Xavier Allard
Arctique
21 janvier
28 janvier 2018
À bord du Polaris du 21 au 28 janvier 2018
Xavier Allard
Arctique
Aujourd’hui est un jour très spécial à Tromsø, le jour où le soleil perce à nouveau l’horizon de paysages plongés dans la nuit polaire depuis un mois et demi, et celui où nous rencontrons nos compagnons de voyage pour une semaine dans les fjords de la région.
Comme l’arrivée des passagers s’échelonne durant la soirée, nous partons successivement à pieds en petits groupes vers les hauteurs de Tromsøya, à travers le centre-ville en passant par la place de la cathédrale jusqu’au bord du lac gelé Prestvannet (tout proche d’un observatoire astronomique, ce n’est pas un hasard) afin d’échapper aux éclairages urbains qui contraignent nos observations d’aurores boréales. Même si plusieurs d’entre nous auraient préféré se reposer d’un long voyage depuis la France ou la Suisse, aucun ne regrette d’avoir fait l’effort d’affronter le froid car la magie des aurores vertes et pourpres ondoyantes est bien au rendez-vous ce soir.
La météo risquant de se dégrader durant la semaine, nous quittons le port de Tromsø dès ce matin 6h à la recherche de mammifères marins.
Durant les premiers miles de la journée, le jour se lève ainsi doucement sur Sommarøy, un archipel bordé de plages sableuses qui donnent aux eaux environnantes des teintes turquoises. Nous poursuivons ensuite une belle navigation entre les reliefs de Tussøya et Sessøya, dans l’Ersfjord, jusque dans une baie à l’est de Kaldfjord, mais sans apercevoir le moindre souffle ou aileron. Dès 14h30, la nuit s’apprêtant à tomber, nous décidons de débarquer en zodiacs à Bellvika pour nous dégourdir les jambes, prendre un peu de hauteur sur les fjords et profiter de la lumière évanescente.
Au retour de cette balade crépusculaire, Xavier propose la première conférence de la semaine dédiée à la Norvège, son histoire géologique, ses paysages, sa population et plus encore. Nous prenons ensuite, entre deux observations d’aurores boréales, un apéritif de bienvenue avec nos guides et l’équipage au complet. Entre constellations, croissant de lune et aurores, les férus d’astronomie sont aux au 7e ciel.
Deuxième journée de navigation, pour trouver orques et baleines à bosses qui se nourrissent ici sur les grands bancs de harengs, nous faisons le pari de rejoindre les bateaux de pêche un peu au large des côtes de Kvaløya (« l’île aux baleines »). Nous observons des nuées d’oiseaux collés aux navires, mais aucun orque n’est parmi eux.
Un peu avant midi, les sommets du continent, inondés de lumières chaudes, laissent penser que nous pourrons bientôt apercevoir le soleil. Tout le monde est sur le pont, aux aguets. Et soudain, il perce l’horizon pour notre plus grand plaisir ! La veille se poursuit jusqu’aux dernières lueurs du jour à travers Grøtøysundet, Bårdsetsundet, Helgøysundet et Vannsudet, mais nous restons bredouille. Le Polaris fait alors escale près de Kalsøya, où nous marchons jusqu’à atteindre un point de vue sur les Alpes de Lyngen. Nous évoluons à la lumière de nos lampes frontales et d’une lune bienveillante.
A 17h30, Anaïd nous introduit au joik, un chant traditionnel Sami, toujours très vivant dans le nord de la Norvège. Chanter un joik est une façon de rendre présent la personne, le lieu ou encore l’animal qu’il incarne. Pratiqué autrefois durant les transes chamaniques et notamment par les éleveurs de rennes, il est aujourd’hui porté sur scène et s’inscrit dans la World Music.
Nous arrivons pendant le dîner à Havnnes, au sud d’Uløya, d’où nous partirons le lendemain pour une balade en raquettes. Pour l’heure, nous marchons jusqu’aux séchoirs à morues où une petite terrasse surplombant la plage permet de poser nos trépieds en attendant le spectacle des aurores. Malgré la motivation générale jusque tard, le ciel reste voilé et ne laisse voir ce soir aucune étoile.
Après une nuit calme passée à quai, nous consacrons cette journée, trop venteuse pour explorer les fjords alentours dans de bonnes conditions, à la découverte d’Havnnes, petit port et village datant de 1800 car volontairement épargné par les Allemands lorsqu’ils quittèrent les lieux après la guerre.
Après un copieux petit déjeuner, bien couverts et munis de bâtons, nous nous élançons dans les pas de nos guides vers les hauteurs d’Uløya. Alors que le vent de la côte est glaçant, bouleaux et conifères nous offrent un bon abri. La présence d’élans nous est signalée par de nombreuses traces, facilement reconnaissables, la taille des bourgeons dont ils se nourrissent à cette période de l’année, et même les empreintes d’individus ayant passé la nuit recroquevillés dans un creux. Mais si les élans sont présents, ils restent particulièrement craintifs et difficilement visibles car chassés pour leur viande. Nous faisons une pause dans une clairière donnant une vue imprenable sur les Alpes de Lyngen, autour d’un verre de vin chaud accueilli avec plaisir.
L’activité de pêche et de séchage des poissons (morue, hareng, brosme et bien d’autres) est encore menée à Havnnes par une compagnie familiale Johs H. Giæver, du nom de son fondateur en 1868. Les employés de la pêcherie, bien qu’occupés à trier les poissons, nous ouvrent les portes de leur atelier et répondent volontiers à nos questions. Nous faisons également un arrêt au musée/bistrot/salle communale, où photos en noir et blanc, objets et effets personnels anciens, et odeurs de bois rappellent la richesse historique des lieux.
Après moult croisement d’informations et discussions entre l’équipage et nos guides, nous quittons Havnnes ainsi que cette région du Troms à 17h, en direction d’Andenes : 14h de navigation seront nécessaires pour rejoindre cette pointe située encore plus au sud de Sommarøy. Nous espérons y retrouver les orques qui, étant donné la difficulté des dernières observations, auraient pu entamer leur migration vers le sud plus tôt que les années précédentes.
Avant le repas, Xavier, en écho à notre marche dans une neige de texture très variable, nous parle du devenir des flocons de neige dont les formes fascinent tant. Il s’attarde également sur la formation des aurores boréales, levant une part de mystère sur ces phénomènes. Puis Anaïd nous rappelle à une dose de magie, en racontant les diverses interprétations de ces lumières dansantes à travers le monde circumpolaire : selon la tradition Finlandaise et Sami, elles sont causées par la course d’un renard dans les montagnes enneigées et dont la queue projette de la neige dans le ciel. D’autres finlandais y voient la réflexion des écailles de poissons, innombrables dans les eaux Arctiques.
Malgré une navigation de nuit qui s’annonce agitée, nous veillerons aux aurores, profitant d’un ciel partiellement dégagé.
Nous nous réveillons ce matin loin de là où nous nous sommes endormis. Benoit, Antoine et Alvard ont tenu la barre toute la nuit pour nous amener jusqu’à Andenes, où nous espérons croiser des mammifères marins. Il n’y a pas grand monde au petit déjeuner car la veille aux aurores a été longue hier soir. Le spectacle a commencé un peu avant minuit en passant par Tromsøysundet, lorsque le ciel a commencé à montrer des signes d’activité. Nous avons ainsi pu observer des arcs se développer au-dessus de la ville illuminée. Le mélange de voiles nuageux, lune flamboyante, étoiles, aurores et lumières urbaines donne de nouveaux défis aux photographes, et des résultats inattendus ! Une comète, tombée au bon moment durant un pic d’activité, a même laissé son empreinte sur une photo.
Mais nous naviguons pour l’heure dans des eaux plutôt agitées qui ne facilitent pas les observations. Persévérants, nos guides nous signalent durant la matinée la présence de plusieurs cachalots. Jusqu’à six individus sont visibles simultanément et s’offrent calmement à nos objectifs, restant en surface durant plusieurs minutes avant de sonder pour de longues plongées. Les cachalots étant spécialistes des plongées profondes (jusqu’à 90 min et 3000 m), à la recherche notamment des légendaires calmars géants, il n’est pas étonnant d’en rencontrer dans cette zone car une fosse de plus de 1000 m s’étend sous la coque du Polaris. Les orques, quant à eux, restent absents à l’appel.
Lorsque le soleil se couche sur les montagnes de la presqu’île, Anaïd nous donne une conférence sur les cétacés, les cachalots et les orques de la région. Puis Xavier nous présente la mythologie nordique, avec l’arbre Iggdrasil, le Valhalla ou encore le Ragnarok. L’un des passagers, Jacques, nous fait un petit exposé sur le réchauffement climatique, pendant que nous prenons un apéritif.
Pendant ce temps, le Polaris fait route de retour vers Tromsø, d’où nous partirons demain matin pour pêcher sous la glace en compagnie de Gunnar.
Réveil au quai à bord du Polaris, nous partons ce matin pour une initiation à la pêche sous la glace, en compagnie de Gunnar. Il nous conduit jusqu’à Ringvassøya, une vallée située à environ 70 km de Tromsø et où s’étend un réseau de sept lacs réputé pour leurs eaux poissonneuses.
Sur le chemin, nous croisons aigles marins, rennes, et même une femelle élan et son petit ! Arrivés sur place, nous chaussons des raquettes pour aller jusqu’au lac choisi pour notre activité. Gunnar nous montre comment forer un trou à l’aide de la tarière, comment préparer et utiliser les mini cannes à pêches, et nous conseille d’être patients. Comme Xavier et Anaïd sont les premiers à attraper des truites, le bruit court qu’il s’agit d’un coup monté ! Mais nous finissons par pêcher six poissons, que Gunnar prépare et fait griller sur un feu de bois. Nous sommes fascinés par ses gestes et sa capacités à travailler sans gants par -15°C.
Au retour, nous apercevons quelques dauphins depuis la route. Puis, après une pause crêpes des plus réconfortantes (merci à Hervé, notre cuistot si prévenant), nous filons vers le centre de la ville pour écumer quelques boutiques et voir quelques coins incontournables (cathédrale en bois debout, vieux port…). Chacun suit ses envies et sa route, mais nous nous donnons rendez-vous à Ølhallen, bar de la brasserie Mack, la plus septentrionale au monde.
Nous retournons au bateau pour dîner, puis nous partons en taxi vers la cathédrale Arctique, et le téléphérique qui nous emmène sur Storsteinen, 359 m au-dessus des lumières de Tromsø. Le panorama est magique et quelques timides aurores boréales s’y mêlent. Ce petit bout d’île nous semble désormais familier.
Nouvelle et dernière journée à terre. Nous partons à 9h pour le camp Tamok, situé du côté de Lyngenfjorden, où certains d’entre nous feront une balade sur des motoneiges et les autres sur un traineau tiré par des rennes. Nous perdons pas mal de degrés en arrivant au camp où il fait jusqu’à -35°C !
Les uns s’équipent de casques et de combinaisons, pour un parcours motorisé plutôt sportif : nous remontons la vallée le long d’un col jusqu’à 600 m d’altitude, et traversons un lac gelé à 75 km/h. Pour les autres, l’atmosphère est à la détente et à la contemplation des montagnes qui nous entourent. Parmi les éléments clés de la culture Samis, dont Anaïd nous a parlé il y a quelques jours, nous retrouvons le gákti, vêtement traditionnel encore porté lors d’événements particuliers ou le Lavvo, tente servant de refuge lors de la migration des troupeaux de rennes.
Un repas chaud nous est ensuite servi dans une grande tente : potée de pommes de terre, carottes et viande de renne, suivie des traditionnelles lefse, sortes de crêpes fourrées au beurre, sucre, cannelle et fromage brun norvégien (brunost).
Au retour, Alvard nous propose une visite guidée des machines où Antoine et Benoit sont occupés à travailler sur le moteur. Même si le jargon de mécanique laisse certains d’entre nous perplexes, c’est une découverte fascinante pour tous.
Entre l’apéritif d’au revoir accompagné d’un panorama photo préparé par Xavier, et le dîner, nos guides nous ont réservé une surprise : nous marchons jusqu’à la maison de la culture pour assister au concert Orchestral Joik Project, présenté dans le cadre d’un festival de musique organisé cette semaine et du 50e anniversaire de l’Université de Tromsø. Il s’agit d’un projet collaboratif entre plusieurs artistes Samis, chanteurs de joikers, dont Mari Boine et Frode Fjellheim qui sont de renommée internationale, et l’orchestre philharmonique Arctique. Et quelle belle surprise, quelle atmosphère, quel mélange d’émotions dans la salle ! Tout le monde ressort du concert littéralement sous le charme.
De retour au bateau, la préparation des bagages nous rappelle que le voyage touche bientôt à sa fin. Le ton est aux remerciements, aux souvenirs partagés, aux échanges d’adresses et de photos.
Après une semaine de voyage, nous quittons le Polaris vers 9h en compagnie de nos guides. Bien que la mer ait gardé ses secrets, le ciel nous a gâtés de magnifiques aurores. Nous nous envolons vers Paris et Genève, la tête pleine de beaux souvenirs.
Suivez nos voyages en cours, grâce aux carnets de voyages rédigés par nos guides.
Messages
Super commentaire. Merci, surtout pour les noms de lieux pas retenus.
Attends lien pour les photos et carte de parcours.
Meilleures salutations.
Yolande & Charles Perret – Nikles