Rémi Favre
Polaire et Animaux Marins
17 juillet
22 juillet 2018
À bord du Grand Large, juillet 2018
Rémi Favre
Polaire et Animaux Marins
Christophe Bassous
Arctique et Antarctique
Nous quittons Longyearbyen de bon matin en direction du Nord Spitzberg. Le temps est beau, la mer calme, la température de 10 °C et une excellente visibilité.
Au moment où nous sommes dans les explications du briefing de sécurité, un hélicoptère du Sysselman (le gouverneur du Svalbard) nous propose un exercice d’hélitreuillage.
Tout le monde bondit sur ses appareils photo et c’est l’exercice d’appontage réalisé par deux hommes du Sysselman, avec un hélico stabilisé à une trentaine de mètres au-dessus du bateau.
C’est extrêmement impressionnant. Puis l’exercice terminé, l’hélico repart ; nous aussi…
Nous faisons un arrêt près de Poolepynten pour observer notre première colonie de morses qui se dorent la pilule sur le sable. Quelle magnifique observation de ces gros mammifères avachis, certes, mais super impressionnant quant à leur taille !
Le temps de déjeuner et c’est déjà un autre arrêt sur l’anse sablonneuse de Sqarstangen, où là aussi quelques morses sont alanguis. Nous sortons les zodiacs, et hop, nous débarquons à bonne distance du groupe de morses. Notre approche se fait lentement avec des temps d’arrêt pour laisser aux animaux le temps de s’habituer à nous. La lumière est parfaite pour les centaines de clichés qui sont pris. Un jeune est encore en train de téter sa mère, mais étant donné la taille de ce petit, le sevrage ne devrait plus tarder. Nous reprenons les zodiacs et allons observer par la mer cette fois-ci, un autre groupe de morses qui revient de déjeuner. Ce sont des jeunes, déjà énormes, mais dont la curiosité les pousse à s’approcher de nous. Nous étions loin, mais ils nagent vite et sont seulement à quelques mètres de nous. C’est impressionnant ! Leur tête et une partie de leur corps qui sort de l’eau, si proches… Quelle expérience pour nous !
C’est avec beaucoup de regrets que nous devons quitter leur grosse compagnie… et nous rentrons le sourire sur tous nos visages. On parlera plongée plus tard…
1re Plongée et ours à Virgohamna
Ce matin, nous entrons entre Danskøya et Amsterdamøya, où nous devinons les empreintes des anciens fours à graisse de Smeerenburg, vestiges de l’activité baleinière intensive entre 1620 et 1645. Nous ancrons à Virgohamna, baie abritée connue de longue date et rendue célèbre par l’expédition dramatique d’Andrée dans sa tentative de rejoindre le Pôle Nord en ballon.
À 9h30, branle-bas de combat : notre première opération plongée polaire commence ! Nous préparons notre matériel : stab, bouteilles (ou blocs), détendeurs, plombs, beaucoup de plombs, combi, sous-combi et surtout, nos appareils photo.
L’objectif est de prendre ses marques : lestage, stabilisation avec la combinaison étanche, manipulation avec les gants plus ou moins étanches : Christophe et Rémi restent en « sécu surface » dans leurs zodiacs pour nous aider dans nos réglages.
Nous réalisons une plongée dans 4 à 6 m d’eau sur un fond de kelp très riche en plancton : cténophores, « concombres », et même les célèbres et photogéniques anges de mer. Certains ont même la chance de recevoir la visite d’un guillemot à miroir en train de voler sous l’eau, pendant que nos guides en surface admirent 32 phoques-veau marin (ou phoques communs) et un combat aérien impliquant 2 sternes arctiques et un goéland bourgmestre en fuite.
Après environ 35 min dans une eau à 5 °C, il est temps de rentrer au bateau pour se changer. Nous débarquons notre matériel : les blocs sont emmenés au gonflage, les combis mises à sécher, les palmes et les plombs sont rangés dans les coffres du jacuzzi et les stabs s’égouttent sur le pont : nous nous organisons.
Après le déjeuner et une sieste bien méritée, nous planifions une visite des vestiges de l’expédition d’Andrée. Nous avons à peine le temps d’embarquer sur les zodiacs, qu’une mère et son ourson font leur entrée sur le site. Nous les accompagnons en parallèle pendant une heure dans leur prospection côtière : cette première observation est superbe.
Au retour, Christophe nous montre de près de beaux spécimens de plancton arctique.
De retour à bord, nous reprenons la navigation, puis très vite, nous recevons l’information d’un ours qui nage par un bateau tout proche : nouvelle observation, auprès d’un spécimen plutôt curieux et surtout très à l’aise dans l’eau : sa vitesse de nage nous impressionne.
Ce soir, Alban nous captive en nous présentant une conférence sur ses 3 dernières expéditions polaires : Deepsea Under The Pole, Le Piège Blanc et Arktic. Le récit de ses aventures est passionnant.
À la fin de la présentation, nous venons de franchir le 80e parallèle et nous approchons de l’île de Moffen où nous apercevons quelques morses dans l’eau.
Quelle journée !
Cette nuit (si l’on peut dire), nous avons passé le 80e parallèle près de l’ile de Moffen tout au nord de l’archipel, et nous nous réveillons dans l’immense fjord Whalenberg.
Nous sommes par 79°42’N et 20°53’E, le temps est beau, la mer calme, température extérieure de 8°C. Des conditions splendides pour notre sortie zodiac de la matinée.
C’est devant le gigantesque glacier d’Etonbreen dans le Nordaust Nature Reserve que nous naviguons. C’est un paysage fait de roches sédimentaires avec des inclusions de quartz et de dolérite, et beaucoup de fossiles. Un endroit très peu visité : deux trappeurs y ont vécu dans les années 1933-34 ; c’est tout.
La calotte du nord-est se perd depuis la mer jusque dans l’infini de l’horizon. Le front de glace se découvre sur plus de 10 km ! C’est immense, et nous sommes sur nos appareils photos avec nos premiers icebergs bleus et blancs. Beaucoup d’émotion devant la majesté de l’endroit.
Première navigation dans le brash formé par les milliers de morceaux de glace provenant du vêlage régulier du glacier. Et soudain, un beau phoque barbu apparait. Il se repose sur un gros glaçon. Nous nous approchons avec beaucoup de prudence, mais, plouf… monsieur disparait.
Puis un autre et encore un autre… et puis un jeune, plus curieux. Nous arrêtons nos moteurs, il se rapproche, joue avec nous, plonge, ressort, nous regarde, fait un tour, replonge… Le manège dure longtemps. Puis encore, une mère et son tout petit, qui va dans l’eau sous le regard de la précédente.
Nous devons rentrer, mais c’est difficile. On voudrait rester, tant cet endroit est magique. Nous passons devant une cascade puissante et rouge de sédiments qui se jette au pied d’un ancien front de glace encore tout découpé et marbré de blanc, de rouge et de noir…
Nous finirons par repartir en direction de la falaise aux oiseaux, Alkefjellet. Ces colonnes de basalte hautes de plus de 350 m sont remplies de plusieurs dizaines de milliers de Guillemots de Brunich.
Le temps a changé et il fait quelques degrés en moins. Cela n’empêche pas notre deuxième opération de plongée. Après le briefing technique, les plongeurs s’équipent et nous prenons les zodiacs pour aller au plus près de la falaise. Rémi est le premier sous l’eau.
Au-dessus, les oiseaux font un raffut de tous les diables et ça piaille fort ! Ce spectacle sans fin est toujours un moment extraordinaire dans une croisière au Spitzberg. Ils plongent parmi les nouveaux intrus (l’eau est à 3°C… !). Il y a plein de petits invertébrés, Beroe, méduses crinières de lion, Anges de mer… Et dans le prolongement sous-marin des falaises, il y a encore des forêts de kelp, des anémones de mer, des araignées de mer superbes et en prime les Guillemots qui font leur show et qui plongent eux aussi. S’ils sont plutôt mauvais voiliers, sous l’eau c’est un ballet extraordinaire.
Le tombant se prolonge en dessous de20m, par une succession de marches sous-marines géantes.
La visibilité est bonne et notre plongée durera plus de 40 minutes pour les plus endurcis. C’est néanmoins un tantinet frigorifiés que nous remontons sur le zodiac (qui tourne autour de nous comme un ange protecteur), avec une seule idée en tête ; se réchauffer !
Pour ceux qui n’ont pas bravé l’eau froide, ils ont pendant ce temps dérivé avec le Sjoveien tout le long d’Alkefjellet. Et ce sont deux beaux renards polaires qui sont aperçus parmi les Guillemots ; et toujours ce va-et-vient incessant des volatiles.
Mais ce n’est pas fini ! Nous remontons sur le bateau avec notre matériel (on devrait dire, tout notre bazar (bouteilles, gilets de stabilisation, détendeurs, lampes, appareils photo dans leur caissonétanche…). Pendant que Rémi s’affaire au regonflage des blocs, la plupart des plongeurs étant sous une douche chaude (très chaude…), que le diner du chef Thomas se prépare, quelques courageux sont ressortis pour faire des photos. Le capitaine nous refait une passe le long des falaises.
Soudain, un cri ! C’est Christophe qui vient de repérer un ours affalé sur une vire, a environ 150m de hauteur au-dessus de la mer. C’est une observation extraordinaire.
Un gros ours à Ytre Norskøya Norskøya (79°51.2’N – 011°37.7E) – Plongée à Hollanderneset
Ce matin, nous nous réveillons au calme à Ytre Norskøya, l’île Extérieure des Norvégiens. Nous sortons les zodiacs pour réaliser le tour de l’île, précaution judicieuse avant de débarquer, en vue d’observer la colonie de macareux moines et de mergules nains à partir d’une belle ligne de crête.
Les lieux sont chargés d’histoire : l’île fut exploitée dès 1617 par les baleiniers pour le calme des eaux et son point d’observation à 150 m au-dessus du niveau de la mer, qui permettait de repérer de loin le souffle des baleines… et l’activité de la concurrence. 9 fours à graisse tournaient à plein régime sur cette station presque aussi importante que Smeerenburg, appartenant à la province hollandaise de Zeeland. Nous voyons au loin les 165 tombes de baleiniers, presque intactes après 400 ans de repos sous leur linceul de pierres.
À peine avons-nous atteint un petit point de vue au début de notre excursion vers Whalers Point, que nous recevons un appel radio de Rémi, resté à bord pour le gonflage des bouteilles de plongées : « vous avez une bête à poils qui marche vers vous »…
Demi-tour, tout le monde rembarque pendant que l’ours déambule placidement dans la toundra et sur les galets en contrebas. Ouf ! Tout le monde est à bord ! À peine une minute plus tard, il est là, massif, un beau mâle qui nous fait le plaisir de se poser à 20 m des zodiacs au sommet de la berge. L’instant est magique, c’est une observation exceptionnelle et les appareils photo crépitent.
Puis, l’ours s’endort et nous poursuivons à bord des zodiacs dans le petit archipel des Nordvestøyane : nous débarquons même sur un îlot où nous avons la chance d’observer des sternes arctiques au nid, couvant leurs œufs et s’occupant de leurs petits. Heureusement qu’Anne est là pour centraliser les manœuvres d’éloignement des sternes…
Cet après-midi, nous prévoyons une plongée : si nous ne pouvons pas plonger près d’icebergs repérés par nos guides à cause de la visibilité laiteuse de l’eau de fonte glaciaire, nous nous déroutons vers Hollanderneset sur Amsterdamøya. Le fond sableux en pente douce est très différent du tombant d’Alkefjellet : patates de laminaires, araignées de mer, coques, bulots et bernard-l’ermite, et toujours beaucoup de plancton : certains reverrons même des anges de mer.
Pendant que les plongeurs se changent, les non-plongeurs embarquent pour une petite sortie d’observation d’un tas de 4 gros morses dormant paisiblement sur le site de Smeerenburg. Nous resterons ensuite au mouillage pour profiter du calme pour le diner, suivi du 2e film d’Alban sur son expédition en kayak et plongée sur la côte Est Groenland : Le Piège Blanc.
Le réveil devant Kongsbreen ; 78°57’N & 12°03’E ; temps couvert, un peu de vent et température de 6 °C ; profondeur de 40 m.
Nous avions prévu de plonger ce matin, mais la météo présente et surtout la faible visibilité dans l’eau nous incite à changer de plan. Qu’à cela ne tienne, nous ferons une excursion à Blomstrandhavoya, et plus exactement autour des restes de Camp Mansfield. Cette célèbre histoire de levée de fonds par Ernest Mansfield en 1922, qui avait réussi à convaincre des investisseurs pour exploiter une carrière de marbre. Des sommes énormes pour l’époque et des tonnes de matériel ont été amenées pour extraire du marbre, qui en fait n’en était pas. Cela a été un fiasco total… et la ruine pour certains…
C’est aussi une occasion de découvrir les restes des chaudières et autres systèmes de tuyauterie de cette exploitation. Une cabane (très belle, néanmoins) existe maintenant pour abriter (très confortablement) deux hommes du gouverneur qui stationnent là quelques mois.
Notre promenade nous permet de nous dégourdir les gambettes au milieu des saxifrages et autre dryas. Quelques rennes broutent leur lichen çà et là.
Après le déjeuner, nous faisons route vers la pointe de Fuglehuken et envisageons de plonger. La mer est un peu trop agitée pour permettre un accès aux zodiacs et nous renonçons à nous mettre sous l’eau aujourd’hui. Nous en profitons pour passer un petit moment devant nos morses de Poolepyten et faisons route vers Alkhornet, notre prochain mouillage pour la nuit.
Christophe nous propose alors une conférence sur les petits animaux qui forment le plancton.
Demain, nous devrions pouvoir faire notre dernière plongée au Svalbard.
Alkhornet (78°12.6’N, 13°50.5’E) – Longyearbyen
Ce matin, nous nous réveillons au calme dans la baie abritée de Trygghamna (Isfjord Nord-Ouest), pour visiter la toundra à Alkhornet (alt. 420 m), site connu pour sa grande colonie d’oiseaux et son paysage verdoyant.
Nous débarquons à Alkepynten pour observer les rennes du Svalbard, qui s’avèrent très peu farouches ! Le vert fluo éclatant du site, très bien irrigué et approvisionné en nitrates par la colonie d’oiseaux, contraste avec le paysage glaciaire du fond de la baie.
Avant de rentrer au bateau – sous un crachin svalbardien de direction indéterminée – nous effectuons un repérage de l’îlot repéré pour une éventuelle plongée… malheureusement, si la topographie du site était prometteuse sur la carte marine, la fonte de ces derniers jours a étendu la zone d’eaux troubles et nous ne pouvons nous mettre à l’eau à cause de la visibilité insuffisante.
Nous observons cependant une jolie troupe d’eiders à duvet.
Au repas, nous apprenons que le vol de retour est avancé dans la nuit : nous faisons route vers Longyearbyen pour débarquer à quai et visiter un peu la « ville », pendant que nos guides s’affairent à la logistique.
À 0h30, nous embarquons pour un vol à 2h25 direction Oslo, puis Paris.