Fabrice Capber
Guide Polaire
20 juin
24 juin 2021
Fabrice Capber
Guide Polaire
Le feu, la glace, la mer sont autant de couleurs figées dans le drapeau de ce beau pays que nous allons découvrir, souvent un rêve de longue date pour beaucoup d’entre nous. Nous sommes ravis d’être arrivés après tant de mois de privations en raison de cette terrible pandémie qui aura marqué les esprits. Le volcan nous a fait un premier clin d’œil au moment de l’atterrissage nous offrant son panache comme message de bienvenue. Nous rencontrons nos guides Nathanaël et Fabrice à la sortie de l’aéroport de Keflavik. Le parcourt du combattant sanitaire n’est cependant pas encore terminé. Après un test PCR avant notre départ, il aura encore fallu subir ce supplice une deuxième fois en quelques jours. Les résultats sont tombés dans la soirée, nous sommes négatifs et désormais tous libres d’entamer le séjour. Il faut bien comprendre que l’Islande est une île qui doit continuellement se protéger contre l’introduction de toute maladie humaine ou animale, et pas seulement la Covid-19, une île qui garde le souvenir sombre d’épidémies de peste noire et de variole qui ont marqué son histoire millénaire. Pendant la route vers Reykjavik où se trouve notre hôtel, Nathanaël nous avait donné un aperçu de ce qui nous attend au cours de ce séjour qui promet de nous faire vivre du très froid et du très chaud.
Chouette c’est l’été en ce 21 juin, mais c’est l’été en Islande située juste sous le cercle polaire… modérons notre joie. En effet, il ne fait pas très beau ni chaud mais nous sommes là pour le volcan, alors allons-y ! En ce solstice d’été, le « jour le plus long de l’année » prend toute sa signification avec plus de 21h de lumière à Reykjavik qui compenseront le ciel gris. Nous n’avons pas beaucoup de route à parcourir car il se trouve que l’éruption se produit sur la péninsule de Reykjanes (qui signifie péninsule des fumées) non loin de l’aéroport de Keflavik. Le panache du volcan est également visible depuis la capitale islandaise. C’est dans la vallée de Geldingadalur qu’une première coulée de lave a jailli le 19 mars après 800 ans de calme sur les flancs de la « montagne de la belle vallée » ou Fagradalsfjall. Avec 200 volcans actifs et une éruption tous les 4 à 5 ans, l’Islande est le « paradis des vulcanologues » selon les dires des célèbres vulcanologues alsaciens Maurice et Katia Krafft qui se rendaient
régulièrement en ces terres incandescentes avant de rejoindre pour toujours un autre paradis il y a tout juste 30 ans. Les volcans sont dangereux, nous en tiendrons compte pendant notre séjour. Mais avant d’atteindre le site nous faisons plusieurs haltes en route. Tout d’abord sur les rives du lac Kleifarvatn, un lac d’origine naturelle de toute beauté.
Ce lac s’est partiellement vidé en 2000 suite à un tremblement de terre qui a ouvert des fissures dans lesquelles ses eaux se sont engouffrées. Plus loin nous découvrons la solfatare de Seltún, encore un paysage volcanique différent avec ces marmites de boues chaudes et ces fumerolles soufrées démontrant s’il en était encore besoin, la grande diversité de ce que le volcanisme peut nous offrir. La variété des couleurs que nous observons correspond aux différents minéraux (soufre, gypse, hématite, etc.) arrachés aux profondeurs de la terre et déposés en surface par les remontées de gaz et d’eaux chauds.
Enfin, nous approchons de la zone éruptive. Malgré la pluie froide et le vent nous avançons vaillamment tel le petit cheval – islandais – dans le mauvais temps pour atteindre au bout de 45 minutes le champ de lave. Nous ne pourrons pas monter plus haut aujourd’hui pour observer le volcan, les conditions sont trop difficiles. Mais quel spectacle que cette gigantesque coulée de lave de laquelle s’échappe continuellement de la vapeur d’eau. C’est l’eau de pluie qui s’évapore instantanément au contact de la lave durcie encore brûlante. On se croirait dans un autre monde, c’est irréel. Nous restons cependant vigilants car si ce type d’éruptions ne paraît pas dangereux, les gaz produits le sont, eux.
Des bénévoles contrôlent régulièrement les émissions toxiques afin d’éloigner les badauds si besoin. Nous assistons au résultat d’une éruption fissurale de type rouge dite effusive. La lave fluide émane des profondeurs à partir de plusieurs fissures apparues successivement et mesurant plusieurs centaines de mètres de long. Nous observons la naissance d’un volcan, jour après jour des cônes de scories prennent forme, les vallées alentour se remplissent, après Geldingadalur c’est au tour de Meradalir. On imagine facilement comment toute l’Islande est née grâce aux montées de magma provenant de la dorsale médio-atlantique et du point chaud à partir desquels ce jeune pays s’est formé il y a seulement 15 à 20 millions d’années. Être témoin de l’apparition de nouvelles terres est très émouvant. Le champ de lave qui a totalement envahi la vallée sous nos pieds est incroyable. Nous devons cependant écourter notre randonnée, nous sommes trempés et il fait froid. Nous reprenons le bus et nous dirigeons vers le port du village de pêcheurs de Grindavik pour pique-niquer à bord au sec et au chaud. En guise de réconfort, nous dégustons en dessert du skyr, sorte de fromage blanc très épais, surtout très islandais. Mais il est déjà temps de partir. En route, nous faisons un arrêt à Brimketill pour y admirer les falaises de basalte noir sur lesquelles la tempête fait rage.
Les embruns nous arrosent mais le spectacle de cette nature sauvage en vaut la peine. Nous retournons au bus à nouveau mouillés mais hilares comme des gamins sortant d’une aire de jeux aquatiques. Puis, nous partons en direction du Lagon Bleu afin de profiter des spectaculaires eaux chaudes de ce lac artificiel dont les eaux proviennent de la centrale géothermique de Svartsengi. Nous n’en avons donc pas encore terminé avec l’eau. La randonnée écourtée nous permet de passer plus de temps dans ces eaux à près de 40°C et d’en tirer un maximum de bien-être. Ce sont des cyanobactéries, mais aussi les cristaux de silicate présents en abondance qui donnent cette couleur incroyable à ces eaux par le miracle des lois de l’optique qui réfléchissent la lumière du soleil dans ces longueurs d’onde bleutées. Nous profitons de ce début de soirée avec une collation et une trempette aux allures de cure thermale. Après une journée humide à tout point de vue, nous avons amplement mérité le délicieux dîner servi au restaurant Viking dans le plus pur style scandinave, et ce fut la seule activité sèche de la journée. Un premier jour d’été banal en Islande !
Nous partons découvrir d’autres merveilles de la nature que l’Islande sait offrir, le tout teinté d’un peu d’histoire. Nous débutons la journée par un voyage au centre de la Terre ! En effet, nous visitons le tunnel de lave de Raufarhólshellir afin de parfaire nos connaissances de vulcanologues en herbe. Ce tunnel coloré de plus d’un kilomètre de long est un plaisir pour les yeux et certainement un paradis pour le géologue averti. En tout cas, nous profitons d’une balade troglodyte peu commune. Nous apprenons avec étonnement qu’une « bactérie des grottes » comme la dénomme les scientifiques islandais, vit et se nourrit de cette roche volcanique.
Nous nous dirigeons ensuite vers un secteur touristique dénommé le « cercle d’or » où nous visitons respectivement trois sites géologiques incontournables de l’Islande. Nous sommes en terre volcanique, et une autre manifestation spectaculaire du volcanisme est constituée par les champs de geysers, comme celui de Geysir. Les geysers naissent et meurent, c’est le cas du geyser Geysir qui a donné son nom au site et au phénomène lui-même avant de s’éteindre en 2000 suite à un tremblement de terre. C’est le geyser Strokkur qui se donne en spectacle désormais. Les explosions de bulles de gaz géantes bleutées projetant dans les airs des jets d’eaux chaudes à 30 m de haut sont saisissantes. Encore une belle image du volcanisme islandais en incessante mutation. Nous continuons notre périple vers les chutes d’eau de Gullfoss, deux magnifiques chutes de 30 et 70 mètres de haut offrant un spectacle qui n’est pas sans rappeler d’autres splendeurs de la nature telles les chutes du Niagara ou les chutes Victoria avec lesquelles elles rivalisent.
On ne se lasse pas de regarder s’écouler ces flots continuels dans cet environnement sauvage surtout lorsque le soleil réapparait un tantinet et couronne la scène d’un bel arc-en-ciel. Nous nous rendons ensuite sur le site de Thingvellir. C’est ici que la première assemblée législative islandaise dénommée Althing s’est réunie en l’an 930, soit 56 ans à peine après la colonisation pérenne de l’île par le viking Ingólfur Arnarson. Le premier parlement du monde venait de naître ! Tous les mois de juin la session du parlement était ouverte, les participants venaient de tout le pays pour y assister. Plus ils venaient de loin, plus leur voix comptait. Mais l’Islande n’en n’est pas restée là pour les premières. C’est dans ce pays ou la question du genre n’existe pour ainsi dire pas que Vigdis Finnbogadottir fut la première femme au monde à être élue et réélue présidente quatre fois d’affilé en 1980. L’Islande est sans conteste un pays avant-gardiste ! Mais revenons à Thingvellir qui a été choisi comme siège du parlement en raison de sa géologie offrant un piédestal naturel à l’orateur qui depuis une plateforme rocheuse (le rocher de la loi) pouvait dominer l’assemblée et se faire entendre de tous. Mais un autre aspect géologique de premier ordre est observable sur le site : le rift créé par l’écartement de la plaque nord-américaine et de la plaque eurasienne de part et d’autre de la dorsale médio-atlantique.
Nous marchons dans les fissures géantes provoquées par l’éloignement de ces deux plaques tectoniques, une balade unique au monde ! Devant nous s’étalent les plaines et le lac de Thingvellir, le plus grand lac naturel du pays alimenté par les eaux de fonte du glacier Langjökull. Un paysage époustouflant. Pour finir cette journée, c’est dans le joli village d’Eyrarbakki en bord de mer sous un ciel bleu que nous dînons juste à côté d’une charmante petite église autour de langoustines locales excellemment cuisinées par le restaurant Rauda Húsid (la maison rouge).
Matinée « sensations » sous un ciel sans nuages au cours de laquelle certains ont choisi de faire une escapade en mer à la recherche de macareux moines ou de baleines, alors que d’autres ont opté pour une option plus aérienne pour revoir le volcan : l’hélicoptère. Le macareux moine est l’une des quatre espèces de macareux reconnues mais la seule présente en Islande qui héberge la moitié de la population mondiale, soit environ trois millions d’individus. Quant aux baleines, plusieurs espèces sont visibles dans les eaux aux portes de Reykjavik. La baleine de Minke (ou petit rorqual), la baleine à bosse (ou mégaptère), mais aussi le rorqual commun, le rorqual boréal ou la baleine bleue si la chance est au rendez-vous. Aujourd’hui, c’est une baleine à bosse qui a fait le show. L’Islande est l’un des trois derniers pays à chasser la baleine avec la Norvège et le Japon, mais la bonne nouvelle est que cela devient de moins en moins populaire et que l’observation touristique est entrain de sauver les cétacés car il est tout simplement plus intéressant économiquement de voir des baleines évoluer dans leur environnement naturel que découpées en morceaux dans une assiette de restaurant ! Quant aux vols en hélicoptère, ils ont permis de véritablement se rendre compte de la puissance du volcan Fagradalsfjall, et d’observer le magma transformé en lave jaillir du cratère et littéralement remplir les vallées autour des cônes volcaniques néoformés.
Les rivières de lave fluide sont bien visibles. L’après-midi nous retournons en bus au volcan pour une deuxième journée d’exploration du site sous un ciel toujours radieux. On ne se lasse pas d’admirer un tel phénomène naturel. C’est un type de volcan particulier qui prend forme devant nous, un volcan bouclier formé par une lave effusive. Nous retournons en direction de la coulée observée le premier jour dans la vallée de Meradalir.
Cette immense coulée de lave est vraiment impressionnante. Nous partons ensuite en randonnée sur le sommet devant nous afin d’avoir le meilleur point de vue sur le volcan. Quelle beauté que ce cratère bouillonnant qui déverse ses flots de lave.
La plupart d’entre nous a du mal à quitter le site comme hypnotisé par ce spectacle que peu de gens ont la chance d’observer. Mais il est temps de redescendre. Nous prenons notre dernier repas en pique-niquant assis à quelques mètres de la coulée.
Il est déjà temps de se dire au revoir. Ce court voyage était néanmoins riche en émotions et toute la panoplie de la météo islandaise nous a été proposée ! C’est avec l’envie de revenir bientôt que nous quittons l’hôtel tôt le matin et rejoignons l’aéroport de Keflavik.
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