Alain Desbrosse
Spitzberg
18 mars
31 mars 2018
À bord de l’Éco-Galaxy, mars 2018
Alain Desbrosse
Spitzberg
Après un long vol entre Amsterdam et Quito, tout le groupe au complet s’est retrouvé à l’Hôtel Regina Isabel, dans le centre-ville de Quito pour une réparatrice nuit de sommeil, après 11 heures de vol transatlantique et 6 heures de décalage horaire.
A 8h30 le lendemain matin, nous retrouvons José Luis, notre guide francophone, pour une visite commentée de la ville de Quito, la première des capitales à avoir été inscrite au Patrimoine mondial de l’UNESCO compte tenu de l’intérêt historique de son centre remontant à l’époque coloniale. Sous un ciel encore bien encombré de la nuit précédente, nous voilà au pied de la Vierge ailée dominant la ville de ses imposants 30 mètres d’aluminium. Nous enchaînons par une série de visites de plusieurs églises où se côtoient différents styles architecturaux, mais où partout règnent en maître les ors baroques. Visite du musée d’arts précolombiens avec les sculptures de la civilisation Valdivia vieille de plus de 4000 ans et d’une étonnante modernité. Le déjeuner est pris dans un petit parc attenant à une église en pleine restauration et dominant le centre historique. Différentes spécialités équatoriennes nous sont servies par une accorte serveuse en costume traditionnel d’une des nombreuses ethnies qui constituent la mosaïque humaine de ce pays riche en ressources de toutes sortes. Le ciel nous laisse à peine prendre de temps de terminer le dessert pour nous gratifier d’une pluie d’orage équatoriale accompagnée d’une généreuse averse de grêle. L’église où officient une demi-douzaine de restaurateurs nous sert de refuge le temps que les cumulo-nimbus partent noyer d’autres quartiers. Nous remontons dans le bus en direction du jardin botanique pour une visite des serres d’orchidées, une famille qui représente pas moins de la moitié de la flore indigène de l’Equateur en terme de nombre d’espèces. Nous terminons sur les hauteurs de la ville pour découvrir les peintures de Guayasamín, le Picasso équatorien, dans la Chapelle de l’Homme où trônent les oeuvres monumentales du chantre de la libération des opprimés de la planète. La soirée se prolonge au restaurant Achiote, attablés devant diverses spécialités locales, des coeurs de palmier rôtis au poulpe grillé en passant par le cochon de lait en cuisson de 6 heures.
Retour à l’hôtel pour un départ programmé aux aurores en direction de l’aéroport éloigné d’une heure de route où nous attend le dernier saut d’avion en direction de l’archipel des Galápagos dont les tortues et les mythiques iguanes berceront nos rêves…
Départ matinal de l’hôtel Regina Isabel pour descendre à l’aéroport par le dédale des gorges taillées dans les tufs volcaniques qui séparent Quito de l’aéroport à une heure de route. Après quelques déboires de valises enfermées dans un coffre de bus à la commande électrique récalcitrante, nous voilà embarqués pour trois heures de vol vers l’île Sao Cristobal après une escale à Guayakil, la grande ville côtière du Sud de l’Equateur. Les formalités d’entrée dans la province des Galapagos étant réglées, nous effectuons le transfert en minibus avec notre guide Carlos Palma au quai où les deux pangas, les zodiacs locaux, nous emmènent jusqu’au Galaxy II mouillé en rade de Puerto Baquerizo Moreno, la capitale de l’archipel. Nous mettons immédiatement la route vers la côte nord de San Cristobal, pendant le déjeuner, accompagnés des premiers Grands Dauphins, pour aller mouiller dans l’anse de Bahia Stephens pour un premier bain dans une eau à la température digne de cette latitude équatoriale. Plage de sable blanc où viennent ronfler les otaries pendant que dans les rouleaux, un spectaculaire ballet de fous à pieds bleus et pélicans mitraille le banc de menu fretin qui dessine de grands nuages sombres à quelques mètres seulement de la plage. Nous retournons passer la nuit en rade de Puerto Baquerizo après un tour de Kicker Rock, forteresse de tufs volcaniques haute de 140 mètres au plein milieu des eaux dans les teintes flamboyantes du coucher de soleil pendant qu’un tout premier quartier de lune et le premier éclat de Vénus nous dessinent le plan de l’écliptique.
Avant le dîner, consignes de sécurité pour l’évacuation du navire et présentation du programme du lendemain. Après souper, petite lecture introductive des écrits de Melville qui visita les îles en 1840 et en garda un souvenir digne de l’apocalypse… L’avenir nous dira si l’auteur avait vu juste…
Dès 6h30, les matinaux sont sur le pont supérieur pour le lever du soleil de l’équinoxe de printemps depuis le mouillage devant la baie de l’Ile Santa Fé où nous partons pour une visite de cette île aux figuiers de barbarie formant de véritables arbres aux troncs parfaitement lisses sous lesquels les iguanes attendent la manne des fruits tombés à maturité. Au sol, tourterelles et pinsons de Darwin profitent de la floraison de petites graminées générée par les pluies des semaines précédentes. Sur la plage, les otaries des Galapagos se prélassent, femelles avec leurs jeunes d’un et deux ans, mâles secondaires pendant que le mâle dominant défend ses quartiers dans les eaux proches.
En fin de matinée, nous chaussons palmes et tuba pour une exploration de la côte rocheuse bordée de fonds sableux riches de chirurgiens, balistes, perroquets et autres poissons multicolores ou raies bouclées sombres. Deux rochers pleins d’anfractuosités servent d’ancrage à deux tortues pendant leur sieste.
Pendant le déjeuner, nous faisons route vers Plaza, l’île aux figuiers de Barbarie formant également des troncs mais beaucoup plus courts, sur cette île qui n’a jamais connu de tortues terrestres, seulement les iguanes. Une falaise délimite la côte sud de l’île au sommet de laquelle toute une colonie de Mouettes à queue d’aronde, le seul laridé de la planète aux mœurs de chasse nocturnes montre toute la diversité des phases de la reproduction : accouplements, couvaison des œufs, juvéniles volants quémandant encore leur pitance. La falaise est patrouillée en permanence par les vols du Puffin des Galapagos nichant dans ses innombrables anfractuosités, pendant que frégates et phaétons planent dans la brise tiède des alisés.
Avant le souper, présentation du programme du lendemain et cocktail de bienvenue de tout l’équipage réuni au mouillage devant les quais de Baltra où nous sommes prêts à refaire le plein de carburant pour continuer le reste de notre périple galapagien. Vers 21h00, un croissant du quatrième jour du nouveau mois lunaire se couche pendant que la Croix du Sud nous renseigne de son losange, sur la direction à suivre si nous prenait l’idée de descendre en Antarctique. A son opposé, la casserole de la Grande Ourse nous indique la direction d’une étoile polaire qui restera ici cachée sous l’horizon.
Dès le petit déjeuner englouti, nous enfourchons les pangas pour un débarquement sur North Seymour, l’île aux iguanes, aux fous à pieds bleus et aux deux espèces de frégates, le seul endroit de la planète où les deux espèces cohabitent grâce à l’abondance du poisson que leur ramènent les fous et que ces oiseaux, interdits de contact avec l’eau par leur envergure et la faiblesse de leurs pattes, parasitent. Les mâles arborent leurs imposantes poches goitrales rouge éclatant, de celles qui mettent les femelles dans tous leurs états… Au large, les deux Daphné, barrent la ligne d’horizon, une pensée pour les équipes de recherche de Rosemary et Peter Grant qui, sur Daphné Minor, connaissent depuis 40 ans chaque pinson des trois espèces qui y nichent et démontrent chaque jour les fondements de l’évolution théorisés en 1859 par Charles Darwin à partir de son passage dans l’archipel en 1835. Nous enchaînons par une nage le long de la côte du chenal séparant North Seymour de Baltra dans une eau à 28°, d’une clarté parfaite, peuplée de chirurgiens, perroquets, ballistes, anges de mer, scalaires et autres merveilles colorées des mers du Sud.
En seconde moitié d’après-midi, nous débarquons sur les plages de sable immaculé de l’îlot Mosquera barrant le chenal entre les deux îles : crèches de jeunes otaries, pélicans à la toilette, huitriers, sanderling, noddis en pêche et coucher de soleil en majesté avant de rentrer pour les agapes nocturnes sur le Galaxy II.
Après avoir fait route pendant 6 heures de nuit, nous avons rejoint une des deux îles les plus éloignées de l’archipel vers le Nord-Est. Le bateau est se retrouve au lever du soleil ancré dans l’anse parfaitement circulaire de l’île Genovesa, un volcan dont le centre effondré s’est transformé en caldeira. Nous partons à 8h00 marcher sur la seule portion de plage de sable blanc corallien qui abrite dans sa mangrove, une colonie de fous à pieds rouges, frégates et mouettes à queue d’aronde.
En seconde moitié de matinée, départ pour le pied de la falaise côté ouest où le tombant, peuplé de sa multitude océane multicolore est également un bon site pour l’observation du requin marteau. Quelques gros spécimens patrouillent à quelques mètres de profondeur, émergeant avec indolence des raies de lumière plongeant vers les profondeurs abyssales du centre du cratère.
Nous profitons des rayons les plus ardents du soleil zénithal pour une sieste réparatrice avant de faire l’ascension des quelques marches dites de « l’Escalier du Prince Philippe », crevasse dans la falaise où les augustes doigts de pieds princiers foulèrent les blocs effondrés qui permettent l’accès à un plateau lunaire recouvert d’un maquis brûlé par un soleil de feu, fendu d’innombrables failles dans lesquels s’abritent quelques hiboux des marais qui, dans quelques heures, iront traquer pétrels des Galapagos, lézards, moqueurs , pinsons et autre menus fretins que leur offrent cet environnement insulaire. A l’ombre des palos santos, ces petits arbustes capables de germer au cœur même d’une croûte de lave, les jeunes fous de Nazca ventilent leurs jabots à la recherche des quelques atomes de fraîcheur qui les sauveront d’une mort par calcination solaire. Les frégates mâles, réunies sur leurs buissons instables sont régulièrement agitées de gloussements hystériques à chaque survol d’une femelle venue choisir l’un de ces goitres vermillon en pleine érection.
Nous repartons par mer calme en direction du Sud pour profiter de notre premier coucher de soleil sur un horizon sans nuage mais qui ne nous gratifiera néanmoins pas du rayon vert tant attendu.
Nous sommes redescendus dans la nuit jusqu’à la Baie Academy qui forme le port de PuertoAyora où sont ancrés divers bateaux de tous tonnages venus refaire eau et vivres. Une balade matinale nous conduit par un sentier serpentant dans le maquis de cactus vers la faille de las Grietas, un canyon volcanique envahi par les eaux marines, piscine naturelle fréquentée par les habitants du lieu en ce début de week end galapagien.
L’après-midi est consacrée à la visite du Centre Darwin, une station pour la conservation des tortues terrestres dans lequel les jeunes tortues sont élevées jusqu’à l’âge de 6 ans avant d’être relâchées sur les îles où marins et boucaniers les ont exterminées dans les siècles passés. Une petite heure libre pour le magasinage dans les innombrables échoppes d’artisanat local avant de rentrer à bord de Galaxy II pour le récapitulatif quotidien, la présentation du programme du lendemain et le dîner.
Réveil aux aurores, 6h15, pour un départ 15 minutes plus tard en direction de l’îlot Tintoreras, sur la côte sud d’Isabela connue également sous l’appellation d’Albermarle, la plus vaste des îles de l’archipel. Un parcours en bordure d’un champ de lave de type AA, terme d’orginehawaien, nous conduit dans un paysage chaotique de croûtes de basalte disloquées, seulement colonisées par des lichens crustacés blanc côté au vent, vers une microscopique plage de débris coralliens où les iguanes marins ont trouvé les quelques décimètres carrés vitaux pour pondre leurs œufs. Dans un chenal envahi par la mer, de jeunes otaries batifolent pendant que de petits iguanes marins prennent les premiers rayons du soleil avant d’aller brouter leurs prairies sous-marines.
Après le petit-déjeuner, nous repartons vers la Concha de la Perla, une lagune circulaire accessible par un sentier sur pilotis aménagé sous la mangrove constituée ici de véritables palétuviers atteignant une dizaine de mètres de hauteur. Dans la lagune, festival piscicole avec un immense banc de sardines, requin de récif dormeur, raie aigle, raie bouclée, tortue en plein festin d’algues accrochées aux rochers, étoiles de mer, oursin verts ou à gros piquants en bâtonnets rougeâtres. La mise à l’eau se fait sur un ponton où les nageurs se disputent la place avec otaries et iguanes marins venus faire le plein de calories solaires en ce début de matinée.
L’après-midi est consacré à la visite du centre d’élevage des tortues terrestres de l’île Isabela, deux kilomètres à l’intérieur de la côte où nous accédons grâce à un bus scolaire mis à notre disposition. Retour à pied jusqu’à la plage par un sentier sur pilotis serpentant dans des marais peuplés de flamants roses, sarcelles à ailes bleues, pilet à joues blanches, échasses, poules d’eau. Les eaux saumâtres sont sans relâche filtrées par les becs des flamants dont l’intensité du rose dépend de la quantité de carotène ingurgité au travers de leurs proies aquatiques.
Sur l’immense plage de sable bordée d’hôtels et bars, une compagnie de courlis corlieu se dispute la proie capturée par l’un de ces échassiers à l’élégance princière. Paysage peu habituel aux Galapagos, des cocotiers offrent leur ombrage tamisé et l’eau de leurs noix à un groupe assoiffé par la marche dans les marécages.
Retour au bateau pour le récapitulatif de la journée, le dîner et la présentation de l’archipel au travers des fabuleuses images collectées par la BBC.
Aussitôt pris le petit-déjeuner, nous partons explorer la mangrove de Bahia Elisabeth, sur la côte ouest d’Isabela, dans un dédale de chenaux où les tortues et les raies dorées sont légion, dans les eaux parfaitement calmes protégées par l’enchevêtrement des racines des palétuviers. Cette forêt côtière constitue une formidable protection du rivage et sert de pouponnière à de nombreuses espèces de poissons dont les larves peuvent se développer à l’abri des prédateurs qui règnent au large.
Avant le déjeuner, nous faisons route en direction d’UrbinaBay pour un débarquement au pied d’un des cinq immenses volcans qui constituent la grande île d’Isabela, le volcan Alcedo, 1097 mètres d’altitude, couvert de l’impénétrable maquis qui règne près de la côte. Un sentier serpente dans ce milieu très vert après la saison des pluies, sous lequel rôdent iguanes terrestres et surtout tortues géantes qui sont aujourd’hui en train de regagner leur abondance passée grâce aux programmes de conservation destinés à sauver les différentes espèces n’ayant pas été exterminées par les boucaniers et autres navigateurs affamés. Des spécimens de tailles très différentes sortent de cette jungle épineuse, en quête des différents végétaux qui constituent leur régime quotidien, dont la pomme des Galapagos aux petits fruits absolument toxiques pour tout autre estomac que celui des tortues. De la plage, nous partons pour une nage avec masque et tuba qui nous permet de longer la côte rocheuse le long de laquelle quelques poissons tropicaux aussi malmenés par le ressac que nous, patrouillent les anfractuosités laissées par les coulées de lave. Les courants venant des fosses océaniques proches font remonter des eaux à une température proche de 20°C, nettement plus fraîche que celle des jours précédents.
Belle navigation en direction du Nord, entre les deux lignes de crête volcanique d’Isabela sur notre droite et de Fernandina dans le noroît derrière laquelle disparaît le soleil pendant qu’un escadron de frégates suit le navire de son vol stationnaire parfaitement réglé sur notre vitesse, avec, en arrière plan, une lune ayant passé le premier quartier, prête à illuminer les cieux équatoriaux nocturnes. Nous venons ancrer à Punta Espinoza au pied du volcan de la Cumbre, point culminant de Fernandina à 1494 mètres sous sa chape de nuages mordorés.
Lever de soleil dans le calme du « pot au noir » équatorial avec l’ensemble des volcans qui nous entourent baigné dans l’atmosphère laiteuse de la brume de grand beau temps sans un seul nuage à l’horizon. Après le copieux petit déjeuner matinal, nous partons accoster l’île de Fernandina à la pointe Espinaza où vient mourir une des innombrables coulées de lave cordée de type pahoehoe. Paysage de début du monde où les cactus des laves et la mangrove arrivent à s’accrocher dans les anfractuosités du basalte. Une poche d’eau de mer comble le fond d’une énorme marmite dans laquelle un seul et unique poisson, arrivé là comme alevin par les fissures communiquant avec la pleine mer tourne dans sa prison minérale. Dans l’anse voisine, un ballet de dizaines de tortues vertes, raies dorées, diodons pintades, requin à pointe blanche anime les eaux calmes et chaudes bordées de palétuviers dans lesquels le héron strié affute le menu fretin. Sur la pointe proprement dite, des dizaines d’iguanes marins chargent leurs batteries solaires avant de partir affronter les eaux fraîches (18-20°C) qui remontent ici des fosses marines de 3000 mètres pour venir engraisser les vastes prairies d’algues vertes que broutent ces dragons antédiluviens. La nage avec tuba nous emmène dans leur univers peuplé d’otaries, de cormorans aptères, manchots des Galapagos et toute la faune marine qui vit ici grâce aux bienfaits du courant de Cromwell.
Nous mettons le cap plein nord en fin de matinée vers la pointe Vicente Roca, l’extrémité du menton de l’hippocampe que dessine l’extrémité de l’île Isabela. En chemin, une petite famille d’orque épaulard vient nous rendre visite avant de continuer sa route dans le grand bleu équatorial.
Au pied d’une falaise de 3 ou 400 mètres plongeant dans les eaux du Pacifique, nous nous mettons de nouveau à l’eau dans des eaux quelque peu vivifiantes mais d’une clarté inégalée, où flottent des dizaines de tortues, qui nageant avec indolence, qui dormant sur le fond sableux. De jeunes otaries viennent nous gratifier de leurs prouesses natatoires et facéties d’animaux joueurs : lâchers de bulles, virevoltes à 180 degrés à des vitesses à faire pâlir le meilleur des champions olympiques, avec leurs grands yeux ronds de pinnipèdes adaptés à la chasse en eaux troubles. Une colossale raie manta, drapée dans son manteau noir, passe à proximité tandis qu’un poisson lune nous laisse sa silhouette furtive disparaître dans les raies de lumière qui plongent vers les abysses. Un grand moment de nature marine !…
Après une bonne douche de dessalage, nous enfourchons les boudins des zodiacs pour une croisière au pied des falaises de tufs volcaniques beige où nichent les noddis niais, ces sternes noires des latitudes tropicales. Nous nous enfonçons dans le cœur des dépôts volcaniques à l’occasion d’une large grotte entaillée par la grande houle du Pacifique qui vient frapper ici l’île de toute sa puissance.
Avant le dîner, le capitaine lance les moteurs de Galaxy II pour faire le tour de la tête d’Isabela en direction de Rabida où nous retrouverons le centre de l’archipel. En chemin, juste avant le coucher le soleil, passage de l’Equateur, fêté comme il se doit, à la passerelle, par un cocktail équatorial et un diplôme du parfait argonaute galapagien. Coucher de soleil en majesté avec le rai de sa réflexion sur le Pacifique dessinant la ligne exacte de l’Equateur. Grand moment d’extase astronomique par 0° 00,000’ de latitude et 91°36,021’ de longitude ouest !…
Après le dîner, récapitulatif sur le volcanisme des îles océaniques et seconde partie du documentaire de la BBC sur les Galapagos, les îles qui ont « changé la face du monde ».
A l’ancre depuis minuit dans la Baie James, une nouvelle journée commence sous l’implacable soleil équatorial levé à 6h00 sur la côte déchiquetée de l’île Santiago, sur le site de Puerto Egas, une ancienne saline exploitée dans les années 20 et 60 du siècle dernier. Nous sommes dominés par le « pain de sucre », Pan de Azùcar, cône volcanique constitué de l’accumulation des cendres lors de l’éruption de l’île Santiago. Nous cheminons en bord de rivage sur les innombrables lignes sinueuses issues de l’érosion des couches de cendres indurées dans lesquels des zones plus résistantes constituent d’étonnants monticules circulaires ou bien ce sont de micro dépressions qui perforent les couches, rappelant les trous à cryoconite des glaciers arctiques. Un tunnel de lave évidé laisse place aux eaux marines et sert de refuge aux otaries à fourrures dont le pelage trop épais les oblige à trouver des endroits ombragés, à l’abri du feu solaire équatorial. Quelques oiseaux de rivage : huitriers, gravelot, héron strié, grand héron bleu, bihoreau à couronne jaune font la chasse aux écarlates crabes qui égayent de leurs couleurs éclatante la roche noir basaltique. De retour par l’intérieur de l’île, nous observons la buse des Galapagos, les tourterelles, des moucherolles dont certaines, si peu farouches, viennent se poser sur nous ou sur le pare soleil des appareils photo.
De retour à la plage, nous chaussons palmes et embouquons tubas pour explorer le pied d’un rocher ruiniforme ou croisent poissons chirurgien, requins, bonites, salemes, sergents majors et toute une faune multicolore à la course ondoyante dans le ressac qui bat les cahots basaltiques.
Aussi rentrés au bateau, nous mettons le cap sur l’île Rabida aux plages rouges constituées d’un sable d’une finesse extraordinaire, résultat de l’érosion des masses de pouzzolane qui constituent l’ensemble de cette île. Elle est couverte d’un maquis de figuiers de Barbarie aux épines souples, signe de l’absence d’iguanes ou de tortues, incapables de creuser leurs nids dans un substrat beaucoup trop dur. La nage depuis la plage nous conduit le long de la côte rocheuse dans l’univers subaquatique patrouillé en surface par les cormorans : requin à pointe blanches, bonites, raies, anémones et oursins aux gros piquants. Un manchot des Galapagos vient même faire sa patrouille dans cette zone où ils ont disparu depuis de nombreuses années.
Galaxy II reprend sa course vers l’Est sur une mer parfaitement assagie.
Le début de matinée est consacrée à une longue excursion à bord de nos deux pangas, les zodiacs galapagiens, dans une baie labyrinthique sur la côte nord de l’île de Santa Cruz, Black Turtle Cove. La côte est ici pleine d’indentations laissées par les coulées de lave colonisées par la mangrove, constituant une pouponnière pour toute la faune aquatique, en particulier les deux espèces de requins, à pointe blanche et marteau dont nous pouvons observer quelques jeunes spécimens en pleine croissance dans ses eaux protégées des grands prédateurs du large et riches en menu fretin qui constitue leur casse-croûte quotidien. Tortues et raies dorées croisent dans les chenaux tandis que pélicans, fous à pieds bleus et noddis mitraillent le goulet d’entrée où une bordée de pêcheurs locaux est venue seiner la friture destinée à boëtter ses hameçons.
Dans l’après-midi, nous explorons la plage de Las Bachas, un site où des barges américaines furent coulées à la fin de la seconde guerre mondiale. Les structures rouillées forment une forêt de pieux torturés par le sel et le ressac de la plage au sommet de laquelle viennent pondre chaque nuit les tortues, laissant la trace de leur lourde reptation dans le sable corallien immaculé jusqu’à la dépression au fond de laquelle elles ont déposé leur précieuse ponte. Le site est surveillé par des équipes de bénévoles chargés du comptage des tortues une fois la nuit venue.
En arrière de la plage, une lagune d’eau saumâtre est filtrée par un flamant sous le regard attentif d’un pluvier argenté et d’une échasse. Au-delà, vers l’intérieur de l’île dominée par le chapelet de ses cônes volcaniques, un maquis totalement défeuillé par des mois de sécheresse, s’étend à perte de vue, parsemé de figuiers de Barbarie dotés d’une véritable fourrure d’épines leurs conférant un aspect animal.
Après la marche, un bain dans une eau à température idyllique s’agrémente du ballet des pélicans en pêche pendant que les frégates patrouillent le haut de plage à basse altitude, dans l’espoir d’une sortie de jeunes tortues avant la tombée de la nuit. Sanderling, crabes vermillon, tournepierre et chevalier errant fouillent les anfractuosités basaltiques à la recherche de leur pitance côtière.
Retour au bateau pour admirer le somptueux coucher de soleil derrière la flamboyante muraille dentelée des cumulus équatoriaux dopés par l’intense évaporation du Pacifique. Les frégates nous accompagnent jusqu’au site de mouillage de leur vol indolent sous une lune ayant désormais quasiment atteint sa pleine rotondité.
A 4 heures du matin, l’équipage remonte l’ancre et lance les moteurs au mouillage sur la côte nord de Santa Cruz en direction de l’île Santiago et de son haut lieu de la Baie Sulivan, théâtre d’une coulée de lave épanchée en 1889 qui garde toute la fraîcheur des laves cordées et des cônes de cendres qui s’accumulèrent il y a maintenant 120 ans. Un paysage de début du monde au lever du soleil s’offre à tous les passagers rejoints par les trois frégates ayant confortablement pris place au sommet du bateau sur le dôme des radars de navigation.
Débarqués sur le champ de lave, nous admirons les circonvolutions infinies de cette coulée qui recouvrit 100 km² et contraste aujourd’hui de son noir brillant avec les cônes environnants faits de cendres beiges partiellement colonisées par un maquis lâche autrefois dévasté par des troupeaux de chèvres aujourd’hui éradiqués par l’administration du parc national. La nage qui suit nous conduit en bordure de cette coulée dans des eaux claires fréquentées par quelques manchots, raies et requins. Sur fond sableux, un minuscule poisson aiguille, la Fistulaire de Commerson, nous rappelle à la mémoire d’un scientifique bourguignon qui participa au XVIIIe siècle à l’expédition de Lapeyrouse.
L’après-midi est occupée par une dernière nage au pied de l’énorme pinacle de cendres et de lave qui marque le paysage de l’îlot Bartholomé. Contraste d’eaux fraîches et de courants franchement chauds qui nous rappelle le temps où ses parages étaient un vaste champ de bataille entre l’océan et le magma en fusion. Nous accostons plus tard sur un petit débarquadère depuis lequel serpente un sentier de pilotis de bois qui gravit par paliers le sommet de l’île culminant à 120 mètres, longeant d’anciens torrents de laves matérialisés par des rigoles bordées de deux crêtes, à l’image de piste de bobsleg. Un peu plus loin, ce sont d’énormes boursouflures laissées par l’activité pyroclastique de chaudrons de lave bouillonnante ayant crachoté leurs grumeaux de pâte venue se solidifier sur tout le pourtour de la marmite.
Dernier récapitulatif avec Carlos qui nous présente le programme du lendemain matin consacré à la visite d’une ferme d’élevage des tortues et des différents transferts en bus et ferry jusqu’à l’aéroport de Baltra.
Après le cocktail de l’au-revoir avec tout l’équipage sur son trente-et-un, nous prenons notre dernier repas à bord avant d’aller faire nos valises et de visionner un résumé du voyage en images.
Sur la route qui conduit à l’aéroport depuis le quai, nous faisons un arrêt dans une ferme où les tortues géantes viennent paître les grasses prairies des hauteurs de l’île avant de repartir vers les maquis desséchés des zones côtières pour pondre. Un tunnel de lave court en sous-sol sur quelques centaines de mètres, dernier exemple de l’activité volcanique original de cet archipel des Galapagos. La lave encore fluide a continué à s’écouler dans une gangue refroidie, laissant une galerie sinueuse, digne de celles creusées par les rivières souterraines dans les pays calcaires. En surface, dans la stridulation continue de myriades de criquets cachés dans les frondaisons, des mares aménagées accueillent d’énormes tortues venues là chercher la fraîcheur avant d’aller paître la luxuriante végétation herbacée qui se développe sous les goyaviers et les mandariniers.
Le bus nous conduit sur la route traversant l’île pour aller rejoindre le ferry qui passe les passagers sur l’île de Baltra. Les hauteurs de Santa Cruz sont colonisées par la formation à scalesia, un pissenlit que l’évolution a transformé en arbres. Le ferry aux moteurs électriques alimentés par des panneaux photovoltaïques nous dépose sur Baltra, île basse à la végétation sub-désertique, où quelques iguanes errent au milieu des dalles de béton laissées des bâtiments de la base américaine installée ici pendant la seconde guerre mondiale.
Enregistrement des bagages à l’aéroport pour le vol jusqu’à Guayaquil avant de prendre celui qui nous ramènera sur Amsterdam puis Paris, Genève ou Lyon.