Marianne Duruel
Coordination et Photographie
12 juin
24 juin 2018
À bord de l'Amazon Dream, juin 2018
Marianne Duruel
Coordination et Photographie
Nous quittons nos régions soumises à des conditions climatiques quelque peu humides… pour converger d’abord vers Lisbonne.
C’est le premier contact pour la majorité du groupe. L’ambiance est rapidement chaleureuse. Après le vol transatlantique très calme, nous atterrissons à Belém où Ruth nous attend. Premier contact avec la chaleur amazonienne au propre comme au figuré…
Bienvenue au Brésil !
Vingt minutes après, nous arrivons à notre charmant hôtel : la Quinta Da Pedras. Nous traversons le secteur portuaire de la ville avec ses marchés encore ouverts… et passons le petit port de pêche où les pêcheurs attendent l’ouverture de la criée. Tout est très animé, car nous arrivons le soir de la « Saint Valentin » brésilienne. Dans le patio central, des amoureux dînent dans une ambiance festive. Après avoir récupéré chambres et bagages, nous grignotons dans le patio avant de profiter d’une nuit bien méritée.
Nous sommes réveillés par les chants des oiseaux. Les tyrans quiquivi s’en donnent à coeur joie… Certains vont boire à la piscine…
Après un copieux petit-déjeuner, nous quittons notre belle oasis à pied pour aller découvrir le parc Mangal das Garças. Les « garças » sont les aigrettes en portugais. Son vaste plan d’eau et son organisation de récupération des animaux confisqués aux braconniers et, pour une raison ou une autre, impossible à relâcher dans leur milieu naturel, nous offrent un premier contact de proximité avec la faune locale. Des iguanes à l’allure préhistorique nous accueillent. Aigrettes et hérons sont en nombre. Une grande aigrette nous fait une belle démonstration de pêche. Un ascenseur nous permet une belle vue sur Belém, la baie de Guajara d’un côté, le rio Guama et l’île aux perroquets de l’autre. Plus loin, nous rencontrons des ibis rouges, des dendrocygnes à ventre noir et des canards amazonettes. Nous passons devant un rassemblement de tortues en face de la « volière » aux papillons. On nous montre les chenilles de papillons qui sont relâchés devant nous : la Julia et ses ailes orange et noir, « l’oeil de chouette » cousin du morpho… La chenille de ce dernier est très étrange, avec une sorte de tête cornue… Un ara bleu sort de son dortoir pour répondre aux sollicitations de Ruth, une habituée du lieu. Enfin, un ponton nous permet d’accéder au bord de la baie. Il est cerné par des anhingas dont les feuilles lancéolées sont une des parures de l’Amazonie. Leurs fleurs ressemblent à de grandes fleurs d’arums. Les fruits étaient utilisés par les Indiens pour faire des appâts pour la pêche.
Après un petit passage à l’hôtel, nous retrouvons notre bus pour gagner l’aéroport et voler vers Santarem. Passant en une heure et vingt minutes, d’une ville de 3,5 millions d’habitants à une de 350 000 habitants, nous débarquons au coeur de l’Amazonie, à mi-chemin entre Belém et Manaus. Peu de temps après, c’est l’accueil souriant à bord de notre charmant petit Amazon Dream.
Bientôt, nous naviguons sur le fleuve Tapajos qui baigne la ville. Nous suivons la « rencontre des eaux »entre celles du. Fort de son vaste bassin fluvial et de ses 6992 à 7025 km, selon les dernières études sur sa source. Mais tous s’accordent pour la situer au Pérou à plus de 5000 m d’altitude. Les eaux claires, acides et chaudes tardent à se perdre dans les eaux « blanches », lourdement chargées en limon et plus rapides du géant. Tandis que des volutes ocres de plus en plus nombreuses se déploient autour du bateau, nous cherchons les dauphins : dauphins roses et petits tucuxis venus profiter de la richesse de ce milieu pour pêcher.
Finalement, nous nous retrouvons sur un Amazon très ocre, large et dont le puissant courant entraîne de nombreux îlots flottants squattés par des aigrettes ou des sternes d’Amazonie. Sur la rive que nous suivons, la forêt de Varzea (celle des zones inondées tous les ans par les hautes eaux) déroule ses palmiers, cécropias et autres. Tous ces arbres ont les pieds dans l’eau en cette saison de hautes eaux. L’Amazon Dream s’amarre à l’entrée du canal d’Ituqui, un bras de l’Amazone qui contourne l’île éponyme. Le soleil se couche en apothéose sur le miroir flamboyant. Karim nous présente le programme du lendemain en compagnie de lucioles et des commentaires de notre voisin l’engoulevent bavard, mais moins que Karim…
Debout dès le lever du soleil, nous nous lançons dans l’exploration de la rive sud de l’Amazone pour rejoindre l’inextricable enchevêtrement de marais et chenaux du lac Maica. C’est un enchantement ! Nous nous éloignons du reflet doré de l’Amazon Dream dans le paisible canal d’Ituqui. Quelques petites embarcations familiales glissent sur l’eau. Sur les rives, du bétail pâture près des maisons sur pilotis des éleveurs cabocles (descendants du métissage de Portugais et d’Indiens).
Un héron cocoï décolle non loin de nous. Très vite, nous sommes survolés par des couples ou des groupes d’aras macavouanne ou aras nobles aux couleurs chatoyantes. Un peu plus petit que le grand ara rouge, son dos est vert, ses ailes et sa queue y ajoutent du bleu et du rouge. Il porte un beau masque blanc. Vu de dessous, les ailes déployées sont rouges et vertes, la queue rouge. Ce perroquet n’est visible dans cette région que pendant deux mois d’environ mi-mai à mi-juillet quand les fleurs violettes des tarumas s’ouvrent. Pour l’heure, ils dégustent bruyamment les fruits des cécropias. Les photographes se régalent aussi… Plus loin, les martins-pêcheurs à ventre roux scrutent l’eau. Timides, ils sont beaucoup moins coopératifs que les aras. Les silhouettes dénudées de certains arbres portent de beaux « fruits » rouges. Les « arbres de noël » de la Varzea sont des cousins du kapokier de la grande forêt de « terra firma » (jamais inondée). La coque rouge s’ouvre sur une superbe inflorescence blanche. Certains Indiens utilisent la fibre en guise de coton, mais il est cassant. Ces arbres font la joie des petits perroquets verts : les touis été qui s’y nourrissent. Là, certains servent de dortoir aux aigrettes. Un caracara huppé nous survole. Un anhinga fait sécher ses ailes après la pêche… C’est un vrai festival : caracara à tête jaune, ibis vert, hirondelles à ailes blanches, urubus à tête rouge, sternes d’Amazonie, caracara huppé, tyran mélancolique, pic ouentou… Dans un cécropia, un jeune paresseux à 3 griffes est bien visible.
Proche, il nous permet de bien pouvoir le détailler. Un peu plus loin, un hoazin est posé parfaitement exposé au soleil. L’étrange oiseau huppé à l’oeil rouge sur fond bleu est d’habitude dur à photographier. Leur vol maladroit les incite à se cacher rapidement dans la végétation.
En effet, il se nourrit de feuilles difficilement assimilables. Un jabot musculeux et un système de fermentation bactérienne équivalent à celui des vaches font de lui un « semi-ruminant »… Ce système digestif volumineux se fait au détriment des muscles pour voler. Là, nous sommes chanceux. Il s’agite dans le soleil, révélant son plumage fauve et noir. Nous bifurquons dans un premier chenal : buse à tête blanche, canards amazonettes, martins-pêcheurs à gorge rousse, touis été, tyrans des savanes, hirondelles à ailes blanches, buse roussâtre…
La végétation se reflète dans l’eau, quelques maisons de Cabocles et pêcheurs illustrent la vie locale. Un pittoresque arrêt technique version pilotis restera mémorable… Il faut dire que le niveau des eaux est très élevé. À perte de vue, de l’eau de l’eau, chenaux, lacs, marécages ne forment plus qu’un dans une inextricable mosaïque. Retour au bateau où un excellent déjeuner nous attend. Nous naviguons jusqu’à l’embouchure de la rivière Curua Una d’où se fait la sortie du coucher du soleil. Autour de nous, les dauphins sont en pleine pêche et les photographes sont concentrés… La sortie de l’eau pour la respiration est rarement là où la mise au point est faite…
La lumière est superbe et les oiseaux nombreux : milans des marais, paroare rougecap, martins-pêcheurs d’Amazonie, jacanas… Un singe hurleur en rajoute pour l’ambiance avec son puissant cri. Le soleil descend, le ciel se drape de chaudes couleurs tandis que nous observons le dortoir des ibis mandores. Un couple en est au début de la confection du nid. Le soleil se couche et nous rentrons au bateau sous le charme de cette belle nature… en compagnie des dauphins roses d’Amazonie…
6h, le bateau lève l’ancre pour Pacoval, un petit village de « Quilombos », descendants du métissage d’esclaves noirs et de Portugais. Nous commençons par une exploration de la forêt qui domine une petite falaise ocre. Bien nous en a pris : sur un arbre, toute une famille de singes hurleurs noirs commence tranquillement sa journée. La lumière est parfaite, les singes paisibles… Nous en profitons largement. Un bébé sur le dos de sa mère ne nous quitte pas des yeux… Un couple de matins-pêcheurs à gorge rousse va et vient fébrilement : il faut garder le bon emplacement pour le nid à venir… Un petit troupeau de buffles s’avance en longeant la berge près d’une petite maison où la vie suit son cours : on écope dans la pirogue, on emmène le troupeau, on part à la pêche… D’ailleurs, c’est ce que nous faisons…
Mais, d’abord nous passons devant le village pour nous enfoncer dans les méandres de la Curua Una. Quelle richesse ! Les terres inondées offrent un paysage lacustre de toute beauté. Les rencontres se succèdent : buse à gros bec, urubus à tête rouge, nombreux anis à bec lisse, carouges loriots… Des iguanes prennent le soleil sur des buissons de anhingas. Des kamichis cornus discutent étrangement (un peu façon âne qui brait… pour certains…). D’autres singes hurleurs croisent notre route. Des hoazins sont aussi au rendez-vous. Une fois un lieu ombragé trouvé près des herbes et les pêcheurs s’équipent. Les piranhas sont bien nourris… Mais notre capitaine sort 2 piranhas rouges et notre spécialiste, Patricia : 2 piranhas blancs. Au retour, nous faisons un petit détour pour aller voir les nénuphars géants, les célèbres Victoria Regia aux feuilles géantes pouvant supporter 40 kg… Karim nous arrête chez un ami pêcheur pur acheter la friture pour l’apéritif du soir. Petit retour au bateau et nous continuons la visite par Pacoval. Débarqués près du petit chantier naval, Karim nous explique la technique pour réaliser les petites pirogues individuelles en itauba. En montant vers le coeur du village, on nous demande à faire une photo tous ensemble avec des villageois… Au Brésil, les situations sont parfois inversées… Dans la maison de notre guide local, sa femme confectionne un filet. C’est l’entreprise familiale. Les filets les plus prisés sont en coton. Ils peuvent faire jusqu’à 100 m. Il faut 2 mois pour le réaliser.
Dans le jardin, manguiers, papayers, orangers (à oranges vertes) produisent les fruits. Manioc, piments, échalotes poussent au sol ou cultivés sur des jardinets sur pilotis. De retour sur l’Amazon Dream, c’est l’heure du déjeuner puis de 5 h de navigation pour arriver dans la région de Tapara. Nous évoquons les questions de l’agriculture au Brésil et des aléas économiques… Un orage déverse, au loin sur l’Amazone, ses torrents d’eau tandis que nous suivons les évolutions des botos près du bateau. Les grands dauphins jouissent d’un grand succès… Nous embarquons pour pénétrer dans un chenal entre les plantations de bananiers, papayers croulants sous les fruits, maisons du « peuple de l’eau », les cabocles. Les oiseaux sont partout. Les tyrans d’espèces variées dominent vraiment dans ce secteur. Nous croisons aussi des milans des marais, buses roussâtres, hérons striés… fugaces et de multiples aigrettes. Les belles dames convergent vers leurs dortoirs.
Et nous aussi, poussés par un incroyable courant, le moteur devient inutile…
Le coucher de soleil est fabuleux. Moteur coupé sur une petite mer intérieure ponctuée de radeaux herbeux et îlots, nous profitons des bavardages d’un grand dortoir aux aigrettes… L’ambiance est on ne peut plus apaisante… Avant de rentrer au bateau, nous faisons une petite visite au bar-salle communale du coin et achetons des bananes à un ami de Karim…
Ce matin, comme d’habitude, le lever du soleil nous trouve en plein petit-déjeuner. Nous embarquons sur l’annexe pour explorer la région de Tapara. Quelques dauphins roses pêchent près du bateau. Nous nous enfilons dans un petit chenal pour rejoindre le lac de Monte Allegre. Sur les ilots de riche limon poussent en abondance bananes et papayes. De place en place, nous rencontrons de paisibles troupeaux de bovins.
Dans le ciel aux couleurs pastel, des vols d’aigrettes quittent leurs dortoirs pour aller « faire leur marché »… Sur les poteaux des enclos, des tyrans recherchent des proies potentielles. Tyrans quiquivis, tyrans mélancoliques, tyrans des savanes ne manquent pas. Les anis sortent d’un peu partout de manière souvent très bruyante… Dans une pâture, des ibis mandores sont en plein petit-déjeuner. Tels des sentinelles, des caracaras, divers rapaces et aigrettes dominent la situation. C’est l’heure où la rosée nocturne doit sécher…
Dans ce calme paysage, c’est, d’abord l’agitation des photographes avec les iguanes. Endormies sur des branches pattes bien rangées ou crispées dans des positions un peu acrobatiques, il faut les repérer… Certaines se laissent tomber dans l’eau… On n’est jamais trop prudent. Soudain, au détour d’un méandre, nous surprenons un groupe d’aigrettes, un cheval et des bovins partis barboter et boire. Tout ce petit monde surpris se rue sur la berge dans de belles gerbes d’eau… Arrivés au lac, nous nous encapuchonnons pour traverser le lac. L’équipement s’avère quasi inutile. La forêt sur les berges vers lesquelles nous approchons se détache superbement sur un sublime ciel d’orage. Nous rentrons dans l’étroit chenal, silencieux et à l’affût.
Des chants d’oiseaux sortent de partout, sur tous les tons. La forêt se reflète dans l’eau. Quelle belle région ! Soudain, un son rauque s’élève au-dessus des voix, c’est le cri du singe hurleur. L’étrange mélopée s’intensifie au fur et à mesure que nous approchons du groupe. C’est très impressionnant. Il s’agit de singes hurleurs roux. Malgré une approche lente et silencieuse sous les arbres, ils disparaissent dans la canopée. Quel moment ! Puis, au fil de nos rencontres, c’est un petit saïmiri ou singe-écureuil qui s’avère plus coopératif. Et, et, et… Le superbe ciel d’orage… nous arrive dessus avec des trombes d’eau… Nous battons en retraite dans des bourrasques d’eau et de vent qui passent en vagues sur les vastes surfaces planes de la crue. Finalement, une petite épicerie locale nous accueille. Café chaud, quelques petits gâteaux et nous partageons un bon moment convivial. Karim nous explique tous les secrets du mode de vie quotidienne dans cette région. La pluie cesse, mais le canal de Tapara passe par le jardin de la maison pour rejoindre le petit chenal sur lequel nous sommes. Tout cela nous donne une idée de la période des pluies en Amazonie… Nous repartons pour profiter tranquillement de notre parcours fait un peu… plus rapidement que d’habitude. Bien nous en a pris : nous pouvons observer des singes capucins, des saïmiris, des paresseux, des toucans toco… Un petit saïmiri est en plein repas et ne compte pas se laisser déstabiliser par ces étranges étrangers que nous sommes dans ce milieu. La bouche pleine, il nous observe un peu avant de continuer son chemin. Nous rentrons déjeuner un peu en retard…
L’après-midi, première visite de Santarem. Le musée nous entraîne dans l’histoire de la région. Nous montons jusqu’à l’ancienne forteresse. La rencontre des eaux est particulièrement visible de là. Puis l’Amazon Dream, provisions faites, continue sa route vers le canal de Jari.
Nous commençons notre navigation sur le fleuve Tapajos. Bientôt, l’entrée du canal de Jari s’ouvre devant nous. Sa configuration est bien différente de celle en période de basses eaux. Là, seule une rangée d’arbres de chaque côté marque le chenal… Le grand figuier étrangleur est toujours aussi accueillant. Nous faisons un petit tour au coucher du soleil pour regarder toute la gent ailée s’organiser pour la nuit… Après le dîner, nous repartons pour une dernière exploration, nocturne cette fois. Petits caïmans, chouettes, engoulevents, grenouilles et d’innombrables lucioles sont au rendez-vous sous la belle voûte céleste étoilée.
Ce matin, début un peu humide… La sortie au lever du soleil prévue s’est vite transformée en observation des spectaculaires précipitations amazoniennes… C’est donc un peu plus tard, après avoir bien profité du petit-déjeuner plus longuement qu’à l’accoutumée, que nous embarquons pour découvrir ce haut lieu de nature. Ce matin, nous allons explorer une belle réussite de l’écotourisme. En effet, la propriétaire du lieu, Rosangela, contre l’avis de toute sa famille, a pris la décision de protéger son domaine. Ici, on ne pratique ni la déforestation, ni la chasse, ni l’élevage… Une buse à gros bec, deux charmants petits perroquets et quelques anis nous accueillent sur l’autre rive.
Suivant la saison, sa forêt de varzea se visite à pied ou en pirogue. Elle n’a pas son pareil pour repérer les nombreux habitants qui y vivent. Dès l’arrivée, un couple de sicales à béret (ou canaris) sautillent sur la passerelle. La vaste maison sur pilotis est largement ouverte sur son environnement. D’une ruche traditionnelle (en tronc), des abeilles vont et viennent. Ici, la spécialité est le petit sablé à la noix de sapucaï. Nous découvrons l’énorme coque d’où, une fois l’opercule ouvert, la trentaine de noix peut s’extraire. Décortiquées avec dextérité au… coupe-coupe, elles sont excellentes. Puis nous montons à bord des pirogues. L’embarcation, menée à la pagaie, glisse doucement sur l’eau. Nous passons sous un gigantesque noyer de sapucaï de plus de 200 ans. Silencieux et concentrés, nous scrutons arbres et buissons. Très rapidement un premier puis un second paresseux sont repérés par Rosangela évidemment… La forêt aux pieds dans l’eau bruisse de toutes parts… Bientôt, c’est l’étrange babillage des hoazins que nous identifions. Sur un nid, un adulte couve consciencieusement deux oisillons. Une attaque de caracara est repoussée par tout le groupe à grand renfort d’effets d’ailes et de huppe… leur seule arme : la dissuasion, et ça marche… À la fourche d’un grand arbre entouré de grosses branches, un étrange amas repose… Il s’agit d’un boa constrictor de belle taille… Il y a 3 semaines, ils étaient 5… C’était la période de reproduction… Pour la photo… Ça n’est pas gagné entre les branches, les feuilles… mais tout le monde s’applique… D’autres paresseux sont découverts au cours de la balade. Une petite chauve-souris, accrochée sur un tronc, nous observe. Finalement, l’apothéose est une femelle paresseux avec son petit sur le ventre. Elle se déplace, tranquillement, mais sûrement, pour accéder à un endroit confortable et sécurisé pour faire la sieste, après un bon petit-déjeuner de feuilles de cécropia… Quel beau spectacle ! Quel bel endroit que cette « forêt aux paresseux » ! Notre visite mérite réflexion : c’est une initiative privée qui a permis de sauver un peu de biodiversité dans un secteur voué à l’élevage, donc à la destruction. N’avons-nous pas tous un rôle à jouer dans la préservation des richesses de la nature à notre échelle ? Si chaque personne sensibilisée et qui en a les moyens protège un peu de terrain… la nature gagne au moins ça…
Le bateau appareille maintenant pour Urucurea sur le fleuve Arapiuns. Nous remontons doucement le canal de Jari, passant devant certaines maisons cabocles dont les pilotis sont parfois tellement dans l’eau qu’elles semblent flotter… Puis, nous rejoignons une immense surface d’eau qui ressemble furieusement à une mer : là où se mêlent les eaux du fleuve Tapajos, du fleuve Arapiuns et du canal de Jari. Pendant la navigation, nous évoquons la mer Pebas, la symbiose entre le cécropia et les fourmis azteca, les singes d’Amérique du Sud. Arrivé dans une sublime petite crique, le bateau s’amarre. C’est l’heure du bain, fort apprécié… Au coucher du soleil, nous explorons en annexe la limite des terres. Elles sont couvertes de forêt de « terra firma » avec des arbres de 15 à 20 m de haut. Aujourd’hui, c’est la soirée « singes hurleurs noirs ». Nous en croisons plusieurs familles dont une avec un dominant particulièrement paisible… Des petits saïmiris sont aussi présents. Le ciel est de toute beauté, de celle qui laisse présager un repli stratégique très rapide. Mais, le ciel est clément et notre belle soirée se finit au sec…
6h45, nous pénétrons dans la forêt, il a plu cette nuit et les feuilles sont encore pleines d’eau. Un jeune crapaud-buffle assure le « comité d’accueil ». Cette balade est la première en forêt de terre ferme. L’enchevêtrement de verts est superbe. Nous marchons silencieusement en épiant le moindre mouvement. Régulièrement retentit l’étrange rugissement grave et guttural des singes hurleurs. Bientôt, d’autres cris bien différents leur « répondent » d’un autre côté. Il s’agit des rares « zog-zog ». Mais la végétation est dense et les singes rapides…
Nous suivons un petit sentier entre hévéas, palmiers variés, figuiers étrangleurs, lianes… C’est le chemin de l’école pour certains petits écoliers de l’école de Urucurea. Même si la majorité des 200 écoliers venus de toute la région prennent le bateau de ramassage scolaire. C’est beaucoup pour un village de 380 habitants… Les frais de scolarité sont à la charge de l’état. Les enfants ont un repas par jour de fourni : pour les scolarisés du matin, vers 10h30 et pour les scolarisés de l’après-midi au goûter. Régulièrement un morpho nous frôle. Le grand papillon aux ailes bleu métallique disparait et réapparait à loisir. Ses apparitions sont fugaces. Juste avant d’arriver vers le secteur de la culture du manioc, de charmants petits tamarins noirs et blancs sont surpris par notre venue. Ils s’enfoncent rapidement dans la végétation. Nous sommes accueillis pour le petit-déjeuner par une sympathique jeune femme du village. Le petit garçon de la famille se précipite à endosser un maillot de l’équipe de football du Brésil pour se faire photographier… Ici, la coupe du monde est un événement important… Nous partageons les provisions amenées pendant notre marche forestière. C’est l’occasion pour Karim de parler de la vie dans ces villages. Nous repartons vers l’école puis le petit centre artisanal d’objets tressés de manière traditionnelle. Les palmes du palmier tucuma sont coupées à l’aide d’une sorte de serpe fixée à un long manche. La partie verte (inutilisable) est séparée de la jaune qui est mise à sécher. Après 3 jours, on passe à la couleur. Le jenipapo, pillé, fournit le noir. Les graines d’urucum donnent un beau rouge. Les feuilles de capiranga donnent le violet et celles de crajiru, un rouge intense. Le curcumin assure la couleur orange. Les brins sont alors cuits avec les pigments de couleurs pendant 30 à 40 minutes puis rincés à l’eau froide. Il ne reste plus qu’à les sécher et… réaliser les vanneries. Elles sont très jolies. Pour retourner au bateau, il y a le choix entre bateau ou marche. L’Amazon Dream lève l’ancre direction Maguari. Non loin D’alter de Chao, un beau grain amazonien s’abat sur nous. Qu’importe, nous parlerons de la forêt amazonienne dans la salle de restaurant… À la fin, le soleil est revenu… Notre petite navigation du coucher du soleil se fait le long de la rive ouest du fleuve Tapajos. L’autre rive est à 25 kilomètres… Notre but est une forêt d’Igapo (forêt de marécage toujours dans l’eau). Là, en hautes eaux, les arbres sont largement sous l’eau. Souvent, seule la cime sort de l’eau et nous passons au-dessus des buissons entièrement noyés… La végétation adaptée va faire son cycle végétatif pendant la saison sèche. Dans l’anse abritée, l’eau est un vrai miroir sur lequel se reflètent les silhouettes des arbres et le ciel du couchant. Nous rajoutons à la longue liste de nos rencontres ornithologiques : le tangara évêque, un colibri et surtout un très bel engoulevent noirâtre. Tandis que nous rentrons au bateau, nous croisons de nombreux pêcheurs. C’est l’heure propice pour relever les filets. L’un deux, d’abord ombre chinoise sur le ciel embrasé, a pris un poisson-chat de belle taille qu’il exhibe fièrement et des sardines d’eau douce. Et le ciel devenu tout noir se pare de myriades d’étoiles…
Aujourd’hui, c’est le grand jour. Nous allons rendre visite à « Sumauma », la « grand-mère » de la forêt. C’est un gigantesque kapokier ou fromager dans un secteur de forêt primaire. L’annexe accoste tout au bord de la partie la plus haute de la berge, là où en saison de basses eaux près de 150 m de plage nous en sépare. Nos guides nous montrent d’abord la technique de l’extraction du latex des hévéas.
Puis l’andiroba de la graine duquel on extrait une huile utilisée comme répulsif. Nous entrons maintenant dans la forêt. Ces 50 ha ont été sauvés par la présence de jutaï. Son bois est si dur que la tronçonneuse émet des étincelles… Son écorce, dans la région du Xingu, sert à fabiquer des canoës. En décoction, c’est un anti-inflammatoire. La liane « échelle de tortue » a les mêmes effets. Attention aux feuilles du palmier buruti et à la toute jeune liane de fer : les Indiens Zoé les utilisent pour couper la viande. L’ipe fait partie des bois « nobles » comme l’itauba. Le représentant en face de nous doit avoir 150 ans. Ce sont des bois à croissance lente, d’où le lourd impact de leur déforestation… Au loin, on entend des toucans Ariel et des araçaris… Les petites fourmis tachi, écrasées sur un bras nu, deviennent un bon répulsif et masque l’odeur humaine des chasseurs. Les insectes, malgré mimétisme et camouflage, n’échappent pas à la vigilance de certains : phasme, coléoptères, chenilles, papillons variés, tant en terme de taille et que de couleur, de jour, de nuit…
Démonstration nous est faite de l’utilisation des palmes du palmier curua pour faire des toitures. Le palmier tucuma, lui, sert pour la vannerie. Des petites abeilles sans dard ont établi leur ruche dans un arbre mort. Le muuba, de la famille des goyaves, là sauvage, est bien utile aux pêcheurs. L’écorce grattée fournit une fibre qui, mise en boulette et rentrée entre les planches d’une pirogue, gonfle et bouche les interstices. Il ne reste plus qu’à calfater avec du breu. Un soldat de fourmi atta est redoutablement armé… La première partie de notre randonnée s’arrête sur un grand jatoba. Il fournit une résine qui sert à faire des torches. L’étape 2 commence par une « veuve », papillon de nuit d’environ 15 cm d’envergure, qui se confond parfaitement avec le tronc sur lequel il est posé. Nous passons un angelim pedra, le bois de pierre, lui aussi bois « noble » utilisé pour faire tables, portes, fenêtres… Tout un rassemblement de chenilles dévorent tellement goûluement le feuillage que nous écoutons le bruit fait par les mâchoires qui s’activent… Jaranas et tauaris sont de la même famille que le noyer du Brésil. Certains de ces derniers sont énormes. Mais certains figuiers étrangleurs sont aussi gigantesques.
Nous faisons une petite visite à madame mygale, pour les amateurs… Cette 3e partie se fait sur un palier de terre noire. C’est un secteur anciennement peuplé d’Amérindiens qui y pratiquaient une agriculture sur laquelle on sait peu de choses.
Enfin, nous arrivons au pied de l’ancêtre de la forêt. L’arbre de 400 ans déploie de superbes contreforts et s’élance pour 54 m de haut. Nous reprenons des forces au pied de la vénérable dame avant de repartir vers le fleuve Tapajos. Puis c’est bain, douche et la feijoada de notre chef que nous dégustons avec appétit… C’est un plat-repas à base de haricots rouges, viandes variées en ragout, bettes locales et quartiers d’orange. Nous reprenons notre navigation vers le lac Maraï en terres Mundurucus. Petite sieste bien méritée et nous nous retrouvons pour évoquer l’univers indien. Après le dîner, nous basculons dans un autre monde en répondant à l’invitation des Mundurucus et en assistant à leur rituel du feu, remerciements au dieu Tupa, maître de la nature. Une cérémonie envoûtante dans une nuit amazonienne de toute beauté bercée par les multiples voix du petit peuple de la forêt…
La forêt d’Igapo nous accueille ce matin. Nos guides sont de jeunes et beaux… Mundurucus. Nous glissons maintenant sur le lac Maraï.
Nous longeons d’abord la forêt. Seul le sommet des arbres sort de l’eau. Le niveau à cette époque de l’année est à peu près de 2 m plus haut qu’il n’est fin septembre. Quelques petites hirondelles à ailes blanches sont posées sur des souches. Des buissons sortent les diverses variations des conversations des anis à bec lisse. Finalement, nous pénétrons sous les branches ; s’ouvre devant nous le labyrhinte de troncs, épiphytes et feuillages variés. Au loin un singe hurleur s’exprime avec force… De petites silhouettes fantomatiques s’agitent.
Ce sont des petites chauves-souris à queue courte. Elles se rangent vite à l’abri sous une branche. Puis, les branchages balancent violemment et des craquements de branches se font entendre : c’est la fuite d’une petite famille de singes hurleurs… Nous allons suivre leur déplacement par en dessous. Ce qui est parfois un peu risqué… en cas de besoins naturels de ces derniers… Nous passons ainsi de secteurs forestiers en plans d’eaux tandis que les bruyants passages de petits perroquets en vol nous guident à droite ou à gauche… La tonalité en harmonies de verts ne nous quitte pas dans une atmosphère calme et régénératrice. Un beau moment !
De retour au bateau, l’artisan du village voisin est arrivé à bord et propose ses créations à base de graines et de bois tendre. Bien évidemment, toute tentative pour nous vendre des colifichets en plumes de perroquets est vouée à l’échec. Nous ne sommes pas là pour participer à la destruction de ce qui reste de l’extraordinaire biodiversité amazonienne… Nous naviguons maintenant vers Tauari. L’Amazon Dream entre dans un vaste complexe d’anses festonnées de forêt. Bientôt, un bateau sur la berge, une pirogue… Nous arrivons au village de Tauari. L’ambiance y est festive. Ce soir, c’est la fête de Santo Juan : musique, danses et pétards sont au programme… Nous nous amarrons là… temporairement… Petite relaxation et nous remontons le temps à l’époque du caoutchouc, celle de Fordland, Belleterra…
Les folies de Henry Ford et l’histoire des descendants des confédérés américains installés dans des fermes immenses dans la région de Santarem sont des sujets rarement évoqués quand on parle d’Amazonie… La fête se met en place… Nous embarquons pour nous « perdre » dans les méandres du « lago de Tauari ». La lumière est superbe. C’est l’heure du dernier repas, avant de regagner les dortoirs, pour les oiseaux et les singes hurleurs. À peine partis, surprise : un vol de grands aras rouges passe au-dessus des arbres. Nous suivons les circonvolutions arborées. Dans certains arbres, des fruits attirent les gourmands, notamment des petits perroquets à dos vert, tête bleue, sous-caudales rouges : des piones à tête bleue. Un peu plus loin, des toucans araçaris verts sont, eux aussi en plein dîner avec des tyrans, des pigeons et des paroares à tête rouge. En nous enfonçant plus encore, nous croisons des singes hurleurs, un ibis vert fort timide… Pour finir, le vol saccadé des engoulevents, dont la silhouette évoque les chauves-souris, nous accompagne sur le « chemin » du retour. Nous terminons cette belle journée par une chaleureuse soirée. Après le dîner, c’est l’heure du concours de danse entre les villages des environs. 5 villages sont représentés : danses traditionnelles comme le carimbo typiquement amazonien, des sortes de quadrilles, de la valse… des tenues très style cow-boys pour les paysans du sud du parc menés à la « baguette » par le sifflet péremptoire du maître de danse, les robes virevoltantes des danseuses de carimbo, le joyeux désordre des Mundurucus… Les figures et les ambiances se succèdent dans une joyeuse bonne humeur. Nous partons ancrer l’Amazon Dream un peu plus loin… pour une nuit paisible…
Nouvelle exploration de l’anse de Tauari, nous scrutons les berges à l’affût du moindre mouvement. Au début, c’est assez calme puis l’activité s’intensifie. Les tyrans sont nombreux, comme d’habitude. Des vols de perroquets passent régulièrement pour se poser dans des arbres portant des fruits. Un beau toucan ariel fait une apparition. Tangaras évêque au plumage bleuté, hérons triés pressés, toucans araçaris en pleine séance de séchage de la rosée de la nuit, une buse à gros bec à la chasse se succèdent. Un grand palmier buruti est chargé de fruits. C’est le palmier idéal… Ses fruits sont consommés par les villageois et la faune sauvage. Son tronc fournit du bois pour la construction. Et la fibre autour sert à faire des tissus. Avec les palmes, on fabrique des paniers et la couverture des toitures. Enfin, avec ses racines, on fait une décoction anti-inflammatoire. Glissant lentement dans l’anse suivante, nous profitons du ballet des hirondelles à tête blanche entre souches et vol au ras de l’eau dans laquelle tout se reflète. Des libellules profitent aussi des souches pour se poser. C’est magnifique ! Étrange milieu que celui des igapos, sous l’eau nous voyons les feuillages noyés. La végétation en ressortira indemne et reprendra son cycle végétatif hors de l’eau. En regagnant le bateau, nous faisons une petite halte au village de Tauari , de jour. Tout est redevenu paisible… Derrière l’église se trouve le cimetière du village. Un petit sentier nous mène au coeur de la partie habitée en longeant l’incontournable terrain de football. Tout est très propre. Les maisons de styles variés. Une construction ancienne dévoile sa structure de bois et de terre. Tout le reste est beaucoup plus moderne. Nous passons devant l’incontournable église évangéliste. D’un grand arbre pendent les nids de caciques cul-jaune.
Un des propriétaires des lieux nous a à l’oeil… Des yeux bleu très clair dans un beau plumage noir jais et évidemment un croupion d’un jaune éclatant. Très élégant ! Nous sommes attendus chez la cacique du village.
Elle nous reçoit chaleureusement. Toute sa petite famille est là et… un charmant petit singe Zog-Zog, un petit tamarin. Il aurait été récupéré après défrichage… Sa mère disparue… Il a été élevé au biberon et ainsi sauvé d’une mort certaine. Pour l’heure, il fait partie de cette maisonnée. La famille fabrique de la liqueur d’açaï qu’il nous est gentiment proposé de goûter. Nous regagnons le bord pour le déjeuner. L’Amazon Dream continue sa navigation sur le fleuve Tapajos, qui fait là 25 à 30 km de largeur, vers Vista Alegre do Capixaua.
C’est un village de 246 habitants situé sur l’anse ou « lago » Capixaua. En fonction de la saison, entre basses eaux et hautes eaux, comme maintenant, on passe de 80 cm à 6 m de profondeur… Ce secteur appartient à la réserve extractiviste Arapiuns. Le territoire a été établi en accord avec l’État fédéral et l’institut Chico Mendes fin 2003-début 2004. Des villages ont été déplacés hors de la réserve pour ne conserver en son sein que les villages des natifs au bord du fleuve Tapajos. L’idée est un fonctionnement des activités humaines avec une extraction sans impact négatif sur le milieu naturel. L’exportation du bois y est interdite. L’économie locale fonctionne sur le manioc et l’açaï, une pêche réglementée et une chasse pour la consommation locale uniquement. Le projet devait se poursuivre avec un développement de l’écotourisme et de l’agroforesterie.
Mais la seconde étape promise tarde toujours à venir… Alors, les alternatives d’activités les poussent vers les villes où le travail dans les gigantesques fermes d’élevage de 5, 10, 15 000 ha qui sont responsables d’une terrible déforestation… Dans le cas de Vista Alegre, la situation est différente, car c’est le plus gros producteur artisanal de farine de manioc et qu’il profite d’une forme d’écotourisme privée avec le passage régulier de l’Amazon Dream qui soutient le développement culturel et économique de la petite communauté. Ce soir, nous les rencontrons pour un petit spectacle puis nous faisons une étude approfondie du ciel amazonien. Une belle soirée !
Cours complet de préparation de la farine de manioc au programme de notre sortie de ce matin… C’est Carlos, l’ancien cacique du village de Vista Alegre qui fait la démonstration avec une partie de sa famille. Ici, la vie est très communautaire et chaque famille doit 2 jours par semaine au village : nettoyage de l’église, pêche pour le village ou préparation de manioc vendu par le village… Étrange habitude, en fait, dans ces régions où la base alimentaire est un tubercule toxique. En effet, les tubercules de manioc dit amer, le plus consommé en Amazonie, sont riches en acide cyanhydrique… Mais la culture du manioc demande peu de soins. En 8 mois, la branchette mise en terre porte de beaux tubercules. Ces tubercules sont grattés puis râpés. On mélange le manioc fraîchement râpé avec le même produit qui a déjà trempé pendant 2 ou 3 jours dans l’eau pour l’adoucir. Le mélange est glissé dans le tipiti, un long « tube » de feuillage de palmes tressé.
Il est accroché et un système de contrepoids le resserre. Il s’en écoule le fameux liquide jaune mortel en l’état. Ce jus s’appelle le tucupi. Longuement cuit (4 à 6 heures), il devient une sauce jaune très prisée dans la cuisine locale. On peut y ajouter du piment… Tamisé, le contenu du tipiti est cuit sur une plaque métallique sous laquelle un bon feu crépite. Il perd peu à peu sa toxicité. La cuisson est terminée après une quarantaine de minutes en étant régulièrement remuée, la « farinha » est prête et c’est vraiment la nourriture de base de toute l’Amazonie. Mise en sac, elle peut se conserver 1 à 2 ans. La farine de manioc de Vista Alegre est réputée dans tout le Brésil. Mais on en tire aussi un autre produit. En effet, on peut aussi verser de l’eau sur le manioc frais sorti du tipiti et récupérer le jus qui en sort en pressant le mélange. Mis dans une grande bassine et laissé à reposer plusieurs jours, une sorte de fécule blanche se dépose au fond. L’eau est retirée et la bassine est mise en plein soleil. Une espèce de grosse galette s’est formée au fond. Émiettée, elle est torréfiée au four. Cela donne… le tapioca. Nous quittons la « maison de la farine » communautaire. Il existe une autre sorte de manioc : le manioc doux. Celui-là ne contient pas de substances nocives. Il est utilisé pour faire des pâtisseries souvent associées à la noix de coco. Nous continuons la visite du village. Aujourd’hui, Le Brésil joue… Pas un chat à l’extérieur, l’hymne national brésilien sort de toutes les maisons… Nous passons par la petite église Notre-Dame de Lourdes. Rien à voir avec le Lourdes pyrénéen, mais avec la première femme habitant là : Lourdès… Un urubu garde l’église… Généralement, on construisait d’abord la façade puis l’arrière… Il n’y avait qu’une paillote puis, beaucoup plus tard, se faisait la construction en dur de l’ensemble. Nous continuons vers l’école.
C’est l’heure de l’encas du matin : tapioca/banane. Dans une belle bibliothèque, des quantités de livres… Ils font partie de l’opération « Une forêt de livres », montée et financée par l’Amazon Dream et l’association des diplômés de l’école de management de Louvain. Ainsi, 1000 livres ont été donnés à Vista Alegre, 500 à Urucurea… Une classe nous chante l’air du manioc. Ils sont bien rigolos, tous ces petits écoliers concentrés. Nous continuons vers la maison où sont élevés des pirarucus, les énormes poissons carnivores dont le poids peut aller jusqu’à 250 kg… Ils sont encore petits… Nos marins sont tous assemblés dans une maison à suivre le sacro-saint match de foot… Nous jetons un oeil, tout le monde est un peu morose… pas de but… Nous poursuivons notre chemin vers la forêt. Nous croisons la route de fourmis attas, en plein transport de morceaux de feuilles pour alimenter leur champignonnière… Des travailleuses de force !
Finalement, nous arrivons à une forêt d’igarapé, dont toute la partie basse est noyée par une source permanente qui se combine à la crue du Tapajos pour créer un milieu vraiment extraordinaire. Une bien belle et étrange traversée… Notre navigation suivante nous amène à Alter de Chao, LA station balnéaire du Tapajos, réputée pour ses sublimes plages de sable blanc style caraïbes… Pour nous, c’est le retour progressif à la civilisation sur un air de carimbo… Dernière navigation de la journée et nous voici revenus à Santarem, la boucle est bouclée…
Fin de notre belle croisière, nous retraversons le fleuve Tapajos au petit jour pour gagner la rive sur laquelle la ville de Santarem est bâtie. Nous quittons à regret notre charmant Amazon Dream et son chaleureux équipage. La navette nous dépose directement au marché aux poissons. Nous sommes samedi et de bonne heure. C’est le moment pour assister à une folle effervescence. Pêcheurs portant leurs poissons sur la tête, poissonniers en pleine préparation de leur étal et clients attentifs se mêlent. Karim achète des poissons-chats pour attirer les dauphins roses. 7 botos de belle taille évoluent devant nous pour le plus grand plaisir des photographes. Ils sont si redoutablement difficiles à immortaliser d’habitude… Le marché permet d’appréhender l’incroyable richesse des eaux amazoniennes. Sur le quai, des bananes de toutes tailles et état de maturité sont transportées, vendues, achetées. Et quelques marchands ambulants sacrifient au culte du football en vendant drapeaux, chapeaux, sifflets… Toute la panoplie du parfait supporteur de l’équipe du Brésil ! Près du port « fleurissent » les échoppes multiproduits. On y trouve de tout pour les habitants des petits villages environnants qui viennent s’y approvisionner : machettes, hamacs, épicerie, petits cadeaux pour anniversaires, pièces pour moteur, chapelets… Puis, c’est le hall des poissons de luxe : les plus beaux pirarucus et tucunarés… Derrière, on se presse autour des produits de la pharmacopée locale, si riche. Il y a là de quoi guérir tous les maux du corps et de l’âme, dit-on… Enfin, les fruits apportent une débauche de parfums et de couleurs : orange du tapereba, brun du cupuacu, rouge des guaranas, tarabiscoté et vert des piribas… Les noix du Brésil sont vendues sous toutes sortes de formes… Nous reprenons le minibus pour gagner le plein centre : la petite place de la cathédrale. Couverte d’échoppes de marchands de hamacs, elle est haute en couleurs. La suite de notre découverte amazonienne se déroulant à Belem, nous voici à l’aéroport pour le vol transamazonien. L’Amazone largement sorti de son lit est vraiment impressionnant… Une heure plus tard, nous sommes à Belem.
Ruth nous attend avec un grand sourire, direction le port où les anciens entrepôts de l’époque du boom du caoutchouc ont été transformés en salle de spectacles et une quantité de petits restaurants. C’est là que nous déjeunons. Nous sommes face à la baie de Guajara, à 120 kilomètres de l’Atlantique, l’Amazone à 50 kilomètres. Près des docks se trouve le beau bâtiment de l’administration du port et la carcasse de ce qu’il reste de l’hôtel des impôts qui a brûlé sur ses 8 étages, complètement accidentellement… Nous traversons la ville des manguiers vers le jardin botanique « Bosque Rodrigues Alves ». Ce parc existe depuis le XIXe siècle et 1600 arbres différents y sont recensés. On y trouve un certain nombre d’animaux : tortues, une femelle lamantin, des agoutis, singes-écureuils, paresseux et une belle collection d’oiseaux : ibis rouge, aras bleus, aras choloptère, aras macaus… Nous profitons de la proximité de cette faune libre dans le parc et pour la plupart sauvés du braconnage. Un fléau très lucratif… Notre soirée se termine dans un restaurant bien agréable dans le parc Mangal das Garças.
Nous sommes dimanche, jour de la fête du boeuf à Belem. La ville est très animée. Notre découverte commence par la place de la République.
À l’emplacement d’un ancien cimetière, on trouve aujourd’hui la place et un certain nombre de constructions : le premier bar de la ville, officiellement ouvert en 1904, de jolis kiosques à musique, l’ancienne chambre de commerce, en rose et surtout le théâtre de la paix. En ce jour de fête, la tenue est constituée d’un t-shirt bleu et d’un chapeau à longs rubans de couleur. Tout autour de la place, on est venu parfois de loin : après 5, 8 heures de bateau… pour vendre toutes sortes de choses. Cela va de vêtements pour chiens, en passant par de jolis petits objets d’artisanat jusqu’aux souvenirs du plus mauvais goût… Puis nous nous dirigeons vers le marché Ver-O-Peso.
Il est divisé par spécialités : t-shirts, restaurants, artisanat, fruits, boissons à base de pulpe de fruits, pharmacopée traditionnelle, viande, poissons… Dans les petits restaurants, 24h sur 24, on peut venir manger. La spécialité est le poisson et l’açaï associé à la farine de manioc. Le tout consommé sans le mélanger dans l’assiette. Tout un art… Du côté des fruits, la variété ne manque pas. Les fruits locaux catalogués sont au nombre de 155… On prépare avec dextérité les noix du Brésil. Mangues, avocats, corossol, cacao, jambu, noix de coco… Les noix du Brésil fraîches peuvent se conserver 3 jours. Déshydratées, elles résistent plus longtemps. Elles sont riches en sélénium. En manger 3 par jour est excellent pour la santé. L’avocat est ici consommé en dessert avec du lait concentré…
L’artisanat tourne autour de nombreux produits naturels : éventails en patchouli, colliers et bracelets en graines variées, coque de coco… objets en balsa au bois clair ou en jarina (l’ivoire végétal)… Le marché de la viande se tient dans un bâtiment aux structures métalliques qui date de 1910. Puis la pharmacopée locale est expliquée dans le vieux Belem, hors des comptoirs mercantiles du port. L’huile d’Andiroba est souveraine : pour les maux de gorge, une cuillère à café d’huile mélangée à 2 cuillères à café de miel. Pour la sinusite : on met une goutte dans chaque narine, on garde 2 minutes et on rince à l’eau (c’est violent…). Bon anti-inflammatoire, l’huile d’andiroba soulage arthrite, arthrose… C’est un répulsif. Et une chercheuse a mis en évidence ses vertus antibiotiques. Bref, rien ne vaut un massage à l’huile d’andiroba. Celle de copaïba est cicatrisante. La coque de noix du Brésil, remplie d’eau pendant 24h, donne une eau rouge qui combat l’anémie et l’hépatite A. Le mélange argile + oignons, appliqué pendant 15 minutes sur des articulations douloureuses, les soulageraient.
Nous passons le célèbre bâtiment de la criée au poisson, le port de pêche, pour nous diriger vers la cathédrale. Dédiée à Notre Dame de Belem et non Notre Dame de Nazaré (la sainte patronne de l’Amazonie). La fête de Nazaré donne lieu à une grande procession de 4 kilomètres le deuxième dimanche d’octobre. L’année dernière, 2 millions de personnes y ont participé… En ce dimanche très animé, des familles sortent manifestement de cérémonies de baptême. Ici, des mariages et baptêmes collectifs sont organisés. Il faut compter 3000 réals pour l’église. Alors, les familles nécessiteuses se regroupent et c’est la communauté qui offre le montant. On procède de la même manière pour les mariages. Enfin, après nous être rafraîchis d’eau de coco, nous pénétrons dans la forteresse. Cela permet d’aborder le tout début de l’histoire indienne, de remonter à – 9000 ans… Ruth nous parle des rites funéraires des tribus Topinambas, des Mundurucus, des cultures Tapajonica… Après un déjeuner dans un beau parc, nous rentrons à la Quinta das Pedra. Puis, c’est le départ vers l’aéroport, un agréable restaurant sur la route de l’aéroport et enfin le vol Belem – Lisbnne. Bon retour à tout le monde ou bonne continuation sous les cieux brésiliens !
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Superbe récit Marianne, on s’y croirait et on en rêve!