Nathanaël Vetter
Arctique et Antarctique
5 juillet
13 juillet 2018
À bord du Grand Large, juillet 2018
Nathanaël Vetter
Arctique et Antarctique
Rémi Favre
Polaire et Animaux Marins
Paris CDG – Longyearbyen (78°14’E – 015°27’E)
Après un départ de (très) bonne heure de Paris CDG, nous terminons notre vol par une superbe vue aérienne de la calotte de la côte Est du Spitzberg. Nous passons sous le traditionnel couvercle nuageux pour atterrir en terre polaire. Nous voici à Longyearbyen, par plus de 78°N, dans l’archipel du Svalbard.
Nous découvrons la ville grâce à un tour en bus mené par Bruno, Alain et Adrien, guides qui partiront sur l’Ortelius.
Notre petit groupe de 12 se retrouve à 17h00 pour embarquer à bord du Sjøveien (Grand Large). Nos guides, Nathanaël et Rémi, nous exposent les points de sécurité qu’il nous faudra suivre dans cet environnement isolé. Nous appareillons : cap au Nord vers le Prins Karl Forland, l’Avant-Terre du Prince Charles.
Nous dinons dans l’Isfjord, quand soudain, Michèle aperçoit des taches blanches qui apparaissent et disparaissent régulièrement en surface : confirmation, ce sont bien des bélugas, qui nous sont servis par Dame Nature juste avant le dessert ! Ils sont plus de 100, par petits groupes d’une douzaine, à 360° tout autour du navire à nous offrir ce spectacle exceptionnel !
Morses à Sarstangen (78°43.4’N – 011°25.5’E) – Lilliehöökbreen (79°20.5’N – 011°39.2’E)
Après une nuit de sommeil bien méritée, nous nous réveillons au mouillage au nord de Sarstangen, une avancée de graviers qui barre presque le détroit du Forlandsundet, pour effectuer notre première sortie zodiac : nous projetons l’approche d’une colonie de morses…
Les nuages se dispersent, le soleil nous réchauffe, la mer est calme et d’un beau bleu, nous avançons vent de face : tout est réuni pour une belle observation ! Si l’abord maritime de la colonie est prudent à cause de (gros) morses dans l’eau, nous débarquons à bonne distance pour une approche à terre. Par étapes, nous avançons : pas de réaction, les bêtes dorment paisiblement en un disque compact de corps enchevêtrés tels un tétris horizontal, défenses vers le haut. 100 m, 50 m, 30 m, rien ne semble les perturber, pas même nos appareils photo qui crépitent sans retenue. Il est pourtant noté sur le livre qu’ils sont « plus actifs le matin »… Si c’est le cas, nous n’osons pas imaginer leur activité de l’après-midi… !
Sternes arctiques, bécasseaux violets, un plongeon catmarin en vol, guillemots de Brünnich et guillemots à miroir, fulmars et même un phoque marbré sont de sortie également. Nous rejoignons ensuite le Grand Large pour le déjeuner. Route vers le Glacier de Lilliehöök ! Pendant ce temps de navigation, nous sortons même les chaises longues pour bronzer !
Cet après-midi, nous longeons l’entrée de la Baie du Roi, surplombée par les Trois Couronnes, Svea, Dana et Nora, culminant à 1225m. Pas un nuage dans le ciel, la mer est belle : le cadre est majestueux. Nous entrons ensuite en Baie de la Croix en direction du grand front glaciaire de Lilliehöök, qui s’étend sur 7 km.
Nous sortons les zodiacs pour une sortie « Glace » : glace bleue, glace blanche, glace grise, glace translucide, bédières, brash, bourguignons, cupules, icebergs : le front glaciaire en forme de cirque nous offre déjà un bel exemple de l’univers polaire. Nous avons la chance d’observer quelques vêlages, accompagnés de leur coup de canon typique.
Dans le brash, nous avons la chance d’approcher 3 phoques barbus qui se prélassent sur la glace. D’autres sont aperçus de loin. Nous observons aussi de nombreux fulmars, mouettes tridactyles, sternes et goélands bourgmestres qui pêchent dans les eaux limoneuses près des icebergs.
De retour au bateau, nous dinons en sortant du fjord dans ce cadre idyllique. Suis une présentation par Nathanaël du trajet effectué sur logiciel de cartographie. Nous observons les preuves du recul du glacier : le tracé de notre sortie zodiac à Lilliehöök est en plein glacier sur le fond de carte de 1990…
Monacobreen (79°32’N – 012°39’E) – Villa Oxford – Reinsdyrflya
7h15 ce matin, notre chef d’expédition Nathanaël frappe à la porte : il a observé des baleines de Minke qui se nourrissent à l’entrée du Woodfjord. Nous sortons encore tout endormi pour assister au spectacle matinal de ces « petites » baleines qui chassent sous nos yeux. Nous les observons une bonne demi-heure, un record pour cette espèce qui a un comportement souvent assez aléatoire et difficile à anticiper.
Le fjord est calme, les reflets sont superbes et avec le bateau à l’arrêt, la température est franchement douce !
Nous continuons bientôt notre route vers le glacier de Monaco, tout en prenant un petit-déjeuner bien mérité.
La navigation dans le Liefdefjord (Fjord de l’Amour) en direction du glacier est très agréable et nous voyons petit à petit le géant se rapprocher… bientôt le fjord est couvert de débris de glace plus ou moins gros.
L’activité du glacier a dû être intense ces derniers jours, car le fjord est tellement encombré que nous devons nous dérouter et passer proche du Seligerbreen afin de contourner une zone trop dense.
Nous arrivons finalement devant le front de glace… impressionnant ! Nous observons même un fracassant vêlage.
Des milliers de mouettes tridactyles sont en train de se nourrir dans ces eaux riches, plusieurs phoques barbus quant à eux digèrent affalés sur leur bloc de glace… et des bélougas sont aussi dans les parages ! Quel spectacle !
Pendant le (copieux) déjeuner, nous nous dirigeons vers la péninsule des rennes : Reinsdyrflya, d’un plat impressionnant. Nous « beachons » à Villa Oxford, la cabane du trappeur norvégien Himlar Nøis, construite en 1924 à partir des restes de caisses logistiques d’une expédition en avion, laissés là par un scientifique de l’Université d’Oxford. La cabane est fonctionnelle et l’ancien piège à ours que nous trouvons à côté l’est presque aussi.
Nous poursuivons notre marche dans la toundra pour rejoindre un petit étang où nous observons un couple de plongeons catmarin près de leur nid. Après nous être arrêtés prendre une photo par petite fleur, nous observons un combat aérien entre un labbe parasite et une mouette tridactyle, avant de redescendre vers la lagune. Pas de renne à l’horizon… mais de belles traces d’ours ! Les empreintes de griffes sont bien visibles dans la terre à peine séchée : nous sommes bien sur le territoire de la Bête…
Nous concluons notre marche par une récolte de déchets plastiques pour l’opération « Clean up Svalbard » lancée par l’AECO et une superbe observation de deux phalaropes à bec large toutes proches : magnifique !
Après avoir récupéré nos zodiacs, nous terminons cette belle visite de 3h30 par un tour de l’îlot Stasjonsyøane pour observer quelques oiseaux de ce sanctuaire ornithologique (à l’abri de Goupil…) : eiders à duvet ♀/♂, oies à bec court peureuses, deux hareldes boréaux, sternes arctiques au nid.
Suite au repas préparé avec passion par notre Chef Thomas, il est l’heure de se reposer pour certains, de se documenter sur le retrait des glaces pour d’autres (projection du film Chasing Ice)… ou encore de réparer un pantalon de ski avec le scotch toile de Rémi. Quelle journée !
Lomfjord (79°35.8’N – 011°42.7’E) – Alkefjellet – Palenderbukta
Ce matin, nous nous réveillons dans le Lomfjord pour une belle marche de 130 m de dénivelé au-dessus de plages surélevées par isostasie (rebond dû au retrait glaciaire) dans une petite baie abritée : Geerbukta. Nous observons quelques rennes entre névés et pierriers, avant de rejoindre la crête donnant une vue imprenable sur les calottes d’Åsgardfonna et de Valhalfonna, leurs glaciers émissaires et leur immense plaine alluvionnaire. Le sol est couvert de lichens qui dessinent de magnifiques fresques colorées lorsqu’on y regarde de près.
Après un petit temps de navigation, nous mangeons efficacement en rejoignant le détroit d’Hinlopen, avant de rejoindre le splendide site d’Alkefjellet, la falaise aux pingouins : environ 60.000 couples de guillemots de Brünnich nous attentent, la moitié nichant serrée sur les terrasses des orgues de dolérite, l’autre moitié pêchant en mer, dans un ballet de va-et-vient incessant entre les falaises et l’eau.
Nous admirons l’habileté du Capitaine à manœuvrer le navire dans un drifting parfait qui nous permet de dériver le long du site, la proue orientée vers les falaises : la mer est pourtant bien agitée ! Les contre-jours au sommet des orgues sont saisissants. En fin de visite, le vent tombe un peu et nous avons le grand plaisir d’observer un renard polaire dans un névé, à la recherche d’œufs et d’oiseaux morts ou blessés.
Après ce spectacle grandiose – personne ne fut touché par les projectiles de guano – nous traversons le détroit d’Hinlopen malgré une « houle résiduelle » de travers et un vent très fort (parfois des rafales à 50 nœuds…) : une croisière-exploration aurait été bien incomplète sans un vrai mal de mer ! Après 2h de traversée, nous rejoignons Palenderbukta : l’inhospitalière Terre du nord-est, son désert polaire, ses falaises beiges recouvertes de névés et son immense calotte glaciaire se découvrent à nous.
Le ciel est magnifique malgré le vent : quelques nuages orographiques jouent avec le soleil et les reliefs pastel de la côte pour le plus grand bonheur des photographes, pendant que toute l’équipe cherche l’ours à la jumelle. Nous repérons un morse solitaire en pleine prospection côtière : ces bêtes peuvent donc être actives (vs Sarstangen…) !
Nous ancrons devant un front glaciaire déchiqueté par les crevasses. Suit une présentation des mondes polaires et de l’Arctique par Rémi avant le diner… Celui-ci se terminera par un gros-beau-gâteau-d’anniversaire-surprise, réalisé par Thomas pour les 30 ans de notre conférencier ! C’est un régal !
La lumière de cette fin de soirée est magnifique.
Palanderbukta (21°07’E 79°32’N) – Wahlenbergford (21°37’E 79°46’N)
Quelle journée ! Elle restera pour sûr un des temps forts du voyage, avec 11 ours vus dans quasi toutes les situations imaginables…
Nous quittons notre ancrage devant le magnifique Palanderbreen où nous avons passé la nuit au mouillage. Nous nous dirigeons vers la sortie de la Baie Palander, afin de longer les côtes du grand fjord de Wahlenberg avec pour objectif principal de dénicher les ours qui ont été vus ces derniers temps dans les parages.
Après une petite heure de trajet, un point crème flotte à la surface de l’eau : notre Capitaine a découvert une femelle ours accompagnée de deux petits. Ils sont en train de finir leur traversée du fjord et abordent bientôt sur la rive nord. Ils sortent de l’eau et nous les observons de longues minutes depuis le pont du bateau, à quelques dizaines de mètres… pour une première observation, ce n’est pas rien ! Ils montent progressivement sur une crête et nous offrent un superbe spectacle dans une lumière incroyable et un ciel grand bleu.
Nous continuons notre route, toujours jumelles rivées aux yeux, quelques morses sont repérés, la mer est d’huile et nous faisons notre deuxième observation d’ours ! c’est Anne qui a vu ce nouvel objet flottant non-identifié ! Cet ours que nous accompagnons quelques minutes est en pleine traversée du fjord… une bagatelle de 11km… !
Rémi complète la présentation qu’il nous a faite hier sur les zones polaires en parlant aujourd’hui du Spitzberg plus particulièrement.
Les glaciers au fond du fjord commencent à se rapprocher et c’est là que nos guides « spottent » un nouvel individu… décidément, la chance nous sourit ce matin ! En 15 minutes, nous sommes dans les zodiacs, en route vers ce nouvel ours… le 5e de la journée !
Nous approchons prudemment pour ne pas le déranger et sommes bientôt à moins de 100 m. L’ours nous regarde, se dresse un instant, puis se recouche et reste impassible devant les crépitements des appareils photo et nos sourires béats.
De retour, nous faisons une pause-repas bien méritée, puis partons vers Etonbreen, un front glaciaire de près de 10 km de long… Le capitaine nous offre encore une fois une magnifique navigation, entre les icebergs.
Mais l’après-midi n’est pas fini et une fois arrivés de l’autre côté du fjord, juste en face de la péninsule d’Oxford, le temps étant toujours au beau fixe, nos guides nous proposent, pour fêter cette journée riche en émotions, de profiter du jacuzzi qui est sur le pont avant du bateau. Certains auront même l’audace de réaliser leur première « plongée polaire » de quelques secondes, bien encadrés par le personnel du bateau.
Une fois ce moment de détente passé, nous partons pour une nouvelle sortie en zodiac, avant le repas : nous allons louvoyer entre les nombreux icebergs qui sont échoués au fond de la baie.
Et là, au bout d’une demi-heure de navigation : « OURS A BABORD, OURS A BABORD ! »… C’est le zodiac de Rémi qui vient de voir un nouvel ours sortir de l’eau comme un diable de sa boîte et monter sur la berge. Nous observons ce nouvel individu quelques minutes, mais il est bientôt derrière la crête.
Nous rentrons alors dans une grande lagune, Kloverbladbukta qui nous réserve encore de belles surprises !
Une nouvelle femelle et son ourson traversent la pente à quelques centaines de mètres alors qu’un autre ours (certainement un jeune de 2017) est couché sur le petit reste de glace de fjord à moins de 100 m de nos zodiacs, sous la surveillance d’un second, plus gros (sa mère ?) en retrait… nous cherchons encore à la jumelle… l’ours que nous avions perdu sur la crête est de nouveau là et un second suit cette même crête ! Nous ne savons juste plus où donner de la tête, alors que nous croisons également quelques eiders à duvet, parmi lesquels se cachent un eider à tête grise et un harelde boréal…
Quelques rennes plus loin et il est finalement le temps de rentrer sur le Sjoveien et de quitter ce grand et beau fjord de Wahlenberg… tout en profitant encore un long moment du jacuzzi !
Bjørnsundet – Alkefjellet – Murchisonfjord
Aujourd’hui, nous nous réveillons dans le Bjørnsundet, où nous espérons, comme l’indique le nom du lieu, trouver encore des ours… Mais le vent descendant des glaciers forcit et nous ne pouvons débarquer près du Moltkebreen, où nous avions repéré une cascade de bédière impressionnante.
Nous faisons route vers le Hochstetterbreen où nous apercevons très vite un ours, puis un deuxième, sur les reliquats de glace de fjord ! Mais les rafales à 50-60 nœuds nous contraignent à faire demi-tour immédiatement.
La navigation se poursuit vers le Nord : nous avons atteint là le point le plus au sud du voyage. Nous longeons Langeøya puis Wilhelmøya, toujours à la recherche de la Bête. Rien à la jumelle, mais malgré le vent, l’ensoleillement tient bon.
Nous mettons alors le cap vers Alkefjellet, la falaise aux guillemots que nous avions déjà visitée depuis le pont du Sjøveien. Pendant la navigation, nous discutons physiologie et habillement de l’explorateur polaire avec Rémi. Sur site, les conditions sont réunies pour nous permettre une nouvelle approche de l’immense colonie de guillemots : nous sortons les zodiacs !
Ce grand bol d’air marin – enrichi au guano – nous fait grand bien ! Nous redécouvrons le site sous un angle complètement différent : depuis les zodiacs, la visite est plus… immersive, et les falaises encore plus impressionnantes depuis tout en bas. Nous avons la chance d’observer deux renards polaires en pleine quête de nourriture : nous verrons le dernier rentrer dans son terrier un œuf dans la gueule.
Pour nous aussi, il est temps de rentrer dans notre terrier flottant !
Cap vers Murchison fjord, en plein désert polaire de la Terre du Nord Est, pour de nouvelles aventures. Nous nous endormons au calme au mouillage dans la baie bien abritée du vent cette fois.
Murchisonfjord (21°07’E 79°32’N) – Sorgfjord(16°48’E, 79°56’N)
Nous nous réveillons ce matin dans Murchinsonhamna, juste en face de l’ancienne station scientifique de Kinnvika. Nos guident nous emmènent dans un premier temps au-dessus des bâtiments, à la recherche de très vieux fossiles appelés stromatolithes. En redescendant, nous tombons sur un piège à renard, utilisé par les trappeurs. Nos guides nous expliquent son fonctionnement et les méthodes utilisées pour la chasse des animaux à fourrure.
Arrivés à la station de recherche, nous visitons le bâtiment principal où nous nous immergeons dans le quotidien de ces chercheurs qui ont passé une année dans ce bout du monde !
Après avoir observé quelques restes de chenillettes amphibies, nous retournons sur le Sjoveien et partons pour une magnifique navigation dans le fjord de Munchinson. Le temps est de nouveau au grand beau, la mer est d’huile, tout le monde est sur le pont pour profiter au maximum de ces longs instants d’éternité…
Nous passons devant d’anciennes croix orthodoxes datant de l’époque des trappeurs pomores et qui résistent aux éléments depuis plusieurs siècles. Ce sont les deux seules à être encore debout sur tout l’archipel…
Nous traversons une nouvelle fois le chenal d’Hinlopen qui sépare la Terre du Nord-Est et l’île du Spitzberg en direction du Sorgfjord.
Cet après-midi, nous partons en zodiac en direction d’un reposoir de morses où une grosse vingtaine d’individus nous attendent. Nous nous approchons avec précaution et observons ces géants de très près une nouvelle fois.
En direction du zodiac nous ramassons une nouvelle fois quelques déchets plastiques apportés par les courants et participons au programme « Clean-Up SVALBARD ». Ce n’est qu’un petit geste, mais nous sommes heureux de participer à notre échelle au nettoyage des plages du Spitzberg.
Nous repartons en zodiac de l’autre côté de la pointe d’Eolusneset afin de visiter la cabane de trappeurs et les tombes de baleiniers… et là nous scrutons le rivage et Dominique tombe sur 3 ours ! et qui dit 3 ours dit une femelle et deux jeunes !!!
Nous observons longuement ces trois individus qui longent une plage sableuse, puis traversent une rivière et enfin vont vers le petit sommet que nous avions prévu de visiter… De cet endroit, ils ne sont qu’à quelques centaines de mètres des morses et l’ourse semble y prêter une attention toute particulière.
Au bout d’un moment ils se couchent sous le petit sommet et nous décidons de traverser le fjord pour aller débarquer sur un autre site historique : Croizerpynten. Une fois à terre nous découvrons les vestiges qui datent du tout début du XXe siècle et de l’expédition Arc-de-Méridien qui a entre autres découvert que la terre était légèrement plus plate au niveau des pôles. La vue depuis le petit sommet au-dessus du site est magnifique. C’est l’occasion d’aborder une autre page de l’histoire locale : la bataille navale la plus boréale de l’histoire ! Trois bateaux corsaires français ont essayé en 1693 de prendre possession d’une quarantaine de bateaux baleiniers hollandais.
Nous finissons par rentrer sur le Sjoveien où Thomas, notre cuisinier, nous attend de pied ferme à l’arrière du bateau, aux manettes de son barbecue !
Le vent est nul, le soleil brille, nous avons en vue notre ourse et ses deux jeunes, les morses sont toujours sur leur reposoir… bref, nous profitons à fond de ce barbecue polaire !
Au bout d’un moment, l’ourse se décide à descendre vers les morses et s’approche lentement. Elle est sous le vent ; les morses ne la sentent pas. Elle continue son approche jusqu’au contact d’un gros mâle un peu excentré du groupe. Nous sommes aux aguets. Au bout de quelques longues secondes où elle est à quelques centimètres de la masse brune, celle-ci finit par se dresser et on prend vraiment conscience de la taille de ce gros mâle ! Tout se passe très vite, elle revient vers ses petits au pas de course, la confrontation étant trop inégale.
Nous continuons à suivre la petite famille, qui après avoir longé quelques minutes le littoral, se met à l’eau et part dans une traversée du Sorgfjord. Toujours les yeux rivés aux jumelles, nous suivons les trois têtes beiges jusque sur la berge d’en face : 3,5 km plus loin et un peu plus d’une demi-heure s’est écoulée.
Le bateau finit par lever l’ancre, nous passons devant « nos » ours qui continuent – imperturbables – leur périple.
Ytre Norskøya (79°51.2’N – 011°37.7E) – Virgohamna
Après une nuit de navigation (très) agitée, nous nous réveillons au calme vers Fair Haven, à Ytre Norskøya, l’île Extérieure des Norvégiens sous un ciel… Spitzbergien. Nous sortons les zodiacs pour réaliser le tour de l’île, précaution judicieuse avant de débarquer au vu de la surprise de la veille… C’est l’occasion de découvrir les premiers macareux moines et mergules nains qui peuplent les lieux.
Si la mer est calme, le débarquement sur le rivage n’est cependant pas aisé. Mais tout le monde réussit et nous commençons notre ascension sur une très belle ligne de crête, qui nous mène vers un point de vue plus qu’idéal pour l’observation des macareux et des mergules. Les appareils photo crépitent, « l’aura de sympathie » des macareux est bien vérifiée !
Les lieux sont aussi chargés d’histoire, car l’île fut exploitée dès 1617 par les baleiniers pour le calme des eaux et son point d’observation à 150 m au-dessus du niveau de la mer, qui permettait de repérer de loin le souffle des baleines… et l’activité de la concurrence. 9 fours à graisse tournaient à plein régime sur cette station presque aussi importante que Smeerenburg, appartenant à la province hollandaise de Zeeland. Nous voyons au loin les 165 tombes de baleiniers, presque intactes après 400 ans de repos sous leur linceul de pierres.
Une fois à bord, nous entrons dans le Fuglefjord (le fjord aux oiseaux, qui doit son nom aux importantes colonies de mergules nains) : le paysage des versants abrupts du fjord et des îles Fugløya, du front de glace et des quelques taches de toundra est à nouveau dépaysant.
Nous filons direction Smeerenburg pour mouiller l’ancre à Virgohamna, un haut lieu de l’exploration polaire et de la conquête du Pôle Nord. C’est là qu’en 1896 et 1897, l’explorateur suédois Andrée partit avec son ballon et ses deux comparses, Ekholm et Strindberg en direction du Pôle. Personne ne les revit pendant plus de 33 ans. On retrouva leurs corps en 1930 sur Kvitøya, l’Île Blanche, à l’extrême Est de l’archipel.
Nous abordons à nouveau l’histoire des baleiniers et de « la ville de la graisse » hollandaise, Smeerenburg, active de 1627 à 1645. Les restes de fours sont la seule trace de leur présence.
Nous avons la chance de pouvoir débarquer à Virgohamna grâce à l’autorisation du Gouverneur. En effet, le site est très protégé et seul le sentier balisé est autorisé même avec les papiers. Les conditions météo se dégradent : le crachin forcit, tout comme le vent : les opérations de grutage des zodiacs au retour sont sportives ! Mais heureusement, Frédérique, spécialiste culinaire, nous a préparé avec Thomas un chocolat chaud réconfortant avec du vrai chocolat !
Ce soir à la fin du repas, Frédérique nous réserve une autre surprise, puisqu’elle nous a préparé un excellent gâteau breton accompagné d’un succulent sorbet de framboises ! Il faut désormais faire rouler nos guides sur le pont pour les déplacer.
Alkhornet – Deltaneset – Diabasodden (13°49’E – 78°12’N)
Nous sommes partis hier du fjord de Smeerenburg sans certitudes sur notre point d’arrivée ce matin : en effet les conditions de mer étant bien plus difficiles que prévu (fort vent et houle formée), il n’était pas impossible que notre équipage décide d’abriter le bateau dans un des fjords sur notre trajet. Finalement, nous avons le plaisir de voir que nous sommes devant l’Isfjord et que le planning de la journée va pouvoir être tenu.
Après un petit-déjeuner un peu houleux, nous arrivons devant une immense falaise qui abrite plusieurs dizaines de milliers de couples d’oiseaux marins, mouettes tridactyles en tête : c’est le fameux site d’Alkhornet !
La baie est bien protégée de la houle et plusieurs autres bateaux sont au mouillage… de « petits » voiliers aux plus grands bateaux de croisière-expédition.
Nous débarquons sur ce site et découvrons les vestiges de son passé, plus ou moins récent… nous prenons ici bien conscience de l’empilement des couches historiques sur un même site, souvent à cause de ses caractéristiques géographiques : facilité d’accès, possibilités de débarquer malgré le mauvais temps, mouillage sûr, colonies d’oiseaux…
De nombreux rennes très peu farouches paissent dans la toundra qui est ici très vigoureuse. Nous ne résistons pas à les prendre une nouvelle fois en photo ! Nous allons jusqu’à la pointe qui donne sur le grand large – Alkepynten – afin de profiter du point de vue. Nous y voyons une famille d’eiders dont la canne traine ses petits malgré la houle qui les malmène.
De retour au bateau, notre cook, Thomas nous a encore cuisiné des merveilles !
Nous continuons notre route dans cet immense système de fjord en direction d’une pointe nommée Deltaneset. Nos guides nous expliquent qu’une carcasse de cétacé y est échouée et que des ours (!) ont été vus se nourrissant dessus. Mais comme nous savons désormais qu’il n’est jamais certain de pouvoir observer ces animaux si mobiles et imprévisibles, nous restons sur la réserve… et grand bien nous a pris, car la carcasse n’est entourée que de quelques goélands dominicains.
Qu’à cela ne tienne, nous avons un plan B : une belle falaise abrite à quelques km une colonie d’oiseaux. Là encore, c’est une coulée de basalte qui permet aux guillemots de Brünnich de trouver l’à-pic entrecoupé de « marches » dont ils ont besoin pour nicher.
Nous apprenons que de nombreux fossiles des dinosaures ont été trouvés dans la zone et qu’elle a été sous les projecteurs il y a une dizaine d’années au niveau international de ce fait.
Nous continuons quelque peu la navigation le long de la côte avec le Sjoveien et arrivons devant la magnifique toundra de la vallée De Geerdalen et apercevons au loin une des rares cascades de l’archipel : Hyperittfossen.
Le bateau finit par virer de bord et nous rentrons, tranquillement et pour certains de nouveau en profitant des charmes du jacuzzi !
Thomas s’est surpassé pour ce dernier repas et nous ne nous rendons même pas compte que nous sommes à quai… puis c’est l’heure du récapitulatif de la croisière en photographie.
Nos guides nous ont chacun fait une sélection de leurs plus belles (ou plus comiques !) photos et Frédérique a réalisé un petit montage des vidéos qu’elle a pris. Depuis combien de temps sommes-nous partis déjà ? Plusieurs semaines nous semble-t-il au vu de la diversité des paysages et des ambiances ! Nous prenons maintenant pleinement conscience de la chance que nous avons eue, quasiment chaque jour dans la somme des observations incroyables que nous avons faites !