre odeur alléchante aux narines de l’ours qui se réveille et commence à s’intéresser à ce petit groupe de Français délicieux. Il se met alors en mouvement et nous fait une parade le long de la plage et sur un glacier. Nous sommes enchantés par ce spectacle tardif. Eh oui ! On l’oublie vite, mais il est déjà 23 h et le soleil est toujours bien là, même s’il frôle l’horizon à présent…
Aujourd’hui le réveil est en peu plus lent que d’habitude. On est quand même rentré à minuit hier soir avec des étoiles polaires plein les yeux ! Heureusement qu’Elza nous mène vers notre nouveau capitaine : Andy. Il prend également Page, notre photographe, et même un ranger. Nous voici en croisière zodiac, émerveillé par le spectacle pittoresque de l’île Coal Mine. Par un ciel typiquement local (à la fois nuageux et éclairé), nous approchons une baie surplombée par une falaise à oiseaux. Nous y apercevons quelques bruants des neiges furtifs. Nous ne sommes pas préparés à la surprise qui nous attend. En contournant un cap, nous sommes agréablement enchantés par la présence d’un morse et ses petits (une femelle donc). Être témoin de son comportement est rare. En effet, elle protège ses petits en les poussant sous l’eau lors de leur nage le long de la côte. À cause de la présence de notre zodiac, elle commence à émettre des sons graves et nous décidons donc de ne pas nous éterniser. Maintenant, on peut dire qu’on est bien réveillé. Quelle chance !
À notre retour, Joshua nous fait une conférence très intéressante sur les changements mondiaux, qu’ils soient environnementaux, chimiques, sociaux. La conférence est tellement intéressante qu’elle se transforme en débat dans un plus petit comité. Joshua nous inspire et nous donne des idées de solutions simples pour mener, à notre échelle, des changements dans notre comportement, mais aussi dans le comportement de nos proches. Avec 1 Suisse, 1 Argentin, 1 Australienne, 1 Américaine, 1 Française et 1 Britannique, les idées, les points de vue et les témoignages sont très différents. C’est bien entendu en Terre François-Joseph que nous nous retrouvons pour cette table ronde !
Cet après-midi, Ryan décide de faire une excursion intéressante en 2 étapes. Nous débarquons sur un site où, à notre connaissance, nous sommes la 2e croisière expédition à avoir jamais débarqué. Quelle chance ! Nous nous trouvons sur l’ile de Kuhn. Les rangers ont sécurisé le périmètre et nous allons donc enfin pouvoir passer un peu de temps à terre. En 1h30, nous avons l’opportunité de parler notamment à Lutz du permafrost. Il nous montre des traces visibles du permafrost arctique. On distingue des lignes dans le sol qui alternent des couches plus noires à gros cailloux et des couches plus grises à petits cailloux. Un labbe à longue queue plane un moment au-dessus de nous puis disparait dans la brume. Après avoir fait notre sport matinal, nous enchainons sur une croisière zodiac avec Aaron, un géologue. Nous dépassons un cap et sommes surpris par un renard devant son terrier. Il fouille les alentours de son nid sans se soucier de notre présence. Son terrier se troue en contrebas d’une colonie de mouettes tridactyles. Les jeunes sont facilement différentiables, car ils sont plus uniformes et plus foncés. En anglais, on les appelle les « kittiwake » à cause du bruit incessant qu’ils font. Nous avançons encore pour faire le tour de cette petite île et croisons la route d’un autre renard arctique. Il est juste à la limite de la plage, et presque jusqu’à notre zodiac. Les photographes sont heureux. En admiration devant cette scène rarissime, le temps semble s’arrêter et à contrecœur, nous devons retourner au bateau. En effet, les marins ont tout de même fini leur journée à minuit et demi hier soir !
De retour au bateau, et après un bref récapitulatif des derniers jours, nous pouvons déguster notre bon repas avec tarte au citron meringuée en dessert. Elza vient nous faire un petit coucou et nous ne manquons pas de la féliciter pour avoir validé son test en zodiac ! Elle va pouvoir nous conduire maintenant ! Ryan nous fait ensuite un breifing sur les jours à venir. La journée de demain a l’air fantastique, mais le mauvais temps arrive. Nous allons donc nous réveiller très tôt. Pas de repos pour la team de commandos ! Et avec une journée comme elle là demain, nous ne nous éternisons pas en salle de conférence pour regarder le film sur le Fram.
Le navire prend vie doucement dans les heures matinales de ce weekend au jour permanent. Les marins descendent les zodiacs à la grue, notre chef d’expédition Ryan rencontre le capitaine Oleg à la passerelle pour évaluer le planning de la journée, le restaurant s’active pour accueillir tout le monde au petit déjeuner… Mais combien sommes-nous vraiment sur ce bateau ? On est bien plus que 100 en comptant tout l’équipage !
Ryan nous prépare une journée exceptionnelle. Nous commençons par l’ile de Champa et plus spécifiquement Cap Triest. Là, nous allons pouvoir passer 2h30 à terre pour profiter de la plage avec les bécasseaux violets et les labbes à longues queues ; des icebergs échoués sur la plage ; d’une colonie de mouettes tridactyles refaisant leurs nids ; mais également (et c’est pour ça que nous sommes là) des rochers sphériques (concrétions) présents en hauteur et expliqués par notre géologue : Aaron. Et que ça fait du bien de marcher !
L’île Champa
(nommée en l’honneur de William Champ, Secrétaire des 2 expéditions Ziegler) a des formations géologiques rares et fascinantes. Ce sont des concrétions de calcite quasiment sphériques, formées dans une couche de permafrost profonde et active. La plus grande concrétion atteint 2 m de diamètre. Les plus petites, de la taille d’un boulet de canon, montrent leur évolution.
En repartant, nous faisons un petit détour par des icebergs écoutés sur la plage et allons nous réchauffer à la « maison ».
Cet après-midi, nous naviguons vers le Sud pour une croisière zodiac au Sud-Est de l’île Hall. Un ours nous y attend, endormi à la limite de la falaise et de la mousse. Nous passons le Cap Tegethoff pour l’approcher, mais il ne se décide par à venir nous voir. Un paysage extraordinaire nous entoure avec des pics de roche noire qui sortent de l’eau et semblent vouloir atteindre les cieux ; avec un ciel nuageux transpercé par des rayons de Soleil ressemblant à des éclairs épais, mais figés ; avec des glaciers, des icebergs, des îles dont les montagnes paraissent tranchées par un sable ; des glaciers suspendus, des calottes glacières, et une lumière changeant tout le long de notre sortie.
Cape Tegetthof, Hall Island
En 1873, un navire Autro-Hongrois qui tentait d’atteindre le Pôle Nord fut pris par la glace au large de Novaya Zemlya et commença à dériver dans la banquise. En 1874, après avoir passé un hiver dans la glace, le brouillard se dissipa un jour. Les membres de l’équipage, sous la direction de Julius von Payer et Carl Weyprecht, n’en croyaient pas leurs yeux. Sans le savoir, ils avaient découvert la Terre François Joseph, qui porte le nom de l’Empereur austro-hongrois. La terre qu’ils ont aperçue est Cap Tegetthoff, qui porte le nom de leur navire. Ils ont en réalité débarqué pour la première fois en TFJ sur l’île de Wilczek.
Ile Luigi
Après une bonne grasse matinée et une bonne nuit de sommeil, la sortie aujourd’hui s’annonce fraiche, car il neige (c’est même plutôt une pluie verglaçante). Mais cela ne va pas nous empêcher de débarquer ! Aucune croisière expédition n’est déjà venue sur ce site. L’Ile Luigi offre un paysage divers où nous avons enfin la possibilité de marcher sur un glacier. En effet, une partie du glacier est mort. Nous nous avançons tant bien que mal jusque la partie la plus haute encore accessible. Une crevasse nous empêche d’aller plus loin. En contournant les rochers de la plage, nous atteignons le haut d’une colline d’où la vue est fantastique. Après cette sortie de 2h30, nous commençons notre navigation dans le chenal Brown.
Pour le gouter, l’équipe de l’hôtellerie nous organise un « Ice Cream Social ».
Elza prend le micro pour nous faire une devinette :
« Laquelle de ces 3 anecdotes est exacte ?
1 : Mon Noël à moi est en juillet : je participe à l’organisation d’un évènement en Angleterre et les bénéficies sont reversés à des associations humanitaires en Inde.
2 : J’ai déjà passé Noël seule dans un camping à l’autre bout du monde.
3 : Je passe mes réveillons de noël avec James Bond, qui est mon oncle…
Mystère… »
Au fond de ce chenal, un brouillard encore bien épais nous attendait. Elza passe nous chercher à la marina en zodiaque pour nous amener à tâtons entre les 2 grands glaciers au fond du chenal. Nous voyons entre 2 fronts de glace géants et parsemés de crevasses, de fissures, de rivières souterraines et d’oiseaux (mouettes tridactyles et guillemots de Brünnich). En repartant, un phoque barbu nous taquine en ressortant la tête à différents endroits autour des zodiacs de l’expédition.
Pendant le diner, Elza disparait mystérieusement en nous proposant de la retrouver après le repas à la bibliothèque.
Surprise : Sergei Gorshkov, un photographe russe renommé, nous attend avec un cadeau magique. Il nous montre un film qu’il a tourné durant plusieurs mois, seul, dans le centre de la Russie (au nord), à Putarana. Les images montrent sa sensibilité et sa patience. Blottis les uns contre les autres dans les canapés que nous avons réarrangés, nous laissons échapper des « oh » et « ah » en admiration. Il nous montre aussi quelques photos de Wrangell, du Kamchatka et de la Terre François-Joseph.
Ce fut un moment spécial nous nous. Nous nous couchons avec un sourire aux lèvres et des rêves pleins la tête.
Le matin est calme. Nous prenons le temps de nous réveiller tranquillement alors que dehors défilent les belles îles de l’archipel. Aujourd’hui, Ryan opte pour un débarquement sur l’ile de Ziegler. On voit des restes d’un tournage de film hongrois des années 1990. À terre, on rejoint 3 groupes de niveau ; les bons marcheurs font une randonnée de plus de 6 km pour arriver à un point de vue tellement apaisant et magnifique que nous nous étalons et passons 5 min en silence à contempler la vue à 360°. On respire, on se ressource, on ferme les yeux, on prend le temps d’admirer le paysage et de se confondre dans la nature. Les moyens marcheurs prennent leur temps, ce qui leur donnent l’opportunité de prendre en photo des mouettes ivoires, des sternes, des labels à longue queue, des labbes pomarin, des ossements d’ours polaire et de renard, et même un phoque décapité. Les petits marcheurs, eux, restent près de la plage et peuvent recevoir des explications historiques des lieux (en effet, on trouve des containers, des bidons, etc.) et photographier la flore très présente sur cette île. Mousses, fleurs et traces de permafrost font des photos très colorées. Au retour, un rayon de Soleil arrive même à écarter les nuages et à nous réchauffer quelques instants…
Île Ziegler
L’expédition Fiala Ziegle (1903-1905) a contribué à cartographier la TFJ. Ils ont exploré tout particulièrement la dernière grande zone « blanche » (non cartographiée) au centre-nord de l’archipel. Cette expédition fut en partie à l’origine de la découverte suivante : Les îles de Ziegler (nommée en l’honneur du parrain de l’expédition), Salisbury et Champ sont en réalité indépendante les unes des autres, et nous pas une seule terre.
Denis, le responsable des rangers (gardes des parcs nationaux russes, et plus spécifiquement de la TFJ) et Ryan prennent la décision de faire un débarquement. Personne n’a jamais auparavant débarqué sur ce cap, qui ne porte d’ailleurs pas de nom ! Nous sommes sur la côte Nord-Est de l’île de Salisbury, environs et centre, dans le chenal de Rhodes.
En peu de temps, nous débarquons et pouvons nous dégourdir les jambes un peu en passant de rocher à rocher jusqu’à un magnifique point de vue sur le chenal dans lequel se troue le Sea Spirit. D’un côté, une magnifique montagne de toute couleur donne un contraste avec un glacier voisin. En face, des îles, des glaciers et des calottes glacières. De l’autre côté, des énormes fronts de glace nous attendent. En effet, avec cette petite balade, nous réembarquons dans nos zodiacs et Sanna nous prend en charge. Et quelle chance ! C’est la spécialiste de la glace ! Après un détour vers un moyen iceberg, nous nous dirigeons droit vers le grand front de glace. On observe les crevasses, les figures, les séracs et les différentes couleurs de la glace. Sanna nous enchante et nous transmet sa passion pour ce monde fait de bleu et de blanc. Après un petit volage et un gros volage, nous surveillons en particulier une voute qui semble instable. Nous sommes très chanceux : nous sommes aux premières loges d’un magnifique spectacle. Un grand vêlage se produit devant les appareils photo de nos photographes, qui arrivent même à photographier la scène ! Une vague s’avance vers nous et fait onduler le brash tout autour de notre embarcation. Ensuite, nous partons observer de plus près un grand iceberg tabulaire en forme de chapeau pointu. Il s’est avachi et nous présente ses entrailles aussi bien que son sommet. On voit combien la glace a travaillé, à la fois quand il était encore dans le lit de son glacier et quand il s’est fait déformer par les vagues, le vent et les bulles d’air… Une question : en insérant une seringue et en aspirant les bulles d’air prisonnières dans ces icebergs, pourrait-on regarder dans le passé ?
…
OUI, car ces bulles se sont laissées emprisonner quand la neige s’est transformée en glace, lors de l’accumulation des couches de neige, formant ainsi un glacier…
Ryan nous annonce qu’aujourd’hui sera notre dernier jour en TFJ. Du coup, la journée sera très dense en activité.
La petite musique quotidienne du matin est donc à 6h. Avant même de déjeuner, nous partons voir les morses de l’île Dead Seal, au sud de l’archipel.
Durant 1h, nous les observons en silence… Enfin presque… Car qu’est ce qu’ils sont bruyants, eux ! Et quelle odeur ! La colonie de femelles avec leurs petits nous divertit un bon moment. Ils se lavent, se grimpent dessus, se traînent, se battent, plongent, nagent, dorment et parfois même nous croisons leur regard. Un labbe, une mouette tridactyle et une sterne arctique profitent de ce camp de base pour se nourrir également. Les élégantes sternes semblent comme danser au-dessus de l’eau avant de plonger soudainement pour attraper des poissons dans l’eau…
Après le petit déjeuner bien mérité, Elza et un ranger nous attendent à la marina pour une croisière zodiac. Quel plaisir d’avoir notre coordinatrice en conductrice ! Nous avançons tranquillement vers Rubini Rock et ses falaises de dolérite. Nous pouvons observer de nombreux nids de mouettes tridactyles avec leurs jeunes, ainsi que quelques intrus : des guillemots de Brünnich et des goélands bourgmestre. La sortie commence dans le brouillard et se finit par une magnifique vue de la falaise en partant, sans oublier le moment où nous avons commencé à pagayer avec les kayakistes. Sous la surface de l’eau, des « sea devils » (diable des mers) et des « sea angels » (ange des mers) nagent dans toutes les directions.
Rubini Rock, Île Hooker
Voici la falaise à oiseaux la plus spectaculaire de l’archipel. Des colonnes de basalte incurvées, parsemées de lichens colorés et d’une végétation d’été très verte. Les fissures naturelles dans la roche forment des perchoirs ou nous retrouvons de grandes quantités de nids. Les colonies d’oiseaux présentes sont des guillemots de Brünnich et des mouettes tridactyles.
Cet après-midi, nous atteignons la rive en face de Rubin Rock : Bukhta Tikhaya. Nous en profitons pour envoyer des cartes postales, faire le tour du campement et rencontrer les 3 rangers qui vivent sur la base russe. D’ailleurs, notre guide Sergey a vécu ici en 2016 ! Il nous fait une visite guidée de l’île. 1 renard polaire vient nous voir et s’approche de nous, visiblement pas très craintif. La station se développe doucement. Un musée va bientôt faire son apparition. Le tracteur se fait restaurer par une équipe séjournant à la base. Cette station polaire est ouverte 3 mois de l’année et c’est justement le dernier jour d’ouverture. Les rangers ferment les lieux et repartent avec nous. Mais avant, il y a une dernière chose à faire avant de partir : la plongée polaire ! Certains passagers, Sanna et Elza se baignent sous les regards surpris du reste des convives.
De retour à bord, l’équipage nous attend au pont 5 pour un BBQ. Les rangers marquent la fin de la saison avec quelques tirs de fusée de détresse depuis la plage. Le ciel s’est dégagé, il n’y a pas de vent… Quelle belle soirée pour finir en beauté dans ces terres reculées !
Dans la nuit, nous allons re-passer devant les officiers de l’immigration, saluer une dernière fois les rangers et prendre le large pour le Spitzberg. 2 jours bien agités nous attendent.
La Station Polaire de Bukhta Tikhaya fut opérationnelle sans interruption de 1929 à 1959. Elle devint le premier camp permanent en TFJ, avec 20 à 50 membres dans l’équipe – même des enfants sont nés ici. C’était un endroit privilégié pour la recherche sur les écosystèmes l’hydrométéorologie, la géophysique et la glaciologie. Durant la Seconde Guerre mondiale, les membres de l’équipe ont travaillé sans relève. Avec peu de ravitaillement, ils ont pu tout de même transmettre des données météorologiques au continent durant 5 ans. Après l’ouverture d’un observatoire météorologique sur l’Ile Hayes, la station polaire de Bukhta Tikhaya ferma ses portes.
Ce matin, notre premier réveil était à 3h30 du matin pour passer devant les officiers de l’immigration et vérifier de nouveau nos passeports et notre identité. Notre second réveil fut plus tranquille. Il est 9h30 quand les haut-parleurs de la cabine nous réveillent avec une musique douce.
Nous commençons la journée avec une conférence de Sanna sur les glaciers et la banquise. C’est très intéressant. Sanna pourrait rester toute la journée à nous parler de sa passion pour ce monde gelé.
S’en suit une conférence de Ab, notre ornithologue, sur les espèces que nous avons pu voir durant le voyage. Ab nous aide à distinguer les différentes espèces présentes en Terre François-Joseph. Il nous propose même de le retrouver au bar dans l’après-midi, ainsi nous pourrons donner des titres à nos photos !
L’après-midi commence avec Ida, une Suédoise, qui nous présente sa participation à « L’expédition féminine euro-arabe 2018 du Pôle Nord ». 11 femmes de Russie, Oman, Arabie-Saoudite, France, Grande-Bretagne ainsi que d’autres pays d’Europe et de l’Extrême Orient, elles ont organisé une expédition en ski. Elles sont parties de la base de Barneo et se sont rendues en ski au Pôle Nord. Elles ont dormi en tente durant 7 jours par des températures jusqu’à -40 °C. En ligne droite, la distance à parcourir était de 110 km environ, mais avec tous les détours qu’elles ont du prendre, elles ont en fait parcouru plus de kilomètres encore à cause des crêtes, des plaques trop fines par endroits et des zones d’eau libre entre 2 plaques de banquise. Elles sont revenues en hélicoptère jusqu’à la base juste à temps : le 24 avril 2018. Un avion a décollé de la base pour les ramener à Longyearbyen et la base a ensuite fermé ses portes pour la saison. Ces pionnières sont devenues des modèles dans leur pays respectif et donnent des conférences sur leurs accomplissements alors qu’elles n’avaient aucune expérience.
En fin d’après-midi, nous avons un récapitulatif du voyage, suivi du briefing pour les jours à venir. Nous rentrons juste à temps pour nous réfugier dans l’EstFjord au Spizberg et évitons de peu la tempête qui va bientôt entourer tout l’archipel. Notre dernier jour sera donc fait d’activités près de Longyearbyen. Nous visualisons également une courte vidéo des magnifiques photos de Jacques, qui a fait une croisière au Spizberg en avril 2017. Ses photos sont vraiment belles et invitent à un moment de silence.
Après un bon repas, Sergey Gorshkov, la célébrité du bord, nous présente ses photos de ses 6 voyages à l’île de Wrangel. Il a passé quasiment 2 mois sur place pour chacun de ses voyages, en dormant dans une « villa » (un abri de bois et de bâches qui lui a causé plusieurs soucis durant les hivers rudes). Il a voulu expérimenter toutes les saisons et s’est donc rendu lamas à différentes époques sur plusieurs années. Il a pu ainsi photographier des moments uniques :
– 2 oursons qui voyaient le jour pour la première fois
– la migration des milliers d’oies de l’île
– les différentes couleurs des renards arctiques
– un groupe de 130 à 170 ours se rassemblant pour se nourrir de morses échoués
– un renard attrapant une oie en plein vol
– des renards jouant ensemble
– un larfant des neiges essayant de décoller dans l’eau
– une attaque d’ours avec ses 2 oursons, avec son ami Nikita
Nous sommes tous en admiration devant cet artiste incroyable. Sur la porte de sa « villa » se trouve une enseigne écrite en russe : « la nature sera toujours plus maligne que nous ».
Après la conférence, Elza se rapproche de Sergey et réussit à nous dégoter une photo prise par cet artiste dans laquelle nous figurons. Nous sommes touchés par ce geste.
La matinée démarre par une conférence de Page, notre photographe : « Bienvenu dans l’âge digital ». Page essaie de nous passer un message : prendre le temps. Au lieu de prendre un grand nombre de photos, essayons d’un prendre seulement quelques-une, mais de bonne qualité. Pour ça, il faut d’abord connaitre les bases, avoir les bons équipements, prendre le temps de faire ses réglages et cadrer la photo. Quand une opportunité se présentera, nous serons donc prêts à « faire feu ».
La navigation continue. Nous sommes fort heureusement dans une mer calme et contournons tranquillement le Spizberg par le Nord. Ce soir, nous aurons pour la première fois un peu de nuit. Entre temps, la luminosité est incroyable. Nous voyons passer l’île Charles XII, les 7 îles, et les côtes de l’île principale du Spizberg. Quelle chance nous avons ! L’équipe a vraiment pris la bonne décision en décidant de quitter la TFJ un peu plus tôt que prévu. Petit à petit, le mauvais temps arrive et amène la pluie, le brouillard et le vent…
Après quelques emplettes à la boutique du navire, Marta nous accueille en salle de conférence. Et dire qu’on a attendu tout ce temps avant de savoir qui était cette jeune femme de Buenos Aires ! Eh oui ; notre petite Marta a commencé la voile dès l’âge de 12 ans. Après un bref passage dans les Jeux olympiques, elle se voit proposer une place sur un voilier pour un projet unique. Unai Basulko, le capitaine, invite Marta à participer à un voyage en voilier jusqu’en Péninsule Antarctique, en partant de Bilbao, Pays Basque ! Avec l’association Pakea Bizkaia, leur but est double : à la fois d’éduquer les jeunes de l’école de Bilbao, mais également de prendre des échantillons et étudier la quantité de plastique dans nos océans. Marta a donc rejoint l’expédition en Uruguay et est parti avec eux jusqu’en Antarctique, en passant par le détroit de Magellan.
Carola, une jeune femme allemande, nous parle de son expérience en tant que navigateur sur un navire de recherche scientifique. Elle travaillait sur un brise-glace et amenait des scientifiques de toutes nationalités et de domaines très différents (biologiste, météorologue, glaciologue, etc.). Ces scientifiques menaient différents projets et se retrouvaient sur le même navire pour une saison (jusqu’à 1an). Le navire stationnait alors à un endroit dans la banquise et montait une station dérivante. Dans les années à venir, ils vont devoir modifier leurs méthodes à cause de la fonte de la banquise. Ils vont, comme le Fram, se laisser emprisonner par la banquise et se laisser dériver avec elle.
La météo s’est gâtée durant notre dernière conférence. Heureusement, vers 20h30, nous nous réfugions dans l’Estfjord et passons à Longyearbyen vers 23h30 pour prendre des armes.
La soirée se finit en « chocolate mess ». Le pâtissier et son équipe nous ont préparé des desserts chocolatés. Quel délice ! Le chocolat, c’est bon pour le coeur !
Ce matin, de nouveaux rangers (ainsi que le Grand Large) nous attendent à Pyramiden pour une visite guidée. À la fin de la visite, nous avons même l’occasion de photographier de très près 5 renards polaires, dont 2 jeunes bleus ! Le temps commence par de la nuit et du vent, mais se termine par une belle éclaircie. Maintenant, de retour au bateau, place à l’observation, aux jumelles et aux appareils. Cherchons. Peut-être serons-nous assez chanceux pour voir des baleines ou des ours ?
Pyramiden est une ville minière russe abandonnée, qui extrayait du charbon des montagnes alentour. Elle se situe dans le Billefjord. À l’origine, la ville était gérée par la Suède dès 1910. En 1926, elle fut vendue à la Russie et reprise par la société gouvernementale « Trust Arktikugol » en 1931. D’ici 1989, 715 hommes, 228 femmes et 71 enfants s’installèrent à Pyramiden. Gorbachov’s Glasnost fit ouvrir un hôtel pour les touristes cette année-là. La ville fut abandonnée en 1998. Le gel et la rivière ont fait beaucoup de dégâts aux bâtiments les années suivantes et Trust Arktikugol met longtemps à prendre les mesures nécessaires pour remettre ce site en ordre. Un très petit nombre de Russes vivent encore à Pyramiden (3 à l’année) et continuent à nettoyer la ville, à servir au bar et à guider les touristes venant de Longyearbyen pour la journée. Les bâtiments sont en général fermés à clef pour éviter le vol et le vandalisme, mais aussi pour des raisons de sécurité, car les structures des bâtiments ne sont pas fiables et ils peuvent s’écrouler à tout moment. Les montagnes dont le sommet est en forme de pyramide ont donné le nom à cette ville.
L’après-midi, alors que les ponts extérieurs baignent dans le Soleil, nous dérivons lentement en face de Pyramiden et observons du bateau une mère et son jeune, au pied d’un glacier, sur une île. Malgré le Soleil, le vent souffle toujours à 30 noeuds et nous empêche de débarquer. On dirait bien que la croisière approche la fin. Page fait une photo de groupe remarquable en faisant le clown en hauteur sur le pont 6.
Ce soir là, le traditionnel cocktail du capitaine nous réserve de bonnes surprises : toute l’équipe de Sea Spirit nous est de nouveau présentée, comme au début du voyage (et même l’équipe de restauration au moment du diner, un peu plus tard). Ensuite, nous visualisons la vidéo de drone du journaliste se trouvant à bord, en contrat avec Poséïdon. Les images sont celles tournées lors de notre dernière excursion en TFJ : Bukhta Tikhaya. Elza nous avait bien dit qu’elle avait fait un plongeon polaire, mais elle n’avait pas mentionné que c’était en plongeant la tête la première ! Les images sont belles. On peut voir la station d’un point de vue unique : celui d’un fulmar.
Notre cher photographe Page, passionné et enthousiaste, nous passe ensuite son diaporama en musique, avec une intro toujours sur le ton de l’humour. Parmi les 400 photos, il y en a pour tous les gouts : guillemot en plein vol, gouttelettes d’eau, fleurs, mousse, vêlage, portraits, paysages, ours, morses, etc. On ressent toutes sortes d’émotions en admirant le travail de cet artiste.
De retour à Longyearbyen, et après passage à la réception, c’est le moment de débarquer. Après avoir dit au revoir aux équipes du bord, un bus nous amène à l’aéroport alors que les dernières lueurs du coucher de Soleil éclairent encore légèrement le ciel. Une demi-lune très éclairée est comme perchée par dessus les montagnes encore enneigées de la baie. C’est une belle dernière scène pour clôturer notre voyage.
Alors que notre voyage dans ces terres les plus nordiques de l’Eurasie s’achève, nous laissons notre esprit voguer vers d’autres aventures futures… Et c’est la tête remplie de souvenir et le coeur réchauffé par de belles rencontres que nous rentrons à la maison.