Jean Robert
Photographe et Journaliste
2 septembre
13 septembre 2019
Du 2 au 13 septembre 2019, à bord du Jangada
Jean Robert
Photographe et Journaliste
Photos d’illustrations, prises lors de précédents circuits. Les photos seront mises à disposition lorsque le voyage sera terminé.
Manaus ! Après des correspondances via Fortaleza, Rio de Janeiro ou Sao Paolo, nous nous retrouvons tous dans la capitale de l’état d’Amazonas, Manaus – 2,2 millions d’habitants à 3 degrés sud de l’Équateur, point de départ de notre croisière à bord de la Jangada. Certains d’entre nous, arrivés la veille ou dans la nuit, ont la chance de découvrir cette ville coloniale qui a connu ses heures de gloire lors de la ruée vers le caoutchouc fin XIXe.
Au gré de la visite, on découvre d’anciens hôtels particuliers dont les façades témoignent du faste qu’a connu Manaus. Le Teatro Amazonas est le joyau colonial de la ville et le monument le plus visité. Inspiré du Palais Garnier de Paris, le théâtre Amazonas reflète la grandeur de l’influence culturelle française de cette époque. De nombreux matériaux et objets de décoration furent importés par bateau de toute la France ! Porcelaines, chandeliers, miroirs, colonnes de marbre, bibelots… Le dôme de l’édifice est décoré de 36 000 tuiles vertes et jaunes en provenance directe d’Alsace. Depuis son inauguration en jusqu’à nos jours, le théâtre Amazonas fut restauré quatre fois, 1929, 1974, 1988 et 1990. Malgré ses restaurations, le théâtre tomba dans l’oubli au niveau artistique pendant près de 90 ans. Il a fallu attendre l’arrivée en 2001 d’un nouveau gouverneur Amazonino Mendes pour que le théâtre retrouve son orchestre, son chœur et son corps de ballet. Aujourd’hui, son orchestre philharmonique accueille de nombreux artistes étrangers venant de Bulgarie, de Russie et de Biélorussie et un festival d’opéra de portée internationale est organisé chaque année.
En descendant, vers le port, petit arrêt devant le « le Big Ben amazonien », cette horloge importée de Suisse de style néoclassique construite en 1929. Découverte ensuite du marché de Manaus en bordure du fleuve.
Ne ratez pas les immenses étals de fruits et légumes, de poissons, de viandes, ou encore d’épices… On y trouve de tout. Une partie du marché est également dédiée à l’artisanat local et à la restauration. Une occasion pour nous de nous familiariser avec la cuisine locale et d’effectuer nos premières emplettes !
En début d’après-midi, on se retrouve tous à bord de notre bateau « la Jangada » sorti récemment du chantier naval de Santarem.
Bienvenue à bord, accueilli par un bon verre de jus d’ananas ou de goyave frais. Raphael, le chef d’expédition du bateau nous fait une présentation de l’équipage et de notre itinéraire.
Vers 16H3O, départ de Manaus pour le Rio Negro. On passe sous le pont
Philippe Daou inauguré en 2011, il relie la banlieue de Manaus à la presqu’île Iranduba via une route de plus de 3,5 km porté par une quarantaine de piliers audacieux.
La nuit tombe sur le fleuve, et c’est à la lueur de flambeaux que nous arrivons dans la communauté amérindienne de Aldeia Cipiá située à 30 km de Manaus. Nous sommes accueillis par Domingos, le chef ou « cacique » de cette tribu de 300 Indiens d’origines ethniques différentes.
Vêtu de son habit traditionnel, son corps est orné de peinture et de bijoux faits de graines et de plumes. Il nous explique les us et coutumes de sa communauté, l’importance de la nature dans leurs croyances animistes et leur volonté de faire perdurer leur culture. Une dizaine de femmes et hommes nous accueillent ensuite dans la grande case commune pour des danses rituelles rythmées par des instruments locaux. Les chants sont doux et harmonieux. Retour sur la Jangada pour un repos bien mérité.
L’archipel des Anavilhanas / Rio Apuau / Rio Camanau
La jangada remonte le Rio Negro vers l’archipel des Anavilhanas. Les habitations se font rares et nous naviguons désormais entre deux rives luxuriantes. Devant nous, plus de 2000 km de fleuve pour rejoindre le Venezuela et les Andes ou le Rio Negro prend sa source au Pico da Neblina (3014m).
Après le petit déjeuner, nous débarquons sur la « terra firma » (terres jamais inondées) pour une première balade en forêt. Des troncs de plus de 30 mètres s’élancent vers la lumière, colonisés par nombre de lianes et de perchées sur les branches. Rapahael nous montre un grand tronc lisse. C’est l’andiroba. L’arbre produit des fruits à coque contenant une douzaine de graines. Elles sont cuites et pressées pour en extraire l’huile. Une huile miracle, à la fois cicatrisante, et anti-inflammatoire. Elle soigne aussi les bronches. On l’utilise en massage ou pour soigner les maux de gorge des enfants en leur badigeonnant la gorge avec le doigt trempé dans l’huile.
Avec sa machette, le guide tape sur le tronc d’un arbre. Des centaines de fourmis sortent d’un coup. Elles ne mesurent que quelques millimètres et pourtant, il vaut mieux s’en tenir à distance. La piqure de la fourmi – appelée balle de fusil et ce n’est pas pour rien – provoque une intense douleur. Dans certaines tribus amérindiennes, les jeunes garçons doivent se soumettre à une initiation redoutable pour passer à l’âge adulte. Ils doivent ramener des fourmis balle de fusil de la jungle qui sont « anesthésiées » par un liquide sédatif. Les fourmis sont ensuite tissées dans des gants avec les dards pointés vers l’intérieur. Une heure plus tard, les fourmis se réveillent plus en colère que jamais, et l’initiation commence. Chaque garçon doit porter les gants pendant dix minutes… Chaque garçon finira par porter les gants 20 fois en l’espace de plusieurs mois avant que l’initiation ne soit terminée.
Retour à bord, déjeuner et navigation vers la rivière Jauaperi. Les dauphins roses (botos) nous accompagnent alors que l’on navigue tout en douceur sur les eaux miroirs où se reflètent les berges couvertes de jungle.
Dans l’après-midi, un orage violent s’abat sur le Rio. En un rien de temps, des trombes d’eau tombent sur le bateau. Des vagues se forment et les bâches protégeant du soleil les ponts supérieurs sont arrachées par la violence du vent.
Les éléments se calment rapidement et la soirée s’écoule paisiblement au gré de la remontée du Rio
Mercredi 4 septembre
Rio Camanau / Rio Jauaperi
Sortie à l’aube à 6h du matin après une petite collation (café, thé, biscuits) pour une excursion sur les berges du Rio. Les eaux noires du Rio reflètent le ciel et les arbres. Les oiseaux se réveillent (hérons, aigrettes, cormorans…). Le ciel est voilé, mais le soleil perce et illumine les rivages. Retour au bateau pour un petit déjeuner plantureux (fruits et jus de fruits délicieux). La jangada suit le Rio Negro et bifurque par un canal étroit qui rejoint le Rio Jauperi. Ici, la forêt primaire abrite plus de 40 espèces de mammifères dont 10 signalées par l’UICN comme étant en danger d’extinction (jaguar, loutre géante, tatou, fourmilier, singe-araignée.) et certains très rares comme l’aigle harpie féroce ou le jabiru rouge.
Depuis le pont, on aperçoit une tache grise sur les eaux noires du Rio.
À la jumelle, on distingue la petite tête d’un paresseux. Les berges sont distantes de plus de cent mètres et l’animal semble épuisé.
Les paresseux savent nager et peuvent rester sous l’eau, mais là, il semble en difficulté. Raphael part en annexe à son secours. Une fois récupéré, il le ramène sur la berge et le replace sur un tronc. À la jumelle, on le voit s’agripper à l’arbre et monter lentement. Il parait sauvé !
Dans l’après-midi, on sort en navette pour une partie de pêche. Mais pas n’importe laquelle ! Pêche aux piranhas ! Prenez une simple canne, 3 m de fil, un hameçon, un appât ! Repérez où les cormorans plongent pour choisir l’endroit. Attendre 2 min, ça mord ! Un coup sec et on ramène un piranha. Attention aux dents vraiment coupantes qui peuvent vous couter une phalange. Relâchez-le (ce n’est pas très bon et plein d’arêtes) et recommencez. Tous les passagers essayent et la plupart sont chanceux. Retour à la Jangada en observant les cormorans perchés sur leurs arbres-dortoirs. Les perroquets ont également rejoint leurs quartiers de nuit et rivalisent de vacarme.
Après un bon diner à base de Pirarucu – un impressionnant poisson de plus de deux mètres – on repart pour une excursion de nuit à la recherche des caïmans. Avec une lampe puissante, on repère leurs yeux dans la nuit. Il faut laisser la lampe braquée sur eux pour éviter qu’ils ne partent. Cette méthode permet d’en localiser une dizaine en moins d’un quart d’heure. Pas de caïman noir impressionnant, mais de jeunes « jacaré » de moins d’un mètre ! Un peu plus loin, on a la surprise de voir une masse blanche, des zébus ! Une petite fazenda est installée sur l’île où nous nous amarrons pour la nuit.
Rio Jauaperi
Départ aux aurores – 5h 30 du matin – pour assister à l’envol des oiseaux après leur nuit passée dans leurs dortoirs. Pas une ride sur le lac formé par un méandre du Rio Jauperi. On devine les arbres et les buissons des îles couvertes de végétation dans l’aube naissante. L’air est empli des vocalises et des bruits de battement d’ailes de milliers d’oiseaux qui commencent à prendre leur envol.
Cacique cul jaune, hirondelles, aigrettes se chamaillent, virevoltent autour de nous. Plus loin, ce sont les perroquets qui s’envolent en masse de leurs quartiers de nuit. On reste près de 15 minutes – moteur arrêté – à savourer ce spectacle à la fois visuel et sonore.
On zigzague ensuite entre les arbres à moitié immergés servant de perchoirs aux cormorans néotropicaux. Un Anhinga solitaire reconnaissable à son long cou fait sécher ses ailes dans la lumière du couchant. Balade dans les canaux avec une lumière de rêve avec au loin le grondement de l’orage qui s’approche.
Retour au bateau pour un petit déjeuner revigorant. La Jangada met le cap plein nord vers le village d’Itaquepa jusqu’à l’embouchure de l’Iguarape do Mateu. Avec les vedettes rapides, on fait une escale au coeur de la forêt pour visiter l’école communautaire amazonienne créée il y a 25 ans par Paul et Bianca. Tombé amoureux de l’Amazonie et de ses habitants, ce couple italo-écossais s’est installé au coeur de la forêt et a décidé de créer une école pour les enfants des familles voisines. Devenus instituteurs et aujourd’hui reconnus par le ministère de l’éducation brésilien, ils accueillent une vingtaine d’enfants de 5 à 17 ans dans deux classes distinctes.
Ils nous font visiter leur école au milieu des enfants rieurs et curieux de notre présence. Nous leur donnons des fournitures scolaires (cahiers, crayons…) offerts par les passagers et par Grands Espaces.
Le temps d’une photo de classe sur les escaliers de l’école, et nous rejoignons le bateau qui va s’ancrer devant le petit village caboclo d’Itaquera.
Avec le chef du village, nous suivons la berge où sont installées les maisons. Nous sommes dans l’état de Roraima, mais les 300 habitants dépendent plutôt de l’état d’Azamonas pour l’accès aux soins et l’éducation. L’école dispose d’un wifi (apprécié par l’équipage et les passagers) et d’une cabine téléphonique. Nous visitons l’atelier de Carlos qui nous montre les étapes de construction d’une pirogue. Un peu plus loin, on admire les ananas, cacaoyers et plantations d’une maison. Sans oublier les plantes aromatiques cultivées dans une ancienne pirogue.
Retour aux embarcations pour une balade sur le Rio et les aguarapés avoisinants. Un couple d’Aras rouges nous survole pour nous dire bonsoir.
Rio Jauaperi, Airao Velho
Grasse matinée ce matin avec un départ seulement à 6h30 ! Le décalage horaire n’est plus qu’un lointain souvenir ! Dix pirogues pilotées par des habitants d’taquera nous attendent pour nous faire découvrir la forêt inondée ou varzea. Si l’embarquement est un peu délicat, la balade au rythme de la pagaie est un plaisir. En silence, on se faufile entre les lianes, racines aériennes et troncs. Les reflets des arbres dans les troncs noirs perturbent nos sens. Les yeux s’habituent à la faible lumière. Nos guides nous montrent un iguane perché sur un arbre, une bromelia discrète ou, plus inquiétant, un nid de guêpes… On se rappelle à cette occasion, les romans des explorateurs remontant les rois et obligés de sauter à l’eau pour fuir les redoutables piqures des insectes. Heureusement, on échappe au bain forcé grâce à la dextérité de nos guides. Immergée, une très grande partie de l’année, cette forêt s’est adaptée à sa destinée aquatique. On imagine dans les eaux noires, les botos et dauphins gris virevoltant entre les troncs là où normalement devraient vivre des singes !
Retour à la Jangada pour un petit déjeuner bienvenue. C’est l’heure de redescendre le Jauperi pour rejoindre le Rio Negro. Un film remarquable d’Arte sur la biodiversité de l’Amazonie nous permet de connaître un peu mieux cet univers grandiose.
Nous partons l’après-midi à la découverte du site abandonné de Velho Airao Fondée en 1694, la ville de Velho Airao était un lieu important de commerce entre portugais et Amérindiens où vivaient une centaine de personnes. Et Manaus était à l’époque encore inexistante. Avec la découverte du caoutchouc, Velho Airao vécut une période faste en devenant jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, le centre de stockage et de transit de tout le Rio Negro et de ses affluents. Elle fut ensuite abandonnée définitivement en 1985 et les derniers habitants relogés un peu plus loin à Novo Airao. La visite du village abandonné se termine par le cimetière ou nature et pierres tombales ne font qu’un.
Difficile d’imaginer qu’autrefois, lors de la fête des Morts, des repas étaient organisés à cet endroit même en mémoire des défunts.
En soirée, les plus courageux d’entre nous regardent le film « Aguire la Colère de dieu » de Werner Herzog avec le démentiel Klaus Kinski qui relate la débâcle des conquistadors à la recherche de l’Eldorado.
Grottes de Madada et Novo Airao
Au lever du soleil, la Jangada lève l’ancre et navigue vers les grottes de Madada. Ce lieu mystérieux servit de refuge aux tribus Tucano. Un pic vert à cou rouge perché sur un tronc mort nous accueille au débarcadère. Un petit musée expose les photos des dessins sculptés il y a plus de 3000 ans par les Indiens Tucanos. À cette période, ils sont encore immergés sous les eaux du Rio Negro et nous ne pouvons pas les admirer. Le long du sentier, Raphael « déniche » une grosse mygale cachée dans une bromélia. Il la pose avec précaution sur son épaule pour qu’on puisse la photographier. Après une heure de marche, nous atteignons enfin les premières grottes qui servirent pendant des millénaires d’abris aux Indiens. Aujourd’hui, des jaguars rôdent toujours dans les environs. Retour au bateau par un chemin plus court qui nous ramène directement sur le Rio. Pendant le déjeuner préparé avec amour par notre chef Ildson, la Jangada largue les amarres pour rallier Novo Airao. Cette ville située en plein coeur de la forêt a pendant longtemps été le centre de la construction de bateaux en bois. Une pluie battante nous accueille et nous nous engouffrons dans le minibus pour rejoindre la fondation Almerinda Malaquias. Créée en 1992 par un Suisse et un habitant de la ville, l’association regroupe aujourd’hui 43 artisans spécialisés dans le bois et l’ébénisterie et organise de nombreuses formations pour les jeunes et des actions d’éducation environnementales. Située au coeur de réserves naturelles, le village de Novo Airao est aujourd’hui une ville de 16000 habitants. Le durcissement des lois environnementales interdisant l’abattage des arbres et l’arrêt de la construction des bateaux en bois (remplacés par des coques métalliques ou en résine) a provoqué une hausse importante du chômage des habitants. En décidant de recycler les troncs abandonnés ou saisis par les autorités en sculptures et objets d’ébénisterie, la fondation a permis de créer de nouvelles activités. Et aujourd’hui, les animaux en bois, les plats et les boites marquetées avec amour sont vendus dans tout le Brésil et même vendus dans certaines boutiques parisiennes. Nous sommes d’ailleurs nombreux à acheter ces souvenirs précieux. La pluie continuant de tomber, nous décidons d’annuler la visite de Tiririca et de poursuivre notre périple vers le joli village d’Ajacatuba.
Ajacatuba et la rivière Ariau
Maillot de bain de rigueur ce matin ! Nous avons rendez-vous avec les dauphins roses ou « botos » du lac d’Ajatuba. Apparus il y a près de 25 millions d’années, ces cétacés ont vu naître l’Amazone. Il y a dix millions d’années, avant l’érection des Andes, existait une vaste mer intérieure là où se trouvent aujourd’hui le Venezuela et la Colombie. La naissance de la cordillère des Andes non loin de la côte de l’actuel océan Pacifique a isolé cette mer, qui s’est fermée. Le dauphin rose était déjà là, bien installé, et a survécu à la transformation de cette vaste région qui a vu s’ériger une chaîne de hautes montagnes faisant couler vers l’est d’immenses quantités d’eau douce. La rencontre se fait sur une grande barge en bois installée au milieu du lac. Notre hôte tape dans l’eau, agite un poisson et siffle. Nous attendons à moitié immergés en équilibre sur une plateforme en bois ouverte sur le lac. 5 dauphins font leur apparition, accompagnés d’un petit. Ils viennent vers nous et sortent leur « bec » denté pour happer le poisson qu’on leur tend. C’est un spectacle formidable de voir ces animaux venir librement nous voir et surgir des eaux noires… Mieux vaut ne pas les toucher et se contenter de les admirer. En mai dernier, le ministère de l’Environnement avait décidé d’interdire les interactions avec les dauphins roses suite à des abus commis par les visiteurs. Mais les autorités sont revenues en arrière en décidant de maintenir ouverts les sites les plus respectueux de l’environnement. Après ce bain extraordinaire, on débarque dans le village caboclos d’Ajacatuba. Des maisons sur pilotis encerclent une église et un stade de foot. Ce joli village est prisé les weekends par les habitants de Manaus qui viennent y pêcher et se reposer. Nous sommes accueillis avec bienveillance par les femmes de la coopérative d’artisanat. Elles fabriquent de simples petits bracelets aux grandes parures en passant par de magnifiques boucles d’oreille à partir des graines d’Açai. Ces petites baies issues d’un palmier donnent des graines, toutes rondes. Les artisans, après avoir mangé le fruit, les nettoient et les teignent avec des pigments naturels comme ceux des fleurs d’urucu et transforment les petites graines en jolies billes de couleurs. Une fois colorées, elles sont percées et assemblées en bijoux.
On part ensuite en éclaireur devant la Jangada en vedette rapide pour visiter le musée du caoutchouc (Museu do Seringal Vil Paraiso). C’est le dernier vestige de l’industrie autrefois florissante du caoutchouc de l’Amazonie. Nos guides nous expliquent le quotidien des « seringueiros » (les « ouvriers » chargés de collecter le latex). De l’incision des hévéas à la fabrication d’une boule de 30 à 40 kg de caoutchouc, nous découvrons ce travail de forçat exposé aux serpents, aux insectes venimeux, aux jaguars et aux maladies de tous genres (paludisme, fièvre jaune…),
Retour à la Jangada et navigation vers l’Ariau, un canal naturel qui relie l’Amazone et le Rio Negro. On s’amarre devant d’étranges ruines sur pilotis. C’est tout ce qui reste de du gigantesque ecolodge d’Ariau Towers construit il y a plus de 40 ans. Avec ses six tours, 288 chambres reliées par environ 5 km de passerelles, c’était l’hôtel le plus étonnant de l’Amazonie. Bill gates jimmy Carter ou les rois et reines d’Espagne et de Hollande ainsi que de nombreuses stars ont séjourné ici. Et le film Anaconda a été tourné dans ces lieux. Aujourd’hui abandonné et en ruines, il sert d’abri aux serpents et singes-écureuils ou saïmiri.
Rio Negro, Manaus Solimões
Départ matinal pour une dernière observation sur les eaux noires du Rio Negro. Nous avons rendez-vous avec les singes-écureuils ou saïmiris repérés la veille. Au détour d’un méandre, ils sont bien là. Ce sont des petits singes à la frimousse blanche et à la longue queue préhensile. Curieux, agiles, ils virevoltent d’une branche à l’autre en nous observant. Un spectacle superbe qui dure près de 30 min. Retour au bateau pour rejoindre Manaus. Une halte qui nous permet de ravitailler le bateau, en nourriture, carburant, et en nouvelles, grâce à la connexion internet… et aussi de récupérer un bagage perdu par Air France… L’après-midi, Raphael nous raconte les mythes et légendes d’Amazonie, dont celle des dauphins roses. En soirée, nous retrouvons Werner Herzog [1], et Klaus Kinski [2] avec Claudia Cardinale [3] dans le film Fitzcarraldo. Les épaves des bateaux qui ont servi au tournage sont d’ailleurs encore visibles dans le port de Manaus.
Fleuve Solimões Lac Janauaca
Dans la nuit, la jangada est arrivée sur le lac Janauaca. Buses à tête blanche, balbuzards pêcheurs et sternes à gros bec sont au rendez-vous. Wilson « spotte » un paresseux caché derrière les feuillages. Difficile de le débusquer, mais une fois repéré dans les jumelles, on peut l’admirer se mouvoir lentement dans la canopée.
La tache orange dans son dos est caractéristique d’un mâle. Nous naviguons dans de véritables mangroves d’eau douce appelées « Varzea » dans lesquelles on ne trouve que des arbres capables de survivre pendant plusieurs mois une partie du tronc complètement immergée. Bien qu’elles ne représentent qu’un peu moins de 5% de l’Amazonie (250 000 km² tout de même), les varzeas sont des milieux très importants pour la ressource halieutique et pour les populations riveraines qui y vivent. En ce début septembre, les cultures d’açaï sont au point mort et les habitants se consacrent à la pêche. On croise de nombreuses pirogues en train de mettre des filets, de les relever, de les amener aux entrepôts frigorifiques sur pilotis qui leur achètent le poisson pour ensuite le revendre en ville. Ils nous montrent avec fierté leurs prises du matin, « tambaqui », « aruana », « jaraqui » «tucunare » et le monstre local de près de deux mètres de long le « pirarucu ». Inconnus chez nous, ces poissons ont délecté nos repas pendant toute la croisière par leur goût et leur finesse digne des meilleurs poissons de mer chez nous. On remonte le fleuve Solimões plein ouest vers le Pérou jusqu’à la rivière Anama, l’un des dizaines d’affluents du Rio Negro. Beaucoup de navigation aujourd’hui, et Raphael en profite pour nous faire une conférence sur les mythes et légendes amazoniennes. En fin d’après-midi, on embarque de nouveau sur les navettes pour une sortie nature et coucher de soleil.
Dans la nuit, La Jangada mouille l’ancre dans une anse du Solimões près de la ville d’Anama. Avant le lever du soleil (5h56), on est déjà dans les annexes. Cap sur un canal du Rio Anama. On surprend une cinquantaine d’urubus à tête noire en train de nettoyer une charogne. Cinq minutes plus tard, on débusque des hoaxing perchés dans un bosquet. De la taille d’un gros poulet, mais avec une huppe sur la tête et un maquillage bleu autour des yeux, c’est un oiseau extraordinaire. De nombreux scientifiques rêvent de l’observer, car il a des analogies avec l’archéoptéryx ou plutôt son fossile qui dévoile la présence de griffes sur l’aile. Or le petit de l’hoazin est muni lui aussi d’une griffe qui lui permet de remonter vers le nid en se hissant sur les branches lorsqu’il tombe à eau. Cet appendice disparait ensuite chez l’adulte. On observe aussi deux paresseux sur le chemin de retour.
On poursuit sur un canal et on observe des centaines d’aigrettes, de hérons et de cormorans perchés dans les arbres. À notre arrivée, ils s‘envolent et vont se reposer deux cent mètres plus loin dans une nuée de plumes et d’ailes. Un spectacle magnifique qui se reproduit plusieurs fois. Débarquement dans la ville d’Anama. À l’époque du caoutchouc, les Indiens furent expulsés de leurs forêts et forcés de s’installer ici sur le bord de la rivière.
Lors de notre dernière croisière en mai, les rues de la ville étaient inondées de plus d’un mètre d’eau et c’était en pirogues que l’on avait fait la visite. En ce mois de septembre, le niveau d’eau a baissé de plusieurs mètres et c’est à pied que l’on visite la ville ou la plupart des maisons sont sur pilotis.
L’hôpital, la fabrique de glace, et une usine de transformation de poissons sont eux aussi aussi installés sur des barges. Le prêtre nous fait visiter son église et nous montre de curieux exvotos entassés dans une pièce derrière l’autel. Les fidèles viennent ici en cas de blessures ou de maladies et offrent une sculpture en bois de la partie guérie (pied, jambe, main, genou, mais aussi seins ou bas ventre…)
Retour à la Jangada pour le déjeuner. Jean nous montre les photos d’Anama sous les eaux prises en mai dernier lors de la première croisière de la Jangada. Contraste impressionnant et pourtant la décrue n’est pas finie. Avec un niveau minimal de l’eau qui sera atteint vers octobre novembre. Le soir, les plus courageux regardent le film Mission qui raconte le quotidien de ces prêtres envoyés dans l’Enfer Vert. Pendant ce temps, la Jangada remonte vers l’embouchure de la rivière Purus, le point extrême de notre croisière sur le Solimões.
Départ encore matinal à 5H30 pour nos dernières observations naturalistes. Sur le Rio Purus, la nature est plus sauvage. On navigue de lac en lac par des chenaux étroits. Les jacanas cancanent sur les plantes flottantes, les martins-pêcheurs rivalisent d’adresse pour capturer leur friture. Un couple de becs-en-ciseau fait le show à 5 mètres du bateau. Des buses et un balbuzard pêcheur s’envolent à notre passage. Nous sommes vraiment gâtés pour ce dernier jour sur le Solimões.
Retour à la Jangada qui fait demi-tour pour rejoindre Manaus. Jean nous fait une dernière conférence sur Amazonie en mettant l’accent sur les dernières théories comme la responsabilité des arbres pour déclencher leur propre saison des pluies, les fleuves aériens qui seraient produits par la forêt et arroseraient le sud du brésil, l’importance de la biodiversité par km² de forêt et l’existence probable d’un seuil de non-retour de la forêt amazonienne si la déforestation se poursuivait à grande échelle.
Nos guides, Wilson, Jean et Raphael font ensuite un récapitulatif de notre voyage – 1200 km parcourus environ dont les 2/3 sur le Rio Negro – et l’apéritif se poursuit en gaieté. Pour le diner, Ilson et son équipe nous ont préparé un barbecue sur le pont supérieur. Un bon moment de partage pour une belle croisière rafraichie par un vent bienfaisant
Partage des eaux retour à Manaus
Ayant passé de nuit la confluence Rio Negro – Rio Solimões, il y a 4 jours, c’est aujourd’hui que nous naviguons à la rencontre du partage des eaux. À l’embouchure des deux fleuves, les deux masses d’eau, noirs et ocre se côtoient pendant des dizaines de kilomètres. Cette différence de nuances est liée aux propriétés différentes de chaque cours d’eau. Le Rio Negro, comme son nom l’indique, est un fleuve dont la couleur se rapproche du noir à cause des étendues stagnantes de la plaine forestière de l’Amazonie et des marais riches en humus qu’il a traversé. En amont, sa largeur peut atteindre les 10 kilomètres. L’eau de ce fleuve est acide et coule entre 2 et 3 km/h tandis que sa température se situe entre 28 et 30°C. Le Rio Solimões quant à lui est d’une couleur limoneuse et ocre. Une teinte due aux sédiments entrainés depuis sa descente des Andes. Il fait près de 3 kilomètres de large avec une vitesse moyenne de 6 km/h, un pH plutôt neutre et une température de 22°C. Ces différences de température, vitesse et densité des eaux font qu’elles ne se mélangent pas tout de suite créant un panorama étonnant.Toutefois, le débit des eaux finit par faire le travail : le Rio Solimões avec un débit de près de 100 000 m3/s contre près de 30 000 m3/s pour le Rio Negro finit par avaler ce dernier 150 km plus en aval, au confluent avec le Rio Madeira. Retour à Manaus et débarquement. Certains d’entre nous vont directement à l’aéroport pour rentrer en Europe. D’autres vont visiter la ville de Manaus et continuer leur périple avec une extension à Rio de Janeiro ou Récife. Avec pour toutes et tous de merveilleux souvenirs de l’Amazonie !
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