Jonathan Zaccaria
Antarctique et Arctique
11 août
28 août 2023
Jonathan Zaccaria
Antarctique et Arctique
Jean Robert Couplet
Nicolas Hanuise
Biologiste
François Leloustre
Christiane Drieux
Spécialiste Groenland et Culture Inuit
Fabrice Capber
Guide Polaire
Frédéric Bouvet
Croisières Polaires au Spitzberg
Sarah Galtier
Conseillère croisières
Certaines photos d’illustrations ont été prises lors de précédentes croisières. Lorsque le voyage sera terminé, nous publierons les photos de la croisière. Le manque de connexion internet nous empêche de recevoir les photos en temps réel.
C’est en deux groupes que ce voyage vers la « terre des Groenlandais » ou « Kalaallit Nunaat » comme les Groenlandais la nomment eux-mêmes, débute aux départs respectifs de Paris et Genève. Le premier groupe « suisse » a fait escale à Copenhague avant de rejoindre notre première destination groenlandaise, Kangerlussuaq, dans la matinée, suivi dans l’après-midi du second groupe « français » qui a fait escale en Islande. Ces escales dans ces pays à l’héritage viking ne pouvaient que laisser augurer de belles histoires scandinaves telle celle du célèbre viking Erik le Rouge qui, chassé d’Islande après y avoir commis un meurtre, découvrit lors de son exil le sud de cette « terre verte » qu’il baptisa Grønland en raison de la végétation omniprésente, en tout cas à cet endroit. Mais nous le verrons au cours de ce séjour, que les Vikings n’étaient pas, et de loin, les premiers colonisateurs de cette île isolée.
Le vol vers Kangerlussuaq était tout simplement époustouflant. Le temps dégagé nous a permis de voir la côte sud-est du Groenland, plus précisément la région au nord de Tasiilaq, avec ses « nunataks » ou massifs pointus en dentelles, tombant dans la mer ou émergeant de la calotte glaciaire, ses fjords majestueux, et surtout ses glaciers immenses et tourmentés ondulant dans les vallées glaciaires et « vêlant » des centaines d’icebergs de toutes tailles créant ainsi d’interminables champs de glace de terre à perte de vue. Puis ce fut le survol de la calotte de glace qui couvre plus de 80% de ce territoire de plus de 2 millions de km2. Cet inlandsis atteint 3000 m d’épaisseur en son centre. Nous sommes véritablement dans un monde de glace incroyable. Et ce n’est que l’apéritif !
Après notre arrivée à Kangerlussuaq ou Søndre Strømfjord de son nom danois, un petit bourg situé juste au-dessus du cercle polaire (66°33’ de latitude nord), une petite excursion en bus vers le port nous en apprend un peu plus sur cet endroit très isolé. L’aéroport international de Kangerlussuaq où nous venons d’atterrir est l’ancien aéroport militaire américain de la base « blue west 8 » créée en 1941 dans le cadre d’un pacte de défense commune. Kangerlussuaq signifie « le long fjord », et c’est une partie de ce fjord de 170 km que nous longeons en bus avec de beaux points de vue. Déjà quelques animaux se laissent apercevoir : lièvres arctique, bruant des neiges, et pour le groupe venu de Suisse quelques boeufs musqués, rennes. Nous sommes bien en Arctique !
Le paysage est verdoyant et fleuri, des bouleaux et saules nains, des blanches linaigrettes agrémentent notre parcours… un décor qui nous fait totalement comprendre pourquoi Erik le Rouge avait apprécié et nommé ainsi cette terre. Mais il est temps désormais de rejoindre l’OCEAN NOVA ancrée au large du port. C’est pour la plupart d’entre nous un baptême en zodiac, mais heureusement les conditions météo sont bonnes et quelques moustiques très polis nous souhaitent même la bienvenue. Nous prenons possession de nos cabines, puis après le dîner, une fois l’exercice d’abandon obligatoire effectué, nous nous couchons fatigués, mais plein de rêves pour les jours à venir pendant que notre navire continue sa route vers le sud-ouest pour sortir du fjord et se diriger vers Sisimiut, notre destination du lendemain.
Premier réveil sur notre nouvelle habitation pour les semaines à venir : l’Ocean Nova.
Réunis au salon d’observation, Hélène détecte avec émerveillement un rorqual commun émerger des flots, les ondes animent l’océan et laissent apparaître son dos et son aileron. Des fulmars boréaux, plongeons imbrins, goélands bourgmestres, guillemots à miroirs et de Brünnich viennent accompagner sa traversée.
Appelés à nous rendre au petit-déjeuner par notre directrice de croisière Sarah avec un point météo, nous dégustons pour la première fois les pâtisseries du bord.
Notre équipe d’expédition nous donne rendez-vous au salon panoramique pour se présenter à nous : guides, médecin de bord, chef d’expédition, directrice de croisière ont leurs spécialités et nous les détaillent.
Nous apprenons les spécificités inhérentes au bateau, son fonctionnement sous diverses formes : la vie à bord présentée par l’hôtel manager. Jonathan : notre chef d’expédition aborde avec nous la réglementation environnementale de l’AECO et l’esprit du voyage expédition que nous nous apprêtons à aborder. Nos guides nous distribuent également nos bottes pour débuter notre première journée de découvertes à bord de cet ancien express côtier Groenlandais, l’Ocean Nova.
Après un copieux repas, nous arrivons à quai dans le village de Sisimiut (66°56’20°N) et ses 5512 habitants.
La brume se découvre, dévoilant un ciel bleu en fond de toile de ce tableau constellé de maisons aux couleurs vertes, bleues (administratif) rouges (commerces) et jaunes (santé). Nous apprenons qu’à l’époque, chaque couleur correspondait à la spécificité du bâtiment.
L’après-midi se divise en deux activités complémentaires, un premier groupe part pour une randonnée de 2 heures sur une distance de 4 kilomètres, nous y découvrons des restes de la culture Saaqaq ainsi que des vestiges de bâtiments de l’époque baleinière.
Quant au second groupe, mené par Christiane à la découverte du village, cette dernière fait parler pierres, maisons et objets anciens, vestiges du passé pour nos esprits curieux.
Nos ethnologues parlant couramment Groenlandais nous ont ainsi fait partager dans le décor d’un musée groenlandais leur vie dans le grand nord, nous détaillant l’utilisation quotidienne de ces outils traditionnels ;
Ici, dans la 2eme plus grande ville du Groenland notre équipe d’expédition donne voix au chapitre de la vie Inuit, traineaux, ulu, n’ont plus de secrets pour nous.
Nous passons par un magasin artisanal et observons les habitants de Sisimiut à l’œuvre en nous expliquant l’utilité et la façon d’utiliser ces objets.
A la sortie du musée, Sarah repère un halo : la lumière du soleil se diffracte au contact de nuages de glace, une brume venant ponctuer de sa virgule les sommets des maisons multicolores.
Il est l’heure de rentrer au bateau pour un récap de nos guides Nicolas avec la cartographie maritime, François et son retour sur notre visite à Sisimiut et Jonathan avec le retour de cette journée et la présentation du programme du lendemain.
C’est l’heure du pot du capitaine, ce dernier se présente officiellement à nous, nous invitant à partager un moment à ses côtés en nous faisant part de sa vision du voyage.
Après ces mots et verres échangés, nous partons profiter du dernier repas de la journée et pour quelques-uns, surveiller d’éventuelles observations pour finir en beauté une journée qui nous aura comblés.
Temps brumeux ce matin. Derrière la brume, des blocs blanchâtres, bleutés se dissimulent et, petit à petit, au fil de notre avancée, ils laissent apparaître leurs pourtours : des icebergs géants ! Avec entrain, ils nous laissent imaginer ce vers quoi nous nous dirigeons. Ce matin, les fulmars sont là, majestueux comme à leur habitude, deux guillemots de Brünnich en vol et des Goélands bourgmestres. Nous nous retrouvons à 8h pour partager un petit déjeuner.
Il est temps de se rendre au salon panoramique, où notre guide François s’apprête à présenter une conférence intitulée « Les trois représentations du Groenland ». Il nous partage ainsi ses impressions et regards au travers l’histoire de la région et son expérience personnelle. Il conclut avec un quizz sur les différents drapeaux portant la croix nordique aux couleurs significatives.
Par la suite, notre guide conférencier, Nicolas, nous a parlé de l’histoire des Vikings au Groenland, d’Erik le rouge et ses aventures. Il nous explique notamment pourquoi cette appellation le pays vert « Grönland » a été choisie. Tout en restant attentif à cette conférence, au fur et à mesure de la progression du navire, notre regard est attiré par le défilé d’icebergs, qui illuminent le salon panoramique. Quel spectacle magique !
Nous nous rapprochons du glacier d’Ilulissat, dont le nom signifie « iceberg » en groenlandais (Kalaallit). A cet endroit, la pression de la glace est tellement forte que ce glacier est l’un des plus rapides du monde, il avance entre 30 et 50 mètres par jour. Les icebergs géants qui s’en dégagent sont d’une taille impressionnante, équivalente à des immeubles, aux formes plus originales les unes que les autres (c’est d’ailleurs l’un d’eux que le Titanic heurta en 1912). Nous avançons doucement à travers ce somptueux paysage arctique. En arrivant, un souffle, une nuée d’oiseaux, des ronds dans l’eau, voici que deux dos de baleines à bosse viennent casser le reflet à la surface de l’eau pour nous dévoiler leur nageoire dorsale. Ces magnifiques et gigantesques mysticètes (cétacés à fanons) pourraient être une mère et son jeune. Elles finissent d’ailleurs par nous montrer leur queue, aux nuances grises et beiges, en sondant. Le spectacle est grandiose, nous entendons leur souffle ; c’est à nous en couper le nôtre ! Nous restons un moment hors du temps à les observer cheminer à la proue du navire. Nos appareils photos crépitent au gré du spectacle.
L’Ocean Nova poursuit son itinéraire pour venir mouiller son ancre face à Ilulissat, 3ème ville la plus peuplée du Groenland (5000 habitants), où de nombreuses évolutions architecturales se préparent dans les années à venir.
Après un transfert en zodiac, nous nous divisons en 3 groupes. Tandis que certains d’entre nous restent en ville visiter l’émouvant musée, maison natale de Knud Rasmussen, où l’on a pu découvrir des peaux de phoques du Groenland, d’Eider et de Plongeons imbrin étendues sur les murs. Nous apprenons que Rasmussen est un personnage phare qui a fait le lien entre le Groenland et le Danemark car il avait les deux nationalités.
Avec les 2 autres groupes, nous empruntons les chemins balisés de ce site classé parmi les plus belles merveilles de l’UNESCO depuis 2004, afin de découvrir le front de glace du fjord glaciaire.
Nous amorçons la marche en longeant l’immanquable « Icefjord Center », stupéfiante architecture conçue en 2021 par l’architecte danois, Dorte Mandrup, évoquant une aurore boréale. Une des balades nous a permis d’avancer sur un chemin de planches de bois, nous évitant ainsi d’abimer la riche flore locale, paysage typique d’une tourbière, parsemée de bolets, champignons jaune brunâtre, qui ont éveillé nos papilles. Cette marche nous a amenés face au flanc du fjord, où nous restons longtemps assis pour admirer ce splendide spectacle de glace et d’icebergs imbriqués les uns dans les autres. Le silence est de mise !
Parmi nous, certains sont de grands marcheurs. C’est avec ce groupe que nous partons pour une plus longue boucle de 6 km, sur un terrain très irrégulier atteignant par endroit les 90 m d’altitude. La végétation est variée, sur ces terrains de landes, où l’on a pu observer des bouleaux et saules nains, ainsi que le fameux Epilobe à feuilles larges, fleur nationale du Groenland.
Emerveillé de ces marches et balades, il était temps de rentrer car la fatigue commençait à se faire ressentir. Nous avons eu la surprise de découvrir un port d’Ilulissat bien plus fréquenté que nous ne l’aurions pensé. Nous rentrons à bord de l’Ocean Nova en longeant un spectaculaire iceberg en arche dans un coucher de soleil que nous ne reverrons probablement plus étant donné que l’on remonte vers le Nord.
Enfin, après le dîner, Hélène nous apprend à différencier les baleines observées depuis le début de l’expédition (baleine à bosse, petit rorqual et rorqual commun). Nous ne tardons pas, ce soir, à rejoindre nos cabines, exténués de cette merveilleuse journée de découvertes.
L’Ocean Nova a frayé son chemin dans le brash de l’Eqip Sermia et s’est arrêté face à la cabane rouge «Paul-Émile Victor» accrochée sur un replat qui domine la baie. Il faut prévoir un éventuel autre lieu de réembarquement au cas où la marée, le vent ou la houle provoqueraient un afflux de glace qui bloquerait le retour des zodiacs. Les guides sortent donc dès 7h00 du matin.
Après ce travail préparatoire, les passagers peuvent embarquer sur les zodiacs qui les conduisent directement à la côte. Les rochers ne sont pas glissants et, avec la ferme poignée des guides, nous pouvons atteindre les escaliers en bois qui montent jusqu’à la maison rouge. Sur un petit panneau, on lit Expéditions Polaires Françaises: un morceau d’histoire de France qui nous rappelle ce qu’ont fait Charcot, Paul-Emile Victor, Jean Martin et bien d’autres, souvent au péril de leurs vies.
Justement, à quelques mètres, nous nous arrêtons devant la stèle érigée en mémoire des deux compagnons de Paul-Emile Victor, disparus dans une crevasse, le 8 août 1951, non loin du Mont Forel. Le groupe des marcheurs s’élance ensuite sur le chemin tracé il y a plus de 70
ans.
Un autre groupe, réparti dans trois zodiacs, a préféré ne pas débarquer pour rester naviguer dans le brash, à distance raisonnée du front de glace qui fait entendre régulièrement son avancée par de formidables craquements suivis parfois de vêlages tonitruants.
À 11 heures, commence le retour au navire qui s’effectue sans difficultés puisque, contrairement à certaines fois, la glace n’a pas refermé la baie. L’Ocean Nova repart dans l’Ataa Sound et chacun peut admirer ce paysage blanc et noir qui défile. 12h30, l’appel du déjeuner retentit dans les hauts-parleurs et interrompt la contemplation. Enfin, pas tout-à-fait. Les grandes baies de la salle du restaurant ne cachent rien du magnifique spectacle qui s’offre à nos yeux. Il y
a même un petit bateau de pêche de Qeqertarsuaq (île de Disko) qui se faufile entre les icebergs aux formes souvent évocatrices.
La contemplation se poursuit au salon panoramique avant que Christiane, notre guide et ethnologue, nous raconte la vie extraordinaire de Knud Rasmussen, le détails de ses expéditions, en particulier la cinquième, et la création du comptoir de Thulé. «Donnez-moi de la neige et des chiens, vous pouvez garder le reste!»
Après la pause «goûter», Fabrice nous explique tout ce que nous voulions savoir sur les photométéores tels les arcs en brume, les arcs de parry, les parhélies et les mirages froids.
Juste avant le dîner, c’est la traditionnelle «récap». Jean-Robert nous parle de ces terribles animaux qui vivent en grand nombre, en ce moment, dans certaines régions du Groenland : les moustiques ! Fabrice nous décrit les fleurs aperçues depuis hier. Et, en conclusion, Jonathan nous dévoile ce que sera la journée de demain, compte-tenu des dernières photos-satellite et du bulletin météo.
Pendant que notre navire progresse vers le Nord, la soirée se termine par la projection d’un film sur les compagnons de Paul-Emile Victor.
En ce mardi 15 août, les passagers de l’Ocean Nova se réveillent au son de la voix de notre directrice de croisière Sarah, qui retentit dans les cabines aux alentours de 8 heures, en nous annonçant une journée digne d’une carte postale et une température de 6°.
Suit notre habituel petit-déjeuner pantagruélique, pour notre plus grand plaisir. Le ventre plein, nous nous retrouvons à 9h30 au salon panoramique, pour un atelier « cartographie ».
À 11h00, Jean Robert donne une conférence pour nous faire connaître toutes les caractéristiques des glaciers et calottes : forme, dynamique, géographie et histoire. Bernard nous présente dans la foulée la paléoglaciologie, ses méthodes et son apport dans l’étude et la prévision du climat.
Il est enfin temps de passer à table, puis de ménager un temps de répit. Ce moment de pause était le bienvenu puisque la sortie zodiac prévue dans l’après-midi dans l’East Fjord d’Upernavik allait nous réserver de sacrées surprises !
Une fois nos embarcations à l’eau, nous voilà partis pour notre première sortie à la découverte des glaces inédites de ce fjord de 60 km de long.
Ancré à la base de la calotte glacière, entre d’immenses icebergs au sud et au nord, nous n’aurions pas imaginé assister à un spectacle aussi animé par l’un de ces colosses de glace, majestueux et immobiles jusqu’à présent. En effet, l’un d’eux bascula, se retourna, explosa et jaillit comme un diable hors de sa cachette. Nous avions pris suffisamment de distance pour contempler en toute sécurité ce spectacle pyrotechnique de glace. Nos objectifs en furent impressionnés, mais nos récits feront longtemps l’envie de nos amis lorsque nous leur relaterons cette aventure.
Lors de cette sortie, nous avons également pu observer un iceberg à bedières, un autre porteur de monolithes géants façon « 2001 : l’odyssée de l’espace », mais aussi la faune avec 4 oies des neiges (nos premiers animaux typiquement américains, qui passeront l’hiver au Texas).
Après les glaces et les oiseaux, notre excursion laisse place à un peu d’anthropologie, puisque nous apercevons les chasseurs de phoques locaux en pleine action, un moment d’observation au cœur de la vie groenlandaise.
De retour à bord, nous assistons aux présentations de Fabrice sur les trois lois fondamentales de l’optique et leur application aux bleus des icebergs, puis celle de Fred sur l’identification des oiseaux par leur aspect, mais aussi leur environnement et leur comportement, illustrée par les observations du jour : guillemot à miroir, eiders (seulement des femelles et des jeunes, dont certains de moins d’une semaine), goélands marins, goélands bourgmestres, goélands à ailes blanches, fulmars (cousin des albatros et pétrels, ceux-là mêmes qui planent longuement le long de la passerelle).
Encore un excellent repas à 19h30, alors que se préparait une édition spéciale de projections inédites au salon panoramique. Tout d’abord un film catastrophe : « L’Iceberg Infernal », tourné le jour même par Valentin, notre reporter de l’extrême. Puis en direct live le « Voyage dans l’Infiniment Petit », par Hélène, qui a pris la peine de pêcher toute l’après-midi avec son filet à plancton pour nous projeter sur écran géant les images de son microscope investiguant le contenu d’une goutte d’eau de mer où nous apprenons à reconnaître copépodes, bivalves, œufs et autres micro-organismes intrigants.
Nous nous levons avec une météo dégagée, un ciel bleu et une température affichée de 7°c.
Nous sommes au plus proche de l’entrée de la Baie de Melville.
Après un copieux petit-déjeuner, nous consultons le programme du jour au tableau comme tous les matins depuis notre arrivée à bord.
Notre matinée d’exploration débute par une conférence de Christiane Drieux sur les populations et la culture du GROENLAND : de ses origines à aujourd’hui, Indépendance, Saqqaq, Dorset, Thuléen et Vikings, avec pour chaque époque les détails des habitudes de chasses,les détails de leurs habitats, de leurs traditions… C’est une faille spatio-temporelle dans laquelle nous nous engouffrons avec plaisir en suivant pas à pas ces aventures au son de la voix passionnée de Christiane.
Mais c’est alors que nous entrons dans un immense champ de glace : des icebergs à perte de vue, de la banquise en débâcle.
La conférence est momentanément interrompue, la suite sera donnée en début d’après-midi… Le spectacle est sublime. Humbles visiteurs de ce sanctuaire de cathédrales de glaces et de brash, l’Ocean Nova progresse lentement, décision est prise de débarquer sur l’ile de Dépôt.
Après une navigation en slalom entre les glaçons et les icebergs, une courte marche permet de prendre un peu de hauteur, sommet surplombant ce dédale dans lequel nous nous invitons.
La grande navigation reprend, on aperçoit un phoque annelé sur son floe, avec un cap toujours plus au nord et enfin, aux environs du cap Seddon, les zodiacs sont mis à l’eau pour une croisière d’exploration.
Nous croisons des guillemots à miroir, des goélands bourgmestre et des bernaches du Canada au fond d’une crique qui nous attire vers un ancien campement Thuléen.
Ce sont d’ailleurs les bernaches, observées par notre guide Fred qui permettent d’identifier ces ruines. Ce campement est en excellent état de conservation et nous en prenons quelques photos pour soumettre nos observations à notre anthropologue Christiane, toujours ravie de pouvoir nous conter et expliquer les connaissances et anecdotes dont elle dispose sur la vie Groenlandaise.
La croisière rapide se poursuit vers un immense Iceberg percé, une spectaculaire arche se trouve devant nous, la calotte en son cœur ! Stupéfaction, que nous réserve encore ce merveilleux continent ?
Et nous finissons par rebrousser chemin dans une lumière unique, que l’on ne connait qu’au monde polaire, c’est un rêve éveillé dans lequel nous naviguons et que nous ne voulons pas quitter…
En paysage de fond, la calotte glaciaire de Groenland descend sur la côte directement dans la mer en formant des fronts, venant fermer la marche à tous ces morceaux glacés qui ne demandent qu’à s’échapper.
En ces lieux, les vêlages sont permanents et c’est la raison pour laquelle des quantités immesurables d’icebergs sont produites.
Nous apercevons l’inlandsis et quelques nunataks qui se retrouvent sur notre chemin de retour, notre poursuite vers le Nord ! Le vent est glaçant, le soleil irradie de ses lueurs les contours et formes des icebergs. C’est un instant suspendu dans le silence, seuls face à l’immensité, seuls face à cette Nature hostile mais demeurant accueillante.
La soirée se finit alors par un récapitulatif sur les oiseaux marins observés ce jour et l’habitat Thuléen observé illustré de photos prises par Jean-Robert et Valentin. De bien belles images pour pouvoir s’endormir nous promettant de beaux rêves frigorifiques et mystiques.
Nous avons atteint en ce jour le Cap York ou Innaanganeq de son nom groenlandais, à près de 76° de latitude nord. Nous sommes arrivés tout au nord de la baie de Melville que nous parcourons depuis 2 jours. A l’Est de ce cap, une île porte le nom de Météorite Island et une autre île et son village celui de Savissivik signifiant « lieu du fer météoritique » en groenlandais. Ces appellations sont sans équivoque : une météorite a marqué l’histoire de cette région.
Les Inuits y exploitaient en effet une « montagne de fer » depuis des siècles pour confectionner des outils… jusqu’à ce que l’ambitieux explorateur américain Robert Peary connu pour ses expéditions à travers le Groenland entre 1886 et 1892 et à destination du pôle Nord entre 1893 et 1909 jeta son dévolu sur la météorite dite du Cap York après l’échec de sa première expédition vers le pôle Nord, par appât du gain et pour son prestige scientifique.
Dans la matinée, nous partons à terre en plusieurs groupes selon les niveaux des marcheurs. Les plus courageux partent à l’assaut du Cap York à 500 m d’altitude pour y admirer le monument en l’honneur de Robert Peary. Ce ne sont pas moins de 4 h de marche aller-retour qui sont nécessaires pour parcourir un terrain escarpé, le long d’un glacier et sa bédière (rivière de fonte en surface de glacier), puis sur une crête qui nous a offert des points de vue époustouflants sur les montagnes, glaciers, icebergs, calotte et banquise alentours.
Très peu de voyageurs arpentent cet endroit, c’est avec un esprit d’aventuriers et un sentiment d’explorateurs que nous avançons non sans mal en ces terres isolées de tout. L’arrivée au monument de Peary nous laisse bouche bée… il est gigantesque. Il s’élève à 19m de haut, et d’immenses lettres « P » en marbre sont apposées sur deux faces angulaires indiquant le nord : P pour Peary et P pour pôle Nord.
Les marcheurs restés en bas ont exploré le glacier et ses environs, certains sont partis en croisière zodiac. Des centaines de mergules nains, une espèce inféodée à l’Arctique de la famille des Alcidés (pingouins) ont été observés en mer et dans plusieurs colonies le long de la côte.
L’après-midi, une sortie à terre a été retardée par l’apparition soudaine d’un ours polaire à la nage devant le zodiac de Nicolas. Ce jeune ours mâle d’environ 3-4 ans nous a fait son show. En effet, il est sorti de l’eau, s’est ébroué, puis a pris la pause longuement devant nos yeux ébahis, l’air aussi étonné que nous. Nous l’avons rapidement laissé tranquille et repartir sur les hauteurs des falaises.
Nous avons poursuivi notre croisière en zodiac et observé à nouveau des mergules nains, mais aussi des bernaches du Canada, des goélands bourgmestres et des eiders à duvet. Un lièvre arctique a également été aperçu. Au cours de cette balade en mer, nous découvrons des restes d’habitations thuléennes. Une sortie à terre rapide et très encadrée nous permet de visiter ce site vieux d’environ 300 ans. Christiane nous en dit plus sur l’habitat thuléen, avec le visuel c’est encore mieux !
Nous retrouvons l’Ocean Nova après cette journée tellement riche en découverte : le Cap York et son héritage incroyable, cet ours polaire « surprise » que personne n’attendait, des mergules nains à profusion et des ruines thuléennes si passionnantes. Un concentrat de Groenland qui marquera les esprits, c’est sûr !
Avant le dîner, Fabrice nous parle de cette algue qui colore les névés en rose : Chlamydomonas nivalis et de l’incroyable tardigrade, cet être vivant indestructible habitant des glaces. Frédéric nous présente les bernaches du Canada et les mergules nains. Enfin, Jean-Robert nous montre un court film d’images de drone résumant en musique cette magnifique journée.
En soirée, Fabrice relate les aventures rocambolesques de Peary, le premier homme à avoir atteint officiellement le pôle Nord, et surtout le devenir plutôt déconcertant de « sa » météorite. Bernard complète cette présentation par l’histoire de la construction du monument de Peary en 1932 sous l’impulsion de sa fille Marie Ahnighito. On apprend que tout le ciment utilisé a été transporté au sommet du Cap York en chiens de traineaux et que les pierres utilisées ont été prélevées et taillées sur place.
Nous nous couchons bien fatigués mais tellement heureux de cette journée que nous garderons sans doute longtemps en tête.
Nous nous réveillons ce matin alors que l’Ocean Nova entre dans la baie de l’Étoile Polaire. Nous laissons à tribord les constructions de la base aérienne américaine de Thulé (récemment renommée base spatiale de Pituffik), tandis qu’à bâbord se dresse le cône tronqué du mont Dundas, dont la silhouette caractéristique nous servira d’amer pendant toute la journée. Une fois de plus, la chance nous sourit : le vent est nul et le ciel entièrement dégagé !
Après le petit-déjeuner, nous embarquons en zodiac pour une rapide traversée de la baie, et nous débarquons sur une petite plage de gravier à proximité d’une maison rouge devant laquelle flotte le drapeau groenlandais. Menés par nos guides, nous partons alors pour une déambulation au milieu des bâtiments abandonnés. Christiane et François, nos spécialistes de l’Avanersuaq, le pays des Inughuit, nous expliquent l’histoire récente du lieu, du comptoir commercial de Thulé créé par Knud Rasmussen en 1910 jusqu’à l’expulsion des habitants en 1953 après la construction de la base américaine voisine.
Les maisons vides et ouvertes à tous les vents donnent au site d’Uummannaq-Dundas un air de ville fantôme. Nous suivons une piste jusqu’à une stèle qui porte en danois et en groenlandais une inscription en hommage à Knud Rasmussen. Tout autour, la toundra se colore des mille nuances de la flore locale : vert des feuilles de saules nains, blanc de leurs chatons et des linaigrettes, violet des fleurs d’épilobe, jaune des pavots arctiques. Entre les pierres, des lièvres arctiques s’activent, parfois à quelques mètres de nous seulement !
Nous poursuivons notre exploration vers les premières constructions américaines et visitons notamment une centrale électrique désertée. Quelques rares objets, inutiles ou trop lourds pour être transportés, ont survécu au passage des ans : deux groupes électrogènes avec un catalogue de pièces détachées, une machine à laver, une vieille pompe à essence… Quelques bâtiments ont échappé à la désaffection générale, probablement entretenus et utilisés par le personnel de la base comme lieu de villégiature, à quelques kilomètres seulement des baraquements militaires. Un groupe de bernaches du Canada en formation de vol traverse le ciel sur fond de calotte glaciaire.
Plus loin, un rectangle grillagé abrite le cimetière local au pied du mont Dundas. Ici, sous ces tombes en sandwich entre le ciel et l’eau, reposent les habitants de Thulé morts entre 1910 et 1953. Leurs descendants, exilés à Qaanaaq ou dans les environs, viennent encore honorer leurs ancêtres et continuent régulièrement d’entretenir les sépultures et à repeindre les croix.
Le lieu offre une vue imprenable sur la baie dans laquelle dérivent des icebergs vêlés du glacier voisin et sur la mer, la mer, toujours recommencée ! Tout près, un grand corbeau survole la falaise dans ses allers-retours, poussant de temps en temps un croassement sonore.
Plus loin encore, nous observons les restes des habitations thuléennes dans lesquelles séjournaient les Inughuit avant 1910. Après les explications de Christiane, nous reconnaissons maintenant sans peine les épais murs de tourbe et le bas tunnel d’entrée destiné à piéger le froid. Après cette longue marche, il est temps de revenir vers le site de débarquement. Le policier danois local venu nous accueillir et nous vendre quelques souvenirs locaux nous a également ouvert le petit musée. Installé dans l’ancienne maison de Peter Freuchen, il présente une série de photos d’époque illustrant les fameuses « expéditions de Thulé », initiées au début du XXe siècle par Knud Rasmussen, et auxquelles l’ancien propriétaire des lieux a également pris part.
Il est temps de revenir à bord pour déjeuner, et l’Ocean Nova appareille aussitôt vers notre prochaine destination, toujours plus au nord, laissant derrière nous le mont Dundas ainsi que la base de Thulé, ses avions et ses hélicoptères. Dans l’après-midi, François nous raconte l’hivernage en 1849 du navire North Star, prisonnier des glaces dans la baie de Pituffik à laquelle il allait léguer le nom actuel d’Étoile Polaire. Christiane nous raconte ensuite la légende inuit de Sedna, déesse de la mer, maîtresse des animaux marins et donc pourvoyeuse de nourriture, que les hommes devaient apaiser pour bénéficier d’une chasse abondante.
Un peu plus loin sur la côte, nous marquons un arrêt devant la silhouette impressionnante du rocher Fitz Clarence, situé à l’entrée de la baie de Booth. Nos guides partent en reconnaissance, mais la côte rocheuse ne se prête pas à un éventuel débarquement. Dans le même temps, le vent ayant fraîchi et la mer s’étant formée, notre chef d’expédition Jonathan renonce à l’idée de nous faire découvrir la baie depuis nos zodiacs. Non sans quelques regrets, nous reprenons la route du nord en tournant le dos à ces falaises sur lesquelles Frédéric, notre ornithologue, pensait avoir aperçu une aire de faucons gerfauts…
Avant le dîner vient l’heure des traditionnels récaps : Fabrice nous parle du lièvre arctique que nous avons eu la chance d’observer, tandis que Bernard nous détaille « l’incident de Thulé », un crash aérien survenu en 1968 au cours duquel un bombardier américain porteur de quatre bombes nucléaires s’est écrasé sur la banquise à quelques kilomètres seulement de la base aérienne. Puis Jonathan et Christiane nous détaillent le programme de demain, qui nous permettra de découvrir le village de Qaanaaq, la nouvelle Thulé, où les habitants d’Uummannaq furent déportés en 1953. Pour finir de nous immerger dans l’ambiance de l’Avanersuaq, le film de Jean Malaurie « les derniers rois de Thulé » nous est présenté, et nous partons avec lui en traîneau à chiens pour une session glaciale de chasse au morse, avant de regagner le confort de nos cabines…
Cette journée est placée sous le signe du vent et de l’une des communautés traditionnelles les plus septentrionales du monde et de la banquise.
Le petit-déjeuner est programmé plus tôt que d’habitude, à 7h30, pour avoir plus de temps pour visiter Qaanaaq, la « ville » la plus nordique du Groenland. Ville, car cette communauté d’environ 700 âmes, que l’on nommerait village en France, abrite un hôpital, un collège qui scolarise les enfants jusqu’à 16 ans et des services municipaux, sans oublier le supermarché Pilersuisoq. Cette chaîne constituée de 68 magasins couvrant tout le pays appartient au gouvernement groenlandais. Elle est le fruit d’une longue histoire commencée en 1774. Tous ces services desservent un réseau d’une demi-douzaine de hameaux situés entre la baie de Melville au sud et le détroit de Nares au nord, et qui comptent chacun quelques dizaines d’habitants tout au plus. D’ailleurs, ces hameaux se dépeuplent petit à petit au profit de la « bourgade » centre.
Le débarquement est prévu à 8h30, mais la marée très basse et le vent assez fort, environ 30 nœuds ou 50 km/h, le rendent plus sportif, humide et lent que d’habitude depuis le début de ce voyage.
Une fois à terre, nous nous divisons en quatre petits groupes pour mieux profiter du riche programme qui nous a été préparé :
À la maison des femmes, nous admirons une large gamme de vêtements traditionnels en peau de phoque, d’ours, de renne et de bœuf musqué, qui sont toujours utilisés en hiver pour la chasse. Nous pouvons les toucher et même les essayer : c’est ce qu’a fait notre chef d’exposition Jonathan, qui a enfilé une magnifique culotte en fourrure d’ours.
Le petit, mais très riche musée est situé dans la maison que Knud Rasmussen fit construire à Thulé (où nous étions hier) vers 1926 sur les rivages de la baie de l’Étoile, surplombée par le mont Dundas. Le comptoir de Thulé fut fondé en 1910 par Knud Rasmussen et Peter Freuchen, proche du village inuit d’Uummannaq. Il céda ce bâtiment en bois à la communauté pour y ouvrir une école. En 1980, il fut démonté pour être rebâti à Qaanaaq pour ce musée qui illustre merveilleusement la culture et l’histoire locale.
À la salle polyvalente, nous écoutons le récit d’une chasse au narval, ensuite le chant du tambour traditionnel d’un couple marié puis nous déambulons devant les tables sur lesquelles les habitants exposent leurs œuvres et les plats avec du narval qu’ils ont préparé pour nous et que nous sommes nombreux à goûter.
La matinée passe vite et malgré la chaleur de cet accueil, nous pouvons seulement entre-apercevoir la richesse de la vie de cette communauté. Heureusement, Christiane qui fréquente cet extrême nord du Groenland et ses habitants depuis plus de 20 ans, est là pour partager avec nous toutes ses connaissances et ainsi prolonger et compléter ce beau moment d’échange ; l’Ocean Nova n’est que le quatrième navire à visiter ces lieux mythiques cette année.
Dès notre retour sur le bateau, nous mettons le cap vers l’ouest et le hameau de Siorapaluk. Le vent souffle toujours, mais le ciel est dégagé et les paysages sont magnifiques. Mais voici que bientôt, notre route est barrée par de larges plaques de banquise, dont certaines sont très épaisses : c’est de la banquise pluriannuelle et nous pouvons y débarquer en toute sécurité. Le cadre est de toute beauté, nous sommes dans le Murchison Sund entre le « continent » groenlandais et l’île Herbert où l’on aperçoit le hameau abandonné de Qeqertarssuaq.
Le vent souffle toujours, mais cette expérience de banquise entourés de montagnes, de calottes et de glaciers, est tellement saisissante avec la brève visite d’un petit phoque annelé, ces vols incessants de mergules, le premier survol d’une mouette ivoire et le bleu pâle extraordinaire des mares de fonte, que nous restons plus d’une heure en contemplation… Nous sommes tous conscients du privilège que nous avons d’être ici et c’est un bonheur.
Nous sommes aussi heureux de retrouver la chaleur à bord de l’Ocean Nova. On nous annonce que nous allons contourner les îles Herbert et Kiatak et la banquise pour tenter de rejoindre Siorapaluk pendant notre sommeil, mais qu’au large, pour la première fois depuis le début de la croisière, la houle s’est formée avec ce fort coup de vent venu du Sud. Heureusement, nous serons bien au chaud dans nos lits douillets, bercés par la houle à rêver encore de cette belle journée…
Ce matin, nous nous réveillons après une nuit légèrement houleuse, annoncée par notre équipe d’expédition la veille, une houle discrète de 2 à 3 mètres.
C’est dans une ambiance fantomatique que nous pénétrons dans la banquise : elle est lâche, nous y voyons des trous d’eau libre (polynies), des crêtes de compression. C’est un thermomètre à 4 degrés qui nous donne le ton de cette matinée, puis les degrés baissent proportionnellement à la luminosité qui augmente.
Le paysage est une aquarelle de bleus, blancs, gris et nous avons la chance de voir des phoques pointer le bout de leur museau à côté des glaces.
Quelle pourrait être la conférence la plus adaptée à cet univers ? Fabrice nous présente donc la glace dans tous ses états. Instructive, elle revêt aussi des notes gourmandes, la glace peut être de crêpe, pancake, il n’est pourtant pas encore l’heure d’aller manger ! Il évoque également les narvals, bélugas et baleines franches que nous pouvons trouver en ces lieux. Il poursuit ensuite avec l’expédition Fram de Nansen (entre 1893 et 1896), en nous montrant le trajet et sa dérive, mêlant ainsi l’Histoire à la glaciologie.
Pendant ce temps notre équipe d’expédition est « sur le pont » depuis le matin, scrutant en passerelle sans relâche, avec pour objectif de trouver de la faune dans cette peinture polaire énigmatique.
Le bateau se fraie un chemin humblement dans la banquise disloquée, mergules en famille, fulmars rasants la surface, guillemots de Brünnich apparaissent et disparaissent suite à notre passage. Nous naviguons à travers un rêve monochromatique.
Un mini quizz nous est proposé pour tester nos connaissances à l’issue de cette conférence passionnante, mais aussi préoccupante, car les thèmes du climat, de la géopolitique ont été abordés. Preuve que plus que jamais, la conscience est de mise : nous devons être les ambassadeurs de notre merveilleuse planète.
Nous nous dirigeons ensuite vers notre déjeuner, copieux, varié comme à son habitude.
Quelques instants plus tard et plus au Nord encore, nous débutons les visites passerelle tant attendues. Ainsi, le cerveau du bateau nous est dévoilé, comme la salle des machines en serait le cœur. Notre guide Fred nous dévoile tous ses secrets et différents groupes se présentent à lui.
Nous sommes coupés dans notre activité, en effet, nous serons proches d’Etah à 15h30. Ni une, ni deux, nous voilà habillés, prêts à affronter une bruine qui ne nous décourage pas : c’est aussi ça, une expédition polaire. Au plus proche des illustres explorateurs, nous avons hâte de sortir et d’en apprendre toujours plus sur ce qui nous entoure.
Le Groenland est décidément fantastique ! Etah, proche du Cap Alexander, était le site d’arrivée des migrants venant du Canada, au Groenland, il y a déjà 5000 ans de ça : nous prenons nos fidèles zodiacs et partons explorer. Nous croisons le chemin d’oies des neiges qui prennent leur envol, d’un phoque barbu et annelé qui viennent faire des pirouettes autour de nos bateaux. Nous ne savons plus où donner de la tête !
La décision est prise de débarquer sur le site d’Etah et de ses cabanes. Sur le chemin, nous rencontrons un lièvre arctique, des goélands bourgmestres, des eiders à duvet et quelques guillemots. Nous atteignons un lac surplombant la baie avec quelques carcasses de bœufs musqués, des crânes de morse, nous permettant à l’aide des connaissances de nos guides de mieux les analyser. Nous finissons par rebrousser chemin, ravis et hâtifs de venir nous réchauffer avec une bonne soupe et de bons mets.
Vient ensuite notre récapitulation journalière animée par Christiane et la légende d’Anoritooq, les explications de Jonathan sur le programme du jour et du lendemain. Il est l’heure d’aller enfin se coucher, le réveil sera très tôt demain matin !
Les craintes d’hier se sont dissipées avec les nuages. Les lumières, ce matin, sont encore plus belles. Les côtes de l’île Ellesmere sont éclairées par un soleil levant qui ne s’est pas couché. Il est encore tôt lorsque les premiers d’entre nous, chaudement habillés (il fait deux degrés sur le pont), sortent un long moment pour admirer tous les icebergs éparpillés dans le détroit de Smith.
Derrière nous, du côté canadien, se trouvent le cap Herschel et l’île Pim, et face à nous, le cap Inglefield. Que de noms évocateurs ! Notre destination, c’est bien sûr Anoritoq, dont Christiane nous a expliqué la légende hier soir. Nous avons hâte d’être devant cette pierre mythique.
Pas de vent, une mer d’huile. Après le petit déjeuner, les zodiacs sont rapidement mis à l’eau et, après de nombreux zigzags entre bourguignons et icebergs, nous pouvons débarquer sans problème.
Un groupe part avec Fabrice et Hélène pour une marche jusqu’à la crête qui domine la baie, tandis qu’un autre groupe part à la recherche de la fameuse pierre. Les autres, sous la conduite et les commentaires de Christiane, admirent les maisons thuléennes en os de baleine et en tourbe, superbement conservées. Quand ces maisons et la pierre ont été vues et admirées par tous, il faut songer à regagner le navire qui a disparu dans la brume.
Heureusement, Jonathan a les coordonnées GPS de la dernière position de l’Ocean Nova et peut guider les zodiacs jusqu’à la porte de coupée.
Il est temps d’aller déjeuner après avoir enlevé nos bottes et notre gilet de sauvetage.
À 14 heures, commence la visite de la passerelle jusqu’à 15 heures pour ceux qui se sont inscrits (4 par 4).
La conférence sur William Baffin qui devait suivre est retardée. Un ours est aperçu sur une plaque de banquise. Il est à l’affût devant un aglu (prononcer aglou, c’est-à-dire un trou de respiration d’un phoque).
Une fois l’ours admiré à l’œil nu ou aux jumelles, photographié avec un smartphone ou un reflex prolongé d’un objectif de grande focale, filmé à partir du pont 4 ou d’un drone, le bateau reprend sa route et François reprend sa conférence. En 1616, c’est Baffin qui nomma, en l’honneur des commanditaires de l’expédition, l’île Wolstenholme, le cap Dudley Digges, le détroit de Jones et le fameux détroit de Lancaster, point de départ du passage du Nord-Ouest.
Après la conférence, grâce à la bienveillance du commandant, les visites de la passerelle reprennent avec Nicolas, qui explique discrètement l’usage des instruments de navigation dans ce lieu où les conversations feutrées sont de rigueur.
À 18h45, c’est l’heure rituelle de la « récap ». Fabrice nous présente les photographies des fleurs arctiques aperçues lors de la marche qui a traversé un véritable jardin botanique : saxifrages, silènes, pavots, épilobes, etc. Ensuite, le montage vidéo réalisé par Jean-Robert, mêlant icebergs, maisons thuléennes et, bien sûr, l’ours, est chaudement applaudi. Et avant que Jonathan ne nous présente le programme de demain avec les cartes de vent et de glace, c’est Christiane qui nous expose l’évolution géopolitique des territoires de chasse des Inughuit.
Après un dîner toujours autant apprécié, c’est le moment de remonter au salon d’observation, où les lumières douces d’un crépuscule qui ne finit pas nous amènent à revivre tous les instants de cette extraordinaire et unique journée. Aujourd’hui, nous étions les seuls, sur cette côte ouest, à plus de 78° Nord.
Nous sommes le mardi 22 août. Dans la nuit, d’épaisses plaques de banquise ont obligé le bateau à changer son cap et à délaisser, à regret, notre destination initialement prévue : Siorapaluk, petit village inuit cher au cœur de Christiane et François. Notre route se poursuit donc vers le Sud, cap vers la baie de Barden. Ce matin, la température est de 2 degrés. Nous sommes dans le brouillard et naviguons dans une ambiance fantomatique. Nous pensons aux fortes chaleurs que subissent nos familles en France, en Suisse et ailleurs sur le continent européen.
Après un copieux petit-déjeuner, nous assistons à une conférence sur « L’ours polaire dans tous ses états », donnée par Fabrice. Sa manière d’aborder un contenu riche et scientifique avec humour contribue à nous faire passer une excellente matinée. Nous avons particulièrement apprécié l’analyse qu’il a pu partager de l’observation de l’ours rencontré la veille. Pour cela, il a utilisé des photos prises à ce moment-là et nous a montré son pinceau décoloré, confirmant que cet ours était bien une femelle.
Nous approchons des côtes, le temps est pluvieux et toujours couvert. Les guides, à la recherche de bœufs musqués, sont en veille pendant le repas, car nous approchons de la côte. Nous voilà dans la baie de Barden. Notre chef d’expédition et son équipe partent en repérage de la zone. L’Ocean Nova étant situé en plein milieu de la baie, nous pouvons les observer aller d’un bord à l’autre, à la recherche du meilleur programme à nous proposer.
Par chance, le temps est en train de s’améliorer. La pluie cesse et la brume se dissipe. Alors que certains d’entre nous préfèrent rester à bord, la majorité sort. Nous entamons une croisière en zodiac dans une eau rougeâtre riche en oxyde de fer, provenant des sédiments côtiers, apportés par l’écoulement des nombreuses ravines autour de nous. Nous assistons à un magnifique spectacle avec un arc-en-ciel très lumineux qui nous éblouit de ses couleurs vives. Soudain, un phoque barbu sort sa tête de l’eau et rend ce moment encore plus extraordinaire.
Quel bel endroit ; les paysages sont variés et colorés. Nous naviguons en zodiac le long de ravines bordées d’un nuancier de pierres vertes et rosées, observant des langues de glaciers morts, puis enchaînons sur des zones d’éboulis agrémentées de névés. Les oiseaux sont nombreux dans le secteur, notamment des eiders à tête grise, dont certains mâles sont en plumage d’éclipse.
Nous poursuivons notre chemin et entrons dans une zone de confluence de courants. D’un côté, l’eau est de couleur rouille, de l’autre, nous retrouvons le bleu. On a l’impression, avec le mouvement des vagues, que l’eau couleur rouille grignote petit à petit l’eau bleue. C’est impressionnant ! En rejoignant l’autre rive, faite d’un plateau recouvert de toundra, nous croisons sur notre route des icebergs.
Les eaux semblent riches à cet endroit, vu le nombre de mouettes tridactyles. Face à nous, sur la toundra, se trouvent des maisons thuléennes et le remarquable rocher à viande de Natsilivik. Ce site a été habité jusqu’en 1927. Alors qu’un groupe débarque à terre à deux reprises, un autre poursuit la croisière en zodiac.
Après le repas du soir, nous profitons d’un dernier moment ensemble avec le récapitulatif quotidien, durant lequel Jonathan nous informe de l’état de la mer à venir, annonçant une forte houle et un peu de vent. L’Ocean Nova commence à se balancer de sa proue à sa poupe. Les fulmars, oiseaux du vent, nous accompagnent. Personne ne tarde à aller se coucher ; nous nous laissons emporter par la houle qui danse et s’élance…
Vent et houle de face, l’Ocean Nova a dû réduire son allure cette nuit. Nous approchons seulement du cap York lorsque la voix de notre directrice de croisière, Sarah, nous appelle pour le petit-déjeuner. Nous avons donc pris du retard sur le programme prévisionnel de la journée et notre chef d’expédition, Jonathan, s’adapte aussitôt en réorganisant les activités.
En début de matinée, Christiane nous réunit au salon d’observation pour nous présenter les relations entre les chasseurs Inughuit et leurs chiens. Malgré la modernisation, ces animaux restent indispensables au maintien d’un mode de vie traditionnel : sans eux, pas de déplacements en traîneau sur la banquise pour les grandes chasses de l’hiver ! Plus tard, nous continuons en petits groupes à venir visiter la passerelle, véritable centre de commandement du navire.
Après le déjeuner, nous voici enfin devant l’île Météorite, au niveau du petit village de Savissivik, « l’endroit où l’on trouve du fer » en groenlandais. Ces noms nous rappellent que c’est ici qu’a atterri le plus gros fragment de la météorite du cap York, longtemps source de métal pour les populations locales. Malgré le vent, la pluie et les vagues, nos guides repèrent un site où le débarquement semble possible, sur une petite plage de galets. La majorité d’entre nous s’équipe, et la bonne coordination entre nos pilotes de zodiacs et l’équipe déjà à terre permet une arrivée réussie malgré des conditions houleuses.
Nous découvrons le village de Savissivik et ses 50 habitants ; quelques-uns sont de sortie et nous saluent d’un sourire. Dans ce village, l’une des principales activités est la chasse à l’ours. Sur la cinquantaine de résidents, une dizaine chasse le célèbre plantigrade.
Nous suivons Christiane, qui connaît l’endroit, et nous oriente à travers les chemins praticables : constitués de planches de bois pour ne pas marcher dans la toundra très humide. Nous longeons la plage de galets, découvrons des peaux d’ours en train de sécher ainsi que les chiens Groenlandais évoqués ce matin même.
Nous les caressons avant d’entrer dans une maison ouverte par les habitants pour nous proposer quelques articles locaux. La pluie est présente depuis notre arrivée ; il est temps de rebrousser chemin.
De retour à bord, nous nous séchons puis nous réchauffons autour de boissons chaudes, tandis que Fred et François nous projettent différentes cartes du Groenland, nous permettant de retracer en détail l’itinéraire que nous avons parcouru jusqu’à maintenant, mais aussi de visualiser la perception qu’avaient les géographes des régions arctiques il y a quelques siècles, entre terres nouvellement découvertes et îles imaginaires…
Avant le dîner vient l’heure du récapitulatif quotidien : Fabrice nous narre un conte expliquant les couleurs du grand corbeau et de la chouette harfang, tandis que Christiane nous donne de nombreuses informations sur les sites de peuplement de l’Avanersuaq, selon les époques et les saisons, ainsi que sur les itinéraires qui les relient. Après le repas, vient l’heure de la séance ciné, avec le premier grand classique arctique « Nanook l’Esquimau », un film montrant la rude vie d’une famille Inuit canadienne dans les années 1920… Après cette projection, nous retrouvons avec d’autant plus de plaisir le confort de nos cabines !
Nous sommes réveillés par Sarah et la lecture d’un extrait de « De Pierre et d’Os » de Bérengère Cournut.
Ce jeudi est une journée de navigation pure : et oui, toutes les bonnes choses ont une fin (et les mauvaises aussi, heureusement). La date du retour vers la France approche et nous devons mettre le cap vers le sud pour atteindre le fond du fjord de Kangerlussuaq le 28, d’où notre vol vers Reykjavik partira.
Après 14 jours de mer remarquablement calme, nous sommes bercés toute la journée par une belle houle ample qui atteint parfois près de trois mètres de creux. Heureusement, ces 14 jours d’amarinage en douceur permettent à la quasi-totalité des passagers d’échapper au mal de mer.
C’est donc une journée pour trier les photos, compléter les journaux de bord et les carnets de voyage, et même pour certains, peindre des aquarelles. Ce repos est le bienvenu et il nous permet aussi d’écouter le riche programme de conférences et une lecture qui débute dès 9h30 par un exposé sur les animaux et le froid par Fabrice, suivi de Bernard qui nous a fait une magnifique lecture d’un des racontars arctiques de Jorn Riel (qui nous a tristement quittés le 18 août).
Jorn est un écrivain danois qui a vécu 16 ans au Groenland. Enfin, François nous a présenté une liste de lectures groenlandaises pour poursuivre le voyage dès notre retour sur la terre ferme.
En début d’après-midi, Christiane nous a proposé un résumé de la carrière d’ethnologue de Jean Malaurie au Groenland. Celui-ci aura bientôt 101 ans. À 16h30, Jean Robert et Nicolas nous ont exposé l’importance des courants marins pour l’un et les grands principes du fonctionnement météorologique mondial pour l’autre.
Lors de cette journée houleuse, nous avons heureusement eu la visite de nos fidèles Fulmars, venus accompagner le bateau de leur vol élégant et léger, mais aussi quelques vols d’Eiders en migration vers le sud.
À 18h45, comme à son habitude, arrive le traditionnel récapitulatif avec Bernard qui nous a parlé des « maux des marins » et de ses agréables participants que sont la syphilis, le scorbut et le bien nommé mal de mer (la suite sera pour demain avec « les mots des marins » par Nicolas). Ensuite, Christiane nous a donné sa propre liste de lecture pour le Groenland, suivie d’un conte groenlandais dont elle a le secret.
Pour finir, Jonathan a évoqué le programme de demain : nous nous rapprochons des côtes pour débarquer à Uummannaq (étymologiquement, le cœur).
Nous nous apprêtons à être bercés par les flots, en attente d’une merveilleuse journée à venir.
Nuit de folie sur l’Ocean Nova: du cavalement, du pilonnement, de l’embardée, du lacet, du roulis, du tangage ! Mais moelleusement lovés dans nos bannettes, ce ne sont pas 3 mètres de houle qui allaient nous empêcher de dormir. D’autant que comme prévu, la mer se calma pour le petit déjeuner, et que la matinée se prêtait au repos musculaire.
Nous étions ainsi tout ouïe pour la conférence de Christiane: de l’imaginaire sauvage à la reconstruction identitaire, nous présentant habilement l’Histoire de l’ethnologie par le regard évolutif de cette science sur la société Inuit, du MET à l’université de NUUK (ou comment expliquer simplement des choses compliquées).
Un peu plus tard, François nous fit la joie de partager sa passion des cartes, histoire de la géographie et histoires de géographes, centrée sur Thulé la mystérieuse, les hyperboréens et les hypothèses du pôle.
Le délicieux déjeuner nous fit patienter jusqu’à notre arrivée devant UUMMANNAQ, village-île sous sa formidable montagne évoquant la forme d’un cœur.
Un port rempli de bateaux et de glaçons, un cargo rouillé qui s’en va, 1400 habitants, un Pilersuisoq, un bureau de poste, quelques stands installés à la hâte pour notre arrivée et nos 67 passagers qui débarquent.
Visite du musée local (vêtements anciens de peau de phoques et d’oiseaux, souvenirs des baleiniers, de la mine de marbre) et de l’époustouflante exposition de Rockwell KENT sur les paysages du Groenland, visite d’une cabane traditionnelle couverte de tourbe stabilisée par des pierres, découverte de la maison de Jean MALAURIE et de la seule église en pierre de l’Ouest Groenland.
Une autre surprise nous attendait à quelques kilomètres de là, que les plus courageux franchirent à pied, qui par la montagne et son lac, qui par le bord de mer et ses roches: le château du père Noël ! Il s’agit d’une maison de tourbe et de pierres, très bien entretenue, qui a servi à tourner une série télévisée danoise ! Ce qui explique la présence d’une boîte aux lettres géante du père Noël que nous avons remarquée dans le village.
Pendant notre périple, l’Ocean Nova s’était déplacé, et une rapide rotation de Zodiacs nous ramenait rapidement à bord, où nous attendait le traditionnel barbecue sur les ponts extérieurs, baignés d’un soleil déclinant mais chaleureux, au milieu des falaises et des icebergs.
Cela ne suffisait sans doute pas à nos guides, qui nous réunirent une dernière fois au salon panoramique, où Nicolas nous détailla l’origine des mots arctiques, alors que Françoise, passagère habile nous expliquait sa passion de la marqueterie appliquée à la reprise des illustrations du livre de Paul Émile VICTOR: APOUTSIAK, le petit flocon de neige.
Jonathan, notre chef d’expédition, nous annonçait enfin le programme du lendemain, ou comment poursuivre la croisière en échappant au mauvais temps.
En ce 26 août, nous sommes toujours sur le retour. La météo et surtout la houle s’annoncent difficiles, descendus à 69°59N, Jonathan décide de redescendre rapidement en une journée de navigation continue afin de nous mettre à l’abri dans le fjord de Kangerlussuaq. Nous longeons l’île de Disko dans la matinée. La mer est calme, le ciel partiellement couvert. Il fait 7°C. Certains passagers levés tôt ont été salués par un parhélie.
En route, plusieurs conférences sont proposées par les guides. François se lance en premier avec l’histoire de l’explorateur anglais Martin Frobisher. Ses voyages entre 1576 et 1578 en Arctique, au Groenland sont notamment détaillés. Les péripéties de ses découvertes de ces terres glaciales et de ses rencontres avec les Inuit nous plongent dans un univers que nous commençons à bien comprendre après deux semaines passées sous les mêmes latitudes.
En fin de matinée, Frédéric nous fait une causerie à la connotation mythologique. Il évoque les dieux grecs et les constellations avec en filigrane les mondes polaires, le tout teinté d’explications scientifiques. Bien entendu, les oiseaux ne sont pas en reste !
Après le déjeuner, Christiane nous parle de la légende groenlandaise à l’origine du narval, cet étrange animal, inféodé aux glaces et doté d’une très longue défense. Chaque étape de cette légende est porteuse d’un savoir et d’une tradition chez les Inuit. Fabrice complète ses propos en décrivant les fonctions biologiques de cette longue dent arborée seulement par les mâles et à laquelle on a depuis toujours attribué des fonctions erronées. Il nous apprend notamment que cette défense existait déjà chez un animal fossile au Miocène Supérieur : l’Odobenocetops.
La croisière touchant à sa fin, il est temps de vérifier si tout ce qui a été expliqué par les guides au cours de cet exceptionnel voyage a été retenu par les passagers ! C’est par le biais d’un quizz que nous testons nos connaissances, dans une ambiance studieuse mais toujours avec bonne humeur. Les élèves ont tous brillamment réussi, démontrant leur intérêt et leur assiduité aux conférences de nos guides experts et pédagogues. Après le traditionnel « récap » de la journée suivi de la présentation du programme du lendemain par Jonathan, un reportage « Under the pole » nous fait découvrir la vie sous-marine de la région, notamment le mystérieux requin du Groenland.
Déjà deux journées de mer agitée, Sarah nous annonce une température extérieure de 8°c et un vent de 30 nœuds agrémenté d’une citation littéraire, encore. Les vents, gonflant la mer qui vient se fracasser sur les hublots de l’Ocean Nova. Nous sommes encore plus conscients de la puissance de cette Nature souveraine et reconnaissants de toutes ces journées de beau temps dont nous avons bénéficié.
La nuit a été pour nous très mouvementée, la matinée aussi, nous poursuivons notre route vers le sud en espérant que les vagues se calment et nous laissent un peu de répit pour profiter de notre dernière journée à bord. Nous allons heureusement bénéficier d’une instructive conférence présentée par Christiane sur les plats traditionnels des Inuits et les habitudes alimentaires (comment ils sont préparés, les ingrédients utilisés, la base de l’alimentation au Groenland tels que phoques, mergules, narvals et ours). Une causerie fort intéressante qui nous met déjà en appétit !
S’ensuit une conférence alimentée par une vidéo présentée par Jean-Robert dans un autre registre, telle que la mythique patrouille Sirius et les techniques danoises pour progresser en hiver sur la banquise avec les traîneaux à chien. Quelle vie ils avaient ! Rude autant que palpitante
Puis enfin, la tempête et la météo se calment en rentrant dans le fjord de Kangerlussuaq dans l’après-midi, une quiétude retrouvée…
Nous profitons d’une baie abritée et très sauvage pour effectuer la dernière sortie à terre de la croisière. Divisée en trois niveaux de marche.
C’est un ancien cirque glaciaire en haut duquel, à plus de 300 m d’altitude, subsiste un lac alimenté par un glacier dont les sommets de 100 mètres qui l’entourent sont saupoudrés de neige, univers féérique malgré la pluie qui vient nous cueillir.
La végétation de toundra et de tourbe est très riche et abondante. Ici les saules nains commencent à s’élever et on y retrouve toutes sortes de lichens et de tourbe.
Nous y trouvons également une présence animale avec des laissées de renard et d’oies et un bois de caribou.
Le lieu est très humide avec des torrents et cascades qui descendent du lac par un barrage de moraine très raide.
Nous rentrons finalement à bord, tandis que d’autres restés à bord ont pu profiter d’un court film présenté par Christiane et Sarah. Il est enfin temps d’entamer nos adieux, aujourd’hui était l’anniversaire de notre guide Nicolas pour lequel une chanson et un gâteau ont été préparés au cours de ce dernier dîner. Les bons plats de l’équipage vont nous manquer… Yamila, l’hotel manager nous fait les présentations de toute son équipe de bord, présentant un à un les membres du bateau et les remerciant de leur implication.
C’est dans une ambiance conviviale et joyeuse que se termine le repas, secondé par le pot du capitaine au salon panoramique avec une présentation faite par Fabrice de l’équipe, un diaporama des moments forts présenté par Hélène par photos et chronologie. Nous sommes encore à bord mais tout à un goût de « dernière fois », nous pensons déjà au retour quand le bateau pénètre doucement dans le fjord de Kangerlussuaq… Dernière nuit à bord, en rêvant qui sait d’un retour prochain sur ce navire qui fut notre maison pendant près de trois semaines.
Un réveil bien matinal vient nous sortir de nos bannettes ce matin, il s’agira de la dernière annonce de notre directrice de croisière. Doucement, nos valises prêtes, nous nous réveillons non plus bercés par les flots mais avec déjà un pied sur terre…
Il est l’heure de se rendre au petit-déjeuner, gourmand, copieux, le plaisir de pouvoir encore ce matin profiter d’une délicate entrée en matière pour la journée qui s’annonce encore longue pour nous.
Nous récupérons nos passeports, enregistrons nos valises et faisons nos adieux au bateau et à l’équipage. Certains membres de l’équipe d’expédition restent à bord, nous leur faisons nos au revoirs.
Deux équipes se forment, les suisses repartent avec Christiane par une étape à Copenhague dans la matinée, tandis que le groupe de français repart avec Hélène, Fred, Fabrice et Sarah pour un vol vers Reykjavik en fin de journée.
Nous nous dirigeons par bus vers notre excursion à terre du jour en direction du Glacier Russel, une excursion qui durera quelques heures avec un pique-nique au pied d’un glacier spectaculaire, encore une démonstration de la toute puissance des glaces : souveraine en ces lieux. Quelques mètres plus loin, se trouve une rivière qui nous offre encore une fois une démonstration de force. Nous sommes en proie à un vent suffisamment fort pour empêcher certains avions de décoller, après quelques photographies nous rebroussons chemin vers nos jeeps pour poursuivre le chemin. Des boissons chaudes telles que thé, chocolat chaud et même quelques cookies viennent réchauffer nos coeurs et nos mains !
Nous avons la chance de croiser alors nos premiers rennes, qui paissent, marchent, se taquinent avec leurs bois et pour finir…
Le clou du spectacle de ce voyage déjà fort en émotions et observations : les fameux bœufs musqués (ovibos moschatus) ou en anglais « muskox » tant attendus ! Cet animal presque préhistorique fait partie de la famille des chèvres et des moutons, de couleur brun foncé avec un dos parsemé et plus clair. Il en impose autant par sa posture que par l’attente générée durant ces quelques jours de voyage de pouvoir enfin le rencontrer, impatients que nous étions de le découvrir de nos propres yeux.
Quel animal puissant, nous les retrouvons en groupe avec quelques petits, silencieux pour ne pas les effrayer et ravis de clôturer cette expédition par cette ultime rencontre Groenlandaise. Il est déjà l’heure de repartir, notre avion nous attend dans quelques heures.
Dernières salutations à Kangerlussuaq, le temps d’acheter encore quelques souvenirs et nous embarquons alors pour Reykjavik où nous passerons la nuit avant de rentrer à Paris.
Le soleil n’est pas encore levé quand nous partons de notre hôtel à Reykjavik sur la pointe des pieds, en direction de l’aéroport pour prendre le dernier avion qui nous ramènera en France.
Nous arrivons à l’aéroport et profitons d’un magnifique lever de soleil, ponctuant avec un peu de poésie ce voyage aux mille couleurs, nuances et lumières. Quelques heures plus tard, nous voici arrivés à Paris ;
Déjà bien loin de cette parenthèse enchantée qu’il nous a été permis de vivre. Nous y repensons au moment de se quitter. Heureux d’avoir vécu, vu, ressenti tout ce que notre équipe d’expédition a organisé pour nous.
Cette expérience nous a réunis, c’est un lien tissé entre le Groenland et nous, souvenir que nous conserverons pour toujours dans nos esprits. Comme l’a dit Jonathan lors de son discours d’au-revoir « nous sommes des constructeurs de souvenirs ». Le pari est gagné.
» Nous découvrons ensemble, avec la même joie, le même émerveillement, le tout nouveau manteau de neige. Désormais, le jour naît de la terre. La faible clarté du ciel est généreusement reflétée par une infinité de cristaux. La neige tombée durant la nuit est si légère qu’elle semble respirer comme un énorme ours blanc.
Suivez nos voyages en cours, grâce aux carnets de voyages rédigés par nos guides.
Messages
Un bonjour à Sarah et à Jean Robert et Fabrice (connus en croisière Svalbard du 20 au 29 juillet 2022 )
Je vous souhaite une très belle expédition et faites nous rêver comme à chaque compte rendu de voyage .
Bonjour à tous, n’ayant pu joindre votre croisière pour raison de santé, je suis votre progression avec grand plaisir par le biais de votre carnet de voyage.
Bonne route
Bonjour à Josette et Luc.
Je viens de lire le compte rendu de la croisière. C est super. Bonne suite à ce voyage
Je vous suis avec émerveillement ! Gros bisous à Alice, Catherine et Nicolas.
Pour Isabelle et Daniel Pergoud.(CH) Nos pensées chaudes et chaleureuses vous accompagnent sur cette expédition Groenlandaise. On vous souhaite de magnifiques rencontres animalières et humaines et on a hâte de vous entendre nous raconter…bisous
Nous poursuivons, à travers les images et les commentaires actuels, notre voyage exploratoire tout juste achevé avec Jonathan, son équipe et Isabelle.
Belle exploration à tous ! 🇬🇱🇩🇰
Michel
Un grand bonjour scéen à nos amis du groupe des bonnets bleus. A ce qu’on peut lire de vos aventures, le salon panoramique et son bar ne sont pas de trop pour vous remettre de vos émotions. On pense bien à vous et on attend la suite du journal avec impatience.
Nous en avons parlé de ce voyage… ce spectacle du Grand Nord touche au sublime.
C’est un plaisir de vous suivre au travers des carnets de voyage
Belles découvertes à venir… Biz à vous deux
Bonjour à Brigitte et Élyane
Nous vous suivons même au-delà des 78°Nord
Les compte-rendus nous réjouissent, d’escale en escale nous partageons votre voyage et ses découvertes
Croiserez-vous un narval ?
Bises et que l’aventure continue
Merci pour les récits de vos journées détaillées et si riches d’aventures. On vient de parcourir encore un peu de chemin avec vous, on essaie d’imaginer ces paysages que l’on ne connait pas (encore…)et on vous voit très bien sur l’Océan Nova, ses ponts, ses salons et ses buffets garnis sans oublier les descentes et remontées acrobatiques du zodiac à terre ! Il vous reste encore de longues et belles journées pour profiter de toutes ces beautés que ces régions polaires nous offrent encore.
Bisous à Isabelle et Daniel P
Merci de prolonger la magie du premier voyage Pics et Glaciers .
On a l’impression d’y être encore un peu avec des étoiles plein les yeux 🤩
Le grand Nord a l’air d’être très sauvage après la majesté de la baie de Disko..
L’envoutement n’a pas fini d’opérer .
Bonne continuation à toute l’équipe de Jonathan.
Coucou à Josette et Luc !
Quel plaisir de suivre votre « expédition »
Merci pour ce partage. Bisous