Cécile Manet
15 août
25 août 2021
Cécile Manet
Photos d’illustrations, prises lors de précédentes croisières au Spitzberg. Lorsque le voyage sera terminé, nous publierons les photos de la croisière. Le manque de connexion internet nous empêche de recevoir les photos en temps réel.
15 Août 2021 – Longyearbyen
Aujourd’hui est un grand jour : c’est l’arrivée à Longyearbyen. Nous nous rendons directement au Polaris où les guides, le capitaine et son équipage nous accueillent. Nous y déposons les bagages, puis nous nous rendons au centre-ville de Longyearbyen (nom donné en l’honneur de M. Longyear qui, le premier, se lança dans l’exploitation des mines de charbon au Spitzberg). C’est l’occasion de faire quelques achats, d’aller au musée du Svalbard ou tout simplement de se balader le long de l’artère principale pour s’imprégner de l’ambiance de cette ville minière si particulière.
Après l’embarquement, nous nous retrouvons tous sur le pont extérieur pour profiter du départ, accompagnés par les fulmars boréaux qui planent autour du Polaris, ainsi que quelques macareux moines.
Notre commandant, Frédéric, et notre chef d’expédition, Christophe, nous donnent les briefings de sécurité autour d’un verre de bienvenue en insistant sur la chance que nous avons de nous retrouver à quelques 1 000 km du pôle nord, en petit comité, en route vers la glace et la faune emblématique de l’Arctique.
Lors de notre dîner, les plats sont espacés par quelques détours aux sabords du carré (le salon où l’on va rapidement prendre l’habitude de se retrouver) pour admirer les premiers glaciers de l’Isfjord et la ville minière de Barentsburg au loin.
Une fois installés, on s’attarde pour faire connaissance, admirer les paysages et faire des plans sur la comète devant la carte de l’archipel. Les premiers curieux se rendent en passerelle pour échanger avec les officiers de quart sur la navigation. Tout le monde est sur le qui-vive, car nous avons pénétré le royaume de l’ours, et il peut être partout…
Le Polaris est en route vers le nord quand nous nous éveillons dans une ambiance typique du Spitzberg : sommets enneigés pris dans les nuages bas, odeurs minérales. Nous approchons de l’embouchure du Bjørnfjord, qui mène au glacier de Smeerenburg alors que les guides sont aux jumelles. Tout à coup, Christophe nous indique qu’il a repéré un ours ! Il est au pied d’une falaise, sur les rochers, tout proche d’une petite lagune où se repose un groupe de phoques communs. Les rayons du soleil commencent à percer les nuages et nous voyons notre ours se diriger vers les phoques, jusqu’à se mettre à l’eau. Il nage lentement vers eux, en mode chasse, espérant un déjeuner bien gras. Malheureusement, il est blanc et très visible dans l’environnement dépourvu de glace dans lequel il se trouve, et les phoques le repèrent de loin. Alors qu’ils étaient calmement en train de sécher au soleil, ils plongent. Ils commencent par s’éloigner puis se rapprochent de l’ours, comme s’ils essayaient de jauger jusqu’où ils pouvaient s’approcher sans risquer leurs vies. Nous assistons depuis le pont du Polaris à une véritable scène de provocation de la part des phoques envers l’ours qui finira par ressortir de l’eau, bredouille. Nous l’observons remonter dans la toundra puis à flanc de falaise, jusqu’à brouter une touffe de mousse, comme par dépit !
Pour poursuivre la matinée, nous mettons les zodiacs à l’eau et retournons dans la lagune où se trouvent les phoques communs. Nous les observons à distance réglementaire (plus de 100m) pour le plus grand bonheur de tous. Puis nous nous dirigeons vers le glacier et passons à travers quelques ceintures de brash (glace morcelée de petite taille) avant d’arriver devant des icebergs vraiment imposants, échoués dans la baie. Pour le déjeuner, le capitaine repositionne le navire pour que tout le monde puisse profiter de la vue imprenable sur le front du glacier, et même prendre le café sur le pont alors que le soleil se dévoile dans toute sa splendeur arctique en illuminant le glacier.
Alors que nous ressortons de la baie, nous apercevons quelques phoques barbus sur des plaques de glace, juste assez grandes pour les soutenir. L’un d’eux a des moustaches tellement longues qu’elles lui donnent des allures de sage. Dans l’après-midi, nous naviguons toujours plus au nord pour nous rendre sur l’île d’Ytre Norskøya. Nous débarquons sur une plage de rochers puis grimpons jusqu’au sommet de l’île d’où nous avons une vue imprenable sur la baie. C’est la première occasion de découvrir la timide flore arctique avec quelques céraistes et des touffes de saxifrages penchées. Mais le clou de la sortie est la présence de trois renards arctiques qui jouent en contrebas de la falaise alors que nous faisons l’ascension. Il y a deux individus sombres et un dont le pelage tire déjà vers le blanc. Il s’agit des deux morphes différents, dont le « bleu », plus sombre, qui ne change pas de pelage en hiver. Ils jouent en passant de la toundra aux rochers, en se faufilant un peu partout, jusqu’à ce que l’un d’entre eux se mette en boule et s’endorme.
Après le dîner, les guides proposent un récap’ pour revenir sur les moments forts de la journée alors que le navire arrive en Baie d’Hamilton pour passer la nuit au calme.
Alors que nous nous éveillons dans la Baie d’Hamilton, les premiers passagers s’attablent au petit déjeuner avec un décor de pics acérés et de glaciers bleutés, visible depuis les sabords. Notre première activité de la journée est une croisière en zodiac qui nous amène vers de petits îlots où nichent des eiders à duvet et des sternes arctiques. Nous voyons passer les petits eiders en file indienne sur l’eau et observons également quelques femelles se balader sur les rochers. Leurs prédateurs les plus menaçants, les grands labbes, nous survolent à plusieurs reprises, avec leurs ailes sombres barrées d’un « V » de plumes blanches.
La balade continue vers le pied d’une falaise où nichent des mouettes tridactyles, lieu propice à l’observation de renards arctiques. En s’approchant, l’un d’entre eux se montre, gambadant sur les rochers en descendant vers la plage. Il est en pelage de transition et se déplace très rapidement de pierre en pierre à la recherche de nourriture. Alors que nous avons la chance de pouvoir l’observer dans son habitat naturel, nous repérons un goéland bourgmestre et sa « pêche » miraculeuse. En effet, il a réussi à attraper deux poussins de guillemots à miroir dans son bec et vient se poser à proximité des zodiacs. Alors qu’il relâche son emprise, l’un des poussins arrive à se libérer et à rejoindre la grève tant bien que mal. L’autre poussin n’a pas cette chance et sert de déjeuner au goéland sous nos yeux médusés. Entre temps, une autre scène de prédation se joue : le renard a vu, puis senti l’action et se dirige vers la grève. Il descend en mode chasseur, où il trouve le poussin sans effort. Nous assistons à un dernier effort de ce dernier pour se défendre, mais le renard aura le dernier mot et remonte dans les rochers, son butin dans la gueule. Après ces scènes comportementales fascinantes, nous faisons route retour vers le navire en faisant un crochet par les fronts glaciaires où nous profitons de l’occasion pour écouter et observer la glace.
La pause déjeuner est bienvenue après cette matinée riche en émotions. Nous poursuivons vers l’ouest avec pour destination Mosselbukta. Pendant la navigation, Christophe nous propose une conférence de présentation du Spitzberg. Quand nous arrivons dans cette baie mal cartographiée, le capitaine envoie un zodiac en reconnaissance pour prendre des sondes et nous permettre de nous avancer au plus profond dans la baie en toute sécurité. Ce débarquement est l’occasion d’une exploration, car peu de navires s’y rendent. Nous prenons place à bord des zodiacs et nous dirigeons vers de petits îlots où nous retrouvons des phoques communs ainsi qu’un phoque barbu.
C’est ici qu’Otto Nordenskjöld hiverna ici en 1872 lors d’une expédition inachevée vers le pôle Nord, mais seuls des vestiges d’expéditions plus récentes subsistent. Notamment la nouvelle cabane de trappeur construite un siècle plus tard et abrite encore aujourd’hui les occasionnels trappeurs qui peuvent y séjourner jusqu’à un an. On y trouve des os de bélugas et de phoques, des vertèbres de baleines et un séchoir à phoque, suffisamment haut pour pouvoir échapper aux ours polaires. Un peu plus loin, nous pouvons voir quelques rennes brouter tranquillement. Nous jetons un coup d’œil rapide à l’intérieur de la cabine pour en apprécier le confort très… arctique avant de repartir et faire une dernière escale sur la langue de terre qui sépare la baie de la lagune et sur laquelle se trouve énormément de bois flotté en provenance de Sibérie, qui voyage jusqu’ici par le courant circumpolaire arctique.
De retour à bord, un dîner de fête est spécialement préparé par Hervé, notre chef cuisinier, pour l’anniversaire de Nicolas, le matelot du Polaris, qui célèbre ses 20 ans en frôlant les 80°N. L’humeur est à la fête alors que le soleil se dévoile en cette fin de soirée.
Nous sommes en navigation vers Nordaustlandet, et plus particulièrement le fjord de Murchison, alors que tout le monde s’éveille. Nous prenons le petit déjeuner puis les passagers détectent leurs premiers souffles de baleines. Il s’agit de deux grands rorquals (le deuxième plus grand animal au monde après la baleine bleue), que nous voyons sonder puis ressortir derrière le bateau avant de disparaître.
Nous continuons notre route vers Kinnvika. Notre intention est de trouver des morses, puis de débarquer sur la station qui a servi de base à l’expédition scientifique de l’année géophysique internationale de 1957-58. Nous commençons notre balade en zodiac en longeant les côtes de Ringertzøya et voyons quelques groupes d’eiders à duvet, femelles et poussins à la queue leu leu. Puis nous recevons un appel radio du commandant qui a repositionné le navire devant Kinnvika et nous indique qu’il y a un ours juste à côté de la station. Nous contournons la pointe qui nous sépare de Kinnvika et le voyons sur la grève, se déplacer lentement, le museau en l’air pour détecter toutes ces nouvelles odeurs qui s’imposent à lui. Il s’agit d’un individu bien portant que nous voyons subitement creuser énergiquement. Ce comportement est assez rare mais nous comprenons rapidement qu’il est en train de déterrer ce qui semble être une carcasse de morse. L’ours se délecte de quelques morceaux avant de s’affaler littéralement à côté. Il se retourne un instant pour chasser des goélands qui se montrent trop intéressés par son butin, puis se recouche.
Nous prenons le temps de savourer cette observation, avant de longer la station et de retourner au Polaris. Déjeuner à bord avec un œil sur notre ours. Il est calme, se repose. Nous décidons d’y retourner, à l’affut d’autres comportements. Dans un laps de temps relativement court, il nous offre un panel de positions : d’abord à moitié dans l’eau, il sort et s’ébroue, puis s’étire dans une position presque yogastique (position « nanuk asana » ) et passe ensuite à la toilette en passant ses grosses pattes à plusieurs reprises sur sa tête.
Après cette observation pour le moins mouvementée, le Polaris reprend le large en se dirigeant vers le sud par le détroit d’Hinlopen. Alors que nous faisons route, nous voyons de nouveau des souffles. Cette fois-ci, il s’agit de baleines à bosse dont nous voyons la queue alors qu’elles sondent. Alors que nous cherchons où elles pourraient remonter, nous en retrouvons derrière le navire, mais à notre grande surprise, il ne s’agit pas de la même espèce, mais de baleines bleues ! Le plus grand mammifère marin au monde, environ 28m de long.
Nous pouvons les observer du pont du navire alors que l’une d’entre elles montre même sa queue, fait assez rare chez cette espèce. Après ce moment unique, nous mettons le cap encore plus au sud pour nous rendre dans le Lomfjord. Pendant cette navigation, Cécile nous propose une conférence sur Salomon Andrée et son expédition malheureuse pour le pôle nord, dont il ne revint jamais. Dès l’entrée du fjord, nous repérons 2 ours près d’une carcasse de baleine, que nous décidons d’aller observer avec les zodiacs. L’un d’entre eux a sûrement tellement mangé qu’il reste vautré derrière un autre plus actif.
Retour au Polaris pour le dîner, après lequel nous prévoyons un récap. Cependant, comme nous sommes au mouillage proche de la carcasse, nous pouvons voir aux jumelles qu’il y a maintenant 4 ours dont une mère et son jeune. Nous reprenons la mer pour une dernière observation où nous les voyons dévorer les restes de gras encore apparents. Une grande journée de croisière expédition !
Nous nous réveillons ce matin dans le Lomfjord, où se trouvent toujours plusieurs ours qui partagent ce moment de petit déjeuner avec nous en se régalant encore sur la carcasse. Nous les laissons à leur festin en reprenant la route vers le sud. Le but de la matinée est la falaise d’Alkefjellet, où nichent des dizaines de milliers de guillemots de Brunnïch ainsi que des mouettes tridactyles.
Nous commençons notre croisière par l’Odinbreen (le glacier d’Odin) puis naviguons tranquillement vers les falaises à oiseaux.
Le début offre quelques pentes où les renards peuvent trouver de quoi se nourrir, et effectivement, nous voyons un individu avec un jeune guillemot dans la gueule, qu’il semble nous exhiber fièrement. Nous arrivons ensuite sous les falaises de dolérite, où les nuées, l’odeur et le bruit surprennent nos sens. En effet, les adultes retrouvent leurs jeunes grâce au son, et le nombre d’individus induit une quantité de fientes phénoménale, qui blanchit les falaises et « enchantent nos narines ». Bien des individus se jettent hardiment de la falaise, les pattes écartées, aussi drôles en vol qu’ils sont élégants sur l’eau. Des goélands bourgmestres trouvent également de quoi manger et nous les voyons déguster des restes de petits guillemots sur le bas des falaises. Nous entendons également les petits appeler leurs pères sur la surface de l’eau et (ouf !), les retrouver.
La croisière se termine au pied de cascades de fonte où nous distinguons des patchs entiers d’algues des neiges presque rouge sur les névés. Nous revenons à bord et profitons d’un peu de temps libre pour faire un long récap sur nos observations d’ours jusqu’ici. Nous passons ensuite au déjeuner et, en guise de dessert, la sonnerie retentit pour nous indiquer la présence de cétacés. Il s’agit de grands rorquals, qui paraissent très tranquilles et sont en train de se nourrir en surface. Nous avons la chance de les voir sortir la gueule et arrivons même à voir très nettement la tâche couleur crème qu’ils arborent sur le côté droit. Ils nous régalent de souffles, remontées, sorties de pectorales et nageoires pendant près d’une heure. Nous nous dirigeons ensuite vers Torellneset où nous faisons une approche à bord du Polaris vers la langue de terre où se prélassent un groupe de morses. Ils sont une petite centaine et nous mettons les zodiacs à l’eau pour les observer calmement et en toute sécurité. Il y a beaucoup plus de jeunes par rapport aux saisons précédentes, ainsi que de beaux mâles avec des défenses impressionnantes.
Après cette belle observation, nous reprenons la route vers le sud pour nous diriger vers un univers plus glacé. Nous voici en vue de Bråsvellbreen, le front glaciaire le plus long de l’hémisphère nord, environ 160km de long ! La météo est fantastique, la mer d’huile et les premiers icebergs au rendez-vous. Nous longeons cette falaise de glace qui semble infinie en observant les cascades et vêlages qui s’offrent à nous. Ce moment est clairement propice à un toast, et un apéritif est organisé sur le pont supérieur, sous le soleil. S’ensuit un excellent dîner, préparé par Hervé, après lequel tout le monde enfile les combinaisons zodiac pour partir faire une balade dans la glace. Des icebergs de toutes formes et d’un magnifique chamarré de bleus s’imposent à nous. Des amas informes, mais aussi des arches, des cathédrales, des plaques de banquises défilent sur une mer semblable à un lac, avec le soleil rasant pour compagnon. Christophe trouve d’ailleurs une plaque suffisamment solide pour y accoster en zodiac, et débarquer tout le monde sur cette eau salée gelée, la banquise. C’est un moment unique, que tout le monde savoure alors que le Polaris se repositionne pour venir nous rembarquer. C’est encore une sublime journée qui s’achève, sous les meilleurs auspices.
Après avoir navigué une partie de la nuit dans une mer d’huile entre les icebergs et la banquise très éparse, le Polaris s’est mis au mouillage à Kiepertøya. Le petit déjeuner est pris alors que nous longeons le Kapp Payer et nous rapprochons d’Heleysundet, un détroit délicat à passer, qui sépare l’île de Barents du Spitzberg. Le capitaine, Frédéric, et notre chef d’expéditions, Christophe, nous rassemblent après le café pour nous exposer les plans de la matinée. En effet, ce passage, longtemps confondu avec une baie, est connu pour ses courants violents et les maelströms qui se forment au plus fort des marées. L’idée est de le traverser à l’étale pour ensuite rentrer dans le Storfjord. Alors que nous approchons, Frédéric se montre audacieux et choisit une option encore plus délicate, mais bien calculée : celle de passer par l’Ormholet, détroit similaire mais moins profond. Là où Heleysundet offre environ 70m sous la quille, il y a seulement 20m dans l’Ormholet.
Lors de notre traversée, nous pouvons voir de légers tourbillons se former à la surface, alors que nous sommes proches de l’étale. Nous découvrons également ces paysages de dolérite hostiles à bâbord et tribord, avec quelques goélands et mouettes qui nichent sur les berges désolées. Cet environnement est propice pour eux, car ils peuvent y pêcher les poissons désorientés. Christophe nous propose ensuite une présentation des différents types de glaces. Il décrit les glaciers, icebergs, banquises, etc… et prend pour exemple le Sonklarbreen que nous longeons par tribord. Après le déjeuner, nous arrivons sur le site de Bergjørma où nous débarquons sur une plage qui nous amène rapidement sur des surfaces de mollisol. Il s’agit d’endroits où le pergélisol (sol glacé sur plusieurs mètres d’épaisseur, même en été) fond en surface. Nous nous engageons dans un relief vallonné, quasiment lunaire, avec de rares touffes de céraistes et de saxifrages en coussinets. Nous arrivons finalement à un promontoire d’où nous avons un beau point de vue sur le Negribreen. Pendant toute notre balade, nos guides Christophe et Cécile sont en alerte car nous croisons à maintes reprises des traces du passage d’ours. Elles ne sont pas fraîches, certes, mais elles attestent bien que le « grand marcheur » peut se trouver partout. De retour au Polaris, nous reprenons la route pour nous rapprocher du front du Negribreen, seul glacier du Spitzberg à vêler des icebergs tabulaires.
Et qu’elle n’est pas notre surprise en voyant que ce que nous prenions pour la barrière de glace de loin est en fait un immense tabulaire qui s’est détaché du front de glace. Nous mettons les zodiacs à l’eau, pour que tout le monde puisse profiter de cet univers glacé au plus près. Beaucoup d’icebergs sont couverts de sédiments et se déclinent dans différentes teintes de gris, bleu et blanc. Certains sont de taille monumentale et nous faisons même plusieurs passages dans du brash plus ou moins compact. L’expérience est complétée par l’apparition de mouettes ivoire posées sur plusieurs de ces cathédrales de glace. Après le dîner les guides reviennent en recap sur les observations de ces derniers jours, en particulier les morses et les renards polaires, avant que tout le monde ne profite du soleil rasant de la fin de soirée.
Réveil au mouillage dans la baie de Sundbukta. Les guides et officiers de quart sont aux jumelles pour vérifier la présence d’éventuels ours. En effet, nous envisageons une marche, mais si nous en voyons à terre, nous devrons réviser nos plans. Alors que l’on se régale au petit déjeuner, le capitaine détecte une boule blanche dans la toundra. Après maintes vérifications, il est confirmé qu’il ne s’agit ni d’un névé, ni d’un tronc, ni d’une pierre, ni d’un renne, mais bien de notre 7ème ours. L’alarme retentit et l’on se rend sur le pont extérieur pour l’observer. Il est très calme, très blanc, et se repose sur la toundra. Le Polaris se rapproche de la berge et nous pouvons alors voir qu’il s’agit d’un individu de bon calibre mais plutôt en mode « économie d’énergie » et par conséquent peu curieux.
Toutefois, du pont du navire nous pouvons très bien l’observer, à l’œil nu, et bien sûr aux jumelles, ainsi que plusieurs rennes qui broutent plus loin sur la toundra. A distance nous distinguons même des oies groupées à terre. Nous décidons de poursuivre notre navigation dans le Freemansundet et voyons d’autres ours, très en hauteur. Ce passage est en effet un endroit où ils sont observés fréquemment. Alors que nous sommes tous aux jumelles et même à la lunette, avec l’aide assidue de Fanny, John et Nicolas, nous voyons des rennes très proches de la côte, que nous observons aisément depuis le Polaris. Alors que tous notent leurs poils tirant vers le gris blanc, et pensent déjà aux fêtes de Noël, il se met à neiger de gros flocons, nous rappelant qu’ici, l’hiver n’est pas si loin.
Après le déjeuner, nous nous rapprochons d’Edgeøya, où nous mettons les zodiacs à l’eau pour débarquer à Kapp Lee, au nord-est de l’île, site très intéressant à plusieurs niveaux, notamment l’histoire des chasseurs pomores venus de Russie, des trappeurs norvégiens et particulièrement des massacres de morses. En effet, sur place on peut encore voir des tas d’os de toutes tailles, qui rappellent qu’à une époque, ces animaux étaient lourdement chassés et à la verge de l’extinction avant d’être totalement protégés en 1952.
C’est d’ailleurs un véritable soulagement de voir qu’une échouerie se trouve aujourd’hui sur place. Après avoir débarqué sur une petite plage isolée, nous faisons une approche tout en douceur pour que notre présence ne les dérange pas, et pouvons les observer dans des conditions optimales, depuis la colline en hauteur, d’où nous recevons même les effluves odorantes de plein fouet, puis un peu plus près, de derrière les cabanes de trappeurs. Il s’agit quasiment exclusivement d’adultes mâles avec des défenses impressionnantes. Ensuite, alors que nous nous promenons sur la toundra, nous observons des labbes parasites qui arrivent à isoler un oisillon de gravelot et à l’emporter sous le regard médusé des parents…
De retour à bord, Oksana, notre accompagnatrice Grands Espaces, nous présente quelques livres de la collection l’Escargot Savant, puis nos guides nous présentent un récap qui revient sur les rennes et les morses observés dans la journée ainsi que les oiseaux que nous croisons depuis le début de la croisière. Après l’apéritif, le chef nous régale d’un excellent dîner puis nous rejoignons les bras de Morphée. Cette nuit nous traversons le Strofjord en direction de la côte sud-ouest du Spitzberg.
Cette nuit, alors que nous dormions à poings fermés, l’alarme retentit pour avertir qu’une belle observation de cétacés se profile. En effet, le capitaine Frédéric, et son élève Nicolas, ont vu de nombreux souffles et ce qui semble être de nombreux dauphins. Vers minuit, tout le monde est sur le pont pour assister à une scène unique : des rorquals à bosse, des grands rorquals, des petits rorquals et des dauphins à bec blanc, tous au même endroit, au même moment ! Il doit probablement y avoir une falaise sous-marine qui fait que de grandes quantités de nourriture sont disponibles, proches de la surface. Nous voyons les dauphins jouer dans la vague d’étrave et nous pouvons même les voir par transparence. Même chose pour les immenses nageoires blanches des rorquals à bosse (d’où leur nom latin de mégaptère), ainsi que leurs queues noires et blanches, à chaque fois qu’elles sondent. Nous profitons de cette incroyable moment pendant près d’une heure avant de retourner nous coucher. Au lever, nous profitons du fait que nous sommes en navigation pour reparler de notre observation, particulièrement rare, surtout en ce qui concerne les dauphins, et le grand nombre d’espèces présentes.
Après le petit-déjeuner, Cécile nous propose une conférence sur Fridtjof Nansen, explorateur hors du commun, autant par ses expéditions polaires que par sa personnalité humaniste qui lui valut le prix Nobel de la Paix en 1922. En fin de matinée, nous profitons de notre proximité avec la Station Polaire Polonaise pour les contacter et leur demander si nous pouvons venir leur rendre visite, ce qu’ils acceptent. Nous partons donc en zodiac, faire une petite balade dans la baie d’Isbjørnhamna avec son glacier et un grand nombre de mouettes tridactyles juvéniles qui trônent sur les plus grands icebergs avant de rejoindre la station. Aleksandra et Mike nous accueillent dans le salon du bâtiment principal pour nous expliquer son fonctionnement et détailler quelques-uns des travaux scientifiques qu’ils effectuent, notamment au niveau de l’eau et de l’ornithologie. Nous avons également la chance de pouvoir faire un tour du côté des équipements et notamment d’un véhicule amphibie à chenilles toujours opérationnel. Plusieurs rennes se trouvent tout proches de la station, plus proches que tous ceux que nous avons observés jusqu’à présent.
Nous retournons au navire, touchés par la gentillesse et la disponibilité des scientifiques polonais. Après le déjeuner, nous repositionnons le navire à Gnålodden pour aller faire une promenade sous les falaises bruyantes qui abritent plusieurs milliers de mouettes tridactyles. Nous commençons par la plage où se promènent des bécasseaux violets, puis nous prenons de la hauteur et apprécions le panorama sur toute la baie depuis le pied des falaises. Nous voyons également des bernaches nonettes et des oies à bec court, en vol mais également posées calmement dans la toundra. De retour au navire, c’est l’heure du récap spécial cétacés puis de l’apéritif, où tout le monde se retrouve au salon pour revenir sur les derniers grands moments de la croisière. Après le dîner, le chef mécanicien, Dimitri, propose une visite des machines alors que le Polaris est au mouillage à Brepollen devant 4 glaciers dont le célèbre Hornbreen.
Ce matin le Polaris se réveille au milieu de la baie de Brepollen que nous pouvons admirer au moment du petit-déjeuner. Le soleil éclaire le glacier de Mendeleevbreen où nous décidons de partir en croisière en zodiac. Nous nous rapprochons du front glaciaire de plus de 30m de hauteur, où nous pouvons distinguer beaucoup de mouettes tridactyles, attirées par les copépodes présents dans ces eaux glaciaires. Nous entendons le glacier craquer à plusieurs reprises, mais ne voyons pas de vêlage. Ceci nous rappelle que l’ours polaire vit dans un monde où les bruits de détonations sont omniprésents. Nous naviguons au milieu des morceaux de glace, certains bien transparents, d’autres couverts de sédiments, les faisant ressembler à du millefeuille. Nous changeons de baie pour nous rapprocher du Svalisbreen et ses icebergs très bleus.
De retour à bord, nous continuons notre exploration de la baie en nous dirigeant vers le Hornbreen, et procédons à une navigation à bord du Polaris. Nous longeons le front du glacier sur toute la longueur en admirant cet univers minéral où dominent les bleus, les gris, les noirs et les blancs. Quasiment tout le monde est en passerelle, alors que quelques-uns, subjugués par les couleurs, sont sur le pont extérieur, à l’affut des plus belles photos, à l’image de Pierre et Vincent.
Après le déjeuner, nous sentons la météo se dégrader sensiblement et devenir plus « mystique ». En effet, le brouillard tombe sur Burgerbukta, où nous pensions faire une balade en zodiac. Christophe, le chef d’expéditions, modifie alors nos plans de l’après-midi et propose une balade à terre à Gåshamna, où se trouvent les vestiges de siècles d’histoire. En effet, on peut voir ce qu’il reste des fours à graisse et des tombes de baleiniers anglais du XVIIème siècle, mais également des bâtiments de l’expédition russe de l’arc du méridien de 1899-1900, ainsi que des ruines d’autres cabanes de trappeurs norvégiens utilisées jusqu’à la fin des années 1930. Alors que nous poursuivons notre promenade au-delà de la plage, nous voyons un petit groupe de rennes, des labbes parasites, ainsi que les bernaches nonettes sur la toundra. Enfin, alors que nous sommes sur le chemin du retour, nous nous attardons sur les sols polygonaux façonnés par les multiples successions de gel et dégel du sol maléable, et sur les quelques fleurs encore présentes en cette fin d’été, comme les coussinets de silènes acaules et les renouées vivipares.
De retour à bord, notre guide Cécile nous propose une conférence sur Roald Amundsen, un des plus célèbres explorateurs polaires, au palmarès impressionnant. Elle revient surtout sur ses expéditions en hydravion et dirigeable, en quête du pôle nord, qui se sont déroulées en 1925 et 1926, au départ de la Baie du Roi, au Spitzberg.
Alors que la conférence se termine et que nous sortons du Hornsund, les vents de sud ont formé la mer, ce qui nous fait réaliser à quel point nous avons bénéficié de conditions favorables tout au long de notre croisière.
Après avoir navigué une partie de la nuit, nous arrivons dans le calme de l’Isfjord et nous mettons au mouillage dans la baie de Trygghamna.
La matinée sera consacrée à une croisière en zodiac d’exploration et de découverte autour des petits ilots du fond de la baie. Nous avons tout le loisir d’observer des eiders à duvets en crèches, des guillemots à miroir posés sur l’eau et même l’un d’entre sur une plaque de glace, en pleine toilette. Nous pouvons alors parfaitement distinguer les fameux miroirs blancs sur ses ailes noires et ses pattes rouge vif. Nous continuons notre balade en zodiac du côté de la cabane du Sysselmann qui se trouve tout proche de la plage et sous laquelle se promène un renard polaire. Celui-ci, contrairement à ceux que nous avons observés jusqu’à maintenant, est quasiment blanc, avec seulement quelques patchs de brun qui subsistent. Il est prêt pour l’hiver. Nous l’admirons se déplacer lestement sur les rochers, sur la grève et sur la toundra. Il semble nous regarder souvent et gratter la terre à plusieurs endroits à la recherche de quelque nourriture. Nous repartons pour rejoindre le Polaris et avons la chance d’en observer un autre, beaucoup plus foncé, de l’autre côté du fjord, juste avant de réembarquer.
Le déjeuner laisse place à notre dernier débarquement. La falaise d’Alkhornet se profile derrière le Polaris alors que nous embarquons dans les zodiacs. Nous commençons la balade par grimper jusqu’à un point de vue où le bas des falaises se dévoilent. De là, nous voyons déjà un troupeau de rennes d’une vingtaine d’individus ainsi que deux renards polaires. L’un est gris clair, l’autre complètement blanc, et il dénote vraiment sur le tapis vert de la toundra.
Nous continuons la balade en admirant la flore locale, plus variée qu’auparavant, avec des cardamines de nymani, des céraistes arctiques, des saxifrages des neiges, jaunes, et dorées ainsi que la très jolie silène de whalberg avec son bulbe et ses nervures violettes. Nous nous posons près d’un amas de rochers pour les observer calmement. Ils sont en train de brouter et sont tellement peu dérangés par notre présence qu’ils s’approchent à seulement quelques mètres de nous. Alors que nous retournons vers la plage, nous voyons même nos derniers ailerons de baleines, il s’agit ici de petits rorquals.
Alors que nous reprenons la route, nous faisons un crochet pour nous rapprocher de la ville minière russe de Barentsburg avant de revenir à notre point de départ, Longyearbyen. Il semble que nous l’ayons quitté il y a des semaines !
Un peu plus tard, c’est l’heure du dernier récap en image où nous revivons les grands moments de la croisière. C’est aussi le temps des remerciements de chacun. Pour l’occasion, Isabelle a rédigé un poème pour les guides et l’équipage et tout le monde se donne rendez-vous sur un prochain voyage !
Suivez nos voyages en cours, grâce aux carnets de voyages rédigés par nos guides.
Messages
Bonsoir mon amour, j’espère que tout vas bien , j’ai vue les photos c’est magnifique, je pense très fort à toi ! Tu me manques 😘
Bon anniversaire à Nicolas ,avec le décalage !20 ans sous ces latitudes ça marque !
Bonne croisière à tous
Prenez en plein les yeux !
Hello David et Fanny ..
Quel spectacle ! ça donne envie.
Je pense que vous garderez un très bon souvenir de ce voyage !
Appréciez votre croisière.
Bisous.
Bonsoir, tu me manques ❤️Ta femme
Coucou Oksana, j’espère que tu te portes bien, déjà 5 jours de voyage à couper le souffle. Je suis ravi de découvrir chaque jour une partie de ton voyage. Un émerveillement total et unique, des grands espaces et de la nature sauvage. Par ici, tous ce passe bien. Tu nous manques à moi et aux chiens 😉 ! profite à fond. je t’aime et à bientôt. ton trappeur.
Bonne Fete Christophe ! puisque nos calendriers disent que c’est votre fete !!Continuez à nous éblouir avec vos comptes rendus de ces si beaux moments !
Coucou les Nantais, les photos sont magnifiques. Profitez-bien de ces merveilleux paysages. Nous apprécions beaucoup le carnet de voyage ! Bises des Guégonnais et Ploërmelais
Bravo pour la photo de phaéton à bec rouge! Ça, c’est vraiment l’oiseau super-méga-rare au Spitzberg! Je sais bien qu’il y a le changement climatique, mais à ce point…