Benjamin Dy
Destinations Nordiques et Antarctique
25 juillet
4 août 2017
À bord du Polaris, du 25 juillet au 4 août 2017
Benjamin Dy
Destinations Nordiques et Antarctique
(78°55’N – 12°27’E)
Il est 7h30 du matin et chacun sort de sa cabine. Nous pénétrons dans le Kongsfjorden et la météo est sublime. Il fait 7°C, le soleil brille et seuls quelques nuages accrochent les sommets aux alentours ; comme pour donner encore plus de profondeur à cette magnifique baie du Roi. Le petit déjeuner est servi à 8h et surprise… ce sont des crêpes que nous pouvons déguster ce matin. Merci à Hervé, notre cook comme il est d’usage de dire sur un bateau, pour ce petit plaisir matinal.
Nous entamons notre premier débarquement à Ossian SarsFjellet. De là, tout le groupe monte dans une belle toundra. Les silènes acaules, les Cassiopes tétragones et autres saxifrages sont en pleine floraison. Après 150m de dénivelé, nous surplombons une belle colonie de mouettes tridactyles. Nous observons même des poussins tout de duvet vêtus. Sur le plateau, un renard polaire fait son show. Après avoir décortiqué une aile de mouette, le curieux s’approche de notre joyeux petit groupe. La nature nous offre là une observation emplie d’émotions. Les Tre Kroner (Dana, Svea -1225m – et Nora) imposent leurs trois pics pyramidaux dans le paysage. Avec ces montagnes pointues, ces vallées noyées par les glaciers, aucun doute, nous sommes au Spitzberg (littéralement « montagnes pointues) ! En rentrant au Polaris, c’est un couple de rennes qui déambulent sur la berge. À bord, nous découvrons que le déjeuner est servi sur le sundeck : le point supérieur. Quelle vue! Nous passons l’après-midi à longer le glacier du KoneWegen en zodiac. Les nuances de bleus, les crevasses et les séracs nous impressionnent tous. Quelques vêlages viennent s’ajouter à ce spectacle.
Les plus courageux s’offrent une marche digestive après le diner. De bloc en bloc, nous arpentons la moraine latérale du Bloomstrandbreen. Au sommet, nous dominons les crevasses et notre mouillage. Le soleil glisse derrière les montagnes, le silence règne… il est plus de 23h.
Après un réveil au pied du glacier Blomstrand, nous voilà repartis vers Ny-London, toujours dans la Baie du Roi, avec laquelle nous commençons à nous familiariser… Les conditions météorologiques particulièrement calmes nous permettent ensuite de randonner dans la partie sud de Blomstrand-Halvoya. Les sternes, plongeons, labbes à longue queue et autres rennes se reflètent parfaitement dans les étendues placides que représentent les lacs. Le Polaris nous récupère ensuite et nous partons en direction de la passe du Kongsfjord, puis nous mettons le cap plein nord direction la Baie de la Madeleine.
Nous écoutons la première conférence de cette croisière : « Introduction au Spitzberg » et que notre guide Nicolas nous donne les principales clefs de lecture pour comprendre ce qui nous entoure. À l’arrivée en Baie de la Madeleine vers 18h, nous partons en excursion sur la péninsule de Graveneset…
79°44’N – 10°54’E
Réveil matinal dans le Magdalenefjorden, le temps est couvert et il fait un petit degré Celsius. L’été polaire est au rendez-vous. La montée dans la toundra moussue est très agréable, nous avons l’impression de marcher sur un tapis bien moelleux. Arrivés dans les blocs, nous nous installons confortablement… le spectacle se prépare. Quelques flocons de grésil virevoltent autour de nous, le soleil perce entre les nappes de brume, des centaines de mergules passent au-dessus de nos têtes. Le tout avec le glacier du Wagonway en toile de fond.
La fin de matinée se passe en mer, dans le détroit entre Danskoya et Sorgattet, Nat et Nico sur bâbord, Benoit sur tribord, « spotte » le rivage en quête d’ours. Et là, la chance semble nous sourire, Benoit nous indique une tache crème dans les rochers. Pas de doute, c’est bien un ours blanc qui marche le long du rivage.
Déjeuner interrompu, un bonnet sur la tête et nous sautons dans les zodiacs. Nous suivons pendant plus d’une heure une belle femelle. Ravis, mais transis de froid, nous rentrons à bord finir le déjeuner. En fin d’après-midi, nous sortons de nouveau. Un groupe de morses se trouve sur la plage de sable fin de Smeerenburgodden. Nous faisons une approche tout en douceur. De jeunes morses, très curieux, nous regardent à quelques mètres du rivage. De l’autre côté, les sternes s’occupent à nourrir leurs poussins. La grâce de l’hirondelle des mers face aux quelque neuf cents kilogrammes des morses (voire 1,2 tonne pour les gros mâles). Deux mondes… une fois de plus, nous profitons d’un magnifique soleil.
79°44’N 10°54’E
La chance nous sourit encore aujourd’hui ! Nous partons de notre mouillage dans le « Danskgattet » au sud de l’Île d’Amsterdam pour retourner aux alentours de la carcasse de cachalot localisée hier.
À peine arrivés sur site, à l’Est de l’île Danskoya, nous distinguons au loin une femelle ours et… son petit ! Ils filent directement vers la carcasse (à croire qu’elle leur est déjà familière !) où nous allons pouvoir les observer de tout près en zodiac. Le vent souffle et la mer se forme, il est temps de rentrer au Polaris et se réchauffer à bord. Nous retournons ensuite au mouillage dans le détroit entre Amsterdamoya et Danskoya.
Après un bon repas, nous repartons en zodiac aux abords de l’île Aeoya, dans la baie de Virgohamna. Une bonne trentaine de phoques communs (appelés également « veaux-marins ») y est à l’abri. Nous continuons cette excursion par un passage devant Virgohamna, site incontournable pour toute personne intéressée par la conquête des pôles.
Nous allons ensuite explorer l’île d’Ytre Nosrkoya, ses colonies de mergules, guillemots et surtout macareux moines, que nous pouvons observer de très près, pour notre plus grand plaisir. Nous continuons ensuite notre ascension vers le sommet, utilisé historiquement pour repérer les baleines au 17e siècle. De retour au bateau, un bon repas nous attend et aussi une belle navigation vers le Liefdefjord.
79°41′ N, 13°36′ E – 79°32′ N et 12°39′ E
Ce matin, nous sommes à Worsleyhamna dans l’entrée du Liefdeforden, près des îles Andøyane (les îles aux canards). Après avoir découvert la cabane Villa Oxford de Worsley (trappeur norvégien), sur la péninsule de Reindsdyrflya (la plaine aux rennes), nous prospectons dans la toundra. La flore est maintenant en pleine floraison. Durant la marche, le plafond nuageux s’ouvre, les montagnes rouges du Dévonien apparaissent. Nous savourons la douceur des lieux, digne d’un des premiers matins du monde. En fin de matinée, nous filons à bord des zodiacs à la découverte des îles. Des haltes fréquentes et longues permettent aux appareils photo, encore une fois, de crépiter, immortalisant bécasseaux violets, sternes arctiques, eiders et quelques goélands bourgmestres… Après un ravitaillement dans notre hôtel flottant, nous repartons dès 14h30 découvrir une langue glacière qui se termine dans un lac aux couleurs étonnantes. Petite marche pour les uns dans la toundra. Une occasion de voir des lépidures arctiques: crustacés brachiopode, escalade de la moraine frontale pour le reste du groupe, afin de pouvoir admirer l’Erikbreen. Térence offre des mini-Toblerones suisses au sommet. Un beau moment de partage pour notre groupe d’explorateur polaire des temps modernes. Direction le glacier de Monanco en fin d’après-midi. Nous continuons notre observation des mouvements du glacier et croisons par tribord un barbu qui littéralement « fume » sur son iceberg. Après avoir passé plus de 6 heures dehors aujourd’hui, nous savourons une fois de plus un excellent repas de notre chef Hervé. Brochettes de rennes au menu. Vers 21h30, nous partons sous le soleil vers notre point de mouillage. Nat en profite pour faire une conférence sur la biologie de l’ours polaire, ce seigneur du Grand Nord.
Ce matin, nous nous réveillons dans le havre de Hornbaeckpollen qui est envahi de brumes fantomatiques. Après une rapide dissipation du brouillard, nous partons en croisière zodiac entre les îles Lerneoyane. Chaque île est marquée par le récent passage des glaciers, et certaines sont bien occupées par les sternes qui y nichent, à l’abri des renards. Après quelques détours pour observer de près quelques beaux icebergs, nous filons vers le fameux « Texas Bar » où Alain, notre steward, nous attend avec un café ! Le programme pour l’après-midi est d’aller dans le Bockfjord et nous profitons du repas de midi pour faire route avec le Polaris. Dans ce petit bras du Woodfjord se trouvent les seuls volcans et sources chaudes du Spitzberg. Nous débarquons et montons en direction d’une des résurgences. Les carbonates déposés par son activité ont créé une importante excroissance et recouvert les blocs de granit alentours d’une pellicule blanche. Nous rembarquons ensuite pour aller au pied de la pyramide Sverrefjellet, restes d’un volcan qui s’est créé il y a environ 100 000 ans et qui depuis a été érodé par les glaciations. De retour vers les zodiacs, un vol de bernaches cravant passe au-dessus de notre tête dans une superbe lumière. Nous quittons ensuite ces fjords et contournons la Pénisule Reinsdyrflya. Nous voguons vers le Raudfjord qui sera notre prochaine étape.
79°48’N – 11°51’E
8h, l’odeur du pain grillé et du café chaud nous fait sortir du lit. À travers les hublots, une baie encerclée par de grands pics de granit et des vallées glacières sortent paisiblement de la brume. Nous sommes à Hamiltonbukta. Nous retrouvons les montagnes pointues typiques de la Terre Albert Ier. Les granits, sous forme de moraine, de blocs erratiques ou de falaises élancées nous entourent. Nous nous amusons à imaginer le paysage d’il y a 20 ou 30 ans, quand les glaciers ne faisaient qu’un. À 11h30, c’est autour d’un thé chaud que Nicolas nous expose le monde fascinant des glaces. Séracs, crevasses, moulins, bédières… sont passés en revue. Le paysage qui s’offre sous nos yeux depuis une semaine maintenant, avec ses fronts de glaces, nous devient ainsi de plus en plus familier. Le repas est vite avalé et c’est à 13h30 que nous débarquons de nouveau, à Alicehamna, sur la rive droite du Raudfjord. Un groupe de marcheurs part avec Nat en direction du Sollanderfjellet (333m). Avec Nico, Patrick et Marc partent se balader au bord du lac de Richard. Un couple de rennes est observé dans la toundra. Nous avons le plaisir d’observer de nombreux bécasseaux violets et même quelques-uns de leurs poussins. D’impressionnants sols structuraux sont traversés lors de notre retour à la cabane de Brucevarden. Encore une belle après-midi à découvrir ces magnifiques contrées du Nord-Ouest du Spitzberg. Le groupe est ravi. L’incontournable repas de notre chef est servi à 19h30. Miam, il y a du tiramisu au désert. Avec l’arrivée de cette douceur, ce sont 26 petits drapeaux qui pénètrent le carré. Et oui, nous sommes le 1er août, la fête nationale à travers toute la communauté helvétique. Les Français du bord apprennent avec plaisir que ce pays compte 26 cantons. Nous jetons l’ancre à Holmiabukta. Au salon, Nat relate la vie des trappeurs de ces rudes contrées…
79°48’N 11°34’E
Ce matin, nous sommes partis découvrir le Fuglefjord en zodiac sous un soleil radieux, une fois de plus ! Ce Fjord nommé en référence aux oiseaux qu’il abrite (de nombreuses colonies de mergules notamment) est parsemé d’îles et d’îlots encore très marqués par les dernières glaciations. Nous avons profité de cette longue sortie de près de trois heures pour faire du « scoting ». Mais cette fois le seigneur de l’arctique ne s’est pas montré. Nous avons finalement filé vers le front de glace de Svitjodbreen, ses blocs erratiques et son important « brash ». Le soleil nous inondant de ses rayons et le temps étant particulièrement calme, nous avons pu manger sur le pont du bateau dans ce cadre magnifique. Certains craignant peut-être même la canicule en ont profité pour tester les combinaisons de survie « Casimir » et aller voir le brash de plus près, sous l’œil du capitaine. Le panorama défile ensuite sous nos yeux toute la fin de journée, direction plein sud vers notre futur point de mouillage, à Poolepynten sur l’avant-terre du Prince Karl.
78°27 – 11°52 E
7h15… des têtes émergent, mal éveillées, ébouriffées. Le réveil est difficile ce matin, n’est-ce pas Romain ? Quelques minutes plus tard, Hugo et Nico partent en repérage Zodiac. Les morses sont-ils là ? Après un peu de scooting, nous voilà rassuré, un groupe d’une dizaine de mâles se prélasse sur la plage. Dans leur sommeil, ces gros mâles digèrent les dizaines de bivalves avalés ces derniers jours. L’odeur de poissonnerie est bien présente ; quant à la fraicheur du poisson, je vous laisse vous souvenir… Un individu nous fait la démonstration de la remontée sur plage. Pour redescendre, rien de mieux qu’un joli roulé-boulé, les 4 nageoires en l’air. Les nombreux rires traduisent notre amusement.
De retour au bateau, nous croisons le Sjovein, le Grand Large. Selon les dires de certains, dont je tairai le nom, il est vraiment tristounet avec sa coque toute noire. Vite, retrouvons notre paisible Polaris et sa petite coque bleue.
En début d’après-midi, nous arrivons sur le site de Alkehornet. Une belle toundra s’offre à nous. Tout le groupe débarque pour une marche bucolique dans une verdure digne des alpages. Des chamois au loin là-bas sur un névé… À moins que ce soit des rennes du Svalbard… notre imagination n’est pas à court. Toute la rêverie et l’immensité de ces lieux aux confins du monde, nous invitent à la contemplation. Les cardamines, fleurs qui telles Pégasse renaissent de leurs cendres, se plaisent à merveille sous cette grande falaise aux oiseaux. Nous passons ainsi une bonne partie de l’après-midi à déambuler à travers des blocs de roches métamorphisées. Sur les hauteurs pour certain, dans la plaine pour d’autre. Le bonheur de chacun se lit sur nos visages. Un groupe de renard se repose à l’abri du vent. Ils daignent à peine nous prêter attention. La nature est ici un mélange de douceur et de force. Est-ce cela l’éternité ?
Avant de rentrer à bord du Polaris, nous profitons de notre dernier tour de zodiac pour nous enfoncer dans Trygghamna. Après le vert de Alkehornet, ce sont les gris qui sont ici frappant. La vallée est complètement lunaire. La géologie déroutante, sauvage, rude, belle ! Deux mondes à simplement 10 minutes en zodiac. Nous laissons les quelques campeurs-Kayakiste pour retrouver notre Polaris.
Il faut maintenant ranger ses bottes, ficeler les valises… Nicolas et Nat nous appellent pour un pot de l’amitié. Autour d’un verre, nous savourons en images les moments de cette aventure du grand nord. Benoit nous offre un petit cognac. Tous ensemble, nous le savons, nous avons vécu des émotions, des vraies !
Le Polaris fait route vers Longyearbyen… nous retrouvons le contact avec le reste du monde. Déjà ! Les guides nous avaient pourtant bien prévenu. Il n’y aura qu’une seule grande et longue « journée ». Demain, nous retrouverons la nuit… mais ceci est une autre histoire.