Christophe Bassous
Arctique et Antarctique
20 juillet
30 juillet 2021
Christophe Bassous
Arctique et Antarctique
Vincent Lecomte
Écologie Polaire
Photos d’illustrations, prises lors de précédentes croisières au Spitzberg. Lorsque le voyage sera terminé, nous publierons les photos de la croisière. Le manque de connexion internet nous empêche de recevoir les photos en temps réel.
Aujourd’hui 20 juillet, premier jour de croisière après 16 mois d’arrêt forcé. L’euphorie est bien réelle. Le temps est clément et tout le monde attend avec impatience l’appareillage. L’équipage est affairé aux derniers préparatifs, le chef d’expédition Christophe Bassous et le guide Vincent Lecomte vont faire leur exercice de tir obligatoire pour encadrer des croisières au Svalbard. A 15h15, nous voyons le vol de Tromsø tourner au-dessus du Polafront, il est donc temps d’aller accueillir nos passagers ravis de participer à cette première croisière. Après un temps libre fort apprécié dans la capitale Longyearbyen et quelques emplettes, l’équipage et les guides Grands Espaces accueillent les passagers au salon pour l’exercice de sauvetage, les informations/règles de sécurité spécifiques au monde arctique.
À 18h00, nous appareillons pour une navigation dans l’Isfjord dans un décor montagneux encore partiellement enneigé. Quelques nuages s’accrochent aux sommets et nous contemplons nos premiers glaciers.
La navigation est calme et sereine lorsque nous pénétrons dans le fjord Ymerbukta. Quelques sternes arctiques et fulmars boréaux accompagnent notre yacht polaire. Arrivé à l’extrémité du fjord, le commandant jette l’ancre, bien à l’abri, bien protégé des vents. Nous passerons la nuit à 78°16.494’N et 13°59.034’E. Nous rejoignons les ponts supérieurs munis de jumelles et appareils photo. Quelques rennes paissent dans la toundra. Au loin, on peut apercevoir l’ancienne cité minière russe, Barentsburg.
Tandis que notre yacht polaire s’endort, un de nos passagers vient tester les eaux chaudes du jacuzzi. Dans une eau à 40°C et une température extérieure de 6°C, le panorama est splendide pour cette première soirée dans le monde arctique.
Après une nuit réparatrice sur une mer calme, notre yacht polaire fait face au glacier ceinturé de montagnes pelées. Ce glacier a un front de glace d’un kilomètre et demi pour une hauteur moyenne 40 mètres. Rendez-vous est donné pour enfiler nos combinaisons de protection devenues obligatoires cette année pour toute sortie en zodiac. C’est un moment cocasse et bon enfant qui a amusé tout le monde. Nous partons à 2 zodiacs en direction du glacier, le temps est clément (5°C) et la mer d’huile. Les conditions sont optimales pour cette première expédition.
Soudain notre guide nous alerte : un jeune phoque barbu se repose sur une plaque de glace à l’aplomb du front de glace. Nous nous approchons à très faible vitesse. Très curieux et coopératif, il hume la présence humaine, et nous laisse l’observer plus d’une vingtaine de minutes, avant que nous nous retirions sur la pointe des pieds. Quelques guillemots de Brünnich et guillemots à miroir tournoient. Nous naviguons dans du petit brash dispersé. Le premier craquement du glacier nous émeut. Nous sommes bien en Arctique.
Sur le chemin du retour, nous longeons un îlot, lieu de nidification des sternes arctiques. A notre approche, elles tournoient au dessus de nos têtes, poussant leurs cris stridents, si caractéristiques. Elles défendent leurs nids et effectuent des piqués bien proche de nos têtes pour nous éloigner. De retour à bord, Vincent nous propose une conférence sur la sterne arctique et ses capacités hors normes. Notre navire poursuit sa navigation dans le Forlandsundet, bras de mer qui sépare le Spitzberg de la Terre du Prince Charles. Nous sommes alors à 78°26,173N et 11°54,551E lorsque nous débarquons en zodiacs à Poolepynten. Le site est dégagé : à l’horizon à tribord, une somptueuse chaine montagneuse mise en lumière par quelques rayons de soleil, tandis qu’à babord se trouve une langue de terre à fleurs d’eau, en partie recouverte de bois de flottés.
Au loin apparaissent quelques morses. Nous approchons en douceur et les observons pendant une bonne demi-heure. Nous nous faisons face et nous nous observons mutuellement, nous dans un grand silence et eux avec leurs longs souffles sonores. Ils batifolent d’un côté et de l’autre de nos zodiacs en nous surveillant discrètement. Ils plongent quelques minutes et réapparaissent par surprise quelques dizaines de mètres plus loin. Puis la décision est prise de débarquer pour une petite randonnée sur cette langue de terre, où trois morses se prélassent, se redressent dans de longs cris censés nous impressionner. Là encore nous prenons le temps de les observer se rouler dans les vagues et revenir sur la plage marquer leur territoire. Après cette journée riche de découvertes, il est temps de remonter à bord et poursuivre notre navigation toujours plus vers l’ouest. Après le dîner Vincent et Christophe nous raconte quelques histoires arctiques.
Au petit matin, nous naviguons en baie de la Croix ainsi nommée par le baleinier Jonas Pool en 1610. Il est 7h30 et le bateau s’éveille face à l’un des plus beaux glaciers du Spitzberg. Devant nous s’étend sur 10 km de façade, et 70 mètres de hauteur, le Lilliehöök. Nous sommes à 79°16’ Nord et 11°40’Est. Le ciel est bleu azur et il nous tarde de partir en exploration. Après un petit déjeuner copieux, nous partons pour une croisière en zodiac au plus près de ce front de glace des plus impressionnants. La mer est d’huile, le soleil brille, pas un nuage à l’horizon. Le glacier est d’une beauté époustouflante et se reflète dans l’eau du fjord. Le Polarfront est ancré à deux kilomètres. Nous nous frayons un chemin dans le brash plus ou moins dense pour s’approcher à 400 mètres du glacier. Il semble pourtant si proche.
Les moteurs éteints, nous entendons distinctement les bourguignons pétiller tout autour de nous. Puis soudain un grondement se fait entendre, nous avons juste le temps de lever les yeux pour voir s’effondrer un pan de glace qui occasionne quelques vagues. Nous allons longer le front du glacier deux heures durant en admirant toute son architecture. Cette immense muraille nous laisse béat d’admiration. En parcourant la baie, nous observons le ballet des oiseaux marins. Les élégantes sternes arctiques tournoient au loin, les mouettes tridactyles se reposent sur quelques petits icebergs et s’envolent à notre approche, tandis que les guillemots à miroir se laissent porter par le faible courant. Un phoque barbu nous observe de loin.
De retour à bord, notre guide Vincent propose une conférence passionnante sur le voyage de la première femme au Svalbard au 19ème siècle : Léonie D’Aunet. A notre arrivée dans la Baie du Roi par 78°55’ Nord et 12°25’ Est, nous débarquons dans la réserve d’Ossian Sarsfjellet pour une randonnée. Des rennes se désaltèrent dans un point d’eau. Nous cheminons délicatement en évitant les saxifrages à feuilles opposées, les dryades à huit pétales, les saules polaires, les silènes acaules, la Cassiope tétragone, les polygonacées arctiques, les mousses et les lichens. Nous observons 3 renards peu farouches. Deux d’entre eux avaient conservé leur pelage blanc immaculé de l’hiver, ce qui est très rare. C’est une observation exceptionnelle.
Assis sur des rochers, notre groupe est aux premières loges pour contempler ces petits animaux curieux et facétieux. Notre balade de 3 kilomètres environ s’achève au sommet d’une falaise qui surplombe la baie et notre yacht. Nous observons une colonie de mouettes tridactyles en train de nidifier dans un vacarme assourdissant. Il est temps de redescendre sur la plage retrouver nos zodiacs et remonter à bord.
Comme chaque soir, après le dîner, nous nous retrouvons au salon pour la présentation du programme du lendemain et d’un récapitulatif sur le renard polaire, illustré par les superbes photographies de nos passagers. Le bateau lève l’ancre, tandis qu’à la proue, des passagers profitent du sauna et du bain norvégien avec une vue panoramique sur le fjord englacé. Cette journée idyllique s’achève sous le soleil radieux qui nous a accompagné toute la journée.
Après une nuit de navigation le long de la côte, nous jetons l’ancre dans le Smeerenburgfjord. Il fait 2,8°C et nous sommes à 79°43’Nord et 11°01’ Est. Aujourd’hui les nuages coiffent la cime des montagnes. Nous partons en Zodiac dans la baie de Virgohamna. C‘est une anse rocailleuse, environnement de prédilection des phoques veaux-marins. Sur les rochers à fleur d’eau, les phoques sont étendus et nous contemplent étonnés de voir des visiteurs. Ils jouent les équilibristes et semblent prendre la pause. Nous les quittons en direction de la base opérationnelle de la célèbre expédition d’Auguste Salomon Andrée dans sa tentative tragique du survol du pôle Nord en ballon dirigeable.
Nous poursuivons notre navigation vers la plus importante station baleinière du 18ème et 19ème siècle, Smeerenburg. Il subsiste des vestiges des anciens fours baleiniers. Une colonie de morses a élu domicile sur une longue plage de sable. Ces animaux grégaires sont tous serrés les uns contre les autres, et les uns sur les autres. Seuls quelques jeunes identifiables par leurs courtes défenses, s’ébrouent dans l’eau. Nous profitons de ces moments d’observation uniques, puis nous remontons à bord et reprenons notre route vers la pointe ouest de l’archipel. Christophe nous propose une conférence sur le plancton. Nous découvrons un monde insoupçonné tant par son importance vitale, que par sa diversité. Le plancton marin produit à lui seul plus de la moitié de l’oxygène que nous respirons.
Dans l’après-midi, le mercure est monté à 3°C ! Le temps reste capricieux, mais nous débarquons pleins d’entrain sur l’île Ystre Norskøya. Nous sommes à 79°51’ Nord et 11°39’ Est. Les plus aventureux partent pour une randonnée avec Christophe. Nous découvrons un panorama à 360°, poste d’observation que les baleiniers utilisaient dès le 18ème siècle pour repérer les cétacés tant convoités. A la pointe nord-ouest de l’archipel, un cimetière (plus de 150 tombes) marque le lourd tribu payé par les pionniers du Svalbard. Plusieurs macareux nidifient sur une immense falaise, pendant que d’autres pêchent en mer. Sur le chemin du retour un renard fait quelques apparitions furtives pour le plus grand plaisir des photographes. De retour au zodiac, nous profitons de la marée pour réembarquer et remonter à bord où nous sommes accueillis par un chocolat chaud.
Pendant ce temps, ceux qui souhaitent ne pas faire l’ascension partent avec Vincent, pour un tour en zodiac autour de l’île, dans un paysage glacial et minéral. Ils s’approchent des eiders, des macareux moines et des fulmars boréaux. Un jeune guillemot à miroir plonge même sous le zodiac à plusieurs reprises.
Une fois à bord, Christophe nous présente le programme du lendemain ainsi qu’un éclairage sur l’énigmatique neige rouge.
La journée s’achève autour d’un apéritif, prélude à un dîner d’exception. Le chef Cyril nous a concocté un menu sur mesure, ceviche et dos de cabillaud cuit à la perfection.
Après une nuit de navigation toujours plus au nord, nous sommes réveillés à 6h50 par le bruit de la glace sur la coque de notre yacht. Notre position est par 80°30,03 Nord et 14°50,08 Est, la température est de 0,5°C. Dans un environnement brumeux, notre bateau se fraye un chemin dans la banquise ouverte, poussée par le vent du nord. Partout à la surface de l’eau, des plaques de glace s’entrechoquent. Nous sommes tous fascinés par leurs formes immergées d’un irréel bleu turquoise. Deux petits rorquals font une apparition et l’observation d’une quinzaine de gros phoques barbus étendus sur leur glaçon, rythme notre matinée. Nous avons l’immense chance d’observer une surprenante parade de deux guillemots de Troïl, qui exécutent des mouvements synchronisés de leurs cous et procèdent à d’émouvants contacts de becs. Ces oiseaux, dont l’observation est rare, sont reconnaissables notamment à leur façon de se tenir debout de manière caractéristique. Munis de nos jumelles, nous scrutons sans relâche la banquise à la recherche du seigneur de ces lieux. Vincent propose une causerie sur la banquise et son écosystème.
Après le déjeuner, notre position est 80°39 Nord et 16°49 Est. Nos guides organisent une expérience magique et saisissante. Les zodiacs nous déposent avec délicatesse sur la banquise : celle-ci pourrait être comparée à la coquille de l’œuf : fine et solide à la fois. Chacun découvre la sensation étrange et merveilleuse de marcher sur l’océan. Un verre de champagne nous y attend. Le panorama est superbe avec en toile de fond, notre yacht polaire. L’expérience ne s’arrête pas là. Nous poursuivons notre exploration en slalomant entre les immenses plaques de glace. Celles-ci sont souvent pourvues de mares de fonte, dont l’eau translucide contraste avec le bleu sombre de la mer et le blanc immaculé de la banquise.
Nous observons plusieurs spécimens d’espèces planctoniques. Un ballet aérien incessant de guillemots, mergules, macareux et fulmars nous accompagne tout au long de cette sortie. Cette belle journée s’achève par la projection du film « La tente rouge », relatant l’expédition en ballon dirigeable vers le Pôle Nord d’Umberto Nobile, tandis qu’une veille nocturne s’organise toujours en quête de Nanook.
Ce matin la brume se lève graduellement. Nous sommes toujours entourés de glaces par 80°39 Nord et par 17°52 Est. Il fait 0°C. Tout le monde scrute sans relâche la banquise compacte, tant les passagers à la proue du navire que les guides et l’équipage à la passerelle. D’heure en heure, le ciel s’éclaircit. La banquise nous offre aujourd’hui ses plus belles nuances de blanc, bleu et or. Elle est dense, accidentée et constellée de crêtes de compression. Une cinquantaine de phoques repérés au cours de la journée se prélassent sur des plaques de glace. D’autres sortent la tête de l’eau à notre passage.
Deux nouvelles espèces d’oiseaux sont également observées : le pingouin Torda et le Grand Labbe. Avant le déjeuner, Christophe anime une conférence sur la géopolitique de l’Arctique. Pendant ce temps, Vincent continue de scruter l’horizon …
C’est l’après midi et nos guides choisissent un lieu magique pour partir en exploration sur une mer d’huile, jonchée de plaques aux formes chaotiques. La lumière est absolument magnifique. A la poupe de notre yacht apparait brièvement un petit rorqual. Nous passons quelques minutes à chercher sa trace, guetter son souffle. Mais peine perdue, il a plongé. De nombreux phoques, s’amusent aux alentours. Une mouette ivoire fait la joie de nos passagers et bien entendu, de notre ornithologue. Ces mouettes blanches sont observées uniquement en Arctique et de manière exceptionnelle.
De nombreux mergules nains volent autour de nous. Nous avons même la chance de les voir nager quelques secondes sous l’eau.
Nous évoluons entre des plaques d’un bleu flamboyant, érodées par les courants, les marées et les vents. C’est une balade extraordinaire. L’un des zodiacs repère ce qui semble être des éléments d’une ancienne épave. Trois pièces de bois et des clous très anciens qui ont été vraisemblablement préservés par la glace. L’un des morceaux ressemble à un mât orné d’une pièce de métal. De retour à bord, nous dégustons un délicieux vin chaud. Après le repas, Vincent nous propose un récap sur les Guillemots et Christophe nous présente le programme du lendemain. Notre yacht reprend sa navigation vers le détroit de Hinlopen que nous atteindrons demain matin.
Au petit matin, nous entrons dans le détroit de Hinlopen. Nous naviguons par 79°35’ Nord et par 18°30’ Est, il fait 2,5°C. Le temps est couvert lorsque nous découvrons Alkefjellet, la falaise aux oiseaux. Des nuées d’oiseaux tournoient autour de nos zodiacs.
Dans cette atmosphère fantomatique, nous sommes happés par le spectacle impressionnant de plus de 100 000 guillemots de Brünnich. Serrés contre les parois de la falaise de dolérite dont les tours s’élèvent majestueusement, les guillemots défendent ardemment leur territoire, dans un vacarme assourdissant. Ce spectacle fascine nos passagers : coups de becs rageurs entre voisins de palier, décollages ratés, amerrissages cocasses, le tout sous le regard vorace et inquisiteur des goélands Bourgmestre.
Nous quittons à regret les falaises en direction du fjord de Murchison. L’après-midi est consacré à l’exploration en zodiacs des nombreuses îles désertiques. Nous observons des groupes d’oies à bec court, des bernaches nonettes, des eiders à duvet et quelques rennes. Nous débarquons sur l’une de ces îles mystérieuses pour observer ce magnifique paysage marqué par la gélifraction et la solifluxion. La journée s’achève et nous nous apprêtons à lever l’ancre. Soudain, un cri ! Des ours !
Nous nous précipitons sur la coursive bâbord pour voir enfin Nanook, ce spectacle tant attendu : une mère et son jeune ourson !
Nous mouillons par 80°00’ Nord et par 18°10’ Est, aux abords de l’île de Krossøya. Les zodiacs sont immédiatement remis à l’eau. Pendant la manœuvre, nous nous régalons de ce spectacle fabuleux : la mère suivi de son petit ourson âgé tout juste de quelques mois, arpentent la grève. Tout le monde se précipite dans sa cabine pour s’habiller, puis nous approchons avec délicatesse de la plage. La mère et son petit sont allongés. Le spectacle est extraordinaire et émouvant : le petit tête encore sa mère. Ils sont visiblement en bonne santé. Nous restons sur place à les observer jusqu’à ce qu’ils s’endorment. Il est une heure du matin et nous nous endormons comblés.
Le réveil sonne tôt ce matin. Les zodiacs sont prêts et nous sommes impatients de retrouver nos ours toujours présents sur une île du fjord de Murchison. Nous longeons discrètement la côte en zodiac et nous entreprenons une approche douce de maman ours et de son ourson. Ils nous regardent, nous toisent, nous hument et se rendorment brièvement. Ils alternent micro-siestes et bâillements. A plusieurs reprises, ils se roulent sur le dos et s’étirent en levant leurs pattes vers le ciel. Sous le regard protecteur et bienveillant de sa maman, le jeune ourson nous scrute avec curiosité. On sent bien qu’il voudrait s’approcher, mais reste timidement auprès de sa maman. Ses petites oreilles blanches et ses yeux adorables font le ravissement des passagers.
Le paysage de la baie est splendide, avec des nuances de bleu et d’ivoire : à l’horizon se détache le dôme étincelant de la calotte glaciaire du Spitzberg. Le soleil peine à percer. Cette sortie est tout simplement magique. Nous laissons la petite famille de plantigrades et remontons à bord. Dans l’effervescence générale, chacun s’empresse de regarder ses photos et de les commenter avec ferveur. Les guides donnent des explications sur le comportement de l’ursidé. Notre bateau poursuit sa navigation vers le glacier de Monaco.
En fin de matinée, alors que nous quittons le détroit d’Hinlopen, une surprise de taille nous attend à tribord, à quelques encablures de notre yacht. En effet, une baleine à bosse saute à plusieurs reprises, et retombe majestueusement dans l’océan, dans une euphorie générale.
Elle est accompagnée de trois grands rorquals. De petits macareux volent devant notre étrave tandis que les guillemots tentent de prendre leur envol sans succès. Leurs estomacs pleins les empêchent de décoller. Cette observation insolite amuse beaucoup les passagers.
Christophe nous propose une conférence sur les ours polaires suivie d’un diaporama des destinations emblématiques de Grands Espaces. Vincent présente l’impressionnante dentition de l’ours polaire.
En soirée, le commandant effectue une navigation délicate devant le glacier de Monaco dont le front de glace de 5 km de large reste toujours aussi extraordinaire. Une mouette ivoire est aperçue, tandis que trois labbes parasites harcèlent une mouette tridactyle.
Cyril, le chef cuisinier, nous a concocté un repas absolument délicieux pour la soirée du Commandant.
Nous arrivons au petit matin dans le fjord de Smeerenburg par 79°37’ Nord et par 11°27’ Est. Les trois langues du glacier émergent de la brume. Le paysage est fantomatique.
Nos zodiacs glissent sur l’eau dans un discret murmure. Impressionnés par un tel décor, nous sommes tous silencieux. A notre approche, l’architecture du glacier se dessine. Le front de glace d’une hauteur de 50m à 70m est caractérisé par la présence de moraines centrales, indiquant la fusion de plusieurs langues glaciaires. Puis le glacier révèle des figures de compactions de la glace et des stries d’accumulation. A son pied, des grottes sous-glaciaires s’offrent aux regards des passagers. Nous apercevons également un couple de bécasseaux violets et des eiders à duvet. Une mouette ivoire vient survoler notre zodiac. Comme chaque jour les guillemots accompagnent notre périple. Nous contemplons attentivement chaque parcelle et chaque anfractuosité de glace sculptées par la pression au fil des millénaires. Les couleurs changent sans cesse et nous avons l’impression de faire partie d’une aquarelle aux teintes pastel. Le glacier gronde, tonne à intervalles réguliers et vêle : lorsque ses blocs de glace tombent avec fracas, des nuées de mouettes tridactyles en profitent pour venir pêcher dans les remous. Ce spectacle est véritablement hypnotique. Chacun a conscience de vivre un rêve éveillé.
Nous contemplons également des icebergs retournés dont certains ont arraché des fragments du sol granitique. Puis de retour à bord, nous prenons la direction de la Baie de la Madeleine. Bien visibles sur tribord, les anciennes tombes des baleiniers. Nos yeux scrutent la baie à la recherche des ours dans les éboulis et sur les flancs en partie enneigés. Le brouillard s’intensifie d’heure en heure, et il devient impossible de distinguer les berges. Vincent nous invite à une conférence sur l’histoire du Spitzberg au travers des pionniers de la cartographie de l’Arctique, tandis que notre yacht poursuit sa route vers le sud.
Ce matin, nous ouvrons nos hublots sur un joli soleil retrouvé. La température est remontée : il fait 6,5°C. Nous sommes à l’entrée de l’Isfjord par 78°14’ Nord et par 13°51’ Est. Les falaises du fjord semblent dénuées de toute vie avec ses contreforts en terre, stigmates des dernières glaciations. Nos guides décident de débarquer sur la seule parcelle verdoyante.
Après avoir amarré les zodiacs sur l’une des plages de galets, nous partons pour une randonnée à travers la toundra. A notre grande surprise, nous découvrons une prairie arctique d’une biodiversité inouïe. C’est un lieu idéal de pâtures pour les rennes. Une falaise monumentale occupée par une colonie de mouettes tridactyles surplombe majestueusement les lieux. Les cris de ces oiseaux coloniaux résonnent sans interruption et accompagnent notre exploration. Nous marchons sur un sol spongieux, parsemé de diverses espèces de plantes et de fleurs. Vincent en répertorie plus d’une vingtaine et nous fait profiter de ses connaissances exhaustives en la matière. Les plus répandues sont les Saxifrages et la Renouée vivipare. D’autres sont plus rares : la Silène acaule, l’Oxyrie à deux carpelles, le Paturin des prés, les Carex, le pavot arctique, les renoncules…Nous distinguons le Bruant des neiges et trois labbes parasites tournoyant à faible altitude. Quelques fulmars boréals suivent à bonne distance un vol d’eiders à duvet. Lors de cette promenade, nous recueillons les signes d’une vie sauvage authentique : bois de rennes après la mue annuelle, coquilles d’œufs d’eiders dévorés par les renards, terriers, mandibules, … Disséminés dans cette vaste toundra, de nombreux rennes paissent paisiblement, sans être le moins du monde troublés par notre présence discrète.
A quelques mètres, deux jeunes se poursuivent tandis que les adultes broutent plantes et lichens. Nous profitons tous longuement de ces moments de vie si paisible. Après une randonnée de trois heures, nous reprenons notre navigation vers le Billefjorden pour une ultime découverte de glacier : le Nordenskioldbreen. Nous scrutons les rives en espérant voir un denier ours avant notre départ. Ceux-ci ne se montrent pas mais les phoques sont au rendez-vous.
En fin de journée nous retrouvons Longyearbyen pour une dernière soirée dans la capitale du Spitzberg. Cette magnifique première expédition depuis plus d’un an est un succès et signe le retour de Grands Espaces en Arctique !
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Messages
Nous nous languissions de voir ce cher bateau cloué au port de Boulogne !
Belle reprise et beau voyage !
Oh quelle chance vous avez !!!! C’est si merveilleux, emerveillant et fascinant…
Sans vous connaître, bien sincèrement, je vous souhaite encore de sublimes émotions et belle fin de navigation
Danièle
Je viens de voir la photo des ours…c’est magnifique !
Je suis tellement contente pour mes parents qui font ce voyage et qui pensaient ne pas partir.