Alain Desbrosse
Spitzberg
5 juillet
12 juillet 2018
À bord de l’Ortelius, juillet 2018
Alain Desbrosse
Spitzberg
Bruno Guégan
Grand Nord
Après une trop courte nuit, pour la plupart d’entre nous, sous les chaudes couettes de l’hôtel Ibis de Roissy, nous voilà en marche à 5h30 vers les comptoirs d’embarquement de la compagnie ASL qui nous achemine, en 4 heures, de Paris à Longyearbyen, capitale du Spitzberg, par 78°Nord, sur le même fuseau horaire que celui de la France. Une chape de nuages enserre une grande partie de l’Europe du Nord, nous laissant entrapercevoir la mer des serres au large d’Amsterdam puis quelques fjords sinueux des côtes de Norvège dominés par les reliefs de ce fameux bouclier scandinave fait de très vieilles roches rabotées par les glaces du Quaternaire. Passage du Cercle polaire au nord de la Norvège puis traversée de la mer de Norvège qui nous sépare de l’archipel du Svalbard, ce dédale d’îles situées au sud du 80e parallèle, à un millier de kilomètres du Pôle Nord. Les nuages s’entrouvrent pour nous laisser découvrir les étendues du Storefjorden, le grand fjord qui sépare l’île du Spitzberg, la principale de l’archipel et Edgeoya dans l’Est pendant que la carlingue de notre avion survole d’immenses champs de glace s’écoulant vers les côtes. Atterrissage à l’aéroport de Longyearbyen par un plafond nuageux de 800 mètres qui masque les sommets dominant l’Adventalen, la vallée où est nichée cette ville la plus septentrionale de la planète. Température de 8°C, absence de vent, bref, des conditions agréablement rafraîchissantes après les chaleurs sub caniculaires régnant sous nos latitudes tempérées depuis quelques semaines.
Quittant l’aéroport, nous déchargeons les bagages de l’avion puis partons pour une découverte de Longyearbyen, la ville minière fondée par l’américain John Munro Longyear en 1906, bourgade où vivent aujourd’hui un peu plus de 2000 habitants travaillant dans le commerce, la recherche scientifique, le tourisme ou les activités portuaires d’avitaillement des bateaux. Après l’arrêt au pied du panneau signalant le danger que représentent les ours à la sortie des dernières habitations, nous remontons la vallée de l’Advent au milieu des vastes étendues de toundra peuplées de bernaches nonettes, oies à bec court, phalaropes à bec large, plongeons catmarins et autres rennes du Spitzberg, toutes espèces magnifiquement adaptées à la survie dans ces contrées polaires. Les deux dernières heures sont consacrées, qui à la visite du musée polaire situé dans les bâtiments de l’université, qui à faire marcher le petit commerce de pulls norvégiens, d’artisanat d’art local, d’eau fossile d’iceberg mise en bouteilles ou peluches et autres merveilles plastiques toutes garanties « made in China ».
Embarquement sur l’Ortelius à 17h00, prise de possession de nos cabines respectives où nous attendent sagement nos valises avant de participer à l’exercice obligatoire d’abandon du navire. Après le souper de 20h00, récupération des bottes chaudes, très utiles pour la protection des orteils contre le froid à bord des zodiacs et enfin, plongée en direction des bras de Morphée sous les douillettes couettes de nos cabines respectives pour une nuit réparatrice pendant que notre navire vogue sur l’Isfjord, accompagné par le vol plané des fulmars en direction de l’Ouest, nuit illuminée du soleil de minuit jouant à cache-cache avec les masses cotonneuses des nuages bouillonnants contre les reliefs de l’Ouest de cet archipel arctique. Un peu avant minuit, nous embouquons la côte aux reliefs alpins de l’avant terre du Prince Karl (Prinz Karl Forland) pour faire route plein Nord en direction du lointain pays où batifolent ours et morses dans la lumière perpétuelle de l’été boréal.
Première journée d’excursion polaire…
L’annonce de Christophe, notre chef d’expédition, nous réveille au 78°N16°E… l’Ortélius entre dans le Krossfjorden, le fjord de la Croix.
Le plafond est bas, mais nous bénéficions néanmoins d’une bonne visibilité.
Le début de la matinée est consacré aux réunions de sécurité ; les consignes de l’AECO, Zodiac, Ours nous sont dispensées par les guides, qui se présentent un à un : biologistes, spécialistes des mammifères marins, ornithologues, géologues…
À 10h30, tout le monde est prêt pour la première sortie en Zodiac devant le glacier du 14 juillet, ainsi nommé en l’honneur de la fête nationale par les expéditions du Prince de Monaco dans les années 1900.
Chacun respecte avec assiduité les consignes pour trouver ses marques et le débarquement s’effectue rapidement, dans une excellente ambiance.
Les yeux grands ouverts, nous côtoyons nos premiers oiseaux : macareux moine, mouettes tridactyles, goélands bourgmestre, et guillemots de Brünnich au niveau des basses falaises, avant d’approcher la glace : icebergs, bourguignons et brash, au milieu de la baie.
Quelques rennes, sur la toundra environnante, viennent agrémenter notre excursion… un premier contact tout en douceur et en sérénité, pour cette première sortie.
Après un bon déjeuner à bord de l’Ortélius, nous sortons vers 15h, en zodiac, sous un soleil radieux, pour découvrir le Glacier de Lilliehook, l’un des glaciers les plus impressionnants de cette côte du Spitzberg.
Un spectacle magnifique que nous offre la météo avec ce ciel bleu qui surplombe les pics montagneux et contraste avec la texture des parois du glacier.
Nous assistons à deux vêlages, spectacle exceptionnel !
Ces moments de premier contact avec le monde polaire se déroulent dans une ambiance détendue, de sourires et d’écoute.
Au retour à bord, premier « récap » de la journée en présence de l’équipe de guides, avant le cocktail de bienvenue offert par le commandant Mika Appel à tous les passagers.
Première annonce de Christophe, notre chef d’expédition, à 7h30. Nous venons d’arriver à Smeerenburg sur l’ile d’Amsterdam.
Peu de temps après le petit déjeuner, notre soif d’aventure ne se fait pas attendre, et nous partons en croisière Zodiac dès 9h30. Notre équipe de guides nous emmène vers un groupe de morses qui a été repéré sur une plage depuis la passerelle. L’approche est lente, il est primordial d’être patient pour ne pas effrayer les animaux ! Nos efforts sont récompensés et nous pouvons passer devant le groupe de morses, à bonne distance, à plusieurs reprises.
Après cette superbe observation, l’exploration repart de plus belle et nous arrivons sur un site qui rappelle l’histoire de l’époque baleinière. En effet, ce lieu fut le témoin de nombreux massacres de baleines qui étaient transformées en huile pour l’éclairage des villes d’Europe et en baleines de parapluie et de corsets, tirés des fanons de l’animal.
Nous longeons la côte jusqu’à Virgohamna, l’anse depuis laquelle Salomon Andrée et ses deux compagnons partirent à la conquête du pôle par les airs. Quelques restes témoignent du processus de fabrication de l’hydrogène nécessaire au gonflage du ballon qui ira se perdre, en 1897, sur la redoutable banquise. Les restes des trois malheureux seront retrouvés 30 ans plus tard par un phoquier au pied de la calotte recouvrant l’Ile Blanche, Kvitoya.
Peu de temps après, nous naviguons dans une petite baie, et deux ou trois phoques Veau-marin bouchonnent : une observation très intéressante de ce spécimen peu commun.
De retour au bateau après cette matinée, le déjeuner est servi !
C’est ensuite le moment boutique ! C’est l’occasion d’acquérir divers ouvrages rédigés par Christian Kempf sur les Icebergs, le Spitzberg… et de découvrir les autres voyages proposés par Grands Espaces !
À 15h30, il est temps de nous dégourdir les jambes. Au programme de cet après-midi, un débarquement à Alicehamna, où se trouve une vieille cabane de trappeur.
Mais, en croisière-expédition, le programme n’est pas toujours le programme ! Et pour de bonnes raisons… En effet, Alexandre, placé en hauteur pour la sécurité du groupe, a repéré, sur une plage, à quelques kilomètres, un ours femelle, avec deux jeunes de l’année.
Nous réembarquons illico… l’excitation est au rendez-vous. Ce n’est pas notre « premier ours », mais nos trois premiers d’un seul coup ! Le plan est le même que pour les morses : approche très lente et groupée. La mère et ses jeunes marchent rapidement et se hissent sur les hauteurs, pour finir allongés sur un névé. À une distance d’environ 800 mètres, aux jumelles, le spectacle est là.
C’est réellement une chance très rare d’observer une femelle avec ses deux petits, en plein milieu sauvage.
Après près de deux heures d’observation, nous rentrons à bord de l’Ortélius pour un récapitulatif de la journée, et l’annonce du potentiel programme de demain : direction nord, à la recherche de la banquise et de tous ses secrets.
Un matin pas comme les autres…
Nous nous réveillons alors que l’Ortélius vient d’entrer dans la banquise… Pas de vent, pas de brouillard, un plafond très haut… des conditions idéales pour une recherche d’animaux sur cette glace de mer qui se densifie au fur et à mesure des miles parcourus.
Un phoque barbu est repéré depuis la passerelle. Notre navire s’approche très lentement pour une belle observation.
La matinée est consacrée aux observations de la banquise, ces plaques de mer gelée, sans pouvoir s’en lasser. On observe d’autres phoques barbus, plusieurs phoques annelés sur la glace, ainsi qu’un groupe de phoques du Groenland. Une première mouette blanche est également au rendez-vous.
Après le déjeuner et un court moment de détente, nous voilà sur les zodiacs à contempler cette banquise de plus près. On se promène, on prend des photos de hummocks aux formes diverses et les guides se mettent à la recherche de quelques solides plaques de glace. Pourquoi ? Pour nous permettre d’y mettre « pied à glace » !
Par groupes de 2 zodiacs, nous avons l’opportunité extraordinaire de marcher sur la banquise, de nous laisser dériver avec elle… Nous sommes réellement au cœur de cet environnement de désert polaire : une expérience unique !
De retour sur l’Ortélius, une surprise bien agréable nous attend : l’équipe d’hôtellerie a préparé pour nous, sur le pont supérieur, un délicieux chocolat chaud « arrangé ». Rien de mieux pour se réchauffer après cette sortie exceptionnelle, mais rafraîchissante !
Lors du récapitulatif quotidien, c’est Anaïd qui nous parle de la banquise et Olivia qui nous présente les phoques du Svalbard… Notre chef d’expédition Christophe fait part de sa décision de passer une journée de plus dans la banquise, à la plus grande satisfaction générale !
Cette nuit, l’équipe d’expédition organise une veille. Nos guides se succèderont à la passerelle, l’œil rivé sur la lunette et les jumelles, dans l’espoir de trouver des ours…
Alors bonne nuit et bonne veille à tous !
Durant la nuit, nous avons passé le 82° nord à 0h41’41’’ !
(Quel symbole si l’on additionne les deux derniers chiffres…).
Nous sommes, ce matin, par 81°59’229 N & 21°52’464 E. Pas de vent, visibilité correcte et une température extérieure de 7 °C.
La journée commence tôt avec une annonce dès 6h30 par la voix de chef d’expédition. Mais il y a une bonne, une très bonne raison…
Un ours sur la banquise !
Notre équipe a veillé toute la nuit (si je puis dire, puisque faut-il le rappeler, il fait grand jour). C’est notre Axel qui l’a repéré en ce tout début de matinée.
À un peu plus de 1 km, c’est un très bel ours affalé sur un monticule de glace… Tout le monde s’active et se hâte vers la passerelle ou les ponts extérieurs.
L’ours nous regarde, nous renifle ; il ne semble pas inquiet du tout. Il est paisible et nous décidons d’aller l’observer de plus près.
Nous l’approchons lentement, par une manœuvre habile du capitaine. Petit à petit, nous observons plus de détails ; un ours bien repu, un corps massif, de longs poils bien fournis sur les pattes avant, un gros cou, une couleur de pelage crème très clair ; sans aucun doute, un mâle.
Nous photographions à qui mieux mieux, pendant une heure. À 8h00, nous rentrons avaler un petit déjeuner rapide et ressortons aussi vite pour voir notre ursidé bâiller, fermer les yeux et relever la tête de temps à autre. Nous sommes à quelques centaines de mètres et l’ours daigne enfin se lever. Il prend son temps, l’animal… et marche enfin lentement et dignement vers son destin, non sans nous avoir une dernière fois regardés de haut.
Cette splendide observation nous aura pris une bonne partie de la matinée. Tout le monde est heureux…
L’après-midi est consacrée aux conférences : Bruno présente une première intervention intitulée « Introduction au Spitzberg ». Le temps d’aller au bar pour déguster un délicieux donut préparé par l’équipe de cuisine, et nous reprenons place en salle de conférence pour écouter notre chef d’expédition Christophe nous conter cette passionnante histoire de l’exploration polaire qu’est la dérive transpolaire de Fridtjof Nansen sur son bateau le Fram. Folle, incroyable et finalement heureuse aventure à la quête du pôle.
À l’issue du diner, nous rejoignons le bar (pour mieux profiter des magnifiques lumières) pour les traditionnels « récaps » de la journée, animés par Adrien, notre artistesur la mouette ivoire, et Philippe qui nous prodigue de précieux conseils photos et nous explique « les histoires que raconte une image ».
La soirée se termine, et chacun regagne sa cabine, pour une nuit bercée par la houle…
Aujourd’hui, réveil à l’entrée du détroit de Hinlopen. La journée est prometteuse malgré une petite houle et un peu de vent ; le soleil est bien présent et nous nous dirigeons vers les falaises d’Alkefjellet qui abritent des dizaines de milliers d’habitants à plumes !
Après un petit déjeuner copieux, nous voilà pleins d’énergie pour une première sortie zodiac. Heureusement, la houle est plus faible puisque nous sommes abrités du vent par la falaise. Et là, quel spectacle incroyable, les falaises forment des tours s’élevant à plusieurs dizaines de mètres au-dessus de l’eau. La roche, dite « dolérites », un type de basalte remontant au Jurassique, est massive et noire et contraste avec les calcaires d’un blanc immaculé. Ces calcaires, datant du carbonifère, sont eux, perchés au sommet des colonnes.
Lorsque nous nous approchons, nous commençons à réaliser la densité de la colonie d’oiseaux qui a élu domicile sur les étroites vires rocheuses qu’offrent ces falaises. Une colonie de Guillemots de Brünnich composée de près de 60 000 couples serrés les uns contre les autres, défendant chacun leur petit morceau de roche sur lequel ils ont déposé leur œuf. Les deux partenaires se relaieront pour couver et nourrir le poussin avant de l’accompagner pour son premier vol ou plutôt son premier « plouf ».
Dans le ciel, des nuages de milliers d’oiseaux nous survolent et des groupes de guillemots se posent autour de nos bateaux. Nous en prenons plein la vue, mais aussi plein le nez puisque l’odeur musquée de la colonie ne nous laisse pas insensibles !
Au pied de ces falaises, nous remarquons du mouvement, les renards polaires sont de sortie et cherchent activement quelque chose à se mettre sous la dent ! Ils sont vêtus de leur tenue printanière mêlée de pelage blanc, brun et gris qui laissera bientôt place à leur pelage d’été.
La vie bat son plein sur ces falaises et nous terminons la sortie au pied d’une très belle cascade qui s’étend le long de la roche, éclairée, de surcroit, par une superbe lumière.
L’heure tourne et nous rentrons à bord pour le déjeuner, émerveillés et les estomacs creusés par cette première demi-journée !
Et ce n’est que le début d’une longue journée bien remplie !
15h, tout le monde est sur le pont ! Nous nous apprêtons à mettre le pied à terre à Ardneset, sur l’île de Whalbergoya. Malgré un débarquement un peu houleux, tout se déroule bien et tous sont ravis de poser le pied sur la terre ferme pour se dégourdir un peu les jambes. On se divise rapidement en deux groupes, le premier se dirige vers les morses qui se prélassent sur la pointe d’une plage et l’autre groupe est emmené pour une promenade sur ces terres fascinantes marquées par des paysages où sont mêlés glaciers et montagnes et où l’espace paraît infiniment grand. Ce désert polaire est constitué par les plages fossiles qui s’accumulent depuis les dix derniers millénaires sur tout le pourtour du Spitzberg. Les recherches effectuées montrent que les plages supérieures situées à 70 mètres d’altitude sont âgées de 10 000 ans, propulsées en altitude par le phénomène d’isostasie dans lequel la croûte terrestre, libérée de sa chape de glace du dernier épisode froid du Quaternaire, s’élève plus rapidement que la montée des océans.
Les morses, quant à eux, semblent être imperturbables et nous aurons la chance de les observer entre terre et mer, entre sieste et ronds dans l’eau.
Entre temps, la mer a eu le temps de se former un peu, mais nous trouvons un endroit plus abrité afin de procéder à l’embarquement. Le trajet retour à l’Ortelius est certes un peu… humide ! Mais rien de tel qu’un retour actif sur les zodiacs, ponctué de quelques beaux embruns et éclats de vagues, pour se sentir projetés au cœur de l’esprit d’expédition !
Après le dîner, nous nous retrouvons au bar pour un « récap » quotidien au cours duquel Alexandre nous parle du renard polaire, Manon du guillemot de Brünnich et Alain de la géologie du lieu.
C’est en toute fin de soirée que l’Ortélius s’approche lentement la grande barrière de glace du Brasvellbreen, l’extrémité occidentale de la grande barrière de glace (170 km) que constitue la calotte recouvrant Nordauslandet et qui vient mourir en mer. Depuis 5 ans, le glacier libère des quantités considérables de glace selon le principe des glaciers du Spitzberg connus pour leurs « surges », avancées extrêmement rapides atteignant plusieurs dizaines de mètres par jour.
Sous le soleil de minuit, dont les rayons viennent percer quelques nuages pour éclairer la calotte, nous admirons le jeu des lumières sur ce panorama unique et magnifique.
La nuit sera courte, mais cela en valait la peine !
C’est vers 1h30 cette « nuit » que nous quittons le grand front glaciaire du Brasvellbreen, alors que le soleil a déjà commencé sa lente remontée vers au Nord Est.
Exceptionnellement, le réveil est à 8 heure, les vents sont encore forts et nous espérons être protégés de ces vents du Sud dans le Freemansundet, détroit entre Barentsoya et Edgeoya.
Malheureusement, c’était sans compter sur un effet venturi dans lequel le vent du Sud s’engouffre et qui en augmente sa vitesse. Cette situation ne permet aucun débarquement sans risquer des problèmes de sécurité. Toutefois le temps est clair et ensoleillé, et la vue sur ces immenses déserts arctiques est splendide.
Le capitaine et Christophe, décident de longer la côte au plus près. Au loin quelques rennes s’éparpillent sur la toundra, puis un point blanc suspect nous intrigue, c’est un ours qui trône juste à l’endroit où nous aurions du débarquer, sans doute cherchant quelques œufs dans la colonie de mouettes tridactyle. La présence de ce roi de l’Arctique aurait, aussi, rendu un débarquement impossible.
Nous atteignons maintenant le Strorfjorden, vaste fjord séparant l’île du Spitzberg des autres îles, direction plein Sud ; la veille aux cétacés est lancée.
Cette journée de navigation est ponctuée de conférences, c’est d’abord Anaïd et Adrien qui attirent notre attention sur le problème des déchets plastiques, tout en nous informant sur l’opération Svalbard Clean up à laquelle Grands Espaces participe en ramassant les déchets sur les plages du Svalbard.
Puis c’est au tour de Philippe de faire une petite causerie au bar sur la photo intitulée « question-réponse ».
Enfin, Alexandre et Olivia nous parlent, lors d’une conférence intitulée « La ruée vers l’huile du XVIIe siècle », de l’histoire des baleiniers au Spitzberg, triste massacre de ces grands mammifères marins, mais enjeux économiques importants du XVIIe siècle, le pétrole de l’époque.
Le bateau continue sa route vers le Sud pour passer le cap et rejoindre pendant notre sommeil le Hornsund sur le sud-ouest du Spitzberg.
Auparavant, dernière réunion du jour, le « recap » où bien entendu, nous reparlons des différentes navigations et des prévisions pour le lendemain.
En attendant, nuit bercée par une houle bien formée que notre bateau fend sans gémir !
Les premiers mots de notre chef d’expédition ne semblent pas de bon augure en ce jeudi matin.
Brouillard ! La météo continue à se jouer de nous. Nous avons pourtant navigué toute la nuit pour trouver un abri contre les forts vents de sud de ces derniers jours. Christophe et le capitaine de l’Ortélius ont choisi de nous emmener dans le Hornsund, grand fjord de l’extrême sud du Spitzberg orienté Ouest/Est, offrant une bonne protection contre les caprices du dieu Éole.
Le programme est donc encore indécis au moment de se retrouver au restaurant pour le petit-déjeuner. Le moral des troupes est bon. Les discussions s’animent. Certains évoquent les conférences de la veille et d’autres leur nuit agitée, lors du passage du Sorkapp (cap sud de l’île du Spitzberg) et des ses eaux toujours un peu capricieuses.
Très rapidement, le plafond nuageux remonte et nous permet d’envisager un débarquement à Gnalodden. Nous allons pouvoir aller nous dégourdir les jambes à terre et découvrir la toundra.
Cette excursion nous permet de découvrir nos premières fleurs polaires. Après toutes ces journées de glace et de mer, leur présence montre la force d’adaptation de la nature. Les saxifrages (qui sont, étymologiquement, les fleurs qui « brisent la roche ») forment un tapis coloré. Famille de fleurs qui profite de la gélifraction (éclatement des roches sous l’action du gel/dégel) pour insérer leurs racines dans le sol.
Nous avons également découvert le saule polaire, le plus grand arbre du Spitzberg et, malgré tout, le plus petit arbre du monde !
La faune est également au rendez-vous. Un troupeau de bernaches nonettes se replie en mer à notre arrivée sur la plage, préférant mettre une distance entre elles et ces étranges visiteurs bipèdes. Un couple de grands labbes remonte la côte, quelques gravelots jouent avec les vagues et des centaines de mouettes tridactyles profitent du vent pour nous montrer leur agilité en vol.
Cerise sur le gâteau, un renard polaire, curieux par nature, décide d’investiguer la zone. D’abord méfiant il finit par devenir joueur et court au milieu des différents groupes de passagers répartis sur le site. Nos sacs de gilets semblent l‘intéresser tout particulièrement… C’est la belle saison pour ce petit mammifère qui profite de l’abondance alimentaire offerte par les oiseaux venus sur l’archipel pour nicher. L’hiver sera, pour lui, une tout autre histoire.
Après un bon repas, et une bonne douche chaude pour certains, la journée continue avec la conférence très attendue de Bruno sur l’ours polaire. La salle de conférence est pleine, et notre « oursologue », comme nous aimons à l’appeler, raconte quelques-unes des rencontres qu’il a eues durant ses trente ans d’expérience avec le seigneur du grand nord.
Le soleil tente une percée, il est temps de mettre les zodiacs à l’eau pour aller découvrir le front de glace du Mendelejevbreen.
Cette sortie nous permet l’observation de nombreux icebergs, d’un magnifique vêlage et d’une belle rencontre avec une mouette ivoire qui semble venir nous saluer ; autre animal légendaire de l’Arctique, tout simplement l’oiseau vivant aux plus hautes latitudes du globe, allant même jusqu’à parfois nicher sur la banquise.
Une surprise nous attend à notre retour sur l’Ortélius. L’équipage a préparé un barbecue sur le pont hélico, avec en toile de fond, l’impressionnant glacier de Mendelejev.
Les tables sont dressées, le buffet est bien garni et les bonnes odeurs de grillades chatouillent les narines !
Le vin chaud et la nourriture réchauffent les corps. Les rires et la musique brisent pour quelques heures le silence religieux de ce superbe décor. Certains se lancent dans quelques pas de danse… et la farandole ne tarde pas à se former… une belle ambiance pour cet avant-dernier jour de notre croisière expédition…
Mais l’aventure continue, demain nous serons dans le Bellsund.