Sylvain Mahuzier
Oiseaux et Mammifères
12 février
27 février 2018
À bord du Sea Spirit, février 2018
Sylvain Mahuzier
Oiseaux et Mammifères
Presque quatorze heures passées dans l’avion, ce n’est pas rien… Mais nous voilà arrivés à l’aéroport international Ezeiza, puis après un transfert de 45 mn dans cette belle ville de Buenos Aires. Après un bref passage à notre hôtel dans le quartier de Recoleta, nous allons déjeuner dans le quartier de Madera, quasiment au bord du canal. Nous admirons de superbes voiliers trois-mâts, dont l’âge honorable contraste avec les immeubles ultra-modernes qui leur sert de toile de fond. Le repas est excellent et pantagruélique, et l’inévitable steak de bœuf de plus de 300 g est bien sûr arrosé d’un vin rouge argentin Malbeck. Un tour de ville panoramique de Buenos Aires nous est ensuite offert durant l’après-midi, avec plusieurs arrêts dont le quartier pittoresque de La Boca et le cimetière de Recoleta. La soirée sera culturelle, avec un dîner dans le plus ancien théâtre de la ville (1920) suivi d’un spectacle de tango (musique et danse) de haut niveau, qui ravit chacun d’entre nous.
Lever matinal, direction l’aéroport à nouveau, mais cette fois nous nous envolons pour Ushuaia, où nous atterrissons en milieu de journée par un temps assez doux, 16°C. La ville du bout du monde brille dans son écrin de montagnes, mais le temps change très vite ici, nous le savons, et la pluie nous accompagnera tout au long de nos visites à Ushuaia. Certains vont visiter l’ancienne prison transformée en musée, d’autres enfin iront faire quelques emplettes dans la rue San Martin, très commerçante. Dîner et nuit à l’hôtel Arakur, qui domine la ville de belle manière.
Ce matin nous partons vers le Parc National de la Terre de Feu, où nous passons 3 belles heures de balades au fond de la baie de Lapataia, dans le canal de Beagle. La rivière Lapataia qui se jette dans la baie du même nom s’élargit en vastes méandres qui ressemblent à de véritables lacs. Nous découvrons tourbières, ruisseaux et petits boisements de Nothofagus, des arbres très proches des hêtres – on les appelle d’ailleurs souvent « faux-hêtres » aux petites feuilles dentelées. Le paysage est varié, la lumière est belle et le vent omniprésent sur les parties non abritées : les arbres tordus ou penchés dans la même direction sont l’une des signatures de la Patagonie et de la Terre de Feu. En outre, nous avons la chance de faire des « rencontres » : quelques familles d’Ouettes de Magellan, petites oies locales peu farouches, broutent sur les chemins bordant la rivière et les lacs. On distingue aisément les mâles au plumage blanc et aux lignes sombres et les femelles brunes aux pattes jaunes. Un couple de brassemers – anciennement appelés « canards-vapeur », cancane au milieu d’un plan d’eau. Une petite troupe de bruants chingolo, qui ressemblent à des moineaux un peu plus colorés que les nôtres, vole activement de buisson en buisson. Retour à l’hôtel Arakur, où une navette nous attend pour nous conduire au port d’Ushuaia. L’accueil sur le « Sea Spirit » par l’équipe de Poséidon est chaleureux. Après avoir intégré nos cabines, nous nous familiarisons avec ce navire de taille raisonnable – environ 100 passagers -, confortable, convivial et à l’aménagement intérieur assez esthétique. Nous sommes invités à assister à l’appareillage sur les ponts extérieurs, et quittons Ushuaia, joliment éclairé par la lumière d’après-midi. Vient ensuite l’exercice obligatoire de sécurité et d’abandon du navire, puis notre chef d’expédition Jonathan, un Français qui a déjà accompli de nombreuses expéditions et croisières en Antarctique, nous souhaite la bienvenue et nous explique les règles de base à suivre sur le navire. Premier dîner –de qualité– puis une nuit réparatrice après cette longue et belle journée.
Afin de ne pas nous exposer à une fin de dépression qui nous aurait quelque peu secoués, le Commandant du Sea Spirit a eu la délicatesse de naviguer au ralenti dans le Canal de Beagle, que nous ne quittons qu’au matin. Ainsi la journée dans le Passage de Drake se poursuit-elle dans le calme, avec une houle très raisonnable de 5 mètres, qui dans l’après-midi se réduira à 3 mètres. La journée démarre par une conférence de Jonathan, une introduction à l’Antarctique des points de vue géographique, géologique et climatique enrichie de schémas et d’animations de grande qualité. En fin de matinée, John, le photographe du bord, nous parle de composition, de cadrage et de lumière. L’après-midi commence par un exposé de Sylvain à la bibliothèque, sur les oiseaux que nous avons vus hier en Terre de Feu, mais aussi et surtout sur ceux du Beagle, du Drake et quelques-uns que nous verrons en péninsule antarctique. Vie et mœurs des manchots nous seront racontés demain. Coïncidence formidable, au moment de démarrer la conférence nous assistons depuis la bibliothèque à un ballet d’albatros derrière le bateau. Le Grand Albatros neigeux, champion avec plus de 3 mètres d’envergure, et l’Albatros à tête grise évoluent avec grâce et efficacité dans les turbulences aériennes générées par le Sea Spirit. Plus tard, la 1ère partie d’un grand film sur Shackleton est projetée, la 2ème le sera après le dîner. En fin de journée, Jonathan nous explique en anglais le programme de demain, traduit par Sylvain à travers un système d’oreillettes.
En fin de dîner, le chef cuistot vient parle avec nous : Francis est français, et a travaillé 7 ans à Lyon avec Bocuse !
Avec l’objectif d’observer des manchots dès ce soir si notre vitesse le permet, ou demain matin, dès le petit déjeuner avalé nous démarrons notre journée avec une petite conférence de Sylvain sur ces oiseaux nageurs aux adaptations hors du commun. Suit une réunion kayak destinée à ceux qui utiliseront ces embarcations à chaque fois que le lieu et la météo le permettront. Après le déjeuner, notre chef d’expédition Jonathan nous convie à deux « briefings » obligatoires : sur les règles IAATO (International Association of Antarctic Tour Operators) à propos de la manière de se comporter en Antarctique, en matière d’environnement et de sécurité, et sur les débarquements en Zodiac. Puis nous effectuons les procédures de biosécurité, c’est-à-dire que nous aspirons les vêtements que nous porterons à terre ainsi que nos sacs, afin d’être sûr d’en ôter terre, graines ou quelque autre matériau organique qui pourrait nuire à l’équilibre floristique et faunistique des lieux. Bonne surprise, la météo favorable nous a permis de naviguer à bonne vitesse, et nous arrivons aux Shetland du Sud vers 17h00, ce qui nous permet de débarquer sur l’île de Barrientos, dans l’archipel d’Aitcho. Premiers manchots – papou et à jugulaire, premières otaries à fourrure qui nous font un show, premiers éléphants de mer paressant, premières émotions…
Après une petite « zodiac cruise » dans la baie Charlotte, où nous naviguons atour des icebergs et apercevons un phoque de Weddell, nous effectuons notre premier débarquement sur le Continent Antarctique ! Il s’agit de «Portal Point », où les Britanniques construisirent une hutte en 1956 afin d’effectuer des recherches géologiques. Comme il est excitant de se dire qu’en mettant le cap plein sud, (et en marchant pendant des mois…), nous atteindrions le pôle Sud ! Les occupants les plus nombreux sont ici les otaries à fourrure, tantôt actives tantôt assoupies. Depuis les buttes enneigées sur lesquelles nous grimpons, le panorama sur la baie est magnifique. Les kayakistes nous donnent en outre une échelle de taille en évoluant autour des icebergs. De retour, nous mettons le cap sur la baie de Wilhelmina toute proche, et à peine installés pour le déjeuner, Jonathan nous annonce qu’il est impératif d’interrompre notre repas, car 5 baleines à bosse prennent le leur à quelques dizaines de mètres devant le Sea Spirit ! Le spectacle est saisissant, les filets de bulles que les cétacés émettent pour piéger le krill sont bien visibles et précèdent de peu le jaillissement des géants, qui après avoir repris leur souffle « sondent » en montrant majestueusement leur belle nageoire caudale…
Compte-tenu qu’il nous reste une belle partie de l’après-midi, l’équipe d’expédition décide de nous faire débarquer sur l’île de Cuverville. Nous marchons parmi les manchots papous, assistant à plusieurs scènes de leur vie quotidienne : poussins tapotant le bec des adultes pour provoquer le réflexe de régurgitation, ou courant après les parents pour les solliciter, adultes en mue qui se sont mis à l’abri du vent… Au retour, notre pilote de zodiac Luis nous offre un beau cadeau : le tour de l’île parmi les icebergs ! Paysage magnifique, et formidables observations des phoques qui se reposent sur les glaçons : léopards de mer, phoques crabiers… et comme nous avions observé le phoque de Weddell à terre, la moisson de phoques est complète !
Vers 21h30, deux d’entre nous, Danièle et Ghislaine, partent avec quelques dizaines d’autres passagers pour rejoindre la plage de Leith Cove, et y passer courageusement la nuit à la belle étoile, dans des duvets spécialement prévus pour les températures froides, et abritées dans un trou dans la neige creusées par leurs soins !
En arrivant à l’entrée du Canal Lemaire ce matin, nous sommes surpris par le brouillard, et le Commandant et le Chef d’expédition préfèrent que nous retentions notre chance plus tard, d’autant qu’il y a de la glace. Nous partons donc vers Damoy Point et visitons une base anglaise qui date de plus de 40 ans, abandonnée mais complètement en l’état. C’est assez émouvant, on a l’impression que le temps s’est arrêté. Puis nous grimpons au sommet de l’île pour la vue, peine perdue : la brume ne se lève pas. Cependant, elle apporte une touche de mystère qui a un certain charme. Non loin de la cabane plusieurs couples de labbes antarctiques (skuas) nichent, on aperçoit les poussins de temps à autre, camouflés derrière des roches. 2e tentative pour le Canal Lemaire plus tard : ce sera la bonne, le brouillard s’est levé. Ce défilé large de quelques centaines de mètres seulement à certains endroits est tout à fait spectaculaire, et en plus le soleil brille. La traversée est incroyable, les falaises escarpées et les glaciers de l’île Booth font face à ceux de la Péninsule Antarctique. Le canal fut découvert par l’Expédition Allemande de 1873-74, mais ne fut pas traversé avant décembre 1898, par le navire Belgica de l’Expédition Antarctique Belge. En après-midi, nous faisons cap vers l’île Petermann, chère au coeur des Français car le Commandant Jean-Baptiste Charcot et son équipage y hivernèrent durant l’hiver 1909-1910 avec le Pourquoi Pas ? Quelques manchots Adélie, des cormorans antarctiques et la colonie la plus septentrionale de manchots papous du monde sont les principales attractions. Et le paysage est somptueux de tous les côtés, laissant imaginer au sud la ligne du cercle polaire antarctique, pas si éloigné. Au retour, surprise : barbecue sur le pont 5, face aux montagnes qui rosissent déjà, et le coucher de soleil sera mémorable.
Pendant la nuit, nous avons atteint l’île Anvers, et au matin Rebecca, responsable de la Station américaine Palmer, nous donne quelques informations avant que nous y débarquions plus tard dans la matinée. Nous commencerons par faire escale sur l’île Torgersen toute proche, où une petite troupe de manchots Adélie est en train de muer. Quelques océanites de Wilson, anciennement appelés pétrels-tempête, traversent l’île en papillonnant comme des hirondelles, et les otaries à fourrure font le spectacle, comme bien souvent. Pour rejoindre la Station Palmer, il faut traverser un « brash » serré, qui ressemble à de la glace pilée. Tout vient du glacier et a été rassemblé par le vent. Excellent accueil sur Palmer, et la visite est très intéressante. Une dizaine de personnes occupent les lieux en hiver, et en été jusqu’à 46, comprenant scientifiques, techniciens et gestionnaires. Carlie, l’océanographe qui nous guide dans cette station très active, nous raconte quelle vie très particulière ils vivent en hiver. Palmer a un programme de recherche écologique à long terme, qui suit entre autres la manière dont l’écosystème marin répond aux modifications de la banquise au cours du temps. La colonie de manchots Adélie de l’île Torgersen est également étudiée, afin de mesurer l’impact du tourisme sur les oiseaux. Plus tard dans l’après-midi, balade sur l’île Useful, située au milieu du détroit de Gerlache, au large de la côte de la Terre de Graham. Une île rarement visitée, où nous observons de nombreux manchots papous, des otaries à fourrure et un phoque de Weddell qui se repose sur les roches à fleur de l’eau. Une croisière en zodiac parmi les icebergs du détroit de Gerlache, dont un monumental, clôture cette journée encore une fois bien remplie.
Ce matin, nous démarrons par une croisière Zodiac dans la très belle baie de Paradis. Glaciers monumentaux, actifs et crevassés dont des énormes morceaux menacent de se détacher, icebergs qui déclinent leurs tons de bleu, phoques de Weddell ou crabiers paressant sur la glace, une colonie de cormorans antarctiques sur un rocher surplombant, tels sont les spectacles auxquels nous avons la chance d’assister. Puis, nous effectuons notre second débarquement sur le continent Antarctique. En effet, la base argentine Almirante Brown est située sur la Péninsule Antarctique elle-même, dans cette même baie de Paradis. Elle tient son nom de William Brown, un immigrant irlandais qui devint un héros national en Argentine et est reconnu comme le “père” de la Marine Argentine. Afin d’avoir une vue d’ensemble de la baie, nous grimpons au sommet de la colline enneigée, effectivement le paysage en vaut la peine ! Pour descendre, quelques-uns d’entre nous empruntent la « voie rapide » : une descente sur le postérieur dans des couloirs de neige, très efficace… Avant de réembarquer, nous apercevons au sein de la petite colonie de manchots papous un individu couleur café au lait : il s’agit d’un « leuciste », à qui un déficit du pigment sombre « mélanine » donne cette couleur plus claire. Il est néanmoins parfaitement accepté par les autres manchots. En après-midi, après un thé ou café accompagné de glaces ou de crêpes Suzette (nous sommes bien « soignés » !), nous nous dirigeons vers Foyn Harbour, près de l’Île Enterprise, pour une autre croisière zodiac. Outre des otaries à fourrure, des sternes et des cormorans, nous aurons l’opportunité de contempler la partie émergée de l’épave du Guvernøren, un navire baleinier norvégien qui prit feu en 1915 et fut volontairement échoué afin de sauver équipage et biens.
Aujourd’hui, retour dans la baie de Wilhelmina où nous étions il y a quelques jours, cette baie découverte par Gerlache Durant l’Expédition Antarctique Belge de 1897-99, et nommée en l’honneur de la Reine Wilhelmina de Hollande, qui était âgée de 18 ans à l’époque et régna jusqu’en 1948. Cette fois nous tentons d’observer les baleines depuis les zodiacs : essai transformé, au-delà de toutes nos espérances ! En effet, après 20 minutes d’attente pendant lesquelles nous rendons visite à 2 otaries perchées sur un iceberg, notre pilote et chef d’expédition Jonathan aperçoit au loin quelques ailerons dorsaux. Il s’agit de 3 baleines à bosse, dont une assez jeune compte tenu de sa taille, qui dorment en laissant dépasser de la surface leur aileron dorsal et leurs évents. Moteur coupé, nous nous approchons d’elles à la pagaie, et demeurons silencieux pendant un long moment auprès d’elles. C’est une grande émotion de se tenir aux côtés de ces géants, qui sentent parfaitement notre présence mais nous acceptent. Leurs souffles réguliers ponctuent notre méditation admirative, et on aperçoit en transparence la grande nageoire pectorale blanche de l’une d’entre elles. La plus proche de nous a un sommeil un peu plus léger, et roule tranquillement sur elle-même, découvrant régulièrement une partie de sa nageoire pectorale et un morceau de sa nageoire caudale. Au retour sur le Sea Spirit, une autre baleine à bosse offre un spectacle inouï autour des kayakistes : elle sort sa tête verticalement afin d’observer plus précisément ces drôles d’embarcations colorées, et un peu plus tard effectue un saut hors de l’eau !
En fin de matinée, quelques courageux qui ont encore envie d’émotions fortes effectuent un plongeon polaire depuis la marina, assurés par une ceinture qui permet de les ramener très vite à bord… heureusement, car la température de l’eau doit avoisiner les 0°C ! En début d’après-midi, débarquement sur l’île de Danco, au large de la péninsule. Elle a été baptisée en souvenir du géophysicien belge qui décéda à bord du Belgica, lors de l’Expédition Antarctique Belge de Gerlache (1897-99). Aujourd’hui l’île est seulement habitée par une grande colonie de manchots papous, et nous nous régalons de voir leurs allées-venues colonie-mer sur les “autoroutes à manchots”. Juste avant de rejoindre le Sea Spirit, Sven, l’un des naturalistes, nous emmène faire un tour dans un “cimetière d’icebergs”, et outre la symphonie en bleu glace majeur, nous avons la chance d’observer de près un phoque de Weddell et deux phoques crabiers.
Dernière sortie ce matin. Une croisière zodiac dans la baie de Cierva Cove, une échancrure profonde dans la partie ouest de la Péninsule Antarctique, entourée par des montagnes rocheuses et des glaciers spectaculaires. La baie est remplie d’icebergs, certains proviennent des glaciers locaux et les autres ont été poussés par les vents d’ouest dominants. Il y a une base argentine à l’entrée de la baie, nommée Primavera, qui est encore utilisée de temps à autre. Première rencontre, une baleine à bosse qui tourne complaisamment autour des zodiacs, probablement curieuse et qui nous approche de très près. Puis nous naviguons d’un iceberg à l’autre, nous régalant une dernière fois des formes, des arches, des lignes et creux, des variations du bleu profond au blanc éclatant, en passant par la transparence lumineuse. Arrivés devant la base Primavera, nous nous attardons un peu devant la petite colonie de manchots papous, puis entrons dans le “brash”, complètement entourés par la glace. Un iceberg âgé présente un bassin circulaire à l’intérieur, sorte de piscine aux eaux turquoise où 2 léopards de mer évoluent avec grâce et puissance à la fois. Une sortie ultime qui nous aura comblés, tant du point de vue de la glace que de la faune ! Puis nous quittons la Péninsule Antarctique en nous engageant dans le détroit de Bransfield qui nous sépare des Shetland du Sud, avec une mer assez agitée compte tenu des 40 noeuds de vent. Cela ne nous empêche pas d’assister à une conférence de Sylvain sur les baleines, puis à une communication passionnante de Jonathan sur ses deux expériences d’hivernage, à la Station Dumont d’Urville de Terre Adélie puis à la base franco-italienne Concordia perdue au milieu du grand continent blanc. Avant le “récap-programme du lendemain” habituel, une dégustation de sushis nous est proposée, qui n’intéressera que ceux qui ne sont pas dérangés par les mouvements du navire…
Journée dans le Passage de Drake, avec une mer relativement mouvementée. Le passage tient son nom de Sir Francis Drake, capitaine et vice-amiral anglais qui conduisit la seconde circumnavigation du monde, de 1577 à 1580. En 1578, à la sortie du détroit de Magellan côté Pacifique, il fut poussé par la tempête jusqu’au Cap Horn puis plus au sud dans le passage entre les 2 océans, qui porte aujourd’hui son nom. On put constater par la meme occasion que s’il y avait un continent austral, il devait être beaucoup plus au sud… Plusieurs activités au programme ce jour : une conférence sur la géologie de l’Antarctique, une autre sur l’Opération Tabarin des britanniques en Antarctique pendant la 2e guerre mondiale, un film de la BBC sur les manchots, et une conférence de Sylvain sur les phoques et otaries. De quoi largement renforcer nos connaissances géographiques, naturalistes et historiques sur la région !
Une nuit encore un peu agitée, et nous voilà ce matin pas très loin de l’entrée du canal de Beagle, on aperçoit la terre. Il ne sera pas possible de nous approcher du Cap Horn, car nous avons dû contourner la tempête en faisant une boucle vers l’est. La matinée « culturelle » commence avec une conférence de Jane sur les effets du changement climatique en Antarctique, puis Bettina nous réunit pour nous donner toutes les consignes relatives au débarquement du lendemain. Un peu plus tard, Adam et Jane organisent un « débriefing » pour les campeurs afin de recueillir leurs impressions. Les deux « bivouaqueuses » de notre groupe nous ont fait honneur, en dormant à la belle étoile par une température négative… Juste avant le déjeuner, Sylvain nous réunit à la bibliothèque pour nous parler de Darwin, qui effectua un grand voyage autour du monde entre 1831 et 1836 et passa du temps en Terre de Feu et sur le Canal de Beagle.
Puis c’est le temps de rendre nos bottes, qui ont été bien utiles et confortables, et de la dernière ouverture de la petite boutique Poséidon. En après-midi, Jane propose une causerie sur la chasse à la baleine au bar, et dans la foulée Jonathan propose un film qu’il a réalisé lors de son hivernage à la station Dumont d’Urville, en Terre Adélie ; une belle aventure humaine assurément, qu’il a intitulée “Ice bound in Antarctica”. En fin de journée, la lumière est très belle sur le Canal de Beagle et éclaire magnifiquement les oiseaux qui accompagnent le Sea Spirit : albatros à sourcils noirs, pétrels géants et pétrels à menton blanc se régalent à jouer dans les turbulences générées par le navire. Nous avons même la chance d’apercevoir un groupe de petits dauphins – des lagénorhynques obscurs – qui marsouinent tout près de nous, tantôt à tribord tantôt à bâbord. Puis c’est le traditionnel « cocktail de l’au revoir », au cours duquel le Capitaine Oleg Tikhvinsky rend hommage à ses officiers et aux responsables des différents services, sans oublier notre chef français Francis. À l’issue du cocktail, John, le photographe du bord, présente son diaporama final dans la joie générale et annonce le nom de la gagnante du concours photo, une américaine qui a eu la chance de photographier en gros plan la tête d’une baleine à bosse en plein « spyhopping ». À la fin du dîner, le directeur de l’hôtellerie Dimitar présente et remercie à son tour les serveurs du restaurant et du bar ainsi que ceux qui sont dans l’ombre : pâtissier, boulanger et tous ceux qui œuvrent en cuisine.
Nous avons tranquillement passé la nuit au mouillage, au large de Puerto Williams, et finissons de remonter le Beagle au petit matin. Petit déjeuner très tôt, puis nous assistons à l’accostage sur le quai d’Ushuaia. Juste après 8h00, c’est le temps des adieux. Adieux aux autres passagers avec qui nous avons sympathisés – chinois, américains, allemands, brésiliens, israéliens, et adieux aux membres de l’équipage et à toute l’équipe d’expédition, qui ont été les artisans de la réussite de cette croisière. En même temps que notre passeport nous est rendu, une clé USB figurant le Sea Spirit nous est offerte, sur laquelle figure les informations relatives à notre croisière : carte de nos escales, programmes quotidiens, menus des repas, photos, diaporama… Comme il est écrit sur le programme de ce dernier jour : « Au Revoir, Good Bye, Auf Wiedersehen, Adios, Zai Jian! ». Notre bus nous emmène vers un café où nous entreposons nos bagages, puis nous partons par petits groupes en balade vers le centre ville d’Ushuaia, faire quelques dernières visites ou emplettes, limitées car nous sommes dimanche et les échoppes ouvertes sont rares. En début d’après-midi, vol vers Buenos Aires, où nous choisissons de dîner au restaurant Fervor. Plats, vins et ambiance de qualité permettent de passer une belle dernière soirée tous ensemble !
Au matin, quelques dernières promenades en ville pour la plupart d’entre nous, dont la visite de la belle librairie Ateneo, sise dans l’ancien théâtre Grand Splendid. Navette jusqu’à l’aéroport international Ministro Pistarini, puis vol de retour vers Paris, prolongé jusqu’à Genève pour 3 d’entre nous.
Les adieux à Roissy le lendemain matin sont chaleureux après ce très beau voyage Grands Espaces au bout du monde, sous le signe de la glace, des manchots, des phoques et des baleines !