Vincent Lecomte
Écologie Polaire
20 août
30 août 2021
Vincent Lecomte
Écologie Polaire
Sophie Tuchscherer
Guide
Photos d’illustrations, prises lors de précédentes croisières au Spitzberg. Lorsque le voyage sera terminé, nous publierons les photos de la croisière. Le manque de connexion internet nous empêche de recevoir les photos en temps réel.
À travers les hublots de l’avion, quelques tâches blanches et noires scintillent à travers les nuages. Des sommets étonnants, minéraux, aigus et dénudés, entrecoupés par des glaciers encore lointains, apparaissent à l’horizon : nous survolons le Spitzberg. C’est sur cet archipel arctique, situé à mi-chemin entre le cercle polaire arctique et le pôle nord, que nous nous préparons à passer 10 jours de croisière sur le Polarfront, à la rencontre des paysages et des animaux polaires. Nous faisons parti des rares privilégiés qui ont la chance de pouvoir effectuer ce voyage en période de pandémie, grâce à l’alliance entre la compagnie Grands espaces et Latitude Blanche.
A notre descente de l’avion, un panneau triangulaire cerclé de rouge donne le ton : il est en effet peu coutumier de voir un panneau routier avec un ours en son centre. Bienvenue dans le territoire de Nanook (ce mot inuit signifie ours polaire). Notre chef d’expédition, Vincent, nous accueille, et nous accompagne au centre-ville de la capitale du Svalbard, Longyearbyen. Cette bourgade d’à peine plus de 2000 habitants, seule véritable ville de l’archipel, a le mérite de posséder l’école ainsi que l’Université les plus nordiques du monde : nous sommes à 78° de latitude nord (le cercle polaire étend situé à 66°). Cette terre multiculturelle est le centre névralgique des activités économiques du Spitzberg : l’exploitation du charbon (ce fut le premier et valeureux aventurier qui a fondé la ville au début du XXe siècle, dans un territoire alors complètement inhabité), l’économie du tourisme « blanc » et la recherche scientifique dans tous les domaines.
Puis, c’est le moment tant attendu : nous découvrons notre yacht polaire, le Polarfront. Cet ancien navire météorologique, robuste et puissant, semble conçu pour se faufiler à la fois dans les fjords les plus étroits et à travers les glaces de l’Arctique, tout en ayant été réaménagé pour accueillir les passagers dans des cabines confortables et modernes. Nous y rencontrons Sophie Tuscherer, notre deuxième guide, ainsi que l’équipage. Le commandant, Sophie Galvagnon, se présente à nous : cette femme hors du commun est à l’origine de la restauration de ce navire, avec son associé, Yann, et de sa transformation en bateau de navigation polaire pour les voyageurs : d’ailleurs, le voyage commence — nous venons de lever l’ancre et d’appareiller. Le début de notre expédition se fait en fanfare : à peine avons nous eu le temps de nous installer que les présentations d’usage au salon sont brutalement interrompues par un appel résonnant depuis la passerelle. L’équipe a (déjà !) aperçu des baleines à l’horizon – non pas une seule baleine de passage, mais tout un groupe, au total cinq ou six baleines, qui sont en pêche dans le fjord.
Elle prend de grands cercles dans l’eau, sur un rythme lent, soufflant régulièrement, ce qui indique qu’elles sont en train de se nourrir, bouches grandes ouvertes, dans des bancs de poissons et crustacés. Profitant de leurs remous, de multiples oiseaux marins viennent picorer leurs proies au-dessus d’elles. Notre commandant a d’ores et déjà l’occasion de montrer sa dextérité pour approcher les cétacés tout en douceur, et les observer de près. Il s’agit d’un groupe de grands rorquals, une espèce qui peut dépasser 25 m et plus de 50 t, fugacement accompagnés par quelques petits rorquals. L’observation est spectaculaire : deux grands rorquals surgissent à quelques mètres seulement de la proue, et nous pouvons non seulement entendre leurs souffles puissants, mais également leurs inspirations qui font un bruit flûté ressemblant à un tuba. Le spectacle se poursuit pendant presque une heure, alors que nous sommes tous réunis sur le pont avant du navire, sous un grand ciel bleu.
À cela s’ajoute la lumière dorée scintillante de la fin de la journée et la vapeur blanche des souffles de plusieurs mètres de haut, créant une photographie somptueuse. A ce ballet de baleines se joignent de premiers oiseaux marins polaires : quelques macareux moines aux becs spectaculaires bordés de rouge, quelques fulmars boréaux (lesquels semblent vouloir suivre le bateau, nous survolant parfois, profitant de l’aspiration créée par le navire pour planer, tels des albatros — qui appartiennent d’ailleurs à la même famille). Nous sommes surpris par cette nuit que nous attendons, mais qui ne vient pas : ici, en effet, au-delà du cercle polaire, le soleil ne franchit pas l’horizon, ce que l’on appelle le jour polaire (le jour continu). Il est difficile alors de quitter l’extérieur du navire, entouré de paysages grandioses, rejoindre les bras de morphée. Demain, nous promettent nos guides, nous nous réveillerons plus au nord — « toujours plus au nord », telle sera notre devise force de croisière – -.
Au réveil, notre navire polaire vogue au large de l’île principale du Spitzberg. Le Polarfront sillonne la mer du Groenland, en direction du grand nord. À l’horizon, nous apercevons des glaciers bleutés, nombreux, séparés par des montagnes noires austères et impressionnantes. Notre deuxième journée commence avec un briefing de nos guides sur tous les points importants à connaître et mettre en pratique pour réussir son voyage au Svalbard : la sécurité à bord des zodiacs, la pratique de la « poignée du marin » (laquelle permet de monter ou descendre d’une petite embarcation sans risque de tomber à l’eau), une présentation du Svalbard, composée à plus de 60% de réserves naturelles. Nos guides nous attribuent également les gilets de sauvetage et les combinaisons obligatoires: si elles sont peu glamour et nous font ressembler à des bibendums enrobés, elles sont en revanche d’une efficacité redoutable en ces latitudes extrêmes et nous offrent un chaud cocon protecteur lors de nos sorties en zodiac sous le vent boréal. Nous voilà partis pour une première sortie à Hamburgbukta, cette paisible lagune oui où nous apercevons des guillemots à miroir aux pattes d’un rouge vif contrastant avec le bleu sombre de la mer, et de jeunes mouettes tridactyles, typiquement arctiques. Nous débarquons pour avoir le plaisir de fouler une terre inhabitée, tels les premiers explorateurs qui sont venus ici au Spitzberg probablement à la fin du XVIe siècle, alors qu’ils étaient en route vers l’Asie.
A notre arrivée sur la grève, nous tombons sur les traces fraîches d’un renard polaire : ce petit mammifère de l’Arctique a laissé les marques de ses griffes dans le sable fin. Une promenade nous permet de remonter une rivière, issue de la fonte d’un glacier, entre des blocs de granite à grains fins couverts de mousses abondantes d’un vert tendre. Nous observons quelques fleurs qui colorent cette toundra étonnante, telle la saxifrage penchée. Mais les espèces qui volent la vedette aux fleurs sont les lichens : toutes les fantaisies possibles et imaginables sont visibles dans les formes et couleurs de cette symbiose à mi-chemin entre l’algue et le champignon, de l’orange au noir en passant par le jaune et tous les camaïeux de verts, des tubes, pétales, à pois ou à cils, en bouton ou en corolle, ils sont d’un nombre et d’une variété rare. Certains, de part leur taille, ont probablement plus de 100 ans. Il constituent la nourriture privilégiée des rennes.
Après une vue panoramique sur le glacier, de l’autre côté de la colline, nous revenons aux zodiacs et avons la surprise d’une rencontre extrêmement proche avec deux phoques communs nageant vers nos embarcations sans montrer ni gène ni crainte, candides animaux aux yeux doux. Nous les voyons même aller et venir sous l’eau à une vitesse folle et suivons des yeux leur parcours joueur.
De retour sur le Polarfront, nous déjeunons, le navire mettant le cap au Nord Est pour notre sortie de l’après midi à Danskøya. Un petit groupe de morses se repose sur la plage, avachis et tranquilles. Ce sont les hédonistes polaires : leur seul régime consiste à manger des coquillages sur le fond marin à telle profondeur puis à faire des siestes digestives qui peuvent durer des jours… A notre approche, seul un lever de tête, quelques éructations et du grattage d’arrière train seront leur activité. La scène d’action est à son paroxysme quand un jeune morse se met à l’eau et fait quelques mètres avant de retourner s’étaler à la limite des flots. Leur placidité nous fascine. Il faut dire qu’un grand soleil accompagne notre sortie : ces mammifères marins isolés par une bonne dizaine de centimètres de graisse ont probablement chauds. C’est l’été !
Nous poursuivons vers Virgohammna, site historique aux débris épars, restes des époques terribles des baleiniers ou tristes et seuls témoins des expéditions avortées ou tragiques vers le pôle nord. Nous avons une pensée pour Walter Wellman dont la volonté farouche de vaincre le pôle en dirigeable lui fera tenter l’aventure cinq fois depuis cet endroit ! Nous écouterons la terrible aventure de l’expédition de Salomon August Andrée qui voulant atteindre le pôle Nord avec un ballon à hydrogène, se terminera par la disparition corps et âmes du ballon et ses occupants dans le grand blanc absolu — jusqu’à ce que leurs corps, leur journal de bord et même leurs films photographiques soient retrouvés plus de 30 ans après leur disparition. Quelle terre dure et cruelle, quelle revanche des éléments dans cette baie qui nous semble pourtant si paisible au premier regard. Après notre retour à bord, nous poursuivons la navigation pour être demain en terre du Nord-Est — toujours plus au nord !
La journée du 22 août, troisième jour de notre croisière, restera dans nos mémoires : 6 ours seront successivement observés, de l’aube jusqu’au soir, et de manière spectaculaire. La chance est avec nous !
Tout commence à l’aube : tandis que nous dormons, et que le navire vogue vers le nord de l’archipel, notre chef d’expédition et notre guide sont aux aguets en passerelle, scannant le paysage minéral de la Terre du Nord-Est (la deuxième plus grande ville de l’archipel) à la recherche d’une âme qui vive. Vers 6 heures du matin, majestueux, d’une teinte blanche légèrement dorée, déambulant sur une presqu’île rocheuse, par temps calme, un ours bien en chair se dévoile. C’est alors le branle-bas de combat : nous sommes réveillés en urgence, tandis que les marins du bord mettent les zodiacs à l’eau. Il s’agit d’effectuer une approche en douceur, pour observer l’ours dans de bonnes conditions, sans toutefois le déranger ou l’effrayer. Nous sommes les invités sur le territoire de l’ours, et non l’inverse. Emmitouflés dans nos combinaisons, par un froid vivifiant, dans le paysage totalement lunaire du fjord de Murchison, nous approchons du mammifère qui se montre très actif. Celui-ci va nous offrir le spectacle qui, de mémoire de chef d’expédition, est sans doute le plus beau spectacle donné par un ours au cours de ces dernières années au Spitzberg.
L’ours descend sur la plage, nous hume, continue sa recherche de nourriture, marche auprès de nous pendant plus de deux heures, à une dizaine de mètres seulement, se gratte, se nettoie, creuse, déterre une carcasse de morse, et ce n’est qu’un début. Vers dix heures, l’ours se met en quête d’explorer une station scientifique, l’ancienne base de Kinnvika. Il s’agit d’un ensemble de cabanes en bois construites dans la baie en 1957, utilisées à l’époque pour des recherches météorologiques. On y aperçoit des points d’attache pour ballons-sondes, des ossements de baleines et des locaux techniques. Ce paysage fantomatique pourrait être le décor de Shining. L’ours, s’approchant doucement de ces vestiges, d’un pas sûr et déterminé propre à son espèce, hume les différents bâtiments, investigue le moindre objet, se cache habilement derrière le dortoir principal — on se prend à frémir à l’idée que cette base « inhabitée » ne l’est plus tant que ça ! … Puis il se livre à la plus improbable scène d’affût qu’il nous ait été donné de voir : apercevant deux Rennes qui paissent non loin de là dans la toundra à l’est de la base, l’ours se cache discrètement derrière une petite cabane en bois et laisse les rennes s’approcher. Il s’agit, pour l’anecdote, de la cabane des toilettes aménagée par les scientifiques. De temps à autre, sa tête dépasse de la cabane, puis disparaît. Tandis que les rennes ne se doutent de rien.
Quelques minutes après, les rennes détectent l’ours. Mais ceux-ci, en un comportement qui semble défier la théorie de la sélection naturelle, au lieu de s’en aller en courant, courent et sautent en direction de l’ours. Jusqu’à s’en approcher à quelques dizaines de mètres. Ce comportement a priori aberrant s’explique simplement : les rennes, dotés d’une vue exécrable, sont cependant munis d’un odorat extraordinairement fin. Ils ont besoin de s’approcher de la menace pour pouvoir l’identifier et agir en conséquence. Ceux-ci sont déjà loin maintenant, à l’abri de leur prédateur potentiel. L’ours, penaud, sort de son improbable cachette. L’ours, dont la démarche virile fait le bonheur de nos photographes, décide de quitter ces installations humaines, non au passage sans venir inspecter des bidons de carburant disposés là, dans la base, en cas d’urgence (ce sont des réserves pour les hélicoptères de secours, par exemple). Il s’oriente d’abord vers une plaque de neige, où, pour finir ce spectacle décidément cocasse, il se couche à plat ventre, écartant ses 4 membres et glissant dans la neige. Perdant de sa superbe, le prédateur de l’arctique cherche simplement à se refroidir. En effet, cela fait plusieurs heures qu’il est en action, et que son corps se réchauffe sous l’effet de son métabolisme musculaire. En été, les ours sont facilement en hyperthermie, leur pelage (parfois épais de plus de 15 cm) et leur graisse leur permettent de résister à des températures frôlant les 40° en dessous de zéro en plein hiver arctique. Après ce délicieux bain de neige, l’ours disparaît à l’horizon, grimpant lentement mais sûrement un sommet situé à environ 200 m de hauteur.
À peine avons-nous eu le temps de naviguer dans l’Isfjord, et de nous remettre de nos émotions, que le Polarfront croise la route d’une grande baleine bleue, accompagnée de son baleineau. Leurs corps mouchetés et leurs ailerons falciformes de petite taille permettent de les identifier facilement.
Et ce n’est pas fini : à l’approche d’un petit fjord (Lomfjord), l’équipe de guides aperçoit, bien actives, deux taches blanches sur la grève. C’est la journée des ours ! Il s’agit de deux jeunes ours qui sont occupés à dévorer une carcasse de cétacé rejetée par la mer. A nouveau, sous le commandement de notre capitaine Sophie Galvanion, on s’affaire à activer la grue, à sortir l’échelle de coupée, et à monter sur les zodiacs sans perdre le moindre instant : voir des ours dévorer une baleine échouée est un spectacle rare. Nous observons, pendant plusieurs heures également, les deux jeunes ours voraces attaquer la chair fermentée de la baleine échouée. Tandis qu’en arrière-plan, au loin dans la toundra, une calotte glaciaire étincelle dans une lumière dorée. Quatre mouettes ivoires, d’un blanc immaculé, se joignent au festin, attendant patiemment leur tour pour se servir. Ces oiseaux rares, exclusivement arctique, suivent fréquemment les ours polaires à la recherche de nourriture, en un comportement opportuniste.
De retour au bateau, tandis que nous accrochons le zodiac à l’échelle de coupée, et que nous apprêtons à monter à bord, un cri de joie retentit : notre guide Sophie vient d’apercevoir, à l’horizon, un autre ours — et pas des moindres. Il s’agit d’une maman ours, d’un rare blanc pur, escortée par deux adorables oursons âgés d’à peine quelques mois. Nous repartons pour un tour de zodiac : voir des oursons, c’est le graal des amateurs de la faune Arctique. La mère, déterminée, marche d’un pas vif, tandis que les oursons sont contraints de courir après elle, se cassant parfois la figure, ou bien se roulant sur le dos. Celle-ci a naturellement senti l’odeur de la carcasse, située à environ un kilomètre, vers laquelle elle se dirige en ligne droite. Nous nous positionnons d’abord à bonne distance, de façon à laisser la petite famille s’approcher sans crainte de leur garde-manger. Puis nous approchons délicatement, jusqu’à pouvoir observer les oursons plonger leurs museaux et leurs griffes dans la chair rose de la baleine, à quelques mètres à peine de nos embarcations. Leurs petites bouilles blanches, leurs grands yeux ronds et leurs délicates oreilles touffues sont à croquer. La maman ouvre la carcasse pour laisser l’accès aux deux rejetons. Ceux-ci resteront encore de longs mois, parfois presque deux ans, aux côtés de leur mère qui leur apprendra, quand la banquise se refermera, à pister, traquer, chasser, tuer, découper et dévorer les phoques. Mais pour l’heure, c’est une baleine qui est au menu. A bord des zodiacs, les guides n’ont pas besoin de faire de commentaire : le silence se fait, dans le spectacle parle de lui-même. Repus, les oursons et leur maman s’éloignent finalement, pour se coucher à une centaine de mètres du rivage, le ventre bien bombé, et commencer leur sommeil.
Au petit matin, le Polarfront est ancré dans le Lomfjord. Une belle lumière, presque rasante, éclaire la toundra et le glacier. Pas encore remis de nos émotions de la veille (6 ours observés dans des conditions paradisiaques), dès 7h, on aperçoit un nouvel ours, le septième de cette croisière, un mâle majesteux, jaune foncé voire brunâtre, sali par le sang séché. Celui-ci, attiré par la carcasse de cétacé, profite également du festin. Une carcasse de baleine, en Arctique, c’est une aubaine pour les ours qui peuvent accéder facilement à de la nourriture pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, le climat froid favorisant la conservation de la chair.
C’est dans ce frigo naturel que les prédateurs féroces se réunissent, sans combattre, pour partager intelligemment le butin, jusqu’à ce que les os de la carcasse soient dénudés — le travail étant généralement achevé par différents oiseaux charognards ou encore le renard polaire. Nous quittons le fjord vers le site d’Alkefjellet pour une contemplation en zodiac de ces superbes et vertigineuses falaises de dolérite et marbre. Elles constituent un site exceptionnel : le nichoir de près de 200 000 oiseaux, des guillemots de Brunnich, des guillemots à miroir, des mouettes tridactyles et des goélands bourgmestres. Nous commençons par une approche en zodiac d’un « petit » glacier bordé de strates de marbres et de roches magmatiques. Nous mesurons un front de glace élevé de 45 m, soit à la hauteur d’un immeuble de quatre étages environ. Nous examinons les figures de stratification de la glace, avant de nous diriger vers la colonie d’oiseaux à proprement parler.
Un cri de stupeur retentit. Nous étions venus voir des oiseaux en premier lieu, mais c’est un ours (encore !) qui nous accueille. Ce jeune individu, une femelle au pelage délicat et soigné, d’un blanc doré, est en action au pied de la falaise, cherchant quelque friandise à se mettre sous la dent. Notre carnivore préféré (le huitième de ce voyage) fait le show : il hume la terre et les rocailles à la recherche d’un cadavre d’oiseau, ou d’un oeuf tombé au sol, nous regarde, grimpe et descend dans des éboulis, glissant maladroitement, allant et venant, cherchant son chemin dans un chaos rocheux impraticable. Finalement, après une longue hésitation, il décide de se mettre à l’eau, et de nager le long du rivage à la recherche d’un meilleur accès..
Nous l’observons nager, seuls ses yeux, son museau et une infime partie de son dos émergeant de l’eau, sans ne laisser aucune onde derrière lui , tel un sous-marin furtif en approche, quasi invisible : c’est ainsi qu’il parvient à surprendre des phoques sur des plaques de banquise. A force de persévérance, il finit par dénicher un cadavre de guillemot, qu’il dévore devant nous, en mangeant les filets, laissant apparaître le volumineux bréchet. L’ours ne fait finalement qu’une bouchée du volatile. En été, la banquise arctique est réduite voire absente autour de l’archipel du Spitzberg. Les ours sont alors en retraite estivale, car ils ne peuvent pas chasser les phoques (leur nourriture principale) dans l’eau, ceux-ci ayant une bien meilleure dextérité à la nage que les ours. Les ours sont alors contraints soit de jeûner, soit de manger ce qu’ils peuvent trouver en attendant le retour de la banquise à l’approche de l’hiver : des œufs, des poussins, des cadavres d’oiseaux ou d’autres animaux. Nous le laissons à son goûter et continuons notre exploration le long des imposantes falaises noires et verticales comme des buildings, où piaillent les dizaines de milliers d’oiseaux, tourbillonnant dans le ciel, pour la plupart des guillemots de Brunnich. Leurs décollages et atterrissages sont laborieux — et amusants : le talent de ces oiseaux plongeurs n’est pas dans leur vol, mais dans leur capacité de nage. Ils déploient en effet entièrement leurs ailes sous l’eau, se propulsant sous la surface tels des oiseaux sous-marins, nos yeux les suivant sur quelques mètres dans les eaux claires d’un bleu profond du détroit d’Hinlopen. Leurs voisines des étages supérieurs, moins nombreuses mais plus bruyantes, les mouettes tridactyles, crient des noms d’oiseaux depuis les hauteurs doléritiques. Tout ceci sous l’oeil inquisiteur des goélands bourgmestres dont les jeunes aux plumage gris ont presque déjà la taille des parents. Ces goélands, véritables pirates, n’hésiterons pas à se jeter sur un poussin laissé à l’écart, ou sur un œuf, pour le dévorer devant ses parents. Que de piaillements et vacarme dans l’air et sur les flots…la falaise sera bien différente lorsque, dans quelques semaines, d’un seul tir d’aile et en quelques jours seulement, elle sera vidée de ces occupants et qu’on n’entendra rien d’autre que le silence pesant et austère des hautes latitudes. Nous approchons en effet la fin de l’été arctique, dont la brièveté contraint les espèces à se reproduire en un temps record : les guillemots pondent en juillet, leurs poussins entreprenant de migrer dès le mois d’août ! La reproduction est si rapide que les guillemots possèdent une stratégie unique au monde pour s’échapper de ces lieux hostiles avant le retour des grands froids : leurs poussins, bien que ne sachant pas encore voler, se jettent dans le vide, appelés par leurs parents, atterrissent tant bien que mal dans l’eau et entreprennent une étonnante migration à la nage du plusieurs centaines voire milliers de kilomètres vers le Groenland, l’Islande, ou encore le Canada. Tout ceci avant d’avoir acquis leur capacité de vol.
Les falaises sont marquées par des figures géomorphologiques spectaculaires, entre tours polygonales et blocs cubiques en équilibre. Nous contemplons ce décor digne d’un architecte mégalomane torturé avant de revenir à bord pour poursuivre notre itinéraire dans le détroit de Hinløpen, continuant notre route vers la mer de Barentz. Pendant cette traversée, nos guides Sophie et Vincent nous donnent respectivement des conférences sur les morses puis sur les guillemots. Entre quelques blocs de glace parsemés de ci de là sur les eaux grises, nous poursuivons en vue d’une autre architecture divine et ostentatoire : celle de l’immense front glaciaire de Bråsvelbreen. Il s’agit d’une barrière de glace de plus de 160 km de long, la plus longue de l’archipel, issue de la calotte glaciaire posée sur la terre du nord-est. Un contour de côte titanesque pour cette étendue de glace « infinie » (elle disparaît à l’horizon, formant un dôme blanc immaculé), qui recouvre la presque totalité de la 2e plus grande île de tout l’archipel du Svalbard sur près de 14 000 km2.
Après examen des cartes météorologiques et des cartes de banquise, le chef d’expédition Vincent et le capitaine Sophie ont pris la décision de remonter l’intégralité de ce paysage dantesque, durant tout l’après-midi, toute la soirée et toute la nuit, pour se diriger le plus au nord possible de l’archipel, en quête de la banquise, bien au-delà du mythique 80e parallèle. La falaise de glace attire tous les regards. Une main céleste gigantesque semble avoir raboté la glace dans un angle droit improbable. Alimentées par des bédières (des rivières faisant des méandres d’un bleu azur sur le sommet du glacier), des cascades au débit impressionnant parsèment ce défilé. La dextérité de l’équipage et de leur capitaine nous permet de profiter pleinement de ces paysages plus « polaires » que jamais. Nous ne pouvons nous empêcher de penser au désastre écologique que représenterait sa fonte et l’impact de la disparition des glaces polaires sur le fragile équilibre des écosystèmes arctiques et de la biosphère terrestre dans son ensemble : nous sommes tous témoins du dérèglement climatique, mais ne devons-nous pas également être acteur de la recherche de solutions ? Des icebergs de plus en plus imposants, certains atteignant plus de 10 m de haut, défilent au long de la barrière de glace. Sur le sommet de certains d’entre eux, des centaines de mouettes tridactyles prennent un peu de repos, de retour de la pêche, tandis que des morses et des phoques sont aperçus à fleur d’eau. La soirée se poursuit devant cet incroyable tableau qui laisse des images indélébiles et émouvantes, tel un secret dont nous sommes les fiers détenteurs.
Demain, nous espérons voir la banquise.
Alors que nous venons de rejoindre nos cabines, nous apprêtant à dormir, un nouveau cri de joie retentit depuis la passerelle : un ours (le neuvième de la croisière) a été aperçu par le chef cuisinier du navire, alors que celui-ci regardait le paysage avec ses jumelles. Tout le monde participe à la réussite de ce voyage ! C’est un mâle qui erre dans une banquise extrêmement disloquée, plongeant puis resurgissant de plaque en plaque sur la banquise au large de la barrière de glace de Brasvellbreen. Son pelage maculé de sang séché ne fait guère de doute : celui-ci a consommé quelque chose récemment. D’ailleurs, nous découvrons sur la banquise les restes d’un repas récent, probablement un phoque mort, dont les tripes gisent sur la poudreuse.
Peu après, le Polarfront entre dans la banquise, la vraie. De belles plaques de glace, aux teintes bleutées, dansent sur une mer opaque et insondable. L’étrave fend en deux certaines plaques, ou bien en repousse d’autres, en un spectacle qui fait toujours son petit effet. Le navire doit ralentir pour assurer sa progression, tandis que de gros icebergs défilent à bâbord comme à tribord. Le silence se fait sur le pont avant du navire, où tous les passagers sont réunis pour assister à ce spectacle des éléments, alors que minuit approche. Des labbes parasites et de superbes mouettes ivoires se joignent à ce théâtre glacé.
Une belle lumière orangée perce à travers la couche de nuages : c’est aujourd’hui, 23 août, que le soleil pour la première fois passe dessous l’horizon au Spitzberg, marquant théoriquement la fin du jour polaire continu. La nuit ne tombe pas et humblement pour autant, le paysage reste baigné dans une étrange lumière boréale (le soleil est juste là, sous l’horizon) — cette même lueur chère à Paul Emile Victor, poète et conteur de l’Arctique, lequel avait su décrire avec tant de poésie le spectacle des pôles.
Durant la nuit, le Polarfront a navigué vers le nord, longeant la grande barrière de glace pour atteindre les alentours de l’île de Storøya, à l’extrémité nord-est de l’archipel du Svalbard. Jamais nous n’avons été plus au nord. On se prend à rêver que nous allons bientôt atteindre le « bord du monde », là où nos ancêtres imaginaient de grandes chutes d’eau verticales habitées par des monstres marins…La calotte glaciaire, aux allures mystiques, coiffe d’un dôme blanc immaculé une langue de terre que l’on devine à l’horizon. Cette île, l’île de Storøya, serait, indiquent nos guides, un repère pour les ours polaires.
Une brume épaisse ralentit cependant la navigation, à tel point que le capitaine et le capitaine second doivent scruter le radar à chaque instant, de façon à ne pas entrer en collision avec un bout de glace qui serait malencontreusement placé sur notre chemin. Ils sont naturellement expérimentés à procéder à ces opérations. Mais l’ambiance semble confirmer que nous approchons du « bord du monde ». Dès que la brume se lève, en milieu de matinée, tel un rideau avant le début d’un spectacle, les acteurs entrent en scène : non pas un, mais deux ours… Ils sont là, d’un jaune or, au loin sur la banquise, pour notre plus grand bonheur. Ce sont les dixièmes et onzièmes ours de la croisière, — décidément c’est un festival. C’est notre guide Sophie qui les a repérés, et qui procédera au rituel : ajouter, au couteau, deux encoches au panneau de bois dédié au comptage des ours polaires sur la passerelle, non loin du siège du commandant… Ce geste est une tradition norvégienne.
Tandis que l’un des ours semble endormi sur la banquise, à tribord, l’autre est réveillé, actif, déambulant à quelques centaines de mètres de nous, avec en arrière-plan le paysage féerique et inquiétant des hautes latitudes. Nous avons aussi la joie d’observer de belles pistes laissées par un ours polaire dans la neige, directement depuis le bateau, à quelques mètres de nous. On distingue nettement les énormes pattes de l’ours, munies de griffes redoutables. Ces larges pattes, bien plus grandes que celles de l’ours brun (le plus proche cousin de l’ours polaire), lui assurent un déplacement plus facile dans la neige, à la manière des raquettes de randonnée.
Voir un ours polaire dans son milieu de prédilection, la banquise, est toujours un moment exceptionnel. Plus que les multiples photographies que nous prenons, ce sont les souvenirs de ce que nous avons vécu avec nos yeux qui demeureront : un être placide mais féroce, impérial mais si petit dans l’horizon infini des glaces, un diable au visage d’ange. Nous l’observons pendant presque une heure, avant de poursuivre notre navigation. Durant l’après-midi, nous effectuons une expérience nous attendions avec impatience — non sans quelques crainte il faut bien l’avouer, le débarquement sur la banquise. Notre chef d’expédition et notre guide repèrent préalablement une plaque sur laquelle nous pouvons marcher.
Ce repérage est délicat, car en raison d’une brise soutenue, le zodiac de repérage se trouve dans l’obligation de faire appel au navire pour lui ouvrir la voie au milieu de la banquise, et lui permettre de sortir d’une impasse dans laquelle le ballet des vents et des glaces l’avait enfermé. L’Arctique n’est ni un zoo ni un musée immobile, la nature dicte sa loi et nous devons agir avec précaution, en fonction des éléments…Après avoir trouvé un lieu plus sûr, nous posons délicatement le nez de chaque zodiac sur une île de glace flottante, avant de fouler du pied cette mer gelée. Le premier contact avec la glace est émouvant, entre impatience et inquiétude, au milieu des crêtes de compression, des stalactites de glace d’un bleu turquoise, des mares de fonte de couleur azur. C’est l’occasion de trinquer, par 80° de latitude nord, tandis que des phoques curieux font leur apparition. Notre guide Vincent joue au piano un air mystérieux adapté à l’ambiance polaire. Le champagne réchauffe les corps, les notes de musique nos coeurs.
Après ce débarquement sur la banquise, nos guides nous accompagnent pour une navigation dans la glace, par un froid vivifiant qui nous rappellent dans quelles conditions les explorateurs et les pionniers de l’Arctique ont tenté leur chance, souvent sans revenir, tel Nansen ou Andrée. La mer, dont la température atteint 1.9°C au-dessous de zéro, ne gèle pas, en raison du sel. Le clou du spectacle est très certainement un phoque barbu extrêmement curieux, qui nous observe à quelques mètres seulement, pendant une vingtaine de minutes, tandis que nous avons coupé les moteurs. La journée a été animée par deux conférences données par Vincent, notamment une présentation de l’ours polaire, avec des échantillons étonnants (canine d’ours des cavernes) et des vidéos d’ours attaquant des morses ou grimpant sur d’improbables falaises verticales : le roi des animaux du nord n’a pas fini de nous étonner…
Depuis le début du voyage, nos observations sont hautes en couleurs : nous avons été éblouis par le bleu roi du glacier d’Alkfjellet, par le jaune doré du pelage des ours, par le blanc pur de celui des oursons, par le vert tendre des mousses et le noir intense des lichens de la toundra. Mais il manquait une couleur à notre palette : le rose orangé d’un coucher de soleil. Peu après minuit, ce 25 août, pour la première fois depuis de longs mois de jour continu, le soleil se couche au Svalbard. L’astre passe brièvement derrière l’horizon, alors que nous naviguons vers le nord, au large de la Terre du Nord-Est.
Ce sont d’abord d’étranges lueurs rosées qui frangent l’horizon. Puis, sans prévenir, c’est un feu d’artifice : le disque solaire orangé apparaît soudainement à travers la brume, éclaboussant d’étincelles les plaques de banquise entre lesquelles le Polarfront se fraye un chemin. Malgré l’heure tardive, l’ensemble des passagers et de l’équipage se sont donnés rendez-vous sur le pont extérieur pour assister à ce rendez-vous de la glace et du feu. Cerise sur le gâteau, c’est à ce moment précis qu’un ours est aperçu, dans le lointain, allant de plaque en plaque, nageant et marchant alternativement. Cette observation furtive, à distance, dans la lumière rosée, nous rappelle que nous sommes au royaume de Nanouk.
Au petit matin, lors de notre “deuxième” réveil, nous découvrons un paysage hors du temps, sur une mer bleu de Prusse. Au large, se dessine une île unique et lointaine, tableau romantique aux couleurs chatoyantes, graal de notre journée après une nuit à louvoyer entre les glaces : Karl XII Øya (littéralement : l’île du Roi Charles XII). Le sombre sommet rocheux abrite une colonie de mouettes tridactyles et goélands, profitant d’une liberté inconditionnelle. Les pentes verdoyantes flirtent avec des plages de galets et des blocs de glace venus mourir sur la grève, certains mesurant plus de 12 mètres.
Cette île longtemps inconnue des marins revêt une morphologie étonnante, d’un côté un cône de roches métamorphiques, de l’autre une longue langue de graviers sur laquelle viennent s’échouer des centaines de troncs d’arbres arrachés aux berges des fleuves sibériens. Alors que nous sommes en approche de cet eden perdu au milieu de l’Océan Glacial Arctique, notre chef d’expédition Vincent aperçoit depuis la passerelle une minuscule tache jaune au sommet d’un iceberg : est-ce un ours ? Oui, c’est un ours, paisiblement endormi dans un paysage lunaire, composé par des glaces échouées et concassées autour de l’îlot. Ce bel ours, le treizième de notre voyage, se repose sur cette minuscule mais ô combien romantique écrin du « bord du monde ». La solennité et le recueillement sont de mise. Charles XII sert souvent de refuge et de lieu d’estivage pour les ours polaires en l’absence de banquise.
Sous un grand ciel bleu qui faisait défaut depuis le début de notre expédition, nous entreprenons une croisière en zodiac autour de l’île. Si l’ours est parti en mer pour se nourrir ailleurs sur la banquise, nous apercevons ses élégantes traces et ses glissades sur un pan de neige. À ce ballet polaire se joignent plusieurs familles d’Eiders à duvet, les jeunes poussins accompagnant leurs mamans sur l’eau. Nous observons également une colonie de mouettes tridactyles et des poussins de goélands bourgmestres.
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Après le retour à bord, notre guide Sophie nous fait une conférence sur l’Histoire du Svalbard, si mouvementée et énigmatique, suivie d’une intervention sur l’histoire contemporaine et la géopolitique de l’archipel, faite par notre journaliste à bord, Caroline Britz. Le débat est ouvert et les passagers se prennent au jeu des questions réponses avant de déjeuner.
Nous poursuivons notre route vers une partie méconnue du Svalbard, le fjord d’Albertini. Celui-ci a été nommé en hommage à l’un des participants à la plus grande opération de sauvetage polaire de l’Histoire, celle de la « rescue mission » d‘Umberto Nobile et de son équipage, partis à la conquête du pôle Nord en dirigeable dans les années 1920, avant de s’écraser sur la banquise non loin de l’île que nous avons visité ce matin.
Aller vers le fjord d’Albertini, peu connu, nous donne des frissons : ni le chef d’expédition, ni personne à bord, ni même le commandant du navire, ne sont jamais allés précisément en ces lieux. Nous disposons de la recommandation de Christian Kempf, le fondateur de Grands Espaces, lequel connaît naturellement le site. Aucun bateau n’est encore passé par là cette année, nous n’avons aucune information sur l’état des glaces et découvrons les conditions de navigation à mesure de notre progression, à vue. Nous sommes en pleine « exploration », en ces zones peu accessibles et peu fréquentées de l’une des côtes les plus septentrionales du Nordaustlandet (la Terre du Nord-Est). Nous nous engageons avec déférence dans ces endroits extrêmes aux fonds mal ou non sondés. Le commandant du navire, Sophie Galvanion, et son équipage, mettent un petit bateau à l’eau, qui part en éclaireur, à quelques centaines de mètres en avant de la proue du Polarfront : il s’agit de sonder le fond manuellement et de s’assurer que nous pouvons passer ! Les cartes marines sont en effet muettes dans ce secteur… Il faut avancer à pas de velours pour progresser vers le fond du fjord.
Nous voilà en plein « revival » d’une équipée « à l’ancienne », ce qui nous permet de ressentir, certes à notre mesure, ce qui trottait dans la tête des premiers explorateurs polaires qui découvraient ces terres au hasard de navigations incertaines, tel le néerlandais Willhelm Barentz lorsqu’il découvrit l’archipel en 1596.
Nous lançons par ailleurs les zodiacs à l’assaut du front glaciaire et profitons de cet esprit d’exploration pour découvrir, tous ensemble, un superbe glacier de plusieurs kilomètres de long, et de 35 m de haut, hérissé comme un chateau cathare, spectaculaire et austère, ses falaises d’eau solide se dressant devant nous tels des soldats figés dans la lumière maintenant chatoyante du soir qui ose timidement tomber.
Il fait un froid de canard : nous observons l’eau noire du fjord « prendre » sous l’effet du froid, d’étonnants cristaux triangulaires se formant peu à peu — cela s’appelle le frazil, premier stade de la formation de la glace de mer. Tandis qu’une lune rose et pâle se lève à l’horizon, nous abandonnons ces murailles glacées à leur silence pour retourner au doux confort chaud du bateau, rassasiés par notre périple, tels de premiers hommes ayant observé une Terra Incognita…
A l’aube, le Polarfront est en exploration dans un fjord peu fréquenté de la Terre du Nord-Est, bordé par d’impressionnantes formations géologiques rouges : le Rijpforden (littéralement : le « fjord large »). Mais l’Arctique est un milieu qui ne s’apprivoise pas si facilement : ce matin, un vent important (venant du sud-est) souffle depuis la calotte glaciaire de la terre du nord-est et s’engouffre dans le fjord, accélérant au ras de l’eau (effet venturi). La mer est formée, l’écume moutonne le paysage — cependant grandiose — de manière inquiétante. Nous croisons un bateau de pêche qui a lui aussi été contraint d’arrêter ses opérations et de se réfugier dans une baie. Nous faisons route vers une autre destination pour échapper à ce coup de vent gelé : oui, c’est bientôt la fin de l’été polaire.
Pendant le transit, notre chef d’expédition organise un atelier dans lequel nous sont présentés différents ossements et échantillons représentatifs de l’archipel. Nous en savons désormais un peu plus sur le microgranite âgé d’un milliard d’années (!) du Spitzberg, la structure du bois de renne, la mâchoire de l’ours polaire ou encore la gélifraction qui cisaille des galets massifs en fines tranches, sous l’effet du gel et du dégel. Notre guide Sophie donne une conférence sur la littérature polaire, livres en main, permettant à chacun de se plonger dans l’histoire des pionniers de l’Arctique.
Nous arrivons en vue de l’archipel le plus nordique de la région, les Sept Iles, perdues au milieu de l’océan Glacial Arctique, à 80.4 degrés de latitude nord : jamais nous ne serons plus au nord. Ces îles noires, aux formes fantomatiques, aux falaises verticales, à peine ponctuées par quelques tâches de toundra, offrent un paysage marin sorti tout droit de l’imaginaire d’un Jules Verne ou d’un peintre romantique en mal de solitude.
Nous profitons d’un temps clément pour parcourir en zodiac cet étrange archipel minéral aux reliefs intimidants. Ici, la vie est rare. Les oiseaux marins se comptent sur les doigts d’une main. L’archipel comprend notamment la colonie la plus nordique au monde de macareux moines, ainsi qu’une rare colonie de la mythique mouette ivoire.
Une maman morse, accompagnée de son jeune bébé, surgit de l’eau et nous offre son regard rougeoyant. Elle bombe le torse et jauge le zodiac, après avoir préalablement fait le tour du Polarfront, curieuse. Son jeune la suit de près : les morses sont très « mamans poules »… Les flancs de la montagne sont marqués de figures géologiques impressionnantes : migmatiques, gneiss, cristallisations de feldspath à grande échelle — nous sommes au coeur d’une antique racine d’orogène, enfouie puis resurgi au gré de la tectonique des plaques.
Nous débarquons dans une large baie au fond sableux cernée de sommets ciselés, tandis qu’à l’horizon un soleil boréal dessine une fine bande jaune sur une mer bleu de prusse.
Notre petite randonnée dans la toundra se fait le long d’une plage où des glaçons ont remplacés les galets. Nous parvenons jusqu’à une petite hute, modeste cabane en bois servant d’abri de fortune pour d’éventuels naufragés, installée là depuis 1936. Il s’agit de la cabane la plus nordique de l’océan Glacial Arctique. Deux lits en bois logent à peine dans ce tout petit espace de survie centrée autour d’un poêle à bois. Rares sont les visiteurs à passer une nuit ou deux dans cet endroit désolé — en territoire d’ours.
Nous observons également des ossements de baleine, une impressionnante vertèbre et une côte de plus d’un mètre 50 de long. Nous marchons sur des plages fossiles étagées, plages surélevées par isostasie après la fonte de la calotte polaire depuis le dernier maximum glaciaire. Ce paysage surprenant est constellé de plusieurs centaines de troncs de conifères venus s’échouer ici après un long périple en mer de plusieurs milliers de kilomètres, au gré de la dérive arctique. Du point de vue, nous apercevons les différentes îles de l’archipel, l’océan à perte de vue jusqu’au pôle nord, les icebergs échoués d’un bleu cobalt, et, minuscule tâche métallique dans la rade, le Polarfront, notre esquif.
Le vent polaire souffle de plus en plus fort, balayant la toundra moussue de son haleine gelée, et faisant danser les glaçons à la surface de l’eau… Il est temps de se rapatrier à bord du navire. Au retour à bord, une passagère, conteuse de profession, nous offre un moment d’émotion en narrant un mythe inuit, l’histoire de la déesse de la mer, Sedna, dont les différentes parties du corps ont donné les animaux marins.
Alors que le soleil descend au ras de l’horizon, nous voguons désormais vers le sud, pour rejoindre l’île principale du Spitzberg.
Après une semaine idyllique, le Spitzberg nous donne un aperçu de sa face hostile — celle-là même que les explorateurs d’antan redoutaient — : c’est une nuit de navigation quelque peu mouvementée, qui fait le bonheur des passagers voulant voir « la grosse mer » depuis la passerelle. Les embruns explosent sur les sabords, tandis que le navire fend les vagues vers le sud dans un paysage pluvieux et boréal. Au matin, nous voici au large de l’île principale du Spitzberg. C’est dans un paysage fantasmagorique que les brumes du matin dispensent leur effet “sfumato” sur les roches rouges du dévonien, ces couleurs chaudes contrastant avec le pelage blanc pur de deux renards polaires — les premiers de notre voyage : quelle surprise !
A l’entrée du Woodfjord, ces mammifères furtifs, agiles, endémiques de l’Arctique, sont en chasse sur une colonie de goélands bourgmestres. Nous approchons en zodiac. Ils grimpent et courent avec agilité sur les hauteurs de la colonie, redescendent en virevoltant jusqu’à la plage de galets noirs où, pour un instant suspendu dans le temps, ils prennent la pause sur un rocher. Puis, ils se chamaillent sur la toundra, se courant l’un après l’autre, jouant tels deux lionceaux du nord.
Leur pelage, réputé le plus chaud du monde, a attiré ici des trappeurs de tous bords — et préalablement les chasseurs Pomores, venus des lointaines rives sibériennes –, en quête de peaux et de fourrures revendues sur le continent à prix d’or. Notre excursion en zodiac nous amène dans une lagune circulaire aux eaux troubles fréquentée par des truites et des saumons. Nous continuons le long de la côte balayée par les vagues vers la pointe du Woodfjord. Nous scrutons minutieusement chaque tache blanche suspecte à la jumelle et écartons tout danger avant de débarquer sur une plage de galets roulés par la houle. En l’absence d’ours, nous pouvons randonner.
Cette sortie sur la terre ferme nous amène à la découverte de huttes de trappeurs. Des fleurs arctiques s’offrent au plaisir de nos yeux, vaillantes et résistantes dans ce milieu hostile: la saxifrage en coussinet, l’oxyrie à deux capelles (une petite plante de la famille des oseilles, riche en vitamine C), la céraiste arctique et une acaule en fleurs. Des figures de solifluxion et de gélifraction, aux motifs étonnants inconnus sous les latitudes tempérées, font l’objet d’une explication scientifique.
Quelle surprise de voir ce que nous appelons avec malice la « forêt du Spitzberg », cette éparpillement de feuilles cordiformes aux couleurs de l’automne au ras du sol : ces plantes de quelques centimètres de hauteur sont pourtant des arbres ! Leurs tiges sont en effet lignifiées… Mais croître plus haut serait imprudent, exposant les bourgeons à la dessiccation et au gel. Jamais nous n’aurions imaginé si petit bosquet et pourtant, il faut nous rendre à l’évidence: nous marchons sur une « forêt » de saules polaires (Salix polaris en latin). Ici, aime-t-on à signaler, c’est le seul endroit du monde où les champignons (qui sont nombreux) font de l’ombre aux arbres, et non l’inverse.
Nous faisons le tour d’une lagune d’eau douce où se reproduisent un couple de Plongeons catmarins, une espèce plutôt discrète et rare dont les cris rauques si particuliers les rendent reconnaissables. Leur vol élégant fait le bonheur des photographes. Quelques bécasseaux violets agrémentent notre observation ornithologique jusqu’alors surtout composée d’oiseaux marins tels les sternes, les guillemots ou les fulmars qui suivent notre navire.
Nous approchons d’anciennes huttes de trappeurs. Nous pouvons ouvrir et pénétrer dans l’une d’elle, mythique, car construite en 1927 par Hilmar Nøis, ce trappeur de tous les records, ayant été actif le plus longtemps sur l’archipel, plus de 38 hivers ! Il est également connu pour avoir séjourné avec sa femme, Helfrid, l’une des rares figures féminines de cet archipel autrefois dévolu aux hommes — que cela soient les baleiniers basques ou les mineurs russes. La hutte que nous visitons a récemment été restaurée, après avoir été détruite par un ours blanc. On y conçoit l’âpreté de la vie polaire, séjourner dans un espace de 3 mètres sur 4, auprès d’un minuscule poêle à bois, en priant pour que Nanouk ne soit pas en train de rôder autour…
Assis sur du bois flotté faisant office de table d’hôtes, face à l’embouchure agitée du fjord, illustrations en main, nous narrons l’histoire de Christiane Ritter, illustre « trappeuse » du Spitzberg — parmi les premières — cette femme passa plusieurs hivernages dans cette même hutte et y écrira son livre « Une femme dans la nuit polaire» (récit mythique recommandé la veille dans la conférence sur la littérature polaire). Nous terminons notre passage par un bon chocolat chaud emporté en sage prévision, compte tenu du froid rigoureux qui sévit sur le Spitzberg — rigoureux mais vivifiant.
L’après midi, nous mettons cap sur la rive opposée du fjord, en vu du glacier de Monaco qui sera notre excursion de l’après-midi. Le vent souffle à vingt nœuds, la mer est formée. Après une concertation délicate, la décision est prise de sortir malgré tout en zodiac, en combinaisons de flottaison, dans un paysage apocalyptique à couper le souffle : imaginez une falaise de 45 mètres de glace bleu vif, éclaboussée d’embruns, avec, au premier plan, des milliers de bourguignons (le nom donné aux petits icebergs) et autres blocs de glace chahutés par une mer déchaînée d’un vert turquoise. La houle ondule sous le « brash » translucide (nom donné à la « purée » de glacier), les bergs s’entrechoquent, tandis que le zodiac conduit tout doucement par notre chef d’expédition surfe de vague en vague. Un arc-en-ciel transperce brièvement le ciel où se succèdent des grains, pluie ou grésil…
Une grotte de glace, arche bleue-noire de 35 mètres de haut, semble ouvrir un passage secret vers le centre de la terre, comme en un roman de Jules Verne, tandis que tournoient des centaines de mouettes tridactyles en chasse au pied du glacier — contrairement à nous autres mammifères, les oiseaux aiment le vent. Leur univers est notre enfer. En contre jour, les crêtes acérées et noires du flanc du woodfjord nous surplombent, tandis qu’un impressionnant vêlage a lieu, dont la vague de plusieurs mètres de haut vient s’étaler et mourir derrière le sillage du zodiac parti à pleine puissance pour s’écarter de lieu décidément Sauvage — au sens le plus noble du terme. Il s’agit ensuite de regagner le Polarfront, qui manœuvre sans cesse pour échapper au ballet des icebergs que l’on n’a jamais vu plus « dansants »… Quelles émotions! Serait-ce la plus belle sortie du voyage ? Du moins peut-être la plus « dantesque »…
Voyager au Spitzberg n’est pas de tout repos : nous ne sommes pas aux Bahamas, nous sommes au delà du cercle polaire, fragiles passants en un lieu taillé pour les éléments et non pour les Hommes. A en croire les sourires sur nos visages, ce sont de tels instants que nous sommes venus vivre ensemble. « Il faut voyager pour agrandir la vie« , disait Jules Renard. Si ne nous sommes pas naturellement des « explorateurs polaires », nous sommes, simples observateurs curieux, les serviteurs de leur mémoire, glanant leurs souvenirs et leur présence par nos regards, nos frousses et nos émerveillements dans cette nature contrariée, chaos de glace, de vent, de houle et de mer qui a forgé tant de récits, de mythes et de légendes aux contours parfois tragiques – toujours héroïques.
Du fracas, passons à la douceur… Le retour à bord est accueillant avec un goûter et un petit vin chaud réconfortant de notre remarquable équipe hôtelière — toujours sur le qui-vive –, goûter très apprécié après la fraicheur de notre sortie. Une petite surprise musicale nous attend avec une improvisation à la scie de notre guide Sophie au salon: nous chantonnons quelques heures et profitons de cet interlude avant le dîner de notre chef Cyril, toujours aussi attentif et généreux dans ses plats (faut-il préciser qu’il fait l’unanimité à bord du navire ?).
Le soir tombe, nous voguons vers la sortie du fjord en direction du sud pour de nouvelles aventures.
Un ciel bleu pur se déploie sur le Kongsfjord – autrement dit : la « Baie du Roi ». A l’horizon, perçant à travers une langue glaciaire impressionnante, les Trois Couronnes émergent, sommets pyramidaux spectaculaires lesquels, tel le Cervin dans les Alpes, ont été jadis taillés à la serpe par d’anciens fleuves gelés lors du dernier maximum glaciaire.
Nos zodiacs filent sur une mer d’huile, flirtant avec des icebergs aux milles teintes de bleu. Certains, creusés comme des cathédrales, nous présentent leur face immergée — ils se sont retournés il y a peu, en atteste leur couleur bleu foncé et le modelé de leur surface. Nous accostons dans une petite baie calme, gravillonneuse, sur une vaste île où jadis un entrepreneur un brin mégalomane avait entrepris d’exploiter le marbre du Svalbard : bienvenue à « Ny London » (« la Nouvelle Londres »).
Cette toundra magnifique et vallonnée, sillonnée par des ruisseaux qui serpentent entre les mousses et les lichens, est le repaire de quelques rennes épars qui paissent à l’horizon. Leurs bois couverts de velours dansent au fur et à mesure de leurs prises alimentaires (au menu : quelques graminées, carex et coussinets de mousses). Cette randonnée est l’occasion de découvrir les vestiges d’une ancienne carrière de marbre. Une vieille ligne de chemin de fer, la plus nordique du monde, nous sert de sentier. Elle servait à conduire le marbre depuis l’exploitation jusqu’aux navires pour l’exporter en Europe — mais cette pierre précieuse se révéla finalement trop friable sous nos climats tempérés, conduisant l’entrepreneur à la ruine…
La nature a déjà repris ses droits sur cette installation humaine dont la rouille rejoint déjà le sol en copeaux orangés. Des silènes acaules égayent ce paysage funèbre de leur rose vif. Des dryades à huit pétales (une relique glaciaire) offrent leurs fruits duveteux à une brise légère. Quelques bécasseaux violets picorent les bordures des ruisseaux.
Nous nous approchons à pas feutrés d’un renne qui paisse au sommet d’une cascade d’eau douce, dans un paysage somptueux. Celui-ci nous jauge, puis s’approche de nous à une trentaine de mètres, avant de continuer son sempiternel repas végétarien. Ses grands bois et son allure virile indiquent qu’il s’agit d’un mâle en pleine santé.
La toundra nous réserve son lot de surprises éphémères : une plume de duvet d’Oie à bec court ; un nid abandonné du même oiseau ; des vertèbres de rennes ; les vols vigoureux et bicolores des bruants des neiges, seuls passereaux à vivre sous ces latitudes peu clémentes. Leurs piaillements aigus sont caractéristiques. Nous observons également, depuis le Polarfront, la station scientifique de Ny Ålesund, à l’entrée du fjord. On distingue nettement le fameux mât sur lequel l’ingénieur italien Umberto Nobile avait arrimé son dirigeable lors d’une expédition tragique à la conquête du pôle nord, en 1928. Le dirigeable s’était écrasé sur la banquise, convoquant une grande opération de sauvetage au cours de laquelle Roald Amundsen, légende éternelle, conquéreur du pôle sud, conquéreur du passage du nord-ouest, avait trouvé la mort : son avion n’a jamais été retrouvé.
Ces expéditions en dirigeables, si elles nous paraissent démesurées et un peu saugrenues aujourd’hui, trouvent leur logique si on se remémore l’époque : avec leur autonomie, leur capacité et leur rayon d’action bien supérieures à celles des tous premiers avions, les dirigeables étaient considérés, au début du vingtième siècle, comme l’avenir du transport aérien — avant de tomber en désuétude.
L’après-midi, nous organisons une traversée en bateau du fjord, s’approchant des falaises aux oiseaux d’Ossian Sars et du glacier des Trois Couronnes. Notre guide Sophie donne une conférence sur le renne du Svalbard et sur le Renard Polaire (que nous avons pu observer hier). Mais le vent se lève, nous devons reprendre le voyage vers le sud pour échapper, de nouveau, à un coup de colère d’Éole. Le soir, le (très attendu) Repas du Commandant est un moment de chaleur humaine et de rires, où humour, anecdotes et solennité se convoquent à la table du chef. Le voyage touche-t-il à sa fin ? Non, il nous reste une pleine journée à vivre, et nous n’en perdrons pas une minute !
Suivez nos voyages en cours, grâce aux carnets de voyages rédigés par nos guides.
Messages
Très jolie description du voyage! Bravo!
salutations à Natacha et Jean-Yves
Un petit mot pour toutes les personnes qui rendent ces expéditions polaires possibles ; merci à l’équipage du bateau, les guides Sophie et Vincent et l’équipe de stews pour leur générosité et bonne humeur au quotidien. Nous ne vous remercierons jamais assez pour cette incroyable aventure aux confins du monde ainsi que l’organisation de nos ‘noces de glace’ ; nous n’aurions jamais pu rêver de plus belle cérémonie et nous sommes tellement heureux d’avoir pu faire cela avec vous.
On vous embrasse,
Jonalynne et Mathieu
Salut Natacha et Jean-Yves.
J’espère que vous profitez à fond à fond à fond!!!!!!
Gardez des bons souvenirs!!!!!
À bientot!!!!
Merci pour ce riche et intéressant carnet de voyage au fil des jours.
Heureux pour vous tous que le temps soit clément et vous permette de bien profiter de ce voyage « au bout du monde », avec ses paysages grandioses, riches en faune.
Bonne continuation de voyage à tous, et bises particulières à Sonia, Madie et Nancie.
Jean-Michel
PS: Félicitations aux membres de l’équipage et aux guides et chefs d’expéditions. Bravo !
Jean-Michel